Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Partie 1)
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Suite)
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Fin)

La dernière partie de l’ouvrage concernant « le statut moral » des entités naturelles est décevante tant les partis pris de l’A. s’y manifestent. Elle cherche à montrer qu’accorder une «considérabilité» morale aux végétaux se fait au détriment de celle des animaux, voire aurait même pour but de l’ôter aux animaux alors qu’il n’y a pas lieu d’avoir des devoirs moraux directs vis-à-vis des végétaux et d’en faire des sujets de droit.
 
Le chapitre initial de cette partie débute par la tentative de relativiser la répugnance que l’on a face à un chantier d’une coupe rase en la comparant avec l’abatage de bestiaux dans un abattoir. Alors que ce faisant elle joue les animaux de boucherie contre les autres formes de vie, elle reproche aux défenseurs des « droits de la nature » et aux écologistes de « jouer les arbres contre les êtres doués d’une vie psychique individuée » ; ce reproche montrant d’ailleurs qu’elle mésinterprète – volontairement ? – les éthiques biocentristes ou écocentristes.
 
Le chapitre continue par une interprétation biaisée des écrits et déclarations de Levi Strauss pour essayer de réduire ses positions sur les « êtres vivants » à des positions sur les animaux et à tout le moins attribuer un privilège à ces derniers, réduire son biocentrisme à un zoocentrisme.


Toujours dans ce chapitre, l’A. utilise une remarque de F. Hallé à des fins qui ne sont pas celles de ce dernier. F. Hallé observe que l’on peut manger des turions d’asperges sauvages à l’huile d’olive, une tarte aux pommes arrosées « avec un verre de Pic Saint Loup » sans que cela tue les plantes en cause alors que ce n’est pas le cas si le menu comprend une entrecôte, un foie de veau ou un filet de hareng (19). Il illustre ainsi d’une façon plaisante et parlante la résilience des plantes due à leur « décentralisation ». Les plantes sont beaucoup plus résilientes et bien moins fragiles que les animaux. Mais cela n’a rien à voir avec le fait que lorsqu’elles meurent, c’est pour elles tout aussi définitif que pour un animal. La différence est entre un organisme centralisé et un autre qui est modulaire et décentralisé, ce qui le rend plus difficile à tuer. Il ne s’agit pas de différence entre un temps non vécu de la vie végétale et un temps vécu avec son « corollaire » « l’expérience de la mort » de la vie animale « qui englobe ici la vie humaine puisque, sur ce plan en tout cas, il y a égalité des conditions » (p. 139) Non, il n’y pas égalité des conditions. F. Burgat assortit son instrumentalisation de cette citation d’une contrevérité car l’animal n’anticipe ni la douleur, ni la mort. Les animaux n’ont pas conscience qu’ils sont mortels. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne défendent pas leur vie.  
 
Les chapitres suivants ne sont guère plus convaincants avec des citations utilisées de telle sorte qu’elles conduisent de nouveau à attribuer aux auteurs cités des thèses qui ne sont pas leurs. Le cas le plus frappant est l’utilisation que l’A. fait d’un texte tiré du livre de Jean-Yves Goffi  Le philosophe et ses animaux. Du statut éthique de l’animal(20) Une assez longue citation est nécessaire pour bien percevoir la manœuvre. « L’absurdité de l’application rigoureuse d’une éthique qui se déplace du pathocentrisme (la capacité à éprouver des souffrances confère ipso facto des droits particuliers et forts) vers le biocentrisme (les espèces et les écosystèmes sont moralement considérables) n’a guère besoin d’être longuement explicitée. Jean-Yves Goffi la relève à propos de «  l’éthique de la terre » d’Aldo Leopold. Celle-ci inclut dans la communauté morale « les sols, les eaux, les plantes et les animaux, ou collectivement : la terre ». Or, note Jean-Yves Goffi, les idéaux d’égalité qui animent les mouvements de libération des esclaves, des femmes, des minorités devraient logiquement se retrouver à propos des sols, des eaux et des plantes promus dans cette éthique. Si celle-ci n’est pas une coquille vide, ses principes doivent s’incarner. La visée de toute éthique n’est-elle pas pratique ? On peine ici à se représenter « ce que pourrait être, concrètement, la mise en œuvre du slogan ‘liberté et égalité pour les sols, pour les eaux et pour les plantes » et Jean-Yves Goffi ajoute que, conformément à l’exigence de leur éthique, « les partisans de l’émancipation animale considèrent de façon unanime qu’une alimentation végétarienne est obligatoire si l’on veut donner une forme concrète à ses convictions : « s’il faut émanciper aussi les plantes et les eaux, faudra-t-il renoncer à boire de l’eau et à manger des légumes ? Aldo Leopold n’avait pas ces scrupules, lui qui était chasseur et même titulaire de la chaire de gestion du gibier à l’université du Wiscontin » (p. 155 – 157).
 
 Tel que présenté par l’A., on a l’impression que Jean-Yves Goffi procède dans ce texte  à une reductio ad absurdum des éthiques biocentristes et écocentristes. En fait, il n’en est rien. Si l’on replace ce texte dans le contexte qui est le sien, il s’agit pour Jean-Yves Goffi de mettre en évidence que les éthiques de « la libration animale » et celles de « la terre » (écocentrisme) qui pourraient paraître proches ne le sont pas et sont même antagonistes, l’élargissement de la communauté morale aux plantes, aux sols et aux eaux est une absurdité étant donnée la façon dont il est conçu dans le cadre d’une éthique de la libération animale et inversement cette libération est une absurdité dans le cadre d’une éthique de la terre.
 
 

La façon dont l’A. analyse le rapport de la « Commission fédérale suisse d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain » (p. 174 – 176) en est elle aussi révélatrice. S’il est vrai qu’une partie des membres de la commission considère qu’il n’y a pas d’indices probants de l’existence d’une forme de vie intérieure chez les végétaux, cela ne signifie pas pour autant qu’ils considèrent que cela est exclu même si ces végétaux n’ont pas stricto sensu « un vécu de conscience », ils peuvent avoir un « vécu », en tout cas une intériorité. D’où : « La majorité des membres de la Commission n’exclut pas l’idée que les plantes soient dotées de sensibilité et considère cette affirmation comme moralement déterminante. Au sein de la majorité, un groupe minoritaire estime que les plantes sont vraisemblablement dotées de sensibilité. Une autre minorité part du principe que les plantes remplissent les conditions nécessaires à l’attribution d’une sensibilité et que celle-ci est moralement déterminante. » (21) Donc dans le doute et logiquement, contrairement à ce que laisse entendre F. Burgat « Propriété absolue sur les végétaux: sur ce point également, la majorité des membres refuse, pour des raisons morales, l’idée d’une propriété absolue sur les plantes, qu’il s’agisse d’une collectivité végétale, d’une espèce ou d’un individu. Selon cette position, personne n’est en droit de disposer des végétaux selon son bon plaisir. » (22) Cela revient de ce point de vue à mettre sur un pied d’égalité plantes et animaux et  cela ne convient pas à Florence Burgat comme ne lui convient pas le biocentrisme de la commission. La conclusion du rapport selon laquelle les plantes doivent être respectées en raison de leur valeur morale ne fait nullement son affaire. Pas de « devoir direct » envers les plantes et donc pas de droits, tel est son crédo.
 
Plutôt que de continuer à analyser le détail de cette partie, il me paraît plus intéressant de se demander pourquoi cette obstination à ne pas accepter que l’on puisse avoir des devoirs directs envers les membres du règne végétal. Les éthiques de la nature, objet de sa vindicte, ne refusent pas la sensibilité ou l’intelligence aux animaux. En fait, le problème ne se pose pas du tout en ces termes parce qu’elles ne sont pas pathocentristes(23).
 
Citons l’auteure : « L’impossibilité de protéger de nos actes destructeurs les végétaux – ne constituent-ils pas la base de l’alimentation de la plupart des êtres vivants ? – alors qu’ils sont pourtant sensibles et intelligents équivaudrait à une autre prétendue impossibilité, celle d’abattre massivement les animaux, qui sont eux sensibles et intelligents, pour une boucherie de gourmandise ». On se débarrasserait ainsi « du poids, de la culpabilité et de la responsabilité, de la violence, de nos rapports avec les animaux et cette épargne n’a pas de prix » (p. 174 – 175, souligné par l’auteure). On remarquera tout d’abord que le passage en incise révèle le fond de la pensée de l’auteure : elle ne considère pas les végétaux comme des êtres vivants. Sinon, elle ne pourrait affirmer cette énormité : les plantes sont à la base de la nourriture de la plupart des êtres vivants ! Car, enfin, les végétaux sont aussi des êtres vivants et peut-être même en constituent-ils la partie la plus importante. Pourtant, s’il arrive à certains d’en parasiter d’autres, ils sont pour l’essentiel autotrophes !
 
Est-ce par gourmandise que l’immense majorité des humains mangent de la viande ? Aimer manger de la viande, ce n’est pas de la gourmandise, ce sont les raffinements culinaires qui peuvent passer pour tels et d’ailleurs lorsqu’on dit de quelqu’un qu’il est gourmand, on pense plutôt à sa propension à se gaver de desserts et autres friandises plutôt que de viande. La viande n’est pas une friandise pour les humains ; pour les chiens peut-être encore que le mien adorait le chocolat !
 
Comme je l’ai dit en début de cette critique, ce sont les végans qui s’imaginent que ceux qui mangent de la viande se sentent coupables de le faire. Non, ils suivent leur nature d’omnivore sans se poser de problèmes. En fait le succès des ouvrages et articles qui rapportent les découvertes actuelles sur les végétaux s’expliquent pour une part parce qu’elles sont assez inattendues, donc objet de surprise et de curiosité. Il vient aussi de ce qu’il semble en consonance avec ce besoin de renouer avec une chose devenue rare et du coup précieuse, une nature le moins anthropisé  possible.
 
En fait le problème d’une sensibilité et intelligence végétale pour un végan est bien plus grave. Il rend sa morale inopérante. Le principe d’égalité de traitement est un principe moral universel, guère contestable. En tout cas il est un des  fondements du pathocentrisme et de l’antispécisme en général et de celui de l’A. qui s’efforce de nous faire admettre qu’humain et animaux sont existentiellement semblables. S’il faut reconnaître que les plantes sont conscientes et sensibles, l’injonction végane qui ordonne au nom de la morale de ne pas utiliser de produits animaux vaut aussi pour les végétaux.
 
Comme le dit si bien l’A. elle-même, une éthique « ne veut pas demeurer une coquille vide, ses principes doivent s’incarner. La visée de toute éthique n’est-elle pas pratique ? » Or, il est évident que pour les humains et les espèces du « règne animal » se nourrir ni de produits animaux, ni végétaux n’est pas possible. Donc l’éthique animale végane est une coquille vide. Il y a fort à parier que plus les connaissances sur les végétaux progresseront et plus la morale végane zoocentriste devra remettre en cause le principe d’égalité qui garantit à une éthique individualiste son universalité et devra faire preuve de favoritisme, un favoritisme en faveur des animaux qui éclate à toutes les pages de ce livre. Telle est, selon nous, la raison profonde de cet acharnement à rétablir une différence ontologique entre les deux règnes, à ce refus de voir dans les plantes des êtres sensibles, dotés d’une conscience de leur corps, c’est-à-dire d’un « corps propre » pour reprendre une terminologie phénoménologique chère à l’A.(24)
 
Plus qu’un nouveau contre-feu à la cause animale qu’il s’agit d’éteindre, c’est l’éthique végane qu’il s’agit de préserver et d’immuniser contre les découvertes de la biologie végétale. Et c’est pour cela que les adeptes du véganisme et du zoocentrisme ne veulent pas voir la plante toute neuve que cette discipline découvre. La « vérité phénoménologique » qu’y oppose l’auteure se résume à n’être rien d’autre qu'un déni de réalité et un parti-pris conduisant à une forme d'obscurantisme.
 
Voici donc un ouvrage dont on peut s’éviter la lecture sauf si l’on s’intéresse à l’idéologie végane. Cette (trop) longue critique sera alors nécessaire pour éviter au lecteur de s’y perdre.

Notes

[19] F. Burgat transcrit  de façon erronée le propos de F. Hallé. La tarte aux pommes qu’il prend comme exemple devient tarte aux pommes de terre dans le texte rapporté par F. Burgat. Ce serait un mauvais exemple comme tout le monde peut en convenir : la pomme de terre mangée ne se développera pas en un nouveau plan. Elle aura disparu définitivement. 
 
[20] Ce livre paru en 1994 est aujourd’hui malheureusement introuvable sauf d’occasion, à un prix rédhibitoire de 375€. Je l’avais payé à l’époque 170 Francs, soit environ 26 €. C’est dommage car c’est un ouvrage remarquable. Comme indiqué dans la quatrième de couverture « le but de ce livre est de clarifier le débat contemporain (…) suscité autour des « droits de l’animal », en poursuivant un triple objectif : exposer les arguments des philosophes (essentiellement de langue anglaise) qui prônent la libération animale et la défense des « intérêts » des animaux. Montrer ensuite le prolongement de ces analyses à des questions dites d’ « éthique de l’environnement ». Enfin, rappeler que les discussions de ces questions mortelles ne se comprennent qu’à la lumière de théories méta-éthiques élaborées, comme le prescriptivisme de R. M. Hare, l’intuitionnisme de G. E. Moore ou le subjectivisme de D. Hume. L’objectif de l’ouvrage est d’éviter les outrances et les caricatures des « amis des animaux » comme de leurs adversaires. » Buts et objectifs sont parfaitement remplis. Evidemment il faudrait aujourd’hui ajouter des compléments car depuis la date de parution de l’ouvrage des courants de pensée comme l’écoféminisme, les éthiques du care, etc. sont apparus. Le véganisme et l’antispécisme ont conquis des positions de pouvoir universitaire, dans les pays anglo-saxons et maintenant en France et dans les pays latins. Mais cela n’ôte en rien à l’intérêt de cet ouvrage. Au contraire ! Les textes qu’analyse dans cet ouvrage J. Y. Goffi sous-tendent les débats plus récents. Les protagonistes de ces débats soit les reprennent, les prolongent et les enrichissent, soit considèrent qu’il faut les rectifier, soit encore qu’ils sont à rejeter ou du moins qu’il faut s’en détacher.
[21] La dignité de la créature dans le règne végétal. La question du respect des plantes au nom de leur valeur morale, Commission fédérale suisse d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain  Berne, 2008, p. 16. Ce texte permet de saisir les différentes options qui s’affrontent sur cette question et les courants éthiques auxquels elles se rattachent qui sont clairement définis. Il est curieux que n’ait pas été envisagé et discuté le point de vue écocentrique. Un bel effort d’objectivité et de clarification accessible en ligne : https://www.ekah.admin.ch/inhalte/_migrated/content_uploads/f-Broschure-Wurde-Pflanze-2008.pdf
[22] p. 20. Le rapport précise  qu’«une minorité est d’avis que l’utilisation des plantes ne peut pas être limitée dès lors qu’elles sont la propriété de quelqu’un. » (p. 20) Les divergences persistantes entre les membres de cette commission sur ces questions qui sont donc rapportées. Remarquons qu’il en va de même sur ce point pour les animaux.
 
[23] « Pathocentrisme: cette position est axée sur la sensibilité. Les organismes vivants comptent au nom de leur valeur morale dès lors qu’ils sont dotés de sensibilité et peuvent donc ressentir quelque chose comme « bien » ou « mal » » (La dignité …, o. c., p. 13). Cette définition est parmi les plus claires de cette position qui est celle de l’A.
 
[24] D’ailleurs cette universalité l’éthique végane ne peut la revendiquer  car une telle éthique n’est praticable que dans les pays occidentaux développés depuis la fabrication à échelle industrielle de la vitamine B12.

 

Dimanche 21 Juin 2020 Commentaires (0)

La question du rôle joué par la pollution aux particules fines dans la propagation du virus Covid 19 est controversée. Mais le débat prend parfois d'étranges formes. Un exemple en est donné par un article de Cathy Clerbaux paru sur le site "The conversation" rejetant comme non scientifique une étude émanant de la Société de médecine environnementale italienne et des universités de Bologne et Bari et signée par 12 chercheurs. On peut s'interroger sur les motifs de cet avis de non-recevoir. Il faut une certaine naïveté pour croire que celui-ci n'est que volonté de défendre une science authentique.


Une version adoucie et abrégée de cet article a d'abord été proposée comme commentaire sous l'article paru sur le site de The conversation intitulé "Pourquoi on ne peut pas affirmer que « la pollution transporte le coronavirus »"  de Cathy Clerbaux, directrice de recherche au CNRS, laboratoire LATMOS, Institut Pierre Simon Laplace, Sorbonne Université.  Jugée sans doute trop longue, elle a été censurée. J'ai alors proposé un commentaire beaucoup plus court qui en est un résumé. Il a été publié. J'ai cependant jugé utile de le développer et de l'enrichir. Cela a donné le présent article.

En annexe, afin que le lecteur se fasse une idée par lui-même s'il le désire, on trouvera la traduction en français de l'article des chercheurs italiens que j'ai réalisée ainsi qu'un lien vers l'original auquel on devra se reporter.

L'article de "The conversation" est accessible en suivant ce lien https://theconversation.com/pourquoi-on-ne-peut-pas-affirmer-que-la-pollution-transporte-le-coronavirus-137143#comment_2219167

Il y a deux parties très différentes dans ce texte : une partie didactique sur les particules fines et une critique étrange sur la « note » émanant d’institutions médicales et scientifiques italiennes et signée par des chercheurs renommés.
Contrairement à ce que déclare Mme Cathy Clerbaux ce texte apporte du nouveau et  ne se borne pas à résumer  «  une dizaine d’autres articles qui étudient les corrélations entre les niveaux de particules et occurrences de contaminations à différents virus, comme la rougeole, etc. » Certes, c’est effectivement ce que font les auteurs dans la première partie de leur travail  mais c’est dans le but de montrer que dans l’état des connaissances, il a été établi que les épidémies de la grippe aviaire, du RSV ou de la rougeole sont accélérées et aggravées en présence de pollution aux particules fines qui pourraient être des vecteurs de ces virus et que l’on peut donc raisonnablement suspecter qu’il en va de même pour le Covid-19.
Ensuite par une analyse fine des différences dans le développement  de l’épidémie dans le Nord, à Rome et dans le sud de l’Italie, lors d’épisodes de pollution aux particules fines qui ont sévi dans le Nord mais pas à Rome et dans le Sud, les auteurs de la « note » que Mme Cathy Clerbaux méprise comme non-scientifique réussissent à mettre en évidence le rôle de ces particules comme accélérateur et agent aggravant de l’épidémie.
C’est cette partie de l’article qui est originale. Après l’avoir étudiée, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur les assertions de Mme Cathy Clerbaux. A-t-elle lu cet article en entier ?
 

Pour que cette directrice de recherche du CNRS daigne se pencher et discuter du fond d’un article, il faut que celui-ci est été publié dans une revue de renom selon la procédure coutumière et soit construit selon un plan consacré, faute de quoi d’ailleurs il ne serait effectivement pas publié : standardisation, quand tu nous tiens !  L’article des italiens ne respecte pas la forme canonique de ces articles de revue scientifique, forme qu’elle détaille avec luxe de précisions. Elle ne mentionne portant pas une particularité du texte qui aurait dû attirer ses foudres : il est rédigé en italien et pas en anglais, idiome obligé en la matière comme l’était avant lui le latin ! Elle nous livre aussi avec un luxe de détail le processus de publication de ces revues à comité de lecture, le fameux contrôle par les pairs auquel le texte des chercheurs italiens n’a pas été soumis. Pas d’attente stressante du verdict de l’éditeur de la revue !  La messe est dite. Ce non-respect des procédures et de la forme condamnent cet article selon Mme Cathy Clerbaux, un article qui ne vaudrait même pas la peine que l’on s’y arrête.
Telle est sa critique procédurière et sans intérêt dont les motivations sont obscures. Comme elle travaille sur le même sujet que les chercheurs italiens, on peut penser que son propos qui tente de discréditer leur travail participe de cette lutte au couteau que se livre des groupes de chercheurs concurrents.  En tout cas, son article  ne permettra pas à un lecteur une meilleure appréhension de cette question controversée.
 
Sa critique se résume donc à reprocher à l’étude des chercheurs italiens de n’être pas publiée dans une revue scientifique reconnue. Et alors ? Une critique des faits et arguments qui y sont exposés, voilà qui aurait été plus intéressant que des considérations sur la validation entre pairs qui n’est pas non plus un critère exempt de toute critique et qui, en l’occurrence, n’est ni recherché, ni applicable à ce type de texte qui n’est pas pour autant dénué de toute valeur scientifique et qui doit composer avec l’urgence.  
L’auteure reconnait que le processus de publication d’un article dans une revue dont elle détaille les étapes est long : plusieurs mois. D’ici là, on peut espérer que la pandémie ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
Elle oublie de mentionner que cette « note » est présentée comme un « position paper », c’est-à-dire un document rédigé pour appuyer et justifier les recommandations des institutions desquelles il émane, à savoir dans le cas présent la Société italienne de médecine environnementale, les Universités de Bologne et de Bari. Il est co-signé par 12 chercheurs appartenant à ces institutions. S’il n’est pas « validé » selon la procédure qui parait la seule valable aux yeux de l’auteure, il mérite néanmoins quelque créance puisque l’on peut supposer que les institutions en cause ne s’engagent pas à la légère. Ces recommandations qui concluent l’article valent pour l’épidémie actuelle dans l’immédiat et on comprend aisément qu’elle ne peut être « validée » selon les standards d’une revue scientifique. Mais de là à dire qu’elle est sans valeur et d’un intérêt minime, voire nul, il y a un gouffre que l’auteure franchi allègrement !
Sous couleur de proposer des critères de fiabilité des informations, il s’agit d’un dénigrement qui manque pour le moins de fair-play.
Loin de moi de suggérer que cet article des chercheurs italiens clôt le débat sur la question de savoir si les épisodes de pollution aux particules ont un effet direct ou s’il n’est qu’indirect du fait qu’ils vont rendre plus vulnérables les gens en aggravant des maladies existantes et en rendant moins efficace leur système immunitaire. L’effet de cette pollution aux particules fines pouvant bien entendu être les deux, direct et indirect. Il n’en reste pas moins qu’il est une contribution intéressante et instructive sur le sujet. Il montre que les particules fines sont un cofacteur puissant de la pandémie.
Cela dit il faut noter qu’une étude plus récente des mêmes auteurs met en évidence de l’ARN du COVID 19 sur des particules fines de la région de Bologne. Elle a été publiée en preprint, c’est-à-dire sans avoir été soumise à une revue par des pairs.  
Une autre « étude » menée par des chercheurs de l’université de Harvard va dans le sens de l’étude italienne. Selon cette étude pour toute hausse, modeste, de 1 µg/m3 d’air de la teneur en particules fines PM2,5, le risque de mortalité s’élève de 15%. (Voir l’article du Journal de l’environnement qui donne un lien vers cette étude, http://www.journaldelenvironnement.net/article/les-particules-fines-puissant-cofacteur-du-covid-19,105045) Il s’agit d’un « preprint » que l’auteur principal Xiao Wu, un biostatisticien de cette université, a rendu public sans qu’il soit validé par des pairs. A mettre au panier lui aussi ?
L’auteure insiste sur le fait que corrélation n’est pas cause mais à la lecture de l’article italien, on est vite persuadé que c’est aussi le cas de ses rédacteurs. La mise en évidence d’une corrélation si elle est une condition nécessaire d’une relation causale, elle n’en est pas une condition suffisante. Et  donner des raisons à l’appui de la thèse selon laquelle les particules fines seraient des vecteurs du Cov-19, est l’objectif poursuivi dans cet article.
 
C’est précisément ce qu’ils vont montrer dans la suite de leur article pour ce qui est de l’épidémie actuelle du Covid 19 en Italie.
Que la pollution aux particules fines jouent un rôle dans la façon dont l’épidémie se propage et s’aggrave, les auteurs de la « note » le montrent par la mise en évidence d’une accélération et aggravation de l’épidémie dans le Nord de l’Italie (Lombardie, …) corrélées avec les épisodes d’augmentation de ce type de pollution, alors que cela ne se produit pas dans le sud, ni à Rome qui ne les subissent pas et  bien que dans cette ville comme dans le sud de la péninsule, le virus et l’épidémie soient présents et les contaminations entre individus aussi.
 Ce qui permet de mettre en évidence un rôle vecteur des particules en question.
Cependant les auteurs restent prudents et estiment qu’il faut plus de recherches pour confirmer cela, notamment sur les facteurs d’inactivation du virus. Mais en attendant, ils incitent les autorités à prendre des mesures pour restreindre cette pollution dans le cadre de la lutte contre la pandémie en Italie. Et là était le but de la « note ». S’il avait fallu attendre les procédures de validation complaisamment décrites par Mme. Cathy Clerbaux …
 
D’un point de vue de philosophie des sciences, on ne peut  que constater que les auteurs de l’article que Mme Cathy Clerbaux méprise ont appliqué une démarche rigoureuse en utilisant de façon astucieuse une « logique de la découverte » à la Stuart Mill. Seule certes, elle ne peut avoir valeur de preuve. Il faudrait être assuré en effet, que les épisodes de pollution aux particules fines exceptés, le cas de Rome et celui des provinces du Nord de l’Italie sont semblables relativement au virus. C’est le fameux « toutes choses égales par ailleurs ». D’ailleurs les auteurs en semblent bien conscients d’où leur appel à des études sur les facteurs d’inactivation du virus qui pourraient expliquer les différences mises en évidence dans l’article : « Outre les concentrations de particules atmosphériques, en tant que vecteur du virus, les conditions environnementales de certaines zones territoriales peuvent également avoir influencé son taux d'inactivation. » (Traduction JFD).
Mon propos n’était pas de dire que cet article des chercheurs italiens prouve que les particules fines sont des vecteurs du virus, ce serait aller au-delà de ce que les auteurs eux-mêmes estiment avoir établi. Ils mettent en évidence une forte présomption, en tout cas une présomption suffisante pour justifier leur recommandation de prendre des mesures de réduction de cette pollution dans le cadre de la lutte contre l pandémie actuelle.
En conclusion, je dirai qu’outre l’aspect didactique de la première partie, l’intérêt de cet article de The Conversation est de montrer que la controverse nécessaire à l’avancement des sciences n’est pas toujours exempte de mauvaise foi mais pour cela il faut avoir lu l’article des chercheurs italiens !
 

Samedi 9 Mai 2020 Commentaires (0)

David Provost « Vers une gestion antispéciste et utilitariste de nos forêts » Amorce, 16 décembre 2019

Voilà un texte qui semble pour le moins original : un antispéciste qui tente de convaincre les autres antispécistes de la nécessité de la chasse comme d’un moindre mal en l’état actuel de la société pour réguler les populations animales dans les forêts dans l’intérêt des animaux non humains et humains. Pour les animaux non humains, il s’agit de préserver leur milieu de vie et pour les animaux humains la ressource en bois, économiquement et écologiquement indispensable. Pour les uns et les autres préserver les puits de carbone que ces forêts constituent.
Faute de mieux et en attendant une société idéale antispéciste où l’on renoncerait à la chasse comme outil de régulation pour recourir à des méthodes de « stérilisation à grande échelle » à mettre au point, les chasseurs sont donc confortés par cet antispéciste dans le statut qu’ils revendiquent de « premiers écologistes » de France !
Mazette !


À propos d’un article publié dans une revue antispéciste : Vers une gestion antispéciste et utilitariste de nos forêts.
Pour lire l'article :
https://lamorce.co/vers-une-gestion-antispeciste-et-utilitariste-de-nos-forets/


A y regarder de près cependant, cela n’est pas aussi étonnant que l’on pourrait le croire au premier abord. Ce texte se rattache par certaines des idées qu’il développe à un courant de l’antispécisme qui fait florès aux USA, le RWAS (Reducing Wild-Animal Suffering [Pour réduire la souffrance des animaux sauvages]) qui prêche la nécessité d’actions interventionnistes plus ou moins radicales pour artificialiser les écosystèmes naturels (allant jusqu’à leur suppression pure et simple) sur la base de l’hypothèse de « la prédominance de la souffrance ». Selon cette hypothèse à laquelle ce texte fait référence la valeur nette de la vie sauvage – sa valeur positive (le bien-être qu’elle contient) moins sa valeur négative (le mal-être qu’elle contient) – serait négative.[1]
 

Pour bien saisir la portée de cet article et ses objectifs, il faut le contextualiser : il est écrit par un antispéciste [je présume] dans une revue antispéciste à l’intention de lecteurs antispécistes. Il s’agit de faire admettre à ceux-ci qu’est conforme à leur idéologie une gestion productiviste des forêts avec pour corollaire la nécessité d’une régulation des populations d’animaux qui y vivent. Son refus d’accorder même par précaution et au bénéfice du doute aux arbres en particulier et aux plantes en général une forme de « sentience »[2] sous prétexte que cela est controversé parmi les biologistes n’a rien d’étonnant. Que l’attribution d’une telle « sentience » aux insectes soit elle aussi controversée, ainsi qu’il le reconnait, ne l’empêche pas de la leur attribuer, précisément « au bénéfice du doute ». Ce «deux poids, deux mesures» est en parfait accord avec l’idéologie antispéciste et  est admis sans restriction aucune par tous ceux qui se réclament de cette idéologie. En effet les végans les plus rigoristes et les anti-spécistes refusent les produits de la ruche ! Tous considèrent que la « sentience » ne peut que concerner des animaux.
Pour réserver la sentience à ce que l’on appelait le règne animal, l’auteur ne démérite pas dans l’art du « cherry picking » que savent si bien manier les végans et les antispécistes.  Il cite une tribune dont l’auteur principal est un biologiste retraité, opposé depuis le début de l’essor de la neurobilogie végétale. Cet article est paru dans la revue même qui a publié de nombreux articles consacrés à la «neurobiologie végétale ». Pour lui cela est concluant alors que cette tribune a fait dans cette même revue l’objet d’une controverse que l’auteur passe sous silence. C’est d’ailleurs dans cette revue qu’est paru l’un des premiers articles de « neurobiologie végétale »[3]

L’auteur aura d’autant moins de mal à faire admettre cette absences de sensibilité chez les plantes qu’il écrit pour un lectorat déjà convaincu et qu’étendre la sensibilité aux plantes semble sinon contre-intuitif, du moins va à l’encontre de l’opinion la plus communément admise. Pourtant les nouvelles avancées concernant ce sujet amènent à accumuler les preuves d’une sentience chez les plantes de la modeste arabette aux arbres les plus imposants. Si les antispécistes s’arcboutent sur ce refus, c’est qu’il est essentiel pour leur théorie.  Si l’on admet que les plantes sont – ou risque d’être, sentientes, il faut leur accorder le même statut moral qu’ils accordent aux animaux. Et du coup, l’antispécisme est réduit à l’absurde ou bien, il faudra trouver un autre critère que la « sentience » pour séparer les animaux des végétaux et réserver aux premier une considération morale ! Mais dans ce cas, se retournent  contre l’antispécisme tous les arguments que les philosophes antispécistes ont développés pour montrer que la « sentience » est le seul critère valable pour attribuer la «considération morale ». En fait, il est facile de voir que le prétendu antispécisme propose un critère qu’il suppose, sans doute à tort, être coextensif au règne animal, et  qui exclut de la considération morale toutes les autres formes de vie. C’est pourquoi on peut dire qu’il est une sorte de « zoospécisme » !

Quoi qu’il en soit, ce zoospécisme est bien pratique pour faire accepter aux antispécistes les coupes rases et l’artificialisation des forêts considérées comme des forêts de production et réduites à des plantations d’arbres. Et il est bien vrai que pour une morale antispéciste, cela n’a rien de scandaleux.
 

[1] Passons sur le fait qu’il faut supposer que bien-être peut être mesuré et que la grandeur qui est ainsi mesurée est extensive ! une quantité ou une intensité ??? Sinon la précision de la formule et son caractère testable n’est qu’un leurre ! (Qui peut prouver que la copulation d’un lapin de garenne provoque chez lui un bien être supérieur, égal ou inférieur à la souffrance qu’il éprouve lorsqu’il est tué par un renard ? De plus une telle soustraction n’est possible que si les termes sont des choses semblables (les torchons et les serviettes !), le mal être n’est pas un bien être négatif.
 
[2] Les philosophes végans et/ou antispécistes spécifient la « sentience »comme étant la « faculté de sentir, de percevoir une sensation ». En bon français le terme équivalent serait « sentiment » mais dans un de ses sens aujourd’hui peu usité, voire tombé en désuétude.

[3]  Eric D. Brenner, Rainer Stahlberg, Stefano Mancuso, Jorge Vivanco, František Baluška, Elizabeth Van Volkenburgh, « Plant neurobiology: an integrated view of plant signaling », Trends in Plant Science, Volume 11, Issue 8, 2006, Pages 413-419.
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Il est très intéressant de s’attarder sur ce texte et d’en faire la critique car cela permet de mettre en évidence que l’antispécisme accepte et même justifie l’artificialisation de la Nature et donc entre en opposition frontale avec ce que défendent les protecteurs de cette Nature. En effet quelles gestion forestière s’agit-il de faire admettre aux végans antispécistes et pour quelles forêts ? L’auteur ne s’en cache pas : il proclame que la gestion forestière vertueuse et durable est une gestion productiviste à base de coupes rases et de récoltes précoces qui tendent à réduire les forêts à des plantations d’arbres.

Mais de même qu’il est certain qu’un lapin qui mange ses salades n’est pas le bienvenu dans le jardin d’un maraîcher, de même un cerf ou un chevreuil qui broute les jeunes pousses n’est pas le bienvenu dans ces plantations d’arbres que certains s’obstinent à nommer des forêts. Et c’est de ce type de forêts qu’il est question dans ce texte, forêt dans lesquelles il faut « réguler » et « réguler » fortement les populations d’animaux qui seraient susceptibles d’y prospérer trop vigoureusement. Cette régulation est le corollaire indispensable de ce mode de gestion. Et bien entendu, cette régulation pose pour le moins un grave problème aux antispécistes. L’auteur qui est un fervent adepte de ce type de gestion et de forêt va devoir justifier cette régulation. Et là, ce n’est pas comme lorsqu’il s’agissait de montrer que les coupes rases étaient moralement acceptables, il n’est plus en terrain conquis avec ses lecteurs anti-spécistes. D’autant que pour lui, à l’heure actuelle, il n’y a pas d’autres moyens de réguler ces populations animales de façon efficace que – horresco referens !  - la chasse !!!
 
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Pour convaincre ses lecteurs il va employer deux types d’arguments : des arguments tirés d’une morale utilitariste et des arguments de fait. Ces derniers sont pour le moins discutables que l’on soit ou non « antispéciste ».

Tout d’abord, selon les principes utilitaristes que se donne l’auteur, il apparait que le sacrifice d’une ou plusieurs vies est justifié dès lors qu’il permet de maximiser la survie du plus grand nombre. Cela est parfaitement conforme à l’éthique développée par les philosophes référents de l’animalisme, Peter Singer notamment. Partant de cela, l’auteur veut convaincre les lecteurs antispécistes que, en attendant mieux, la chasse est le meilleur outils, bien meilleur que la prédation telle qu’elle joue dans les chaînes trophiques naturelles parce que moins douloureuse. Non seulement cela reste à prouver mais à l’occasion l’auteur se contredit.

Cela reste à prouver : lors d’une chasse, les animaux touchés et blessés ne sont pas toujours tués sur le coup et s’enfuient avec pour destin une plus ou moins longue agonie ou s’ils sont simplement estropiés, ils sont condamnés à une survie brève et misérable. Ce n’est pas pour rien qu’après une battue, les gardes-chasse  recherchent pour l’achever le gibier blessé avec des « chiens de sang ».

L’auteur se contredit. Il commence par expliquer que la venaison, viande qui n’est certes pas éthique, est  pourtant une viande plus « éthique » ou « moins immorale » que la viande des bêtes d’élevage car les animaux sauvages tués à la chassent ont eu une vie meilleure que ces dernières. Supprimer la chasse reviendrait à remplacer de la venaison par de la viande d’élevage moins éthique, dans l’état actuel d’une société spéciste. Mais dans la suite pour éliminer la possibilité d’une régulation naturelle par des prédateurs comme le loup, il s’appuie sur l’hypothèse de la prédominance de la souffrance dans la vie des animaux sauvage. Et donc qu’en fin de compte dans un élevage paysan, l’animal de rapport serait plus heureux que l’animal sauvage ! Par voie de conséquence, la viande d’élevage paysan serait plus éthique que les venaisons.

Pour l’auteur, ce n’est pas seulement du point de vue des intérêts humains qu’il faut maîtriser la taille des populations d’ongulés dans une forêt, c’est dans l’intérêt de ces ongulés eux-mêmes et des autres animaux résidant dans cette forêt : si l’équilibre animal/forêt est rompu, la forêt ne peut plus être régénérée et c’est le milieu de vie des animaux qui est atteint entrainant des famines et les calamités associées. C’est peut-être vrai pour les plantations d’arbres, mais cela l’est beaucoup moins pour les forêts gérées selon des méthodes proches des processus naturels et encore moins pour les forêts laissées en libre évolution.
 
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L’utilitarisme avec ses notions fumeuses de « maximisation des préférences»  considère que l’intérêt bien compris de tous exige en la circonstance que l’on en élimine quelques-uns. Si chacun compte pour un, difficile de décider lesquels seront sacrifiés ! Se pose aussi le problème de déterminer qui est en droit de décider ? Bien entendu et sous-entendu, ceux qui gèrent les forêts, c’est-à-dire des membres de l’espèce humaine ! A force de contorsions, l’antispéciste se mord la queue ; en d’autres termes plus académiques, il se contredit ![1]

L’idée de « chasseurs régulateurs de la faune sauvage » découle en droite ligne des dires des chasseurs eux-mêmes qui cherchent à verdir leur loisir. Mais la prédation naturelle diffère de cette régulation sur un point essentiel : Le loup vise les sujets les plus faibles, le chasseur s’en prend au contraire aux plus vigoureux, par exemple aux mâles qui ont les plus beaux « trophées ». Indirectement le prédateur naturel contribue à la bonne santé des populations de proies, le chasseur ne contribue à rien de tel pour son gibier : il aurait même tendance à avoir l’effet inverse.

Outre l’horrible caractère « holiste » de cette objection aux yeux de l’auteur, il est évident qu’elle ne serait pas recevable pour lui qui ne se soucie pas de la santé des populations animales mais qui cherche simplement à les restreindre pour pouvoir continuer tranquillement sa gestion productiviste qui réduit les forêts à des plantations d’arbres dans lesquelles les animaux quels qu’ils soient ne sont pas les bienvenus ! Il se peut que faute de prédateurs, les populations d’ongulés soient trop importantes dans les forêts mais c’est surtout au regard d’une gestion et d’une exploitation productiviste de la forêt qu’elles sont jugées telles. Il se peut tout autant que ce ne soit pas le cas[2]

En outre contrairement à ce qui est souvent affirmé, (ONF, Chasseurs), la présence de prédateurs n’est pas toujours nécessaire pour la régulation de certaines populations d’ « ongulés », gibier fort prisé des forêts. Les populations de chevreuils montrent une tendance naturelle à l’autorégulation en fonction des ressources disponibles. Par exemple, dans le cas des chevreuils vivant dans l’est du Jütland, une région pauvre en ressources, les chevreuils sont prospères mais peu nombreux. Dans la forêt de Chizé, « forêt mise en Réserve Biologique Intégrale », la population de chevreuils est l’une des populations de grands herbivores en Europe, et la première en France, qui s’est stabilisée naturellement (i.e., présente une croissance annuelle nulle sans prélèvements par l’homme)[3]. Pour les autres populations françaises, on ne saura pas car les grands régulateurs font parler les fusils.

Le cas du canton de Genève en Suisse est intéressant : la chasse y est interdite depuis le 14 mai 1974. En l’absence de prédateurs, ce sont les gardes-faunes qui en font office lorsqu’il s’agit d’opérer le minimum de suppressions jugées nécessaires. Le nombre de tirs de régulation est très faible, en moyenne 20 à 25 en ce qui concerne les chevreuils dont la population est en croissance forte après s’être reconstituée[4].

On remarquera que, autant que la forêt et peut-être plus qu’elle, ce sont les cultures qui sont le plus impactées par la faune sauvage et ce sont presque toujours les dégâts causés à ces cultures qui sont à l’origine des régulations. C’est le cas notamment avec les sangliers qui subissent des tirs de régulation plus nombreux : «Tous les partenaires comprennent l'intérêt de maintenir les effectifs de sangliers (espèce très prolifique) à une densité en rapport avec l'alimentation que peuvent fournir nos forêts (et non notre agriculture !) »[5]. Dans les cas où des régulations sont décidées, étant données les précautions prises et la préparation, il est certain qu’elles sont effectuées  avec le minimum de souffrance pour les individus tués. Les chasseurs dénoncent pourtant ces façons de procéder comme des méthodes de braconniers ne respectant pas l’éthique de la chasse. Ce reproche ne tient pas comme le montre Robert Hainard « S’il faut une éthique pour limiter le chasseur qui tiendrait à tuer le plus possible, lorsqu’il s’agit d’opérer un minimum de suppressions jugées nécessaires, il est normal de le faire par les moyens les plus faciles et les plus économiques » [6] Les victimes des tirs de régulation sont en nombre infime par rapports aux hécatombes permises par les plans de chasse, quelles que soient les espèces ! Mais le reproche essentiel n’est peut-être pas là en ce qui concerne la chasse. Le chasseur est un prédateur en concurrence avec d’autres qui chassent sur les mêmes terrains et qu’il ne supporte pas, les « nuisibles », les « puants », les lynx, les loups…Comme l’écrit Hainard « Ils [les chasseurs] voudraient aménager la nature, favoriser les espèces amusantes à chasser et bonnes à manger » Une forme de régulation tout à fait particulière et fort intéressée ! N’est-ce pas cela qu’un antispéciste devrait condamner : l’aménagement des forêts au seul profit du prédateur humain qui y sévit [7] , [8]  ?
 
Cette alternative à la chasse telle qu’elle est pratiquée dans le Canton de Genève  pour réaliser les régulations estimées nécessaires n’est même pas envisagée dans ce texte et il est assez cocasse qu’un antispéciste reprenne sans examen critique les dires des chasseurs et de l’ONF, les uns pour justifier leur passe-temps, l’autre essentiellement pour justifier une pratique qui lui permet de gagner de l’argent. L’auteur considère cependant que cette régulation par la chasse n’est qu’un pis-aller dans le contexte de la société spéciste actuelle, le moins mauvais choix, la réintroduction de carnivore comme le loup étant le pire.
 
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La chasse comme moyen de réguler les populations d’ongulés en forêt ne peut pas être admise dans une société antispéciste idéale puisque si l’on l’admettait comme éthique, il faudrait admettre au nom du principe d’égalité de traitement les massacres comme moyen de réguler la population humaine mondiale qui est bien trop importante, cette surpopulation portant de graves atteintes au milieu de vie de tous les êtres sentients qui l’habitent. Or il est évident qu’une telle conclusion est inacceptable. Un utilitariste pourrait éviter cette conclusion en distinguant entre « intérêt à ne pas souffrir » et « intérêt à vivre » comme le fait Péter Singer, le pape de la « libération animale ». Pour ce dernier si l’intérêt à ne pas souffrir est le même pour tout être doté d’une « sentience », l’intérêt à vivre des humains est supérieur à celui des animaux ; les hommes étant capables d’avoir des désirs pour l’avenir, ce qui ne serait pas le cas des animaux qui ne vivent qu’au jour le jour[9] . Ce distinguo ainsi spécifié lui permet de justifier bien des choses, notamment de tuer des animaux dès lors que cela peut (ou pourrait) se réaliser sans qu’ils souffrent.

L’auteur de cet article en bon antispéciste végan avance au contraire l’hypothèse d’un égal intérêt à vivre des animaux et des humains. Ce qui lui permet de rendre son utilitarisme parfaitement compatible avec l’antispécisme. Mais rend totalement immorale toute régulation qu’elle soit le fait de chasseurs agissant pour leur plaisir ou de gardes dans le cadre de leur travail.

La solution qui serait utilitariste et antispéciste, donc pleinement morale serait, selon lui, la stérilisation à grande échelle. Mais cette stérilisation à grande échelle appliquée à des humains sans leur demander leur avis reste, elle aussi inacceptable même si elle heurte moins qu’un massacre programmé. Pourquoi serait-elle moralement bonne appliquée aux seuls animaux ? Humains et herbivores ne portent-ils pas atteinte à leur milieu de vie à cause de leur trop grand nombre et leur reproduction inconsidérée ? Pour les hommes, il s’agit de la planète et pour les ongulés, plus modestement des forêts où ils vivent.

Pour sauver la solution qu’il considère  antispéciste, l’auteur va employer un argument formellement identique à celui de P. Singer. Si un humain et un animal ont le même intérêt à vivre, l’intérêt à se reproduire des humains est supérieur à celui des animaux, qui selon l’auteur est très faible donc le principe d’égalité de traitement ne joue pas en ce qui concerne la reproduction. Assez curieusement, l’auteur de cet article estime qu’ « il est probable que les animaux non humains n’éprouvent pas une frustration due à l’impossibilité de se reproduire, du moins pas autant que les humains qui, eux, vivent dans des sociétés où l’idéologie “pro-reproduction” est très marquée ». Les humains seraient conditionnés culturellement et non naturellement à se reproduire … Plus exactement, la frustration induite par le fait de ne pas avoir de descendance serait culturelle. Je n’en sais rien mais je crois qu’il faut être aveugle pour ne pas voir que la reproduction est une des grandes affaires de la vie d’un animal à laquelle il s’emploie en dépensant énormément d’énergie et au risque de sa vie. Il faut donc qu’il y puise ou s’attend à y puiser une grande satisfaction. Pour croire que cela l’indiffère, il faut être aveugle ou aveuglé et n’avoir jamais observé un animal, ne serait-ce qu’un moineau des villes!
 
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L’auteur convoque la lutte contre le réchauffement climatique pour justifier sa conception de la gestion des forêts, de leur exploitation dans le cadre d’une gestion productiviste et de leur défense nécessaire contre la dent des animaux. A tort car les forêts de production soumises à une gestion du type de celle qu’il préconise n’en fera pas des puits de carbone. Non seulement l’exploitation forestière n’est pas en elle-même une composante très importante de la lutte contre l’effet de serre mais si c’est une exploitation productiviste du style de celle retenue par l’auteur, elle peut rendre la forêt émettrice de GES.

L’article de Naudts et al., « Europe's forest management did not mitigate climate warming»[10] montre en se fondant sur plus de deux siècles et demi d’archives concernant les forêts européennes que celles-ci non seulement n’ont pas joué le rôle de puits de carbone que l’on pouvait espérer mais qu’au contraire elles ont participé au changement climatique actuel. Ce ne sont pas les forêts comme telles qui sont en cause mais leur gestion, notamment l’exportation de bois hors de ces forêts, leur exploitation intensive, l’inversion par rapport à l’année initiale (1750) de la proportion entre résineux et feuillus, la mise en exploitation de boisements laissés en libre évolution. Cet article a fait l’effet d’un « pavé  dans la mare » en remettant en cause les idées reçues sur la gestion des forêts européennes tempérées bien que d’autres études plus partielles ou sur des forêts d’un autre continent aient déjà abouti à des conclusions analogues.

La théorie à laquelle semble se référer l’auteur selon laquelle les vieilles forêts auraient un bilan carbone neutre date des années 60. On sait aujourd’hui qu’elle est fausse mais certains s’en servent encore pour freiner la mise en place de protections pour les forêts anciennes et la promotion d’une sylviculture dite « dynamique »

Tout à l’inverse de celle-ci et de l’exploitation productiviste mise en avant dans cet article, une gestion écologique des forêts exploitées se doit pour être efficace en  termes de carbone et de biodiversité  et  de  rentabilité  économique, d’allonger les cycles sylvicoles, d’éviter les coupes rases et de préférer les interventions prudentes et continues, de conserver bois mort et rémanents en forêt, de favoriser le mélange des essences, de privilégier les traitements irréguliers à couvert continu.[11]

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Une stérilisation à grande échelle des animaux devenus indésirables dans une forêt de production silencieuse et totalement artificialisée à coup de coupes rases et de plantations en rang d’oignons, tel est l’idéal à quoi on devrait tendre une gestion antispéciste et utilitariste. Tout le contraire d’une forêt naturelle en libre évolution.

Tous les antispécistes utilitaristes ne seraient sans doute pas d’accord avec la gestion forestière défendues dans cet article. Les arguments avancés à l’appui de cette gestion sont loin d’être convaincant et certains ne le seraient même pas aux yeux d’un antispéciste. Cependant, cet article est instructif en ce qu’il montre que la gestion forestière que l’on peut défendre d’un point de vue antispéciste et utilitariste s’oppose à une gestion écologique. Elle fait bon marché de la naturalité, de la biodiversité que les protecteurs de la nature et certains écologistes défendent et auxquelles ils  sont atttachés tandis qu’il y a des antispécistes qui n’ont aucun souci de cela. Pour eux, au contraire, une artificialisation de la nature est tout à fait souhaitable.

 


[1] D’une façon plus générale, il n’est pas du tout certain que l’utilitarisme, s’il peut être un fondement philosophique au véganisme et aux théories de la libération animale soit parfaitement compatible avec l’antispécisme.

[2] Voir Pierre Rigaux 2019, Pas de fusils dans la Nature, Ch.4 Editions humen Sciences/Humensis, Paris

[3] Anderson, Duncan & Linnell. 1998. The European Roe deer: the biology of success. Scandinavian Univ. Press ; Van Laere & Delorme 2007. Le chevreuil. Belin / Eveil Nature collection. Voir en ligne une présentation des résultats et d’autres références  http://www.cebc.cnrs.fr/Fconservation/chevreuil.htm
 
[4] Cf. République et Canton de Genève |Département du territoire Direction générale de l'agriculture et de la nature 2018,  Gestion des espèces pouvant être chassées* selon la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages Organisation, coût et bilan; Genève 2014-2017  , Annexe 4 . Avec les cultures riveraines, les chevreuils ont découvert un milieu qui leur est favorable et une nourriture abondante. Ceci pourrait expliquer que la population du canton de Genève soit en forte croissance alors que celle de la forêt de Chizé est stationnaire.
Les tirs sont nécessaires surtout pour les sangliers mais les problèmes posés par les sangliers sont les mêmes dans tous les cantons, que la chasse soit autorisée Canton de vaud par ex. ou interdite Canton de Genève.
 
[5] Cf. République et Canton de Genève |Département du territoire Direction générale de l'agriculture et de la nature 2018,  Gestion des espèces pouvant être chassées* selon la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages Organisation, coût et bilan; Genève 2014-2017 , page 6.  Voir aussi les Annexe 3 et 4.
 
[6] Hainard Robert 2003, Mammifères sauvages d’Europe, Quatrième édition revue et augmentée, p. 14 ; Delachaux et Niestlé, Lausanne-Paris.

[7] Les forestiers déplorent les dégâts commis par le cerf  comme les écorçages et les abroutissement. Mais le cerf est aujourd’hui cantonné dans les forêts par la pression humaine et les cultures alors qu’il serait plutôt un animal des paysages ouverts avec des arbres espacés tant il est important pour lui de voir pour sa survie et d’être vu pour sa vie sociale. On peut donc dire, selon Robert Hénard que « en un sens, il ne dégrade pas tant les forêts qu’il les aménage à son usage ». Il ne fait rien d’autre que ce que font les humains en forêt qu’ils soient sylviculteurs ou chasseurs. Et comme il est en forêt chez lui autant que les humains, et même d’avantage, voilà un beau sujet de méditation pour les antispécistes qui seraient tentés de suivre l’auteur de l’article.
 
[8] On remarquera par parenthèse que l’aménagement de la nature par l’homme est à son apogée dans les cultures, là où la naturalité est voisine de zéro. Dans ces cultures les animaux sauvages ne sont pas tolérés et c’est parce qu’ils quittent la forêt pour se nourrir que les chevreuils, les sangliers etc. doivent être « régulés », c’est-à-dire éliminés. Le gentil chevreuil tué par un affreux chasseur scandalise le végan ou l’antispéciste mais sait-il, cet antispéciste, ce végan que même si la chasse était abolie, il faudrait encore tuer des chevreuils et des cerfs pour préserver les cultures de maïs, de soja, les arbres fruitiers, et toutes les cultures nécessaires à un régime végan non spéciste, l’expérience montrant que toutes les méthodes de protection ne suffisent pas toujours, ne sont pas toujours possible à mettre en œuvre et sont souvent mises en échec! Et cela ne s’arrête pas  aux ongulés. Sont aussi sujets actuels ou potentiels à la mitraille dans ce but les lièvres et les lapins, les mustélidés, les rongeurs, les oiseaux comme les corneilles ou les étourneaux, etc.  Manger végétalien, c’est, tout comme les « carnistes » « avoir du sang sur les mains » pour reprendre le titre d’un article de Mike Archer, biologiste australien!  On objectera peut-être que les intentions ne sont pas les mêmes mais du point de vue utilitariste, cela est sans importance, seul le résultat compte.
 
[9] Ce qui est d’ailleurs discutable, au moins pour tous ceux qui font des réserves pour la mauvaise saison. Même si ce souci de l’avenir est génétiquement prédéterminé, il n’en reste pas moins un souci et d’autant plus impérieux à calmer qu’il est « instinctif ». Et que penser du moineau mâle qui construit et décore son nid pour attirer une femelle ? On peut bien dire sans trop faire d’anthropomorphisme qu’il a des projets et des espérances !

[10]Science 05 Feb 2016 : 597-600.
 
[11] Rossi  M.,  André  J.,  Vallauri  D.,  2015.  Le  carbone  forestier en  mouvements. Éléments  de  réflexion  pour  une politique maximisant les atouts du bois. Lyon, Rapport REFORA).
On se rapportera également à un article de Thierry Gauquelin et Wolfgang Cramer  paru sur le site « The Conversation » : « La forêt française et ses sols pour limiter les gaz à effet de serre » en 2018, https://theconversation.com/la-foret-francaise-et-ses-sols-pour-limiter-les-gaz-a-effet-de-serre-96065 T. Gauquelin est Chercheur à l'Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale, Aix-Marseille Université (AMU) ; Wolfgang Cramer est Directeur de Recherche CNRS, Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie marine et continentale (IMBE), il est un des co-auteurs des divers rapport du GIEC et co-fondateur du réseau "Mediterranean Experts on Environmental and Climate Change" (MedECC). Dans cet article, on apprend aussi plusieurs bonnes nouvelles, notamment que la forêt française se porte bien malgré les aléas climatiques et que c’est aussi le cas de la forêt méditerranéenne malgré les incendies, grâce au fort pouvoir de régénération du pin d’Alep qui y a un rôle d’espèce pionnière.
À propos d’un article publié dans une revue antispéciste : Vers une gestion antispéciste et utilitariste de nos forêts.

Jeudi 30 Janvier 2020 Commentaires (4)

Si le nourrissage des oiseaux de jardin en hiver peut leur être d’une aide appréciable surtout en ville ou en campagne dans les secteurs d’agriculture intensive, cela peut aussi avoir des effets néfastes sur eux si celui-ci n’est pas effectué selon les règles. Comme souvent, l’enfer peut être pavé de bonnes intentions : mal fait le nourrissage est la cause de maladies émergentes, notamment chez les espèces granivores.


Lorsqu’un nombre important d’animaux se regroupe sur un même lieu, le risque de transmission de maladie augmente. C’est ainsi que le nourrissage des oiseaux des jardins peut, s’il estmalconduit, contribuer à la dynamique de transmission des maladies entre oiseaux d’une même espèce ou d’espèces différentes.

Un point qu’il faut tout d’abord rappeler et souligner : on ne nourrit les oiseaux qu’en hiver !  Non seulement une fois la mauvaise saison passée il faut il faut les laisser retrouver leur nourriture habituelle et se débrouiller seuls, il en va de leur indépendance, c’est-à-dire leur survie mais de plus certaines maladies particulièrement à risque pour les oiseaux sont hautement saisonnières. Par exemple, le pic d’observation de mortalité des verdiers survient par exemple au printemps. Et les mangeoires, lieu de concentration d’individus favorisent la contamination exactement comme les concentrations de populations humaines dans les villes favorisent le développement d’épidémies.

En hiver par contre, les nourrir, c’est leur donner un précieux coup de main pour surmonter les périodes de froidures au cours desquelles d’ailleurs, ils souffrent moins du froid que la faim.  Encore faut-il le faire correctement !
L’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), le Muséum national d’histoire naturelle, le centre vétérinaire de la faune sauvage et des écosystèmes et les laboratoires vétérinaires départementaux recommandent quelques pratiques simples pour minimiser l’impact du nourrissage sur l’apparition de maladies chez les oiseaux des jardins.
 

Le tableau ci-dessous que je reprends au site Vigie Nature présente les règles qu’il faut impérativement suivre si l’on veut que le nourrissage hivernal des oiseaux leur soit profitable.

 
Nourrir les oiseaux en hiver : Certes, mais le faire correctement pour éviter qu’ils en meurent !

Nourrir les oiseaux en hiver : Certes, mais le faire correctement pour éviter qu’ils en meurent !

Jeudi 23 Janvier 2020 Commentaires (0)

Surtout si vous êtes écolo. Si après avoir lu cet ouvrage vous estimez encore que l’éolien industriel a, en France, un intérêt quelconque d’un point de vue écologique, de deux choses l’une ou vous n’avez pas compris (relisez attentivement l’ouvrage, il n’est pas très long !), ou vous êtes de mauvaise foi (vous avez des intérêts financiers ou autres dans cette industrie ou vous ne voulez pas savoir pour ne pas changer votre programme).


« Le scandale éolien » d’Antoine Waechter : un livre à lire absolument !
On peut discuter des choix de stratégie ou de tactique politique d’Antoine Waechter. Il ne viendrait pourtant à l’idée de personne de contester sa profonde sensibilité écologique et son engagement écologiste. Son livre est un réquisitoire sans concession contre le déploiement de l’éolien industriel en France métropolitaine et une critique radicale des mythes qui l’accompagnent. Non seulement aujourd’hui, en France métropolitaine, il ne sert à rien et notamment pas à limiter les émissions de GES mais de plus son déploiement inconsidéré et incontrôlé est une catastrophe écologique, environnementale, sociétale, sanitaire. Alors que « la multiplication des aérogénérateurs représente la plus vaste opération de démolition du paysage français » non seulement l’Etat ne fait rien mais « il protège les spéculateurs du vent contre les citoyens qu’il est censé protéger » tel est le scandale de l’éolien que cet ouvrage dénonce. Par la suite, j’omettrai l’adjectif « métropolitaine » pour faire court et utiliserai ‘France’ pour une abréviation de ‘France métropolitaine’.
Avec cet ouvrage allant à contre-courant de l’écologiquement-politiquement correct, Antoine Waechter assume d’être traité d’être pro-nucléaire comme il a assumé naguère d’être accusé par les pro-nucléaire d’être un partisan d’un retour à la bougie.
A cela il rétorque que « dans leur démarche, les militants pro-nucléaires et les militants pro-éoliens adhèrent à la même croyance qu’il existe une échappatoire technologique à la finitude du monde » (p. 20). J’aimerai souligner ce passage de l’ouvrage car il témoigne bien du point de vue écologiste adopté dans l’ouvrage. Pour Antoine Waechter, il s’agit de rejeter cette croyance qui conduit à s’en remettre à des « outils monstrueux  que la dimension et le centralisme placent hors du champ de la démocratie citoyenne ». Il a mille fois raison. S’en remettre à de tels outils non « conviviaux» au sens d’Illich est antinomique avec l’écologisme. Mais sa position est qu’en ce qui concerne le nucléaire, nous sommes condamnés, au moins à moyen terme à vivre avec.

Il prend acte de l’incapacité des énergies intermittentes et notamment de l’éolien industriel, les machines actuelles fussent-elles démesurées, à remplacer le nucléaire pour produire de l’électricité en France. L’éolien et le solaire ne pourront pas remplacer le nucléaire, aujourd’hui comme à moyen, voire à long terme à cause de cette intermittence, de la faible intensité énergétique qui oblige à mobiliser de grandes surfaces, de l’impossibilité de piloter la production, de l’impossibilité de la stocker sans pertes excessives.

Il rappelle  l’échec des anti-nucléaires à contrer le programme électronucléaire du gouvernement français à son début dans les années 1970 – 80  et constate l’incapacité actuelle des écologistes partisans de l’éolien industriel d’avoir un discours de vérité sur la nécessaire réduction drastique de nos consommations énergétiques. C’est à cause de cette incapacité même et faute de prendre le risque politique d’un tel discours, que les Verts sont devenus des propagandistes de l’éolien. « Au point de promouvoir la croissance verte, décalcomanie du modèle économique qui nous conduit à l’impasse » (p. 19).

En dehors des difficultés techniques insurmontables qu’il y aurait pour remplacer le nucléaire par l’éolien industriel et le solaire, il y a une autre difficulté à ce remplacement. Cette difficulté est politique : « les rapports de force sont, en France, nettement en faveur de l’atome, résultat des visions convergentes des militaires (la bombe) et des technostructures industrielles » (p. 23). Et cela n’est, pour Waechter, pas prêt de changer : « Les verts ont arraché au candidat Hollande la fermeture de la centrale de Fessenheim (deux réacteurs)… en contrepartie de la mise en service de l’EPR de Flamanville » (P.23)

Mais la sortie du nucléaire n’est pas pour demain : « Qui peut croire que les pouvoirs publics soient prêts à sortir, même progressivement, du nucléaire alors qu’ils investissent plus de 10 milliards d’euros dans un EPR dont la durée de vie est de 60 ans ? » (p. 25)

J’insiste sur ce point car il est très important pour comprendre  la position d’Antoine Waechter, le nucléaire sera, que nous le voulions ou non un composant majeur du mix énergétique français. Il reste pour Waechter un outil « monstrueux que la dimension et le centralisme placent hors du champ de la démocratie citoyenne » (p. 20). Mais il faudra faire avec.

Dans ce contexte, développer d’autres outils tout aussi monstrueux,  les éoliennes industrielles est un non-sens d’un point de vue écologique. L’éolien industriel ne se substituera pas au nucléaire, il sera un complément dans la volonté de produire et de consommer toujours plus d’énergie.

C’est, dénonce Waechter, une escroquerie intellectuelle de « laisser croire que les énergies renouvelables permettent de se dégager à la fois du nucléaire et des énergies fossiles » (p. 26). Pour sortir du nucléaire, il n’y a qu’un moyen : recourir aux énergies fossiles. C’est ce qu’a fait l’Allemagne. Pour Waechter, c’est l’exemple à ne pas suivre : recourir aux éoliennes industrielles, la biomasse et le charbon pour sortir du nucléaire, c’est le faire « au détriment de la lutte contre la dérive du climat, de l’affectation prioritaire des terres agricoles à la production alimentaire et de la protection des paysages » (p. 28).

Donc, en résumé le nucléaire, c’est charybde, en sortir à la manière allemande, c’est scylla et aujourd’hui comme dans un avenir prévisible, il n’y a pas d’autres moyens d’en sortir. En d’autres termes, mieux vaut le nucléaire sans éolien (ou avec très peu selon des conditions très strictes d’implantation) qu’une sortie du nucléaire avec éolien et en recourant au charbon. Pourquoi ? Parce que « le climat est la principale menace » (p. 82) indépendamment des ravages environnementaux des mines de lignites et des pollutions qui résultent  de sa combustion. La production d’électricité par des centrales au charbon est fortement émettrice de CO2 et l’éolien ne peut même pas servir à limiter ces émissions de GES à cause de son intermittence. On comprend pourquoi Waechter a tenu au début de son ouvrage à distinguer « écologiste » et « anti-nucléaire », l’anti-nucléaire étant celui pour qui le refus de l’atome est un principe fondamental, pour Waechter un dogme.  
 
Les écologistes seraient selon Waechter confrontés à un « dilemme tragique : devoir choisir entre le danger de l’atome et la dérive du climat. » Il choisit le danger de l’atome, alors que d’autres ont choisi de « reculer sur le front du climat ». Il y a bien une échappatoire à ce dilemme, c’est « une diminution drastique de la consommation d’énergie » (p. 26). Pas la recherche d’une énergie de substitution. Waechter nous rappelle une notion fondamentale pour les écologistes et bien oubliée par certains, celle de « seuil » : la meilleure énergie est celle qui n’est pas consommée et cela pas seulement parce que cette non consommation se traduit par une économie nette mais parce que, comme le souligne Waechter, au-delà d’un certain SEUIL, « elles (les sortes d’énergie) deviennent toutes pénalisantes pour la nature et le milieu de vie des hommes. Une exploitation excessive de  bois tue la forêt. Une forte consommation d’énergie fossile altère le climat. Le nucléaire est une menace. L’hydraulique rompt la continuité des cours d’eau et en artificialise le fonctionnement. L’éolien industriel abîme les paysages et ajoute une cause de mortalité pour les oiseaux et les chauves-souris… » (p. 79). 

En ce qui concerne la croyance en la substitution de l’éolien au nucléaire ou au fossiles : « l’erreur réside moins dans la possibilité théorique d’une substitution intégrale du renouvelable aux énergies à forte densité que dans l’absence d’une condition fondamentale : il n’y a pas d’échappatoire aux limites sans décroissance significative de la consommation d’énergie » (p. 26). « La réduction de la consommation d’électricité est le seul moyen d’échapper au dilemme du choix entre le nucléaire et le climat » (p.81). C’est donc, vers cette décroissance qu’il faut tendre selon Waechter. Le développement de la voiture électrique est de ce point de vue une solution « idiote ». Une transition écologique véritable, c’est de faire émerger « un mode de vie à basse consommation énergétique » (p. 85). Celle-ci ne peut être que progressive et en attendant, il faut vivre avec le nucléaire.
 
Dans le chapitre « Quelle alternative ? » l’A. rappelle que l’objectif d’une transition énergétique « raisonnable » serait de « réduire notre impact » et il donne quelques pistes. Là encore il met en avant une évidence ignorée de la plupart des « faiseurs d’opinions » et des Verts (EELV) ou sur laquelle ils jettent un voile pudique lorsqu’ils en sont conscients. La croissance démographique de la population, y compris française, est l’un des principaux facteurs qui réduit à néant tous nos efforts de réduction, l’autre étant le « consumérisme énergétivore ». Personne ne remet en cause ni l’un, ni l’autre : « C’est le malheur de tous les plans climat-énergie que les collectivités sont invitées à élaborer : les efforts de créativité pour économiser l’énergie aboutissent à des gains dérisoires du fait de cette double croissance » (p. 81).

Dans ce chapitre Waechter s’inscrit en faux contre le tout électrique (voiture, chauffage, climatisation) au regard duquel il met en avant des alternatives permettant de réduire cette consommation électrique et donc de fermer des réacteurs devenus inutiles. Limiter le risque nucléaire sans « nuire » au climat.

J’espère avoir mis en évidence que la position qu’il développe et notamment sa dénonciation de l’éolien s’effectue sur des bases écologistes, que ceux qui se disent écologistes et partisans de l’éolien ignorent ou ont oubliées, en tout cas négligent.

Waechter n’est pas devenu pro-nucléaire pour autant. Il ne s’agit pas de multiplier les centrales nucléaires pour produire toujours autant sinon plus d’énergie tout en augmentant pas les émissions de GES, il s’agit au contraire d’en réduire progressivement  le nombre  pour arriver asymptotiquement à s’en dispenser en faisant « émerger un mode de vie à basse consommation énergétique ».
 
*****
 
Après avoir montré ce qu’a d’original la position de A. Waechter par rapport à la fois aux inconditionnels de l’éolien que l’on trouve à EELV  et aux nucléocrates, je vais reprendre le détail de quelques chapitres du livre.
 
Les développements  concernant la critique technique et économique de l’éolien, bien qu’assez brefs  sont d’utiles synthèses. Un chapitre est consacré aux nuisances subies par les riverains proches ou plus éloignés mais aussi à leur déni et au refus d’en tenir compte tant des pouvoirs publiques que des développeurs de cette technologie. Il débute par une défense des opposants aux projets d’implantation qui ne sont ni des Nimby bornés, ni majoritairement des pro-nucléaires comme le déclarent les « idéologues du vent, dont une partie des Verts ». Je ne résiste pas au plaisir de citer ce passage qui correspond à ce que non seulement je pense mais aussi que je ressens comme un scandale et une sorte de trahison : « Ces derniers [les Verts inconditionnels du vent] adoptent , en effet, la même attitude vis-à-vis des opposants que celle qu’ils dénonçaient de la part des nucléocrates. Et, ironie de l’Histoire, les voilà devenus les meilleurs soutiens du capitalise international qui s’investit dans la spéculation du vent » (p. 42).
 
Il n’y a pas que les Verts qui se renient sur ce sujet. Les grandes associations France Nature Environnement et LPO ont une position pour le moins ambigüe et leur silence étonne. C’est ce que souligne l’auteur à juste titre au début de son chapitre sur « le mépris de la Nature » où il montre en détail les dégâts qu’occasionne à la naturalité et à la biodiversité le développement de l’éolien industriel. Si pour FNE, c’est, selon Waechter, pour ne pas déparer du « politiquement correct », le cas de la LPO est plus trouble ; la filière éolienne étant l’un de ses clients, ses salariés contribuant aux études d’impact et effectuant des suivis après l’installation des machines. Pour ceux qui ignoreraient encore les dégâts causés par les éoliennes, la lecture de ce chapitre clair précis, concis sera éclairante.  Pour ceux qui sont portés à croire les propos rassurants des promoteurs éoliens, cette lecture sera salutaire, du moins s’ils sont de bonne foi.
 
Le chapitre qui suit est consacré à la destruction des paysages. C’est le plus original de ce réquisitoire contre les éoliennes industrielles. Il faut le lire. Aucun résumé ne peut rendre justice de la profondeur et de la subtilité des arguments sur ce qu’est un paysage, le beau, comment les éoliennes les enlaidissent et les détruisent et pourquoi cette destruction n’est en rien une conséquence anecdotique du déploiement d’une filière par ailleurs inutile.
 
« Pour construire un édicule de 25 m2 d’emprise au sol, haut de 3mètresn il faut un permis de construire signé par le maire, est c’est heureux. Aucun permis de construire spécifique n’est exigé pour planter un mât de 200 mètres de haut dans un socle de béton de 1500 à 2000 mètres cubes » (p.69). Dans ce chapitre (p. 69 et sq.) Waechter analyse par le menu tout ce qui est fait au niveau législatif ou réglementaire pour permettre aux « spéculateurs du vent » d’implanter leurs machines où ils veulent et pour réduire les possibilités des gens de se défendre devant les tribunaux. Les gens concernés ne sont pas consultés ou mal ; les études d’impact sont inconsistantes et réalisées par des bureaux d’études liés aux promoteurs … C’est là le cœur du scandale selon Waechter : « L’état défend les spéculateurs du vent contre les citoyens qu’il est censé protéger  et s’évertue, décret après décret, à neutraliser les résistances populaires jusqu’à affaiblir l’état de droit » (p. 72).
 
Après une ultime dénonciation de l’éolien industriel avec une argumentation implacable comme appartenant à « l’ancien monde des autoroutes, des lignes à grande vitesse, des gros équipements, des barrages qui noient les hameaux, des Center Parcs, des centrales nucléaires …. Imposés aux habitants », l’ouvrage se termine par quelques brèves réponses à des idées reçues sur la filière éolienne industrielle.
 
Je le répète : écologistes, lisez ce livre écrit par un écologiste. Pour ceux qui n’avaient qu’une vague idée des nuisances de l’éolien industriel et n’y croyait pas vraiment, car la dénonciation venait de nucléocrates ou de défenseurs du productivisme, la prise de conscience sera peut-être difficile et douloureuse mais salutaire. Pour ceux qui étaient dans les luttes contre ces outils monstrueux, il constitue une aide pour le débat.
 
Néanmoins, le scandale de l’éolien doit-il conduire à minimiser celui du nucléaire ? Bien que Waechter se borne à critiquer l’éolien industriel et rejeter une sortie du nucléaire du type allemand qui entraînerait une augmentation des émissions de GES, il se positionne nettement pour une décroissance  progressive de la filière nucléaire en réduisant les besoins en électricité. Pour lui « réduire la transition écologique à sa seule dimension énergétique est un contre-sens » Il est contre l’organisation de la croissance de la consommation d’électricité qui serait « un retour aux orientations politiques des années 1960, lorsque le gouvernement Messmer mettait en place le programme électronucléaire français. » Il ajoute « Imaginer, dans ce but, une électrification de la mobilité individuelle relève du grand guignol. » Il montre qu’il n’est pas possible de se passer totalement d’énergies carbonées d’ici 2050. Le croire est dangereux car cette croyance entrainera de très graves impacts environnementaux.
 
*****
 
J’en viens maintenant aux réserves que m’inspire cet ouvrage.  
 
1°) La situation qui est décrite dans cet ouvrage vaut essentiellement pour la France métropolitaine dont on sait que la nucléarisation de sa production électrique fait d’elle une exception. Dans certains cas, les ENR peuvent avoir un rôle à jouer comme par exemple dans le cas des ZNI (zones non interconnectées)  comme des îles ou des villages sans infrastructures d’acheminement du courant. Dans ce cas, le solaire ou l’éolien avec batteries et groupes électrogènes en secours peut être une solution. Mais ce sera pour des usages où l’électricité a un rôle irremplaçable comme éclairer, faire fonctionner les téléphones cellulaires et les ordinateurs et non pour se chauffer ou pour recharger les batteries pour les moteurs des véhicules électriques. C’est d’ailleurs à ces usages que l’électricité devrait être réservée comme cela ressort d’ailleurs de la critique que fait Waechter d’une transition « énergétique » qui viserait au « tout électrique » : électrification des déplacements motorisés, électrification du chauffage notamment qu’il rejette.
 
On peut aussi estimer que dans  le cas de vents réguliers et constants comme les alizés, le recours à l’éolien peut se justifier à condition que les installations se fassent dans des zones où ne passent pas d’oiseaux migrateurs, que le sol sous-marin s’y prête sans perturbations majeures et qu’elles soient assez éloignées des côtes et des zones de pêche.
 
2°) La force du dilemme que formule Waechter (nucléaire ou dérive climatique) ne peut valoir que pour la France ou pour des pays pour lesquels l’électricité nucléaire a une place très importante dans le mix énergétique. Mais cette force diminue en proportion de l’importance du nucléaire dans le mix électrique d’un pays. On ne peut recommander de construire des centrales nucléaires pour remplacer d’autre modes de production d’électricité actuellement en fonction. Plus le nombre de centrales augmente et plus le danger du nucléaire augmente.
 
D’ailleurs Waechter ne propose pas de construire des centrales mais de moins consommer d’électricité en France pour pouvoir fermer des centrales nucléaires françaises : il rejette l’électrification des déplacements individuels et condamne le chauffage électrique.
 
Donc, il faut le dire nettement : de façon générale, à l’échelle mondiale, le nucléaire ne peut pas être une solution, le risque et trop grand, la technologie trop complexe  et/ou les investissements trop lourds pour beaucoup de pays, le risque de prolifération de l’arme nucléaire trop important.
 
3°) De plus, le dilemme (devoir choisir entre le danger du nucléaire et la dérive du climat) en est-il bien un ? Il est certain que les centrales nucléaires un fois en activité avec des barres de combustible nucléaire installées ne dégagent pas de CO2. Mais si l’on prend en compte le cycle de vie, les choses sont moins claires et le nucléaire moins vertueux. Elles sont moins claires car les estimations varient fortement d’une étude à l’autre, d’un pays à l’autre, selon l’origine et la qualité du combustible nucléaire, l’évaluation de l’aval de la production (traitement, stockage des déchets, démantèlement  des installations, …). La fourchette de résultats est très large : entre 1,4 et 288 grammes de CO2/kWh. Cela peut paraître étrange mais en ce qui concerne les émissions de GES dans le cadre d’une ACV, on ne sait pas très bien ce qu’il en est du nucléaire. 66 gr serait une moyenne mais elle est sans doute sous-évaluée. Les gisements d’uranium seront de plus en plus rares et de plus en plus difficiles à exploiter, ce qui conduit Benjamin Sovacool l’un des rares auteurs à avoir produit une synthèse sur les recherches concernant le cycle de vie du nucléaire à estimer « qu’à l’avenir l’empreinte carbone de l’énergie nucléaire augmentera à cause du minerai d’uranium, de la vétusté des centrales (…) et des besoins en énergie pour la gestion et le stockage des déchets » (1).
 
Il faut aussi prendre en compte lorsque l’on calcule les émissions de CO2 selon une analyse en ACV   qu’aujourd’hui les gisements se trouvent à l’étranger, ceux exploités par Orano (ex-Areva)  sont au Canada, au Niger, au Gabon, en RDC et au Kazakhstan(*). Quand Orano ouvre dans ce dernier des mines en rasant des forêts, les émissions de carbone sur l’ensemble du cycle de vie me semblent encore sous-estimées.
 
En général, les gisements se trouvent dans des zones désertiques ou forestières, souvent sans infrastructures adéquates qu’il faut construire : pistes d’atterrissage, routes, etc. qui ne sont pas pris en compte. N’y figurent pas non plus celles des expéditions militaires pour « sécuriser » en territoire africain par exemple, les approvisionnements des centrales nucléaires françaises à l’électricité si merveilleusement décarbonée.  On peut estimer qu’un système de cogénération Chaleur/électricité au gaz ne sera pas plus émetteur qu’une centrale nucléaire si on prend en compte, comme on le devrait, le cycle de vie. En tout cas, il y a là des recherches à faire pour tenter d’y voir plus clair et que bien entendu, on ne fait pas.
 
Et même si le nucléaire restait le moins émetteur, il n’y a pas que les GES et le réchauffement climatique à prendre en compte. Il y a les sites pollués, l’eau radioactive, les terres des habitants riverains dévastées. Parce qu’il faut beaucoup de roches et que les procédés d’extraction de l’uranium de ces roches est très polluant, les mines sont des atteintes graves à l’environnement, au moins aussi polluant que l’extraction des terres rares nécessaires à une transition énergétique fondées sur le « tout électrique ». Ni les Inuits, ni les Touaregs, ni les Kazakhs n’ont à faire les frais d’une transition énergétique à la française !

Le nucléaire induit des ravages écologiques dans d’autres pays plus graves que ne le fait le développement inconsidéré de l’éolien industriel dans le nôtre.
 
Certes d’un pur point de vue technique, le nucléaire peut sans doute être un candidat au moins aussi valable que les ENR ou plus précisément aussi peu valable pour réduire les émissions de GES, il n’en reste pas moins que pour des raisons écologiques, sociétales et sociales, il doit être rejeté.  
 
Un écologiste ne peut accepter les éoliennes industrielles sauf cas bien particuliers mais il ne peut accepter non plus un développement du nucléaire, ni laisser croire que son développement ou son maintien serait une solution satisfaisante pour réduire les émissions de GES.
 
__________
 
(*) Au Kazakhstan, premier producteur mondial d’uranium, Orano (ex-Areva) va raser une forêt protégée pour exploiter un gisement. La dérogation de l’entreprise française a été obtenue lors de la visite de Bruno Le Maire fin juillet dans ce pays d’Asie centrale devenu stratégique pour l’industrie nucléaire française.
 
***
 
Antoine Waechter, Le scandale éolien Broché 21 x 0,6 x 14,7 cm, 98 pages, Editions Baudelaire 2019, Lyon ISBN-13 : 979-1020325297, prix : 11€
 


Jeudi 19 Décembre 2019 Commentaires (0)

Ceux qui voulaient éviter le totalitarisme et la dérive fascisante en votant Macron se sont bien fait berner. La République en Marche est en route vers un état policier fascisant sous la bannière du grand chef, entouré de sa cour, de madame, de son second, de ses lieutenants préposés aux basses-œuvres, de ses adjudants chargés d’encadrer et de faire filer droit et au pas cadencé la piétaille des députés et autres élus. Avec la complicité active ou silencieuse de ces derniers, le chef et ses hommes liges lâchent leurs chiens qui se déchaînent sur le vulgum pecus qui ose protester.


C’est la démocratie de la matraque et de la justice aux ordres. Les uns éborgnent, mutilent, cognent ; les autres embastillent et condamnent. Les médias main stream  achetés par les milliardaires ou vendus au pouvoir du Chef applaudissent, travestissent. Pour les journalistes qui veulent faire leur travail et informer les gens des brutalités et de la violence exercée par les petites mains de cet état policier, ils sont gazés, matraqués, cibles des LBD, emprisonnés et leur matériel cassé.

Aujourd’hui la coupe est pleine et les dites FDO ont beau cogner, les juges embastiller, le grand vent de la révolte qui s’est levé avec les Gilets Jaunes vient de se renforcer du refus de la énième réforme scélérate, celle des retraites. Il est en train de se transformer en ouragan qui pourrait bien balayer tous ces malfaisants. Ils pètent  de  trouille. La rue leur fait peur, les mouvements sociaux qui convergent et s’unissent les effraient. Pour conjurer le sort, il y a des mots et des expressions qu’il ne faut pas prononcer : ‘ grève’, ‘ grève générale’ ou ‘historique’. Et aussitôt le média du pouvoir  France TV, ex ORTF obtempère et ordonnent qu'ils soient bannis à l'antenne. Ne surtout pas donner des idées aux cerveaux disponibles qui baillent devant leur TV.

C’est la note de service hallucinante de la direction de France TV à ses journalistes qu’a révélée la CGT. L’ultra libéralisme, ce n’est pas la liberté, c’est la dictature et le mal élu, le Grand chef n’en est en définitive que le larbin. Voici le fac-similé du communiqué de presse de la CGT France TV.

En marche vers un régime totalitaire : état policier et médias muselés

Dimanche 8 Décembre 2019 Commentaires (0)

Dans le cadre de la grève du 5 décembre, des militants de l’Amassada ont réussi à bloquer le chantier du méga transformateur RTE de Saint-Victor et Malvieu. Les FDO ne pouvant être partout à la fois étaient en sous-effectif, ce qui a contribué à rendre la répression inefficace. Pour ceux qui ignoreraient l’objet de cette lutte, voir le texte de l’affiche ci-dessous où je reprends le communiqué de l’Amassada sur cette action réussie.


Grève du 5 décembre : Blocage du chantier du méga transformateur de RTE à Saint-Victor et Melvieu (Aveyron)
Ce 5 décembre, succès du blocage de la route empruntée quotidiennement
par un incessant trafic de camions. Une petite cinquantaine de personnes
a suffi pour bloquer la sortie des gravats du chantier de 10 h du matin
jusqu’à la fin de la journée. La gendarmerie en sous-effectif  n’a rien
pu faire pour nous déloger de la D31. Dans un étrange ballet ensoleillé
une trentaine de gendarmes nous poussait et telle de l’eau nous coulions
sur la route, sans laisser prise aux provocations des flics. A une
bifurcation nous avons décidé de remonter vers le point de blocage en
prenant par les champs pour revenir devant les flics. Nous sommes ainsi
remontés au carrefour de départ pour constater joyeusement que les 10
camions bloqués n’avaient pas bougé d’un poil. Les renforts militaires
n’arrivant pas, comme c’est le cas habituellement, ce sont les
camionneurs qui ont fini par faire demi-tour sous nos applaudissements.
La gendarmerie a aussitôt reflué, nous laissant maîtres des lieux.

Cette petite brèche ouverte dans le déroulement normal du chantier d’une
grosse infrastructure RTE en cours de construction nous redonne du
courage. Nous saluons aussi les syndicalistes CGT EDF qui nous ont
apporté leur soutien. Tout le monde a bien compris que bousiller les
retraites, spéculer sur l’électricité et annihiler le peu de terres
agricoles qui reste sont des actes qui appartiennent à une même logique
de destruction.

Aussi nous invitons tous les gens qui peuvent à venir lundi 9 à 9h00 à
La Baraque de Saint-Victor pour recommencer une action du même type.
Avec dans les sacs de quoi pic niquer et son gilet jaune. Soyons
nombreu.x.ses ! Faire plier le gouvernement sur ces infâmes projets
exige de le bloquer sur ses plus gros chantiers !

Pas res nos arresta,
L’Amassada en exil

Source et infos complémentaires : https://douze.noblogs.org/post/2019/12/06/greve-de-la-destruction-du-monde-a-saint-victor/

Voir aussi https://www.lamuledupape.com/?s=amassada

Samedi 7 Décembre 2019 Commentaires (0)

Dans quatre mois se dérouleront les élections municipales et la campagne électorale est lancée. À cette occasion l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) met à disposition des candidats un guide intitulé « Demain mon territoire ». Partant du principe incontestable que les maires seront des acteurs clés de la « transition écologique », l’Agence veut faire pression sur eux pour les amener à intégrer dans leur programme des mesures qu’elle estime propres à favoriser cette transition.

Parmi les actions sur lesquelles les candidats aux municipales devraient s’engager selon l’ADEME, certaines sont pour le moins discutables. C’est notamment le cas de celle qui consisterait à servir deux repas végétariens par semaine en restauration scolaire. Le but de cet article est de monter qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.


Résumé

L’affirmation liminaire de la fiche consacrée à l’alimentation selon laquelle notre façon de nous nourrir est mortifère est hors de propos en ce qui concerne la restauration scolaire et de façon plus générale, elle est non fondée (§2.1 et 2.2). Le §2.3 montre l’absence de justification à la mesure en cause d’un point de vue nutritionnel. Elle va à l’encontre des recommandations du Plan santé et risque d’induire des comportements alimentaires à risque chez les ados. Le §3 montre d’abord l’impraticabilité d’un changement de régime en faveur d’un régime végétarien dans la restauration scolaire. Cela est dû au caractère peu dense des protéines des légumineuses et des céréales, de leur pauvreté en fer, de la nécessité de les associer selon des proportions bien définies pour avoir dans une portion les acides aminés essentiels. Il montre ensuite que l’élevage et notamment l’élevage herbager peut être (et en France EST majoritairement) écologiquement vertueux en étant économe en eau, en préservant les puits de carbone que sont les prairies et la biodiversité qui leur est inhérente. Il en résulte que l’adoption d’un régime sans viande ne réduirait les émissions de GES qu’à la marge mais aurait par contre des conséquences graves tant écologiques que sociales et économiques.
Dire NON au lobbying pro-végétarien de  l’ADEME !

1. Cet opuscule traite de vingt thèmes au travers de vingt fiches, un par fiche, qui tentent de balayer tous les sujets concernant la « transition écologique ». Chaque fiche est construite selon un même modèle : un titre avec une illustration, puis un paragraphe « pourquoi c’est important » précède un paragraphe « comment faire » suivi de « chiffres clés » motivants. Ensuite on trouve des exemples de réalisation émaillés de quelques nouveaux chiffres encourageants. Ces exemples ne sont pas simplement des illustrations. Ils servent aussi, selon moi, à susciter l’émulation (Si eux font déjà tout cela, pourquoi pas moi !). Enfin la fiche se termine sur une liste d’actions où chaque item est assorti d’une case que l’élu devra cocher s’il souhaite s’engager à la réaliser lors de son prochain mandat ; le bon élu devant évidemment cocher toutes les cases !

Selon le directeur de l’ADEME, il s’agit « d'aller chercher des collectivités jusque-là éloignées des préoccupations de transition énergétique » [écologique a-t-il voulu dire, je présume. Lapsus révélateur !] Certes, l’ouvrage est bien fait pour mettre la pression sur les candidats. Il se veut pédagogique et pratique. Les paragraphes sont courts, les illustrations plaisantes, la mise ne page aérée. Mais il est aussi simplissime maniant les tartes à la crème du parfait petit écologiste et, revers de la médaille, il a une allure de « manuel pour les nuls », les nuls en question étant  les futurs élus maires, certes sacrés par l’ADEME « hussards de la transition écologique » mais qu’elle semble juger ignares en écologie et peu soucieux de la gravité des problèmes comme de l’urgence de leur solution dans le cadre de cette transition. Il faut donc inculquer à ces élus insouciants et incultes le b.a.-ba de l’écologie, les motiver et leur livrer un programme clé en main ! Je ne sais si cela plaira à tous les candidats d’être pris pour des écoliers un peu « bas de plafond » par les sages et savants professeurs de l’ADEME.

Ce programme prémâché tel qu’il se dégage de ces vingt fiches et des engagements associés à chacune d’elles est-il vraiment le « The best en matière de transition écologique » qu’il prétend être selon l’expression du Courrier des Maires et des élus locaux ? Pas si sûr ! Sur quelques thèmes qui font débat, on peut aussi considérer que les choix dogmatiquement déclinés ne sont pas les bons.

Dans cet article, c’est la fiche « Alimentation » que je vais critiquer mais elle n’est pas la seule critiquable !
 
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2.1 Elle commence par culpabiliser le lecteur. Notre cuisine dont nous sommes pourtant fiers à juste titre est mortifère selon l’ADEME :
« La façon dont nous nous nourrissons n’est bonne ni pour notre santé, ni pour la planète. Trop de graisses, de sucres et de protéines animales augmentent les risques d’obésité, de diabète, de maladies cardio-vasculaires et aggravent le changement climatique. »

« Pas bonne pour notre santé » la façon de nous nourrir ? Il ne faut rien exagérer. Dans nos pays dits « développés », les progrès ont été considérables du point de vue nutritionnels depuis le début du XIXe siècle : plus de dégâts ni de mort causés par des carences vitaminiques et minérales comme le scorbut (vitamine C), le rachitisme (vitamine D), la pellagre (vitamine PP), la cécité irréversible (vitamine A), certains goitres (Iode), etc. pour ne prendre que cet exemple des vitamines et minéraux. Le tableau n’est donc pas si noir même s’il y a toujours à faire, notamment pour assurer la sécurité des aliments comme le montrent les alertes et les crises  sanitaires récentes qui ont eu  parfois  des conséquences  dramatiques  en  matière  de  santé  publique  et  un  impact économique significatif (voir le rapport de la Cour des Comptes 2019, T.2, Ch. 7).

D’ailleurs à qui renvoie le «nous » de ce texte ? La façon dont JE ME nourris n’est sûrement pas la bonne mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans ce contexte. Peu importe la façon dont je me nourris, il s’agit de la nourriture que l’on va servir à des enfants, des  préados et des ados !

Or l’ADEME semble ignorer que les menus des cantines sont supervisés par des diététicien(ne)s ! Ils sont conformes au « Programme national nutrition-santé », adaptés à ceux auxquels ils sont destinés en quantité et en qualité ; ils sont variés et n’ont ni trop de graisses, de sucres ou de protéines. C’est la base ! Ce n’est pas les menus servis dans les cantines des établissements scolaires qui sont des vecteurs de ces maladies actuelles énumérées par l’ADME, ces maladies qui frappent les trop ou trop mal nourris.

2.2 Cela dit, que les gens se nourrissent mal au regard des recommandations des agences officielles, c’est probable mais ce n’est pas la question. Sans compter qu’il reste à savoir si ces recommandations sont suffisamment fondées sur des données expérimentales et cliniques. Ce n’est pas certain vu l’impossibilité d’effectuer des études randomisées sur le sujet, c’est-à-dire que dans les études sur lesquelles se fondent ces recommandations, on ne compare pas deux groupes de personnes  constitués suivant une distribution aléatoire dont l’un aurait reçu un type d’alimentation particulier (à base de viande rouge ou de charcuterie par exemple). Cet échantillonnage ayant pour but  réduire ou supprimer l'interférence de variables autres que celles qui sont étudiées, c’est seulement avec de telles études, impossibles dans ces cas pour de multiples raisons, que l’on pourrait justifier une relation de causalité avec une quasi-certitude. En la matière n’est possible que la mise en évidence d’une association positive sur la base de preuves plus ou moins contraignantes.

C’est d’ailleurs pourquoi l’OMS ni n’indique une relation de causalité entre viande rouge et cancer par exemple, ni ne quantifie le risque. L’OMS  via le CIRC « a classé la consommation de la viande rouge comme probablement cancérogène pour l'homme (Groupe 2A) et la viande transformée (donc la charcuterie) comme cancérogène pour l’homme (Groupe 1) à partir des travaux d’un groupe de travail de 22 experts venus de 10 pays différents ». Pour autant il faut bien comprendre ce que cela signifie. Cela ne signifie pas que manger du saucisson est aussi cancérogène que fumer du tabac ou de respirer de l’amiante pour la raison que, rappelle l’OMS, « Les classifications du CIRC décrivent la force des données scientifiques sur un agent comme étant une cause de cancer, mais n'évaluent pas le niveau du risque. » De plus, dans le cas de la viande rouge il s’agit d’ « indications limitées ». Il faut entendre par là «qu'une association positive a été observée entre l'exposition à la consommation de viande rouge et le cancer mais que d'autres explications pour ces observations (techniquement désignées par les termes de hasard, de biais ou de facteurs de confusion) ne pouvaient être exclues » (OMS, 2015).

La plupart des grands médias et de très nombreux sites ne s’embarrassent pas de ces «subtilités » et transforment allégrement « association positive » en « causalité ». Il est regrettable que l’ADEME fasse de même. Un tel biais de sa part n’est rien d’autre qu’une injonction dissimulée à l’adoption de régimes végétariens, sans doute parce qu’elle croit que cela peut aider à limiter l’importance du réchauffement climatique.

Malheureusement de tels biais sont le meilleur moyen de désorienter les gens lorsque paraît une nouvelle expertise qui évalue différemment les preuves disponibles et en tire d’autres conséquences. C’est ce qui s’est passé très récemment dans le cas de la viande rouge et de la viande transformée.
 
Cette expertise a été menée par quatorze experts de sept pays différents. Ces experts ont utilisé une nouvelle méthodologie pour juger de la qualité des preuves disponibles sur la base desquelles a été formulé le classement de la viande rouge et de la viande transformée. Il en résulte que le classement de la viande rouge en cancérogène probable ne repose que sur des preuves dont la certitude est « faible ». Les liens trouvés entre les viandes transformées (la charcuterie) et les maladies cardiovasculaires ou le diabète reposent sur des preuves dont la certitude est jugée « très faible » (Johnston et al. 2019). Dans ces conditions doit-on continuer à recommander de fortement limiter la consommation de ces aliments chez les adultes ?

La réponse des auteurs de l’étude est négative. Bradley Jonhston, coordinateur de l’équipe d’expert l’a résumée en ces termes « Nous livrons aux gens notre meilleure estimation de la vérité, qui est incertaine. Selon leurs propres préférences, ils peuvent décider de réduire ou d’éliminer [la viande rouge et la viande transformée]. Mais notre recommandation est que, pour la plupart des gens, la meilleure approche est de continuer, étant données la très faible réduction de risques et l’incertitude des preuves ». Ce n’est pas l’avis d’autres « experts » qui sans remettre en cause les résultats considèrent que les recommandations qui en découlent sont irresponsables.

Dans cette affaire extrêmement embrouillée, il faut d’abord remarquer que la méthode utilisée semble prometteuse et permettra de fournir des évaluations robustes notamment en matière d’épidémiologie. Il faut ensuite faire preuve de circonspection dans les conclusions que l’on en déduit en matière de recommandation. C’est pourquoi, je pense que la leçon qu’il faut en tirer est celle de John Ioannidis, épidémiologiste, professeur de médecine à Stanford, rapportée par Le Monde : «Il faut « être honnête lorsque les preuves sont de très faible qualité » » et de façon plus générale : «la façon dont les épidémiologistes promeuvent avec ferveur l’existence de bons et mauvais aliments depuis des années nous a détournés de messages plus simples et plus importants, tels que la nécessité de manger avec modération et de ne pas devenir obèses » (Le Monde 01 /10/ 2019). C’est précisément ce que fait l’ADEME dans sa volonté de dénigrer la viande.  

2.3 Dans le « Comment faire » de la fiche alimentation on peut lire « À la cantine et au self, on change de régime. Les  menus proposent  moins  souvent  de  la  viande mais de meilleure qualité et compensent avec  davantage  de  légumineuses,  de  céréales  et de produits de saison. On revoit les cahiers des charges, en introduisant des clauses sur la présence  de  labels  alimentaires,  d’indications  géographiques, de repas végétarien... »

L’un des engagements consiste à « Encourager d’autres habitudes alimentaires en proposant au moins deux repas végétariens par semaine à la cantine »

L’ADME mélange tout : produits de saison, labels, circuits courts avec les repas végétariens !

Pour les circuits courts et les produits de saison, on ne peut qu’être d’accord. Mais il faut hiérarchiser : les produits de saison doivent primer sur les circuits courts lorsque ceux-ci ne peuvent les fournir ; par exemple il ne faut pas s’interdire de manger des oranges en hiver. Ces deux catégories doivent primer sur les labels qui bien souvent ne font que renchérir le prix de vente du produit. Mais cela n’a rien à voir avec le fait de servir des repas végétariens. D’ailleurs de quel végétarisme s’agit-il ? Celui qui autorise les produits laitiers ou qui les prohibe ? Quid du poisson, des œufs ? Espérons que l’ADEME ne propose pas de servir des menus végétaliens (i. e. sans aucun produit d’origine animale) !

Pourquoi faudrait-il « au moins deux repas végétariens » ? Donc, éventuellement tous ! Pourquoi pas au plus deux ?  Pourquoi pas un seul voire aucun ? Pourquoi supprimer à la cantine des plats avec viande alors que l’on sait que le repas du soir risque fort d’être également sans viande pour beaucoup ? Sur quelles données se fonde l’ADEME pour décider que les enfants des cantines scolaires mangent trop de viande et que pour rétablir leur équilibre nutritionnel il faut leur donner x repas végétariens ? Et si certains, dans certains milieux, au contraire n’en mangeaient pas assez pour assurer leur bon développement ?

Les guides nutritionnels édités par les ministères et les organismes ad hoc, notamment les «  Guides alimentaires du Programme national nutrition-santé » mis en place par l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments, devenue ANSES) recommandent pour les enfants comme pour les ados de manger de la viande « une à deux fois par jours » (Cf. par exemple, Le Guide nutrition pour les ados 2006,  Le guide nutrition des enfants et ados pour tous les parents 2015). Dans le Guide 2015 on peut lire : « La déficience en fer est fréquente chez l’adolescente, notamment en raison des pertes liées aux règles. Elle est encore plus fréquente si votre ado mange peu de viande ou de poisson ou est végétarien. Ce manque peut entraîner une anémie et donc une grande fatigue. » (p. 96) Le végétarisme, quelle que soit sa forme n’est jamais recommandé et le végétalisme (sans aucun produit d’origine animale) est fortement déconseillé : « Le végétalien, lui, supprime en plus les œufs et les produits laitiers (c’est-à-dire tous les aliments issus des animaux). Ne suis surtout pas ce régime, tu aurais de graves déficiences non seulement en protéines mais aussi en fer et en calcium! » (Guide 2006)

Les guides édités par l’Afssa (ANSE) s’inquiètent du dégoût de la viande que sont susceptibles d’éprouver certains adolescents, de leur désir de se singulariser en adoptant ces régimes sans viande (Guide 2015). Tout cela est en contradiction avec les pressions de l’ADEME pour servir des repas « végétariens » dans les selfs et les cantines pour inciter à changer de régime (abandonner un régime omnivore carné ?). D’autant que l’on sait que pour les végans, le végétarisme est un premier pas facilitant l’évolution d’un individu vers ce végétalisme qu’ils espèrent lui faire adopter grâce à une propagande adéquate du type de celle de L 214 qui inonde les réseaux sociaux et à laquelle les grands médias donnent maintenant une large place.
 
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3. On pourrait dire : ce n’est pas grave, on remplacera la viande par des légumineuses et des céréales, et ce sera un changement de régime propre à réduire les émissions de GES. C’est ce que vise l’ADEME. Mais peut-on vraiment compenser la viande par  « plus de légumineuse et plus de céréales » dans le régime des enfants, des pré-ados et des ados en restauration collective ? Cela vaut-il la peine d’un point de vue écologique ? Contrairement à la doxa écolo semi-officielle et en tout cas en vogue dont l’ADEME est ici le parfait représentant, il faut répondre par la négative.

3.1 ● Peut-on vraiment compenser la viande par « plus de légumineuse et plus de céréales » dans le régime des enfants, des pré-ados et des ados en restauration collective?

Il en faudra beaucoup plus ! Par exemple, les lentilles une fois cuites n’apportent que 8g de protéines pour 100g, contre 25g pour la viande. Pour obtenir ces 25g, il faudrait ingurgiter plus de 300g de lentilles et cela ne serait pas suffisant ! Faut-il rappeler que les protéines animales contiennent selon les bonnes proportions tous les acides aminés qui sont nécessaires à l’humain tandis que celles fournies par les légumineuses manquent de cystine et méthionine, deux acides aminés indispensables à l’humain. Quant aux protéines issues des céréales, elles manquent de lysine. Ces acides aminés absents soit des légumineuses, soit des céréales sont cruciaux pour les muscles, les os et la peau. Ils interviennent également dans de nombreux processus, comme la reproduction ou le système immunitaire.

Pour compenser la viande, il ne faut donc pas seulement « d’avantage de légumineuses et de céréales », il faut aussi que ces légumineuses et céréales soient consommées en quantité suffisante dans les bonnes proportions au cours du même repas, de préférence dans le même plat, par exemple en mélangeant au riz des lentilles. Enfin, il faudra  aussi s’assurer que l’écolier ou le collégien ne trie pas dans son assiette les lentilles du riz qu’il n’aime pas (ou l’inverse) ! 

Quant au fer, essentiel pour prévenir la fatigue et l’anémie, celui issu des aliments d'origine animale est plus assimilable que celui des végétaux qui l’est peu. Il faut donc mieux mettre du persil sur son steak haché que se goinfrer des légendaires épinards chers à Popeye ! La vitamine C contenue dans le persil améliore encore l’absorption du fer présent dans le steak.

Plus encore qu’un adulte, un enfant ou un pré-ado a besoin de repas riches en protéines, en acides aminés et oligoéléments. Jusqu’à preuve du contraire la façon la plus simple et la plus sûre sera toujours de leur faire manger de la viande. Comme le rappellent White et Hall (2017) « Des travaux antérieurs [aux leurs JFD] ont confirmé les difficultés rencontrées pour satisfaire les besoins essentiels en vitamines, en minéraux et en acides gras dans les régimes à base de plantes. Il est tout à fait possible de satisfaire les besoins en nutriments d’un individu avec des rations à base de plantes soigneusement élaborées et non complétées, mais cela peut être difficile à réaliser dans la pratique pour toute une population » surtout lorsqu’il s’agit d’une collectivité comme les écoles ou les collèges !

La sagesse, c’est « un peu de tout », la juste mesure et non le stupide « sans … » ! Par contre une cantine offrant de temps à autre des repas pour découvrir et goûter les cuisines et les saveurs d’Ailleurs serait une bonne initiative propre à promouvoir l’ouverture à l’Autre et au Monde et donc favoriser la paix entre les peuples.

Il y a de la part de l’ADEME une absence totale de justification nutritionnelle ou de santé publique à son injonction de servir « au moins  deux repas végétariens » par semaine dans les cantines. Il n’y a pas plus de justification écologique à cette dangereuse lubie de vouloir changer de régime pour « sauver le climat » !

3.2 Cela vaut-il la peine d’un point de vue écologique ?

On nous avait raconté qu’il fallait 15 000 litres d’eau pour obtenir 1kg de steak, oubliant de préciser qu’il s’agit d’eau virtuelle, c’est-à-dire de la somme de l’eau bleue, de l’eau grise et de l’eau verte. Il n’est peut-être pas inutile de rappeler encore une fois en quoi consistent ces trois sortes d’eau et en quel pourcentage elles entrent dans la composition de ces fameux 15 000 litres.

L’ « eau bleue », c’est « l’eau circulant sous forme liquide et prélevée dans les rivières, les eaux dormantes ou dans les nappes phréatiques pour les besoins des activités humaines » C’est l’eau qui est la matière première de l’eau du robinet. C’est ce que tout un chacun nomme ‘eau’ et ce à quoi il pense lorsque l’on annonce 15 000 litres d’eau sans précision. Personne ne pense à l’eau virtuelle et la plupart des gens ne savent même pas de quoi il s’agit. Ils sont dupés.

Pour ce qui concerne la filière bovine, l’eau bleue sert dans l’étable ou au pré à abreuver les bêtes qui peuvent aussi en boire à la rivière ou dans les mares. C’est également celle qui est utilisée pour nettoyer les locaux de l’exploitation. L’eau d’irrigation des cultures fourragères qui nourrissent les animaux et l’eau nécessaire à la transformation de la viande sont aussi de l’eau bleue. La quantité d’eau consommée pour tous ces usages correspond en France à environ 3 à 4% des 15 000 litres d’ «eau virtuelle» estimés nécessaires pour obtenir 1kg de viande de bœuf. (Cf. Corson et al., 2013 p. 241)

L’eau grise, c’est la quantité théorique d’eau qu’il faudrait rajouter à une eau polluée pour qu’elle devienne conforme aux normes environnementales. Elle représente en France 3% des 15 000 litres d’ « eau virtuelle ».

Tout le reste des 15 000 litres, c’est de l’ « eau verte ». Grosso modo, il s’agit de l’eau de pluie qui tombe sur les prairies et fait pousser l’herbe. Plus précisément comme l’expliquent bien Corson et al., 2013, l’eau verte est l’eau nécessaire pour la croissance des plantes. On considère qu’elle est égale à l’évapotranspiration réelle, c’est-à-dire, à la somme de l’évaporation des sols et de la transpiration des plantes poussant sur ces sols. En d’autres termes, pour ce qui est de l’élevage bovin, il s’agit du volume d’eau de pluie stocké dans le sol sous forme d’humidité et qui s’évapore des plantes et du sol des surfaces cultivées pour l’alimentation des bêtes et des surfaces pâturées par les troupeaux. Ce volume d’eau correspond donc principalement à l’eau de pluie réceptionnée par les surfaces d’élevage.

Pour le mode d’élevage le plus vertueux écologiquement, l’élevage herbager extensif, la surface des prairies est importante et donc la quantité d’eau verte aussi. Qu’il y ait ou non des vaches dans le pré, s’il pleut, ce sera toujours la même quantité d’eau verte qui sera en jeu et ce n’est pas la soif des vaches qui risque de nous priver d’eau potable !

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Sur la question des émissions de GES dus à l’élevage, il faut, là aussi, vraiment remettre les choses au point. Les soi-disant 18% des émissions de GES dont serait responsable l’élevage ne sont pas plus significatifs que les soi-disant 15 000 litres d’eau pour un kilo de steak. La responsabilité de l’élevage dans l’émission des GES et le réchauffement climatique serait plus grande que celle des transports selon ce chiffre publié en 2006 dans un rapport de la FAO Livestock’s long shadow  traduit en français sous le titre L’ombre portée de l’élevage. Ces pourcentages sont pour le moins discutables et la comparaison est faussée.

Depuis on sait –  et l’ADEME devrait savoir – que la FAO a inclus dans ce chiffre 18% non seulement les émissions dues aux déjections animales et celles des consommations énergétiques des animaux mais aussi des émissions liées à la destruction des forêts au profit de cultures fourragères, à celles qui sont causées par la production des aliments pour bétail, par le transport de la nourriture des animaux et leur acheminement à l’abattoir. Comme le souligne Pierre Silberzahn (2018), la FAO elle-même a reconnu que « ses bases de comparaison avec les transports étaient « fausses » et qu’il aurait fallu inclure dans l’impact des transports celui de la fabrication des véhicules et de l’extraction des sources de l’énergie [voire la construction des routes et autoroutes et autres « voies de contournement » !]. Contributions indirectes que la FAO n’a pas prises en compte dans les calculs concernant les transports auxquels elle compare l’élevage. » (Voir Anne Mottet and Henning Steinfeld | FAO 2018).

Malheureusement, comme le constate  Keir Watson (2018) « Au cours de ces dix dernières années, ce rapport aura contribué au dogme quasi religieux faisant de la réduction de la consommation de viande une arme contre le réchauffement climatique. Cependant, dans les chiffres validés par l'ONU, d'importantes réserves permettent d'ôter quasiment toute sa noirceur à cette « ombre portée » des animaux d'élevage sur l'environnement. » Ce chiffre a eu « l’effet d’une bombe ».

 

Dire NON au lobbying pro-végétarien de  l’ADEME !
Comme on peut le voir avec ce document de l’ADME, il sert encore de base à tous les lobbies anti-viande et pro-végétariens, voir végans. Pourtant personne ne savait à quoi ces 18% correspondent « 18% des émissions de GES de la planète (volcans compris) ? Mesurés ? Calculés ? Sans importance, le chiffre est assez grand pour crier haro sur les vaches. »  (Silberzahn 2018)

Il faut aussi souligner que dans le rapport de 2006 il s'agit d'une moyenne mondiale. Le gros de ces émissions indirectes que la FAO attribuait à l’élevage provient de la déforestation visant à créer de nouvelles prairies pour les animaux ou de nouveaux champs de céréales susceptibles de les nourrir. En d'autres termes, la majorité des émissions de CO2 attribuées aux vaches, moutons, cochons, poulets… relèvent en réalité de la destruction de puits de carbone (forêts) précédant l'élevage plutôt que de l'élevage en tant que tel. On doit aussi prendre en compte que c’est souvent la valeur du bois qui conduit à la déforestation si bien que dans ces cas, même si la production de viande s’arrêtait les arbres seraient quand même abattus.

Si l’on regarde le cas particulier de la France, les surfaces boisées s’étendent et l’élevage bovin herbager est excédentaire. La forêt a augmenté de 30 000 ha par an entre 1998 et 2004, reprenant notamment du terrain sur les prairies dans les zones de déprise agricole. Dès lors ça ne servirait strictement à rien en ce qui concerne les émissions de GES de limiter la consommation de viande bovine (Il peut y avoir d’autres raison de le faire). Surtout si c’est pour remplacer les prairies par des champs de céréales ou de légumineuses !

Pour les USA, White et Hall (2017) estiment que la renonciation à la viande de toute la population de ce pays ne ferait baisser les émissions de GES que de 2,6 % : «En supposant que les émissions agricoles représentent 9% des émissions totales des États-Unis (47), et en supposant que les estimations d'émissions présentées ici soient représentatives des émissions nationales, l'élimination de l'agriculture animale permettrait de réduire les émissions totales des États-Unis d'environ 2,6%. » (p. 10305 – 10306 ; la référence de la note 47 : US Environmental Protection Agency (2010) Inventory of US Greenhouse Gas Emissions and Sinks(US EPA, Washington, DC) je le précise pour ceux qui douteraient du 9%). En outre les auteurs montrent que cette renonciation à la viande poserait des problèmes nutritionnels et environnementaux. [2,9% au lieu de 2,6% si l’on suppose que la question des fertilisants peut être résolue sans émissions supplémentaires de GES dans une agriculture sans élevage, voir White et Hall 2018] Quand on connaît comment fonctionne l’élevage en « feedlot » aux USA, il est évident que la réduction des GES en France obtenue grâce à la suppression de l’élevage serait encore plus faible !  

Il faut aussi constater un autre défaut de ce rapport de 2006 de la FAO. Il ne prend pas en compte l'utilisation des terres défrichées. On a établi depuis que la conversion en prairies constituait le moyen le plus efficace pour stocker le carbone du sol, supérieur bien entendu aux terres arables mais aussi aux forêts replantées. « Le gouvernement irlandais voit dans la restauration des prairies et des pâturages de par le monde une priorité au potentiel considérable pour minorer le réchauffement climatique. Dans son analyse, les émissions de gaz à effet de serre attribuables aux élevages britanniques et irlandais sont négligeables. Cela tient en grande partie au fait que les animaux outre-Manche se nourrissent principalement d'herbe presque toute l'année. » (Keir Watson (2018)). Dans les élevages français de bovins, c’est la même chose aujourd’hui (mais pour combien de temps encore ?).

La production de viande, et notamment de la viande de bovins ou d’ovins, donc l’élevage dès lors qu’il est herbager extensif dans le cadre d’exploitations familiales rend des services agro-environnementaux et sociaux comme le stockage de carbone par les sols des prairies et les haies, permet le retour de carbone et la fertilisation des sols par recyclage des fumiers et lisiers. Il préserve la biodiversité et le maintien de la diversité des paysages. Il faut le souligner encore et encore face à tous ces contempteurs de la viande rouge et du lait : la principale activité agricole qui peut être source de biodiversité, ce n’est pas la culture des céréales et des légumineuses, c’est l’élevage des ruminants car il entretient les prairies. Qui va se promener parmi ces déserts de biodiversité que sont les champs de blé, de tournesols ou de soja ? Si le bonheur n’est pas toujours dans le pré, il n’est jamais dans un champ de soja.

D’une manière générale « l’élevage valorise toutes les prairies de la planète : les 2/3 de la surface agricole mondiale ne sont pas exploitables pour des céréales, des protéagineux ou des arbres fruitiers, il s’agit de la savane africaine, la toundra, les steppes du Caucase… Les animaux, notamment les herbivores peuvent en revanche y produire des protéines et du lait. »

Enfin, ceux qui préconisent un régime végétarien qui ne proscrirait pas le lait et ses produits dérivés (fromages, yaourts, …) semblent oublier que « pour une grande part de l’élevage bovin la production de viande est un sous-produit de la production de lait. N’était sa production de lait, il y a longtemps que la viande bovine aurait été remplacée par la viande de cochon et de poulet. Sans le débouché en viande en fin de lactation, l’élevage bovin ne serait plus économiquement rentable » (Silberzahn 2019). Préconiser un régime à forte composante végétarienne avec des laitages mais sans « viande rouge » est économiquement non viable et peu praticable : que faire des veaux mâles et des vaches en fin de lactation qui s’accumuleraient comme en Inde ? S’il était sans aucun produit laitier, ce régime ressemblerait à un régime végétalien dont il serait le premier palier, régime contre lequel les nutritionnistes de l’Afssa mettent en garde, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants et d’adolescents.

Bref, il serait temps de revenir sur l’idée qu’un régime végétarien dans les pays développés serait « bon pour la planète ». La généralisation d’un régime végétarien ne permettrait qu’une diminution insignifiante des émissions de gaz à effet de serre mais elle aurait, par contre, de graves répercussions sur la santé publique, l’environnement, les paysages et l’élevage français, donc de graves conséquences sociales et économiques. Je n’ai pas abordé ces deux derniers points mais faut-il l’argumenter plus avant, tant il est évident ?

Certes il y a encore des Français qui se méfient de la viande à cause des récents scandales sanitaires mais surtout ils se détournent de la viande et notamment de la viande rouge, intoxiqués par les discours du style de ceux de l’ADEME, par des initiatives stupides comme les lundis sans viande et les propagandes des végans comme celle, insidieuse, de L214.

Heureusement, ce n’est pas le cas des Chinois. Ce sont eux qui profiteront de la bonne viande des vaches élevées dans nos montagnes et nos campagnes. Ils l’apprécient à sa juste valeur. Tant mieux pour eux et tant pis pour nous ! Tant mieux surtout pour les éleveurs français qui trouveront là un débouché à leur production. Tant mieux pour nos prairies et la biodiversité qu’elles recèlent, tant mieux nos paysages !

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4. Que les têtes de liste aux municipales dans les grande villes soient tentées de cocher la case «Encourager d’autres habitudes alimentaires en proposant au moins deux repas végétariens par semaine à la cantine » pour flatter dans le sens du poil un électorat supposé croire que la conversion végétarienne est la planche de salut nous préservant de l’Armageddon qui s’annonce, on peut le comprendre mais il faut tenter de les convaincre de ne pas le faire. Et il le faut d’autant plus si eux aussi croient vraiment à ces vésanies.

Convaincre les maires ou les postulants maires des communes rurales de ne pas cocher cette case, cela sera moins difficile surtout dans les régions d’élevage mais il ne faudrait pas que ce refus entraîne chez eux un sentiment de culpabilité. En refusant de s’engager à mettre en œuvre cette mesure, ils ne sont pas de mauvais « défenseurs » de la Planète et de son climat, ils sont lucides et attentifs à la santé des enfants de leur commune, au bien-être de leurs administrés, à la vie et aux charmes de leur territoire.

Dire NON au lobbying pro-végétarien de  l’ADEME !
  Références

ADEME, 2019 Demain mon territoire. Idées et solutions...Document institutionnel, novembre 2019, 83 p. Réf. 010970 https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/demain-mon-territoire-complet_010970.pdf

Afssa [ANSES], 2006 Le guide nutrition pour les ados https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Action_sanitaire_et_sociale/49/9/guide_ADO_114499.pdf

Afssa [ANSES], 2015 Le guide nutrition des enfants et ados pour tous les parents https://www.fondation-enfance.org/wp-content/uploads/2016/10/inpes_guide_nutrition_enfants_ados.pdf

ANSES, 2017 Table de composition nutritionnelle Ciqual 2017 https://ciqual.anses.fr/#/cms/la-table- ciqual-2017/node/19

Corson M. S., Doreau M., 2013  « Évaluation de l’utilisation de l’eau en élevage », INRA Prod. Anim., 26 (3), 239-248, http://prodinra.inra.fr/ft?id=AF799943-B96B-488B-8E1F-BFB7FA24B49C

Cour des comptes, 2019 « Le contrôle de la sécurité sanitaire de l’alimentation : des progrès à consolider »  Rapport public annuel, II-7 2019 https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/09-controle-securite-sanitaire-alimentation-Tome-2.pdf

Dumas J. F., 2016 « Stop au bourrage de crâne : Le mode de vie végan n’est ni écologique, ni éthique! » https://www.jfdumas.fr/Stop-au-bourrage-de-crane-Le-mode-de-vie-vegan-n-est-ni-ecologique-ni-ethique-_a389.html

FAO, 2009 L’ombre portée de l’élevage (trad.fr. de Livestock’s Long shadow publiée en 2006), en ligne http://www.fao.org/3/a-a0701f.pdf

Fields H, Ruddy B, Wallace MR, Shah A, Millstine D, Marks L., 2016 « How to Monitor and Advise Vegans to Ensure Adequate Nutrient Intake » J Am Osteopath Assoc 2016;116(2):96–99. doi: https://doi.org/10.7556/jaoa.2016.022

Fond Français pour l’alimentation et la santé, 2019 « Les protéines dans l’alimentation : vers un équilibre animal – végétal » https://alimentation-sante.org/wp-content/uploads/2019/10/CP-petit-de%CC%81j-prote%CC%81ines.pdf

Harvard T.H. Chan School of Public Health, 2019 « New “guidelines” say continue red meat consumption habits, but recommendations contradict evidence » en ligne https://www.hsph.harvard.edu/nutritionsource/2019/09/30/flawed-guidelines-red-processed-meat/#qa

Holmes Bob, 2010 « Veggieworld: Why eating greens won't save the planet », New Scientist, 14 july 2010  https://www.newscientist.com/article/mg20727691-200-veggieworld-why-eating-greens-wont-save-the-planet/ Trad. fr « Renoncer à la viande : une fausse bonne idée » Courrier international, n° 1059, 16 février 2011 [https://www.courrierinternational.com/article/2011/02/17/renoncer-a-la-viande-une-fausse-bonne-idee ]

Johnston BC, Zeraatkar D, Han MA, et al. « Unprocessed Red Meat and Processed Meat Consumption: Dietary Guideline Recommendations From the Nutritional Recommendations (NutriRECS) Consortium » Ann Intern Med. 2019; [Epub ahead of print 1 October 2019]. doi: https://doi.org/10.7326/M19-1621

Keir Watson, 2018 « Soyez écolo, mangez de la viande ! » Le Point Magazine [Quillette] 28/10/2018 https://www.lepoint.fr/debats/soyez-ecolo-mangez-de-la-viande-28-10-2018-2266606_2php

Le Monde /AFP, 2019 « Santé : une étude controversée remet en cause les recommandations appelant à limiter la consommation de viande rouge » Le Monde avec AFP, en ligne 1/10/2019 https://www.lemonde.fr/sante/article/2019/10/01/des-chercheurs-contestent-la-nocivite-pour-la-sante-de-la-viande-rouge-et-de-la-charcuterie_6013703_1651302.html

Mottet Anne, Steinfeld Henning | FAO, 2018 « Cars or livestock: which contribute more to climate change? » Thomson Reuters Foundation new,  18 September 2018 http://news.trust.org/item/20180918083629-d2wf0

Neely C., Bunninga S., Wilkes A. FAO, 2009 Review of Evidence on Drylands Pastoral Systems and Climate Change, Décembre 2009 http://www.fao.org/3/a-i1135e.pdf

OMS, 2015 « Cancérogénicité de la consommation de viande rouge et de viande transformée » en ligne https://www.who.int/features/qa/cancer-red-meat/fr/

Schneid Olivier, 2019 « L’Ademe veut convaincre les futurs maires, «hussards de la transition écologique» », Le Courrier des Maires et des Elus locaux, 15/11/2019 http://www.courrierdesmaires.fr/84401/elections-municipales-lademe-veut-convaincre-les-futurs-maires-hussards-de-la-transition-ecologique/

Silberzahn Pierre, 2018 Le blues du carnivore: L'homme et la viande des origines à nos jours Editions L'Harmattan, 256 pages, Paris.

Silberzahn Pierre, 2019 « Les Gaz à Effet de Serre (GES) émis par l’élevage des bovins : 18% ou 3%? » En ligne, https://bluescarnivore.wordpress.com/2019/04/23/les-gaz-a-effet-de-serre-ges-emis-par-lelevage-des-bovins-18-ou-3/

US Environmental Protection Agency, 2010 Inventory of US Greenhouse GasEmissions and Sinks(US EPA, Washington, DC) https://www.epa.gov/ghgemissions/inventory-us-greenhouse-gas-emissions-and-sinks

White Robin R., Hall Mary Beth, 2017 « Nutritional and greenhouse gas impacts of removing animals from US agriculture » Proceedings of the National Academy of Sciences Nov 2017, 114 (48) E10301-E10308; doi: : https://doi.org/10.1073/pnas.1707322114 ou https://www.pnas.org/content/114/48/E10301

White Robin R., Hall Mary Beth, 2018  « Reply to Van Meerbeek and Svenning, Emery, and Springmann et al.: Clarifying assumptions and objectives in evaluating effects of food system shifts on human diets. » Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 115(8), E1706–E1708. . doi: https://doi.org/10.1073/pnas.1720895115 ou https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5828631/

Illustrations
De haut en bas

Sans nom d’auteur, « Steak haché de boeuf aux trois poivres et aux champignons » sur le site « La Viande.fr » Steak haché de bœuf aux trois poivres et aux champignons https://www.la-viande.fr/recettes/boeuf/steak-hache-boeuf-poivres-champignons

Sans nom d’auteur, sur le site « Maison du Charolais »  http://www.maison-charolais.com/doc/lamaisonducharolais/90_er-elevage-viande-et-d-veloppement-durable-civ.pdf

Photo de l'auteur  Vaches pâturant dans la réserve nationale de la Vallée de Chaudefour (63)

Sans nom d’auteur,  un bel étal de viandes d’origine Française, certifiées et garanties « Biosur » sur le site « Panier bio » http://panierbiodole.com/fr/content/11/boucherie-charcuterie

Dire NON au lobbying pro-végétarien de  l’ADEME !

Vendredi 22 Novembre 2019 Commentaires (2)

Le 5 septembre dernier, la justice ayant tranché en faveur de sa propriétaire, le coq Maurice pourra continuer de chanter à sa guise sur l’île d’Oléron. Mais d’autres coqs n’ont pas été aussi chanceux.


Le Coq Maurice a même eu les honneurs du NY Times  comme le montre cette photo de Kasia Strek pour le NY Times [©Kasia Strek/The New York Times-REDUX-REA ]
Le Coq Maurice a même eu les honneurs du NY Times comme le montre cette photo de Kasia Strek pour le NY Times [©Kasia Strek/The New York Times-REDUX-REA ]
C’est le cas de Coco, le coq margnotin : il chante dans la commune picarde de Margny-lès-Compiègne (60). Son propriétaire a dû mettre Coco en pension chez une amie sous peine d’avoir à payer 50 euros d'amendes par jour à sa voisine. Il a fait appel de ce jugement et a lancé une pétition qui a recueilli déjà plus de 90 000 signatures.

J’invite mes lectrices et lecteurs à signer cette pétition en espérant qu’en appel un jugement favorable permettra à Coco de retrouver ses pénates. Coco a six ans et habite depuis toujours dans cette maison.

Pour signer c’est ici

Enfin je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager ce texte paru dans le magazine trimestriel édité par l’Association pour la promotion de Riom, 100% Riom. Il n’est pas signé mais je suppose qu’il est de Gilles Frierese, seul nom mentionné à la rubrique Rédaction.

Quand les voitures chanteront, les poules seront dedans

Le coq n’est plus maître en sa basse-cour. Sitôt qu’il chante, un touriste en villégiature, un résident secondaire ou un néo-rural l’assigne en justice pour nuisance sonore. Maurice, un coq de Saint-Pierre d’Oléron, saura ce 5 septembre s’il finira dans la marmite ou si le droit de chanter au lever du soleil lui sera pleinement reconnu. A Beautor, dans l’Aisne, quatre coqs font l’objet d’une pétition au prétexte que leur quatuor matinal déplaît à une poignée d’irréductibles de l’oreiller. En Suisse, un coq a été interdit de cocoriquer entre 22 heures et 8 heures du matin par le tribunal cantonal de Zürich. Il est vrai que son horloge interne était quelque peu déréglée. On pourrait croire à un complot anti-coq, mais il n’en est rien. Son chant n’est pas le seul « bruit » qui dérange. Les cloches des églises, les sonnailles des vaches et des chèvres, le hurlement des tronçonneuses au fond des bois, la pétarade des tracteurs et même les stridulations des cigales – cela s’est vu dans un village du Var l’année dernière – sont désormais la cible de  plaintes,  de  pétitions,  de  procès.  Le  ridicule  ne  tue  pas,  excepté  les  campagnes, ses veaux, ses vaches et ses cochons. Ces derniers n’émettant que de rares grognements, c’est à propos de leur odeur qu’on leur cherche des poux.

Dans le monde uniforme et silencieux que nous préparent les acariâtres égarés dans nos campagnes, il est au moins une chose qui fera du bruit : la voiture électrique, dont la propension à écraser le piéton muettement et discrétos a enfin été remarquée. Depuis le 1er juillet, une loi européenne impose aux constructeurs de doter leurs véhicules d’un bruit de 56 décibels, ni plus ni moins. Le texte de loi ne se prononçant pas sur la nature dudit bruit,  je  propose  que  les  voitures  chantent  comme  des  coqs,  meuglent  comme  des  vaches  ou  braient  comme  des  chèvres,  suivant  les  goûts  de chacun. Les animaux seront ainsi vengés et les acariâtres réduits à l’impuissance pénale.

On peut lire ce texte et le magazine ici 

Mardi 17 Septembre 2019 Commentaires (0)

Et notamment pas en France. Il est dans notre pays et notamment en Auvergne,un outil de gestion naturelle des milieux ainsi que se plaît à le rappeler la LPO aux promeneurs.


A l'intention des végans et autres détracteurs et contempteurs de l'élevage bovin en pâturage et des produits qu'il nous procure, viande et lait de première qualité à haute valeur nutritive et nutritionnelle : ce type d'élevage n'a rien a voir avec les parcs d'engraissement à l'américaine ou les fermes des "mille vaches" en France ou en Allemagne. Il permet de conserver une diversification des milieux sans laquelle on assisterait à l'appauvrissement supplémentaire d'une biodiversité déjà fort mal en point.

C'est ce que rappelle un des panneaux d'information du public  mis en place par la LPO le long du sentier qui fait le tour d'un espace naturel sensible, l'étang de Pulvérières dans le Puy de Dôme, à l'extrémité nord de la Chaîne des Puys là où débute le plateau des Combrailles.
L'élevage bovin, une calamité écologique ? Ni toujours, ni partout !

Vendredi 16 Août 2019 Commentaires (0)
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