L’expression animaux non humains  est utilisée par certains philosophes, chroniqueurs, pamphlétaires, blogueurs, etc., animalistes antispécistes et par la mouvance végane. Les autres, les gens ordinaires, vous et moi se contentent de parler d’animaux, étant entendu que les gens ordinaires, vous et moi ne se considèrent pas comme des animaux bien qu’ils ne feraient aucune difficulté pour reconnaître que leur espèce fait partie du règne animal. L’expression sonne comme une redondance puisque dans le langage ordinaire dire d’un être vivant qu’il est animal implique qu’il n’est pas un humain et réciproquement dire qu’il est un humain implique qu’il n’est pas un animal !


C’est précisément cela que refusent les antispécistes. Pour eux les hommes sont des animaux parmi d’autres et il n’y a pas lieu de privilégier leur espèce, notre espèce lorsqu’il s’agit d’appliquer le principe d’égale considération des intérêts et notamment l’intérêt à vivre et à ne pas souffrir. Pour contrer notre spécisme spontané, il faut ramener l’humain à sa condition animale et faire de lui un animal parmi d’autres, à défaut d’en être un comme les autres. D’où l’expression « animal non humain » qui suppose pour faire sens l’expression opposée « animal humain ». Or dans le langage ordinaire cette expression « animal humain » n’a pas de sens. C’est une contradiction dans les termes : « animal humain » est un non sens comme « carré rond », puisque humain = non animal et animal = non humain !

 

L’expression « animal non humain » ne peut recevoir de sens que dans l’opposition « animal humain /animal non humain » et dans cette opposition « animal humain » est le terme marqué c’est-à-dire que lexpression « animaux non humains » réfère à un ensemble d’animaux non spécifiés et simplement caractérisés par opposition aux «animaux humains». Comme cette dernière notion est un non sens, la notion « animal non humain » qui prend son sens par rapport à elle est, elle aussi, un non sens. Pire donc que redondante, l’expression est absurde. En toute rigueur il n’y a dans le monde pas plus d’animal humain que d’animal non humain, que de carré rond !


Pourquoi cette conclusion peut-elle paraître contre-intuitive ? Simplement parce que on peut donner au terme « animal » dans les expressions en cause un autre sens que le sens ordinaire qu’il a l’air d’avoir, sens ordinaire qui exclut l’homme. Il ne renverrait pas à un fatras d’espèces à l’exception de l’humaine. Il ne serait pas synonyme de « bête », c’est-à-dire de « tout être vivant couramment perçu comme un animal, à l’exception de l’homme » selon la définition de la dernière édition du dictionnaire de l’Académie française. Il renverrait pour partie à un règne biologique, le règne animal traditionnellement opposé à celui des végétaux dans la classification linnéenne qui de deux règnes a évolué depuis en six voire sept règnes. Pour partie car les éponges, par exemple qui pour la taxinomie scientifique appartiennent au règne animal ne seraient pas considérées comme des animaux pour la plupart des antispécistes.

Admettons cette interprétation plus charitable ! Néanmoins, il reste difficile de savoir avec précision ce qui est retenu du règne animal des biologistes par les antispécistes. Les animaux au sens des antispécistes ne se définissent pas par conditions nécessaires et suffisantes mais par type (ou prototype), par exemple « chien et tout ce qui y ressemble » avec quantité de cas limites et incertains ! Le prédicat «être sujet d’une vie » de Tom Regan bien que défini en termes de CNS fonctionne en fait comme s’il était défini par type et détermine assez bien ce que les antispécistes et autres végans considèrent comme animal.

 

Ce n’est donc pas à un règne de la taxinomie scientifique que l’on a affaire ici mais au mieux à un genre d’une taxinomie populaire. D’ailleurs le dictionnaire de l’Académie dans sa 8e édition (1935) illustrait cette notion de genre par l’exemple suivant : « Sous le genre animal, il y a deux espèces comprises, celle de l’homme, celle de la bête » (p. 594) La « bête » désigne donc tous les animaux qui ne sont pas humains, donc les « animaux non humains » des antispécistes !

 

Dans cette interprétation charitable, non seulement les « animaux non humains » des antispécistes ne sont rien d’autre que ce qu’on appelle des bêtes en bon français mais il y a pire pour les antispécistes. Comme mentionné plus haut, l’expression « animal non humain » reçoit son sens dans son opposition avec «animal humain » et non l’inverse. Pour bien le comprendre considérons l’opposition «animaux lagomorphes»/« animaux non lagomorphes». L’humain appartiendra à cette dernière catégorie seulement parce qu’il n’est pas lagomorphe. On fait donc des lagomorphes une classe à part et on la distingue de toutes les autres rejetées dans l’indistinction de tous ceux qui ne sont pas lagomorphes.

 

Le « spécisme » de l’opposition «hommes»/« animaux » que les anti-spécistes répudient de leur langage se retrouve dans celui qu’ils adoptent puisque c’est encore par rapport à l’humain que se caractérise tous les autres animaux en ce qu’ils ne sont pas des humains, seulement en cela et non en ce qu’ils sont des lapins, de chiens, des chats, des éponges, des collemboles etc.... Les antispécistes croyaient avoir chassé ce spécisme par la porte et le voilà qui entre de nouveau et en force par la fenêtre ! Ils réduisent les humains à des animaux tout en les distinguant de tous les autres et en les érigeant en point de référence. Le point de vue reste donc spéciste parce qu’anthropocentré ! L’espèce humaine étant distinguée et les autres espèces laissées sans distinction pêle-mêle dans leur non-humanité.


Pour conclure, je citerai Platon. Ce que, dans Le politique, l’Étranger reproche à Socrate le jeune de faire, c’est aussi ce que font en fin de compte les antispécistes et « c’est ce que ferait, peut-être, tout autre animal doué de raison, comme la grue, par exemple, ou quelque autre : elle aussi distribuerait les noms comme tu fais, isolerait d’abord le genre grues pour l’opposer à tous les autres animaux et se glorifier ainsi elle-même, et rejetterait le reste, hommes compris, en un même tas, pour lequel elle ne trouverait, probablement, d’autre nom que celui de bêtes ». Les « animaux non humains » des antispécistes ne sont rien d’autre que des bêtes. La terminologie ne doit pas faire illusion. Son changement ne joue que sur la connotation des termes. 
 
En résumé, soit l’expression antispéciste « animal non humain » est un non sens, soit ce n’est qu’un synonyme jargonnant de « bête » ! Foin donc de l’antispécisme, vive le non-spécisme !
 

Jeudi 24 Novembre 2022 Commentaires (0)

Au quotidien

Au bout d'un chemin qui s'efface, ces pommiers tous morts et recouverts de lichens
Au bout d'un chemin qui s'efface, ces pommiers tous morts et recouverts de lichens
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Vendredi 11 Mars 2022 Commentaires (1)

L’article qui suit est une longue mise au point sur le passif de la gauche dite de gouvernement notamment au cours du dernier quinquennat de François Hollande. Un passif qui n’a guère été reconnu par cette gauche et notamment par le PS. Je l’effectue à partir d’une critique d’un court article que Gilles Mergy a publié sur le blog « Osez-Fontenay », symptomatique de cette absence et qui a été pour moi un déclencheur. C’est pourquoi je souhaite souligner en avant-propos que j’ai participé avec Gilles pendant de nombreuses années à la même équipe municipale. Je n’ai pas eu et n’ai pas de désaccord avec lui pour ce qui est des affaires municipales, et si j’étais encore impliqué dans les affaires municipales de Fontenay, je soutiendrais son action et celle de l’opposition municipale Fontenaisienne actuelle qui réunit Gauches et Ecologistes d’EELV.


Je m’en tiendrai pour l’essentiel au quinquennat de François Hollande au cours duquel ce que G. Mergy nomme « la gauche de gouvernement », si tant est qu’elle ait existée, a explosée ; EELV ayant quitté le gouvernement. Dans le gouvernement Valls, d’écolos, il ne restait que quelques individus que le PS avait réussi à débaucher et qui ont rompu avec leur parti pour des postes de ministres et autres avantages. On comprendra aisément la réticence d’EELV  face à une nouvelle union avec le PS : Chat échaudé... ! Sur ce point, on ne peut donner tort à ce parti d’autant que le PS, même s’il possède encore des bastions ne représente presque plus rien à l’échelon national comme on peut le constater jour après jour à la lecture de la pléthore de sondages pour l’élection présidentielle dont on nous abreuve. La chute sans fin d’Anne Hidalgo dans ces sondages n’est pas due principalement à sa personne, ni à sa campagne mais à son étiquette PS et au discrédit d’une « gauche de gouvernement » disparue mais dont le souvenir est encore vivace dans l’électorat des classes moyennes et populaires. Retour donc sur une histoire récente : le quinquennat de François Hollande.

Pour les écolos : la carotte des ministères pour quelques leaders EE/LV puis le débauchage ; la matraque, les grenades des CRS et des Gendarmes pour les militants qui se battent sur le terrain !
 
6 mai 2012, le socialiste François Hollande s’installe à l’Élysée. « Le changement, c’est maintenant »
21 juin 2012 Limogeage de Nicole Bricq ministre de l’écologie depuis un mois. Motif : sanctionnée pour avoir suspendu les permis de Shell pour la recherche d’hydrocarbure au large de la Guyane à cause de l’absence de garantie quant à la protection de l’environnement et de la faune marine dans ces permis, protection à laquelle elle était « très attachée » et aussi pour sa volonté de réformer le code minier pour une plus grande protection de l’environnement ! [2019 Ironie de l’histoire : les prospecteurs ont fait chou blanc. Il n’y a pas de gisement de pétrole exploitable dans les eaux de la Guyane] Comparez avec le 12 Décembre 2015 : discours de clôture de la COOP 21 : Hollande a-t-il eu la révélation écologique ?  Simple pantomime électoraliste d’un chef d’Etat impopulaire aux abois ?
 
24 Juin 2012, le vent du changement : Le Chefresne (Manche), petite commune de 300 habitants dont le maire Monsieur Jean-Claude Bossard est agriculteur et adhérent d’Europe Écologie: tirs de gaz lacrymogène et, probablement, de grenades offensives contre les manifestants qui s’opposent avec le maire à l’édification de la ligne à très haute tension Cotentin – Maine. Cette THT devrait raccorder le futur réacteur EPR de Flamanville au reste du monde. On déplore deux personnes sérieusement blessées parmi les manifestants de cette marche pacifique. C’est en réprimant les manifestions écologistes avec une rare violence lors du quinquennat de Hollande que les CRS et autres gendarmes mobiles se sont fait la main.
 
27 Juillet 2012 Le vent du changement : Mise en consultation de projets d’arrêtés ministériels assouplissant  les  arrêtés ministériels relatifs aux espèces végétales protégées sur l’ensemble du territoire national et de ceux concernant les protections régionales. Levée de bouclier des associations de protection de la Nature : ces assouplissements sont tels qu’ils laissent ces plantes sans protection réelles. Projet suspendu, serpent de mer déjà en préparation avec Nathalie Kosciusko Morisset , remis à plus tard.
 
2 juillet 2013 Suite de la valse des ministres de l’écologie : Delphine Batho remplacée par Philippe Martin, l’ami des chasseurs.
 
Nuit du Samedi 25 au Dimanche 26 Octobre 2014. Doit-on oublier Sivens et  la mort de Rémi Fraisse  avec Cazeneuve et Valls à la manœuvre  sans omettre le Conseil général du Tarn à majorité PS et son président PS ?  Ce sont eux, la « gauche de gouvernement aux manettes », qui ont ajouté le nom de ce botaniste à la liste des militants tués parce qu’ils défendaient la Nature. Rappelons qu’en 2014,  depuis la mort de Vital Michalon sur le site de Creys-Malville en 1977, il n'y avait plus eu en France de mort dans des manifs écolos et que depuis 1986 et la mort de Malik Oussekine, il n'y avait plus eu de mort dans une manifestation !
 
6 août 2015  Vote d’un amendement introduit dans la loi Macron (voir ci-dessous) entérinant le centre de stockage des déchets radioactifs à Bure, dans la Meuse. Reconnu comme « cavalier législatif » et censuré par le Conseil constitutionnel.
 
 Si une gauche à la Hollande était restée au pouvoir, nous aurions eu sans doute l’aéroport de Notre Dame des Landes cher à Jean-Marc Ayrault.
 
Social : Hollande en a rêvé, Macon l’a fait ou le fera !
 
Pour le social, il faut reconnaître que par le passé, il y a eu de grandes avancées avec des gouvernements de gauche.  Mais pas avec Hollande !  Certes, le bilan n’est pas entièrement négatif, surtout lors du gouvernement  Eyrault, avec les suivants par contre …
 
6 Août 2015 Loi Macron « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques » : libéralisation des autocars, assouplissement des règles concernant le travail le dimanche et la nuit. De plus l'article 135 de cette loi allège la fiscalité des actions gratuites. 
 
Hollande prenait les gens pour des c… en s’écriant « Mon ennemi, c’est la finance »  alors qu’il avait pour conseiller un homme de ce milieu dont il a fait par la suite son ministre… des finances ! Une gauche à la Hollande c’est aussi la réforme des retraites, la loi El Khomri… Le quinquennat de Hollande  a été le début d’une série d’attaques contre les droits des salariés et Macron n’a fait que continuer l’œuvre entreprise. Débarrassé des frondeurs avec une majorité aux ordres, ce dernier a pu poursuivre ce travail de sape sans entraves.
 
Sociétal : rendre à César !
 
Quant au sociétal, j’aimerais rappeler à Gille Mergy  que certes, ‘la gauche de gouvernement’ a fait des bonnes réformes mais la droite aussi. Par exemple : âge du droit de vote (ou plus exactement l'âge de la majorité) abaissé de 21 à 18 ans par Valéry Giscard d'Estaing en 1974, la loi Veil légalisant l’avortement promulguée le 17 janvier 1975 encore sous Giscard d’Estaing sans oublier la loi du 11 juillet 1975 qui a instauré le divorce « par consentement mutuel » ou « pour rupture de la vie commune». Rappelons qu’avant seul le divorce «pour faute» était possible.
 
Si l’on remonte plus loin encore dans le temps, le droit de vote pour les femmes c’est De Gaulle en 1944, avant même le « Débarquement » [Elles l’avaient déjà aux États-Unis (1919), en Inde (1926) avant de l’avoir en Grande-Bretagne (1928) ; même  la Turquie où les femmes ont ce droit depuis 1934  avait précédé la France]. Quant à la légalisation de la « pilule », on la doit à Lucien Neuwirth en 1967 sous le septennat de De Gaulle.
 
Ce n’est ni être gaulliste ou giscardien de le faire remarquer ! Et d’ailleurs, on peut dire que le mérite de ces chefs d’état de droite ou de gauche n’a été que de mettre les lois en harmonie avec les mœurs souvent avec beaucoup de retard, parfois avec un peu d’avance, parfois malgré une opinion publique réticente (avortement, peine de mort par exemple)
 
Avec la nomination de Valls le 31 mars 2014 à la tête du gouvernement et le débauchage qui s’en est suivi, Hollande savait très bien qu’il ferait éclater le groupe des élus EELV. Si la dérive de Vincent Placé l’a mis hors-jeu, tirons notre chapeau à celle d’Emma Cosse, mais surtout à celles de F. de Rugy et B. Pompili, roi et reine des écolos opportunistes au solide appétit et heureux et heureuse gagnante des entreprises de débauchage de Hollande puis de Macron .
 
Moralité de ce bilan : les idéaux et les valeurs dont parle G. Mergy ne donnent pas les moyens de faire respecter accords et programmes, ni même de les construire. Tant que le PS actuel n’aura pas exercé vraiment un droit d’inventaire sur le quinquennat de Hollande comme le voulait Jospin sur celui de Mitterrand, tant qu’il  n’en n’aura pas tiré les conséquences, il est à mon sens très difficile de s’entendre avec lui à l’échelon national.
 
D’ailleurs de quels idéaux et valeurs s’agit-il concrètement, alors que l’on  a vu réapparaître Le Foll un « hollandais » fidèle et pire encore, Cazeneuve avec des velléités d’investiture pour l’élection présidentielle de 2022. Faut-il rappeler que le 21 septembre 2019 lors de son changement de nom –  le PRG devenant ‘PRG Centre gauche’ ! – son président Guillaume Lacroix souhaitait «épauler Bernard Cazeneuve» et lui dire que «la gauche comme la France ont besoin de lui» (LaDepeche.fr du 22/09/2019)! Besoin de Cazeneuve pour quoi faire ?  Défendre les intérêts d’Orano ex-Areva ? Réprimer les défenseurs de la Nature avec à la clé de nouveaux morts ? Ces gens-là ont-ils oublié Sivens et Rémi Fraisse ?  En vérité, ils doivent s’en f…royalement comme des zones humides et de la Nature ! Finalement le PRG a dû se rabattre sur Christiane Taubira, Cazeneuve ayant un passif un peu trop lourd et « manquant de soutiens » selon sa propre expression !
 
En fin de compte qu’est-ce que ‘la gauche de gouvernement’ dont Gille Mergy a la nostalgie et dont il fait l’éloge ? Un PS hégémonique (il suffit de voir la répartition des portefeuilles dans les gouvernements sous les septennats de Mitterrand, le gouvernement de Jospin et le quinquennat de Hollande) quelques microsatellites dont le PRG et quelques associés traditionnels ou épisodiques, le PC, les Verts puis EE/LV, pièces rapportées assises au bas bout de la table.
 
En outre, le comportement du PS à l’égard des Verts a toujours été très différent de celui qu’il avait  avec son concurrent et allié traditionnel, le PC. Cela parce que les Verts, et plus généralement l’écologie politique, étaient et sont encore un peu des nouveaux venus dans le champ politique. N’ayant pas réussi à les exclure de ce champ, ni à les neutraliser, le PS a essayé de les phagocyter en quelque sorte en les enfermant dans la mouvance de « gauche », en fait sa propre mouvance notamment par des alliances dans le cadre d’une ‘gauche de gouvernement’, les députés écolos n’étant élus, dans la plupart des cas, que grâce au bon vouloir du PS dans les circonscriptions « gagnables » que ce dernier leur octroyait. C’est ainsi que l’on est passé de ‘la gauche plurielle’ à cette ‘gauche de gouvernement’ qui n’aura qu’une existence brève et ne survivra pas à la chute de Hollande et au délitement du PS. Depuis une sorte de révolution orbitale est en marche : le satellite tend à devenir planète et la planète satellite au fur et à mesure qu’elle se délite.
 
******
 
La « gauche » a sûrement beaucoup de qualité mais non, ce n’est pas elle qui «a su la première prendre conscience des défis écologiques et climatiques. » En ce qui concerne les « défis écologiques » ce sont les mouvements de protection de la Nature et les premiers partis et regroupement écologistes qui se sont constitués malgré la gauche et ses crédos productivistes d’alors. Et tout particulièrement malgré un PS qui a tenté par tous les moyens d’empêcher l’inscription de l’écologisme dans le champ politique. Gilles Mergy devrait se renseigner un peu mieux sur l’histoire des mouvements de protection de la nature et de l’écologie !
 
Insistons un peu plus longuement sur les « défis climatiques » puisqu’aujourd’hui, pour beaucoup l’écologie tend à s’identifier à la «lutte contre le changement climatique» à force de prioriser ce dernier par rapport aux autres thèmes et problèmes tout aussi importants et urgents et de n’envisager ces derniers qu’au travers de ce « changement climatique ».
 
Là encore, ce n’est pas la gauche, ce ne sont même pas les écolos qui sont à l’origine de cette prise de conscience généralisée, voire banalisée ; du moins la gauche et les écolos français. Si dès 1980 certains météorologues et paléoclimatologues pensent qu’il y a un réchauffement climatique en lien avec les émissions de CO2 anthropiques, le GIEC a été créé en 1988 dans le cadre du G7 sous la pression de deux personnalités ultralibérales, bien à droite, Ronald Reagan et Margaret Thatcher !
 
Il semble que la motivation de Reagan était de ne pas laisser la question climatique aux seuls scientifiques spécialistes du climat d’où le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) cet organisme hybride mêlant experts nommés par les gouvernements et décideurs qui les représentent et ont le dernier mot puisque ce sont eux qui valident  le rapport final.
 
Quant à Margaret Thatcher, elle avait conduit une répression sévère des grèves des mineurs britanniques en 1984-1985 avec pour bilan, 3 morts, 20 000 blessés, 11 300 arrestations et elle voulait la peau du National Union of Mineworkers, le syndicat des mineurs. A partir de 1987 elle avait entrepris de démanteler l’industrie houillère britannique, de nucléariser et de privatiser l’électricité. La théorie du réchauffement climatique dû émissions de CO2 d’origine anthropique lui permettait en plus de considérations économiques de justifier la fermeture des puits de charbon sans que les filons soient épuisés. Cette théorie était une merveilleuse alliée. En fonctionnement une centrale nucléaire n’émet pas de CO2. Dès son origine, la question climatique a donc été instrumentalisée pour développer le nucléaire et détourner l’attention du danger de cette énergie, danger que venait pourtant de démontrer la catastrophe de Tchernobyl en 1986, un an seulement avant !  En France aujourd’hui, les Jouzel, Jancovici, et autres zélateurs du « nucléaire-remède-à-l’effet-de-serre » ne procèdent pas autrement.
 
Margaret Thatcher a déployé beaucoup d’énergie pour mettre la question climatique au premier plan des préoccupations écologiques. Elle a fondé le Hadley Centre for Climate Prediction and Research (en  français Centre Hadley pour la recherche et la prévision climatique). Réuni avec le Climatic Research Unit, il est à l’origine des mouvements « pour le climat » et une de ses principales cautions scientifiques.
 
Cela dit, il est difficile de savoir si Margaret Thatcher a agi par conviction ou par opportunisme. Ou plutôt pour ne pas donner dans un binaire réducteur : quelle était la part de conviction et celle de l’opportunisme dans ses déclarations sur la question ? Dans un livre qu’elle a publié en 2002, intitulé Statecraft (L’art de gouverner) elle opère un retournement complet (p. 449 et suivantes). Elle écrit : « Le sujet favoris des prêcheurs de la fin du monde aujourd’hui est le changement climatique. Tout d’abord, la science en est extrêmement obscure et il n’est pas facile de prouver qu’elle est fausse (…) Comme évidemment aucun plan ne peut être envisagé autrement qu’à l’échelle du globe, cela fournit un prétexte merveilleux pour un socialisme supranational à l’échelle mondiale. » Après avoir été la première chef de gouvernement ardente propagandiste des dangers du réchauffement climatique d’origine anthropique, elle a été sans doute, l’une des premières personnalités politiques à développer un virulent discours « climatosceptique » !
Bien sûr il est gênant pour quelqu’un qui se réclame de la gauche et de l’écologie politique d’avoir à reconnaître que sur la question climatique, il bénéficie de l’héritage légué par Margaret Thatcher, c’est pourtant le cas. Si l’on fait abstraction de son revirement ultérieur peu connu, il faut bien admettre qu’elle en a fait beaucoup pour propager la panique climatique.
Bref, la prise de conscience des défis climatiques n’est propre ni à la Gauche, ni aux écologistes et ce  n’est pas la question. La question, c’est celle de savoir comment doit-on relever ces défis ? Et là, il n’y a pas de réponse qui fasse l’unanimité, ni à gauche, ni chez les écologistes !
 
*****
 
Il est évident donc que je ne partage pas l’analyse de Gilles Mergy sur les causes de la « division de la gauche et des écologistes ». Il n’est pas du tout suffisant d’avoir des valeurs et idéaux partagées pour réaliser une union. Ce n’est peut-être même pas nécessaire. Gaullistes et communistes ont gouvernés ensemble bien que les valeurs et idéaux qu’ils partageaient se résumaient à peu mais ils étaient d’accord sur un programme. Une confusion, source de malentendu perdure, y compris chez certains écologistes : la confusion entre l’idéologie – au sens noble du terme – et la stratégie. Sous aucune de ses diverses déclinaisons même antagonistes, l’idéologie écologiste est une idéologie de gauche. Elle n’est pas non plus une idéologie de droite. Simplement il se trouve que pour de nombreuses raisons la possibilité de s’accorder sur un programme est plus faciles avec des partis de gauche qu’avec des partis de droite, du moins en France.
 
De plus, au vu de ce qu’il faut bien appeler, même si le mot est fort, des « trahisons » passées, je m’inquiète des non-dits et des implications de ce passage de l’article de Gilles Mergy « la perte d’une réelle culture de gouvernement et une certaine incapacité à réfléchir à un programme novateur, désirable et réalisable ». Surtout lorsque que cela est assorti à une condamnation d’une gauche qui choisirait de  « défendre la pureté de ses idéaux en oubliant de « comprendre le réel» » … et qu’il n’y a rien de novateur dans l’exemple choisi : la « réponse de gauche » au problème de l’insécurité qui est celle des écolos depuis des lustres et aussi de la plupart des gauches.
 
Le sujet le plus clivant pour les gauches et les écologistes n’est pas celui-là ; ce sont par exemple – et ce ne sont que des exemples, la réforme des retraites et du temps de travail, la répartition des richesses (produire plus ou répartir mieux), les lois sécuritaires votées tant sous Hollande, Sarkozy  que sous Macron, la transition écologique et le mix énergétique associé … Comme pour le climat ou la sécurité que Gilles Mergy prend comme exemple, ce n’est pas tant les thématiques qui comptent que les réponses (de gauche, de droite, écologiste, etc…) qu’on leur donne.
 
******
 
Gilles Mergy affirme en conclusion de son article que la Gauche doit «travailler sur le fond et faire l’effort de se repenser, tant au niveau des idées que des stratégies de rassemblement et d’ouverture ». C’est certain. Encore faudra-t-il pour réussir ce renouvellement qu’elle exerce au préalable son droit d’inventaire sur les années Hollande.
 
Je crains aussi que lorsqu’il parle de la gauche, Gilles Mergy y inclut l’écologie. Ce serait une erreur. A la différence de la gauche, les écologistes n’ont pas à revoir leurs fondamentaux et l’écologisme n’est pas soluble dans la social-démocratie. Cela n’empêche pas les écologistes de passer sans se renier des accords avec cette dernière mais aussi avec les communistes, les insoumis ou autres partis de gauche. Fontenay et les villes limitrophes sont de bons exemples de ces alliances gauches/écologistes mais il faut reconnaître qu’à l’échelon local, départemental ou régional, c’est beaucoup plus facile et les résultats bénéfiques pour les gens sont immédiats.
 

Dimanche 27 Février 2022 Commentaires (0)

Sur le blog « Oser Fontenay » qui donne la parole aux habitants de Fontenay-aux-Roses, s’expriment surtout des personnes de sensibilité de gauche ou/et écologiste, plutôt modérées et opposées à la majorité municipale actuelle d’union des droites, du centre droit, du Modem, de LRM dont des transfuges du PS, dirigée par un maire UDI.
Quelques articles et commentaires parus sur ce blog se lamentent de l’absence d’union à gauche, une gauche qualifiée à cause de cette incapacité à se rassembler de gauche la plus bête (et autres qualificatifs) du monde. On a l’impression à lire ces écrits que sans union, c’est la défaite assurée, alors qu’avec l’union « des gauches » la victoire serait à portée de bulletins de vote… Il s’agit là d’un biais né d’une projection sur l’échelon national d’une situation locale dont seul – du moins parmi ceux qui ont écrit sur ce blog – le responsable du groupe local EELV a su s’abstraire mais sans pour autant faire preuve de réalisme !


L'union ? Avec qui précisément?  Pour quoi faire ?  Avoir une petite chance de battre Macron ? Très petite ! Car d'une part les divergences entre les partis se situant à gauche et les partis écologistes étant profondes, l’union de façade aurait du mal à convaincre et d'autre part même si  on faisait  la somme des intentions de vote en confondant politique et arithmétique, le compte n'y serait pas, surtout si le PC et les Insoumis sont exclus de cette union de la "gauche de gouvernement".  Ces contributeurs ont-ils déjà oublié le quinquennat de Hollande qui a prouvé qu'il ne suffit pas de gagner une élection, qu'il ne faut pas promettre ce qu'on ne peut tenir et qu'après il faut être en mesure de transformer l'union des "contres" en accord effectif de gouvernement ! Des idéaux et des valeurs même communes ne font pas un programme ! Énergie, politique étrangère, Europe, etc., voire même maintenant gastronomie (!!!), les divergences abondent tant sur des sujets régaliens en principe du ressort du Président de la République que sur d’autres qui le sont moins, voire pas du tout !  
 
Aborder la situation politique nationale des Gauches et des Écologistes à partir de celle de Fontenay crée un biais. Ici l'absence d'union des oppositions a sans doute compté pour beaucoup dans leur défaite à l’élection municipale alors qu’il n'y avait entre elles que de faibles divergences n'obérant pas la possibilité de conduire une politique municipale commune bien que, dans une équipe municipale, il ne suffit pas d'avoir des vues voisines, il est aussi nécessaire que les gens puissent s'entendre entre eux un minimum. Par contraste  l’union au second tour des gauches, des associatifs et des écologistes aux élections départementales aurait permis de remporter le canton Châtillon/Fontenay-aux-Roses.
 
 S’il semble bien que ce soit la désunion qui a fait perdre la municipale, pour autant, il n’est pas évident que ce soit l’union qui a fait gagner l’élection départementale par le binôme PS/EELV. C'est bien plutôt le mauvais score du binôme de droite à Châtillon. D’ailleurs à Fontenay, le binôme de droite a obtenu un score supérieur au binôme PS/EELV, les appels à l’union des autres candidats de gauche comme des « associatifs » pour battre le maire n’ayant eu que peu d’effet. Si les limites du canton avaient été celles de la ville comme c’était le cas avant l’introduction de binômes pour garantir la parité, la droite aurait remporté l’élection.
 

Donc non, la Gauche n'est pas la plus bête du monde pour la simple et bonne raison que cette Gauche qui fut "Gauche plurielle" puis "Gauche de gouvernement" n'existe plus, elle a explosé. D'ailleurs une partie de celle-ci se retrouve dans LREM, à tous les sens du verbe "se retrouver" car il serait réducteur de n'y voir qu'opportunisme ! Voir dans les égos des candidats la principale cause de cette désunion est encore plus réducteur !
 
Je crois que c’est Maxime Messier, responsable du Groupe local EELV qui a raison. Dans un commentaire qui tranche avec « l’unionite » ambiante, il rappelle que la Gauche a gagné des élections sans qu’il y ait union et il écrit : «Si la gauche a parfois gagné des élections nationales, c’est parce qu’un parti dominait largement la gauche : le parti socialiste. A lui tout seul, ce parti approchait les 30% des voix et il était en mesure de remporter les élections.  Aujourd’hui, le PS s’est effondré dans l’électorat » Mais en bon petit soldat d’EELV, Maxime Messier prétend  que c’est l’écologie politique qui doit servir de nouvelle locomotive pour tirer la gauche de son marasme et donc Yannick Jadot …. qui tourne autour de 5% dans les sondages et ne fera sans doute pas mieux au soir du 1ier tour de la présidentielle ! Le  réalisme n’est pas de mise, ni chez Yannick Jadot, ni chez  Maxime Messier.
 
 Jean-Luc Mélenchon n’a peut-être pas tort de ne pas vouloir discuter avec les débris à la dérive de la gauche qui se disait « gauche de gouvernement » dont d’ailleurs une bonne partie se retrouve aux côtés de Macron et continue donc de gouverner. C’est aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis qui pèsent le plus et bien que beaucoup d’anciens Verts marqués à gauche, voire étiquetés gauchistes comme Martine Billard aient rejoint les Insoumis au fil du temps, Jadot sinon EELV ne veut pas entendre parler d’une alliance avec eux et évidemment, surtout pas derrière Mélenchon  bien que Yannick Jadot plafonne à 5% et que Jean-Luc Mélenchon a plus du double (et cuisine le quinoa). Mais ce dernier  n’est pas atlantiste et critique vis-à-vis des traités de l’Union Européenne….
 
Quant à Gilles Mergy, tête de la liste battue au second tour des municipales, dans un commentaire daté du 20 décembre 2021, il estimait que Mme Taubira la candidate de son parti, le PRG qui reste un parti de notables, « pourrait un peu changer la donne si elle s’inscrit dans la dynamique d’une primaire populaire. Mme Taubira réussit à allier les valeurs traditionnelles de la gauche sociale et populaire et les attentes sociétales actuelles (comme en témoigne sa réforme du mariage pour tous) » Certes, elle a gagné la « primaire populaire » mais depuis, dans les sondages avec 2%/2,5%  d’intentions de vote, elle fait à-peu-près  jeu égal avec Anne Hidalgo. Pas de quoi faire rêver, y compris le PRG qui annonce le 14 février 2022 se mettre en retrait de cette candidature. Il ne tient sans doute pas à être mêlé à cette déconfiture. Avoir fait voter « le mariage pour tous » ne suffisant apparemment pas à susciter l’enthousiasme des gauches dans l’élection présidentielle ! Le PS, plus fidèle et plus courageux que le PRG, persiste et signe en continuant de soutenir Anne Hidalgo en perdition, dépassée par le communiste (quelle revanche pour ce parti !) et peut-être même par la candidate du Parti animaliste qui n’a aucune chance de se présenter faute du sésame des 500 signatures. Gageons que celle-ci tentera de vendre très cher ses voix potentielles démontrant ainsi que le lobbying n’est pas le propre des chasseurs.  
 
Bref, Maxime Messier a raison, sans « locomotive » pas d’union et de toute façon, une union sans locomotive n’est nullement une garantie du succès. Pour filer la métaphore, on pourrait ajouter qu’une locomotive sans wagon est un inutile gaspillage d’énergie. Il reste qu’une vision correcte et partagée des rapports de force au sein de la mouvance des gauches et de l’écologisme est la première condition d’une union véritable,  avant même la constitution d’un programme parce qu’elle conditionne la réussite des négociations dont sera issu ce programme. Nous sommes en sommes loin !
 
L’unité ne sera possible seulement lorsque dans cet éparpillement de structures plus ou moins pérennes, les rapports de force se seront stabilisés et, surtout, seront reconnus de sorte que négociations et alliances formelles ou non deviennent possibles. Réduire cela à une course pour savoir qui arrivera le premier est, là encore, réducteur et témoigne pour le moins d’une certaine cécité politique.  Répétons-le, compte tenu de la situation, des divergences sur des sujet majeurs, l’union n’aurait pu être que de façade, donc purement électoraliste et peu crédible. Et la défaite aurait obscurci un peu plus l’avenir, déjà pas très brillant. Gagner ensemble, c’est déjà difficile à gérer mais couler ensemble …
 

Lundi 21 Février 2022 Commentaires (0)

Pour le gouvernement, le ministère de l’écologie, comme pour certaines associations qui se prétendent écologistes, la réponse à cette question est positive mais, en général elle est implicite, pour ne pas dire volontairement passée sous silence. On comprend d'ailleurs très bien pourquoi !


Gestion forestière et changement climatique : faut-il sacrifier la naturalité et la biodiversité des forêts pour une atténuation du réchauffement climatique ?
En effet comme il est démontré dans le rapport publié par les associations Canopée, Fern et Les Amis de la Terre France, « En proposant une hausse des prélèvements jusque 95 % d’ici 2050, les stratégies nationales actuelles (SNBC, PNFB, Afterre) ne détaillent pas l’effet de ce choix sur les stress subis par les arbres, les stocks de biomasse dans l’écosystème, la fertilité du sol sous l’effet du prélèvement des branches, la biodiversité sous l’effet du prélève­ment des bois morts et de la raréfaction des gros et très gros bois, les conflits d’usage. Une telle optique peut mener à une déstabilisation des écosystèmes imposant progressivement la pratique des cycles courts et le renouvellement par plantation. » [Gestion forestière et changement climatique : une nouvelle approche de la stratégie nationale d’atténuation, p.6]. De plus, il supposerait « des mesures autoritaires de mobilisation des surfaces et des volumes sur pied » On sacrifie donc les forêts, leur biodiversité et leur naturalité pour « sauver » le climat. Sauver le climat ou faire du business et des profits ?
 
Derrière l’objectif affiché de ce sauvetage, il y en a bien souvent un autre plus terre à terre et dans les incitations à exploiter les forêts, il est au moins autant question d’économie, de rapport, de développement des territoires, de valorisation, que de climat. D’autant qu’il y a une autre stratégie possible qui non seulement permettrait de préserver la forêt mais qui lui permettrait de mieux jouer son rôle dans l’atténuation du réchauffement climatique comme l’établit le rapport cité à partir des connaissances scientifiques actuelles et en recourant à des données confirmées concernant l’état actuel et prévisible de la forêt française.
 

Lien permettant de charger le rapport publié par les associations « Canopée », « Fern » et « les Amis de la Terre France » https://www.canopee-asso.org/wp-content/uploads/2020/02/Rapport-WEBfor%C3%AAt-climat-Fern-Canop%C3%A9e-AT_Optimizer.pdf
Pour un résumé https://www.canopee-asso.org/wp-content/uploads/2020/03/LAISSER_VIEILLIR_LES_ARBRES_BD_3.pdf ]

Le rapport propose une autre stratégie qui permet de préserver les forêts et il l’estime plus efficace pour le climat et la biodiversité. Cette stratégie s’articule autour de cinq points forts :
1 – Laisser 25% de la forêt française en libre-évolution
2 – Miser sur la résilience et la diversité des espèces
3 – Allonger l’âge de récolte des arbres
4 – Répartir les coupes sur l’ensemble des massifs
5 – Pratiquer une sylviculture maintenant  le couvert forestier, donc pas de coupes rases.
 
Ces préconisations sont un moindre mal. Elles ne font que remettre en avant des principes de gestion des forêts qui ont été trop souvent oubliés car incompatibles avec une foresterie productiviste à base de coupes rases, d’utilisation de produits phytosanitaires et des machines de plus en plus lourdes qui tassent le sol forestier. Ce qui conduit à la réduction des forêts de production à de plantations d’arbres, en général des résineux à croissance rapide dont les douglas sont l’archétype.
 
*********
 
Cependant, en voulant adopter une position médiane entre une sylviculture intensive qui nuirait à la naturalité et à la biodiversité des forêts et une foresterie extensive sous prétexte d’éviter une pénurie éventuelle de bois d' œuvre « accentuant les fermetures de scieries, les problèmes d’emploi en zone rurale et entraînant la hausse des imports » le rapport propose « le maintien jusque 2050 d’un prélèvement de 60 Mm3/an avec augmentation des surfaces gérées pour mieux répartir ce prélèvement dans l’espace » [souligné par moi]. C’est le point 4 de cette stratégie et c’est ce point qui est problématique.
 
En France la propriété forestière est très morcelée (certains considèrent que c’est à cause de la suppression du droit d’aînesse!), beaucoup de forêts sont constituées de petites parcelles privées qui ne sont pas exploitées et laissées à l’abandon parce que non rentables à cause notamment de leur exiguïté où de la difficulté d’accès. C’est le cas dans le Puy de Dôme par exemple. Ces forêts non « gérées » sont des territoires à forte naturalité précisément parce qu’elles ne sont pas gérées, entendez non exploitées.
 
Or le Conseil départemental du Puy de Dôme veut les mettre « en valeur » ! Il développe pour cela des « Plans de Développement de Massif forestier (PDM) » dont l’objectif est « la mise en gestion pérenne de la forêt privée et donc une augmentation du niveau de mobilisation des bois. » ( gestion pérenne = coupes et augmentation des coupes ! Il faut oser !) [Ludovic Gerardi, « La filière forêt-bois » Direction de l'Aménagement des Territoires, sur le site du Conseil Départemental du Puy de Dôme] L’auteur de ce texte insiste « L'objectif est d'inciter les propriétaires à gérer leur patrimoine et par conséquent de faire des coupes de bois, de mobiliser les opérateurs économiques et de montrer aux élus les potentialités de développement de leur territoire en provenance de la forêt. » [Souligné par moi]. Cela s’accompagne d’aide à la réalisation des travaux de desserte forestière pour pallier les difficultés d’accès et d’aides au « regroupement du foncier forestier » pour avoir des parcelles suffisamment étendues pour une exploitation rentable. Au moins, c’est clair ! Adieu la naturalité et la spontanéité qui va de pair !
 
Le cas du Puy-de-Dôme n’est pas un cas isolé : on retrouve sous une forme ou sous une autre, le même type de politique dans tous les départements forestiers. Il s’agit ni plus ni moins de donner les moyens administratifs, matériels et financiers d’exploiter des forêts laissées en libre évolution. Face à cela, le garde-fou des 25 % proposé par ce rapport peut sembler dérisoire.
 
Bien que ce ne soit pas son objectif, ce rapport en fin de compte propose une foresterie conforme aux critères de la taxonomie verte de Bruxelles, ce que n’est pas une foresterie qui se conformerait aux objectifs du gouvernement français pour la filière bois dans le cadre de la « transition énergétique ». En effet, non seulement ils ne contribueraient pas à l’atténuation du changement climatique (au moins pour la filière bois-énergie), mais de plus même si c’était le cas, ce serait au dépend de la protection d’écosystèmes sains et aussi de la protection de l’eau.
 
Pour rappel ces critères sont les suivants :
1. Atténuation du changement climatique
2. Adaptation au changement climatique
3. Utilisation durable et protection de l’eau et des ressources marines
4. Transition vers une économie circulaire, prévention et recyclage des déchets
5. Prévention et réduction de la pollution
6. Protection des écosystèmes sains
De plus pour être considérée comme verte une activité doit satisfaire à au moins un de ces critères sans contrevenir à aucun des autres.
 
 
*********
 
Les auteurs démontrent que la poursuite de l’objectif d’atténuation du réchauffement climatique implique une foresterie qui respecte les équilibres écologiques des systèmes forestiers et en préserve la biodiversité. Mais qu’en serait-il si cela était l’inverse et que soit plus performante pour atténuer le réchauffement climatique une sylviculture productiviste maximisant les volumes récoltés, des cycles courts avec coupes rases pour décarboner l’énergie ? Devrait-on sacrifier la biodiversité et la naturalité des forêts sur l’autel de la «lutte contre le changement climatique » ?
 
Comme les Amis de la Terre sont impliqués par ce rapport, je présume, peut-être à tort, que la réponse serait positive. Quoi qu’il en soit, il est évident que dans la stratégie développée dans ce rapport comme dans les stratégies concurrentes qui font bon marché de la naturalité et de la biodiversité, la préoccupation principale n’est pas une bonne préservation des écosystèmes forestiers et la préservation de leur naturalité. Celle-ci est subordonnée à un objectif d’atténuation du réchauffement climatique qui est premier, prioritaire. Il n’est nullement remis en cause dans ce rapport et c’est ce qui en fait les limites.
 
Il présente une stratégie gagnant/gagnant pour l’atténuation du RC et la préservation des écosystèmes forestiers. On peut aussi considérer qu’il s’agit en proposant une telle stratégie de sauver la forêt que les stratégies gouvernementales d’atténuation du RC et de décarbonation de l’énergie risquent de mettre à mal. Hélas, ce sont ces dernières qui ont bien plus de chance d’être appliquées.
 
Misère de ces temps de panique, où toute politique de protection de la nature et des paysages doit passer sous les fourches caudines du sauvetage du climat !
 
 

Crédit photo : SOS FORÊT France

Dimanche 30 Janvier 2022 Commentaires (0)

Les défendre par voie légale risque d’être plus difficile : le gouvernement a trouvé à l’Assemblée Nationale une majorité confortable pour modifier le code de l’environnement afin de permettre au béton et au goudron – surtout au goudron – de couler sans que des arbres « mal placés » les en empêchent ! Ils pourront être abattus beaucoup plus facilement !


Pour les arbres d’alignement, l’année a mal commencé!
La loi de reconquête de la biodiversité de 2016 avait reconnu la valeur patrimoniale des alignements d'arbres et créé un régime spécifique pour leur protection concrétisé dans l’article L. 350-3 du code de l’environnement. Cet article permettait de défendre efficacement ces arbres comme le prouvent de nombreux recours contentieux gagnés grâce à lui. Il était devenu la bête noire des aménageurs et collectivités maniaques de la tronçonneuse. L’exécutif s’est donc attaché à le modifier de façon telle qu’il perde pratiquement toute efficacité. Il a fait voter à l’Assemblée nationale les modifications appropriées dans l’article 62 de la loi fleuve « relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale », dite “Loi 3DS”. Tous les amendements visant à supprimer cet article ou à le réécrire pour restaurer la force initiale à l’article 350-3, notamment ceux de l’écologiste Delphine Batho, ont été repoussés le 16 décembre 2021 et le projet de loi a été adopté le 7 janvier dernier.  [clic sur la photo pour l'agrandir]

Comme l’expose très bien le premier paragraphe de l’article 350-3 du code de l’environnement dont les députés ont réduit la portée « Les allées d'arbres et alignements d'arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine culturel et une source d'aménités, en plus de leur rôle pour la préservation de la biodiversité et, à ce titre, font l'objet d'une protection spécifique. Ils sont protégés, appelant ainsi une conservation, à savoir leur maintien et leur renouvellement, et une mise en valeur spécifiques. » Ces arbres sont des écosystèmes en eux-mêmes. Comme le fait remarquer un lecteur d’Actu environnement, les vieux arbres d'alignement de bords de routes, à force d'être ébranchés, comportent des loges d'animaux protégés par la loi, tel le Pic noir, la Sittelle torchepot et des gîtes à chauves-souris et tant qu’ils ne menacent pas la sécurité des personnes et des biens, ils devraient être conservés.

Si la contribution des arbres d’alignement à l’atténuation du réchauffement climatique n’est pas certain, néanmoins il est évident qu’ils protègent des écarts de température et notamment des chaleurs caniculaires. Ce patrimoine arboré participe donc à l’adaptation à ce réchauffement. Ils sont donc à préserver surtout si ce réchauffement devait se poursuivre. Nul n’ignore cela et sans doute pas le gouvernement et les députés de sa majorité. Mais ils s’en foutent. Le climat, ils ne s’y intéressent que pour le business vert et les profits qui vont avec.
 
Il faut applaudir Delphine Batho (Génération Écologie) d’avoir combattu à l’Assemblée Nationale pour défendre l’article du code de l’environnement protecteur. Combat perdu d’avance mais qui a eu le mérite de mettre le Gouvernement et ses députés devant leur responsabilité, de montrer leur connivence avec les promoteurs d’infrastructures routières et autoroutières, avec les attardés de la tronçonneuse qui ne voient dans les arbres que du mobilier routier ou urbain, avec ceux qui ne font pas la différence entre un arbre adulte et un jeune baliveau. Elle a mis le doigt là où ça pouvait leur faire mal et ternir leur image. Elle a dénoncé toutes les petites entourloupes qui se cachaient au détour d’une phrase dans ce texte qui affirme dans la plus pure tradition orwellienne protéger alors qu’il détricote les protections existantes.[Voir la transcription du débat sur le site de l’AN ici : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2021-2022/deuxieme-seance-du-jeudi-16-decembre-2021
 
Cette modification d’un article du code de l’environnement est un nouvel et bel exemple des dispositions qui visent à empêcher d’agir en justice les contre-pouvoirs associatifs et les citoyens, comme c’est déjà le cas pour les questions d’urbanisme, d’implantation d’ENR, etc. Il ne faudra pas s’étonner si, mis dans l’incapacité de faire respecter les arbres et la protection de la nature par voie légale, ils passent à l’action directe et aux actions de résistance pour y parvenir.
 
Selon Laurent Radisson « La prochaine étape est celle de la commission mixte paritaire (CMP), dont la date n'est pas encore connue. Son adoption durant cette mandature n'est toutefois pas acquise compte tenu des fortes divergences entre les deux assemblées et du calendrier contraint par les échéances électorales. » [Actu-environnement.com du 6 janvier 2022] Tout n’est donc pas encore perdu ! Mais il vaut mieux ne pas compter sur son seul bulletin de vote. Ce sont les mobilisations locales autour de ces arbres lorsqu’ils sont menacés qui créeront des rapports de force permettant de les préserver. Somme toute, la plupart des élus souhaitent l’être de nouveau !

Photo : ©jfd
 

Lundi 17 Janvier 2022 Commentaires (0)

Sur le site « Ma Terre » l’ADEME a présenté un « dossier » « Pourquoi faut-il développer les énergies renouvelables ? » que ne renierait pas les lobbies de l’éolien et du vent pour la bonne raison qu’il ne fait que reprendre sans aucune critique leurs arguments. L’ADEME dans ce dossier ne fournit pas une analyse objective. Il ne s’agit que de propagande avec de mauvais arguments. C’est d’autant plus regrettable ce site de l’ADEME s’adresse aux jeunes qui sont censés y trouver toutes les explications (sic!) sur le développement durable, le changement climatique, des infos et une aide pour « préparer des exposés sur le développement durable, la pollution et l'environnement ».
L’objet de cet article est de fournir une critique détaillée de la partie «Quatre bonnes raisons de développer les énergies renouvelables ».


● Lien pour accéder à l’article : https://www.mtaterre.fr/dossiers/pourquoi-faut-il-developper-les-energies-renouvelables/quatre-bonnes-raisons-de-developper
 
● Le texte est assez bref. Mais comme toujours, comme il faut beaucoup moins de mots pour énoncer des contre-vérités que pour les réfuter, cet article est assez long.
 
● Pour chacune des raisons invoquées, je cite d’abord le texte de l’ADME en italique. La critique suit en caractères droits.
 
Augmenter l’indépendance énergétique de la France
Contrairement aux centrales nucléaires ou thermiques à combustible fossile (gaz, fioul, charbon), il n’est pas nécessaire d’importer du combustible pour faire fonctionner les différentes énergies renouvelables. ADEME

Sans blague ! Les éoliennes actuelles viennent d’ailleurs et les panneaux solaires aussi ! Cuivre, nickel, terres rares, …, aucune de ces matières premières dont l’éolien est gros consommateur ne se trouvent sur le territoire français!

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Émettre moins de gaz à effet de serre
En France, la production d'électricité et de chaleur renouvelable se substitue à celle des centrales et équipements fonctionnant au fioul, au gaz et au charbon. Cela contribue à réduire nos émissions de CO2 !

En fait elles ne se substituent pas au charbon : on en a aujourd’hui la preuve. Cet hiver plusieurs réacteurs nucléaires sont en maintenance, donc à l’arrêt. Or ce n’est pas l’éolien qui supplée au manque d’électricité mais les vieilles centrales à charbon qui nous restent !

Ensuite, s’il fallait compter sur les ENR pour se chauffer, on claquerait des dents, en hiver, les nuits lorsqu’il n’y a ni vent, ni soleil. Leur production d’électricité n’est pas pilotable et l’électricité n’est pas stockable, le seul moyen connu économiquement viable qui permettrait d’en stocker des quantités importantes, les STEP (station de transfert d'énergie par pompage) supposerait de créer de nouveaux barrages, ce qui n’est plus socialement acceptable. Tant mieux d’ailleurs tant la réalisation d’un barrage est une catastrophe écologique et humaine.

Enfin, le chauffage électrique est une aberration : « Il est aberrant de transformer une source d’énergie primaire quelle qu’elle soit (pétrole, charbon, atome ou gaz) avec un rendement qui plafonne à 35 % conformément aux lois de la thermodynamique (rendement de Carnot ) pour la transporter sur des centaines de kilomètres (en perdant encore 10 % de l’énergie dans les lignes) pour chauffer un local à 20° C, alors que l’on peut obtenir le même résultat avec 80 % de rendement en brûlant le combustible directement dans une bonne chaudière » comme l’écrivait naguère la Commission énergie des Verts ( Les Verts 1998, Le nucléaire et la lampe à pétrole, L’esprit Frappeur éd., Paris, 1998, p. 100), un texte bien oublié depuis. Avec de tels rendements et de telles pertes, une cogénération gaz chaleur/électricité serait sans doute plus adaptée et performante, si l’on ne veut pas de nucléaire.

Les technocrates de la FAO ont inventé l’eau virtuelle pour quantifier les quantités d’eau qui sont exportées ou importées lorsque le sont des produits de l’agriculture ou de l’élevage. De même il serait intéressant de quantifier les émissions de CO2 virtuelles lorsque sont importés ou exportés des produits manufacturés en y intégrant celles dues au transport. Si on le faisait pour les éoliennes et les panneaux solaires, leur bilan carbone qui n’est déjà pas bon si l’on prend en compte la nécessité de pallier leur intermittence, deviendrait exécrable. Les panneaux solaires qui viennent de Chine incorporent beaucoup d’électricité « charbonnée » et sauf preuve du contraire, ils ne sont pas transportés en France sur des pédalos, on le saurait!

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Développer des énergies dont l’exploitation ne présente pas de grand danger
Contrairement au nucléaire (risques d’exploitation, dangerosité des déchets radioactifs) et aux énergies fossiles (pollutions aux hydrocarbures, contribution au changement climatique), les énergies renouvelables ne présentent pas de danger lors de leur exploitation et de leur fin de vie.


1 - L’éolien n’est pas sans dangers. Il faut savoir à quoi on le compare. Si c’est au nucléaire, alors c’est évident que les dangers que fait courir l’exploitation d’un parc éolien sont infiniment plus faibles que ceux que font courir l’exploitation de réacteurs nucléaires. Mais s’il s’agit du pétrole ou du gaz, si les dangers ne sont pas les mêmes que ceux de l’éolien, ils se valent.

Pour l’éolien, ces dangers apparaissent en creux à la lecture de l’arrêté « du 22 juin 2020 modifiant l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement » qui définit dans le détail les mesures de sécurités à prendre et qui doivent faire l’objet d’un contrôle. Sa lecture permet de prendre conscience que la conversion de l’énergie cinétique du vent en énergie électrique n’est pas une opération anodine !

2 - Il faut certes dépolluer les sites de production d’énergie fossile ou nucléaire et tenter de réhabiliter les sites d’extraction une fois puits et mines fermés. En ce qui concerne le démantèlement d’un parc éolien, il n’en va pas autrement. Les exigences concernant ces démantèlements varient selon les États et leur législation environnementale.

Pour l’éolien, en France ( art. 20 de l’arrêté déjà cité du 22 juin 2020 modifiant l'arrêté du 26 août 2011), les opérations doivent comprendre : le démantèlement des installations de production, celui des postes de livraison et des câbles dans un rayon de 10 m autour des aérogénérateurs ; l’excavation de la totalité des fondations jusqu’à la base de la semelle avec des exceptions possibles à partir de deux mètres de profondeur et pour les pieux ; la remise en état du site avec le décaissement des aires de grutage et des chemins d’accès sur une profondeur de 40 cm avec le remplacement par des terres de caractéristiques comparables aux terres à proximité. L’arrêté impose également des exigences de recyclage avec un échéancier de mise en application ; une application qui sera difficile à mettre réellement en œuvre : « De l’aveu même des industriels (présentation de Netwind de 2017), il ressort que le marché de démantèlement des aérogénérateurs ne dispose aujourd’hui ni des filières opérationnelles de recyclage ni des moyens industriels pour répondre à une demande dispersée dans le temps et dans l’espace. » Jacques Ricour et Jean-Louis Rémouit [https://www.energieverite.com/post/d%C3%A9mant%C3%A8lement-des-%C3%A9oliennes-terrestres-en-france-contraintes-et-perspectives ]. Il faut ajouter que l’installation d’une nouvelle éolienne ne peut se faire sur l’infrastructure de l’ancienne dont la qualité du béton ne peut être assurée. Donc le remplacement et a fortiori le «repowering» vont ajouter à l’artificialisation des sols avec des quantités croissantes de béton notamment dans les sols forestiers et les prairies.

Le démantèlement des aérogénérateurs présente donc de nombreuses difficultés allant de pair avec une empreinte environnementale qui est loin d’être négligeable contrairement à ce que laisse entendre le texte de l’ADEME. Un nouveau type de friche industrielle pourrait voir le jour, diffuse dans l’espace et sur des sites qui possédaient une forte naturalité qui sera mise à mal.

Certes, sur ce point rien de comparable avec le démantèlement des centrales nucléaires encore bien plus ardu, aléatoire et dispendieux sans compter la dangerosité de l’entreprise. Par contre comparées avec celles des forages de gaz ou de pétrole, les nuisances environnementales post activité de l’éolien sont au moins aussi importantes et à la différence de ces dernières, on ne sait pas, aujourd’hui, les éliminer ou à défaut les atténuer !

3 - Alors que pour toutes les questions écologiques, on procède ou l’on essaye de procéder à des analyses du cycle de vie qui sont seules significatives et permettent d’évaluer le coût environnemental d’une production ou d’une activité, voilà que pour les besoins de sa propagande pro ENR, l’ADEME saucissonne les différentes étapes et isole l’exploitation et la fin de vie sans se préoccuper de l’extraction des minerais nécessaires aux différents composants et leur raffinage et leur conditionnement et leur transport.

4 - Comme pour beaucoup aujourd’hui à raison ou à tort, le «réchauffement-dérèglement-changement  climatique » est Le problème écologique éclipsant tous les autres, rappelons comme expliqué ci-dessus, que le bilan carbone des ENR nouvelles (solaire photovoltaïque et éolien terrestre ou offshore) n’est pas si bon qu’il en a l’air. En effet, si l’énergie produite parle vent ou le soleil ne font pas problème, elle n’est pas utilisable comme telle. C’est sa capture et conversion en électricité qui fait problème. C’est aussi parce que ce sont des énergies fatales (non pilotables). De ce point de vue, elles ne sont guère meilleures que la cogénération avec le gaz, voire même pas meilleures et peut-être pire ! De plus, ironie du sort à cause même de cette fatalité, elles dépendent du gaz pour assurer le pilotage de la production !

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Développer l’économie locale
 
Les filières des différentes énergies renouvelables sont créatrices d’emplois sur tout le territoire français, avec des spécificités par régions. Elles ont permis de créer 80 000 emplois directs, dans la fabrication des équipements, leur maintenance, mais aussi de l’approvisionnement pour le bois énergie. Les collectivités et les citoyens des territoires engagés dans une démarche de développement des énergies renouvelables se réapproprient les questions d’énergie et mettent en œuvre des solutions concrètes bénéfiques pour l’emploi, le lien social et la protection de leur environnement. Pour en savoir plus, consultez l’infographie « Combien d’emplois grâce à la transition écologique ? » Sur le long terme, les énergies renouvelables sont la forme d’énergie la plus compétitive. Ce sont des énergies incontournables pour le futur.

 
1 – Pour preuve, le lien fourni renvoie à un flyer qui mélange tous les «métiers de l’environnement» qui n’a d’autre valeur que publicitaire. On ne peut que hausser les épaules lorsque l’on sait que les entreprises qui construisent les éoliennes sont allemandes (Enercon, Nordex, Senvion), germano-espagnole (Siemens-Gamesa), danoises (Vestas, Orsted), americaine (General Electric), chinoises (Goldwind, United Power, Envision), indienne (Suzlon), même s’il y a quelques sons-traitants en France. En ce qui concerne les panneaux solaires, inutile de détailler, pas un seul n’est fabriqué en France. Même chose pour les  poêles à granulés (bois) commercialisés en France, ils sont pour la plupart importés d’Italie ou d’Autriche, voire de Serbie selon la DGCCRF ! (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraude).

2 – Le chiffre avancé de 80 000 emplois ne veut rien dire. Certes, le développement des ENR impliquent la création d’emplois puisqu’il s’agit d’une activité nouvelle. Mais celle-ci est censée se substituer à d’autres dans le domaine des énergies « fossiles » et donc elle s’accompagne aussi d’une destruction d’emplois ! Selon l'association négaWatt et l'ADEME, la création d'emplois dans les énergies renouvelables pourrait « compenser » les emplois supprimés dans les énergies fossiles. On peut douter de l’objectivité des « études » menées par ces deux organismes farouchement pro-éolien et solaire mais admettons leur résultats. Les emplois crées compenseront les emplois supprimés. Donc il n’y aura pas de création nette et de plus comme les emplois ne sont pas les mêmes quelqu'un qui perd son emploi dans une raffinerie ne pourra être embauché dans l'éolien. Enfin comme les parcs éoliens sont surveillés de façon centralisée à distance, l'emploi local est réduit à peanuts... Ce texte n’est donc pas honnête !
 
3 – La référence au bois énergie est particulièrement malencontreuse car si le bois est bien, sous certaines conditions, une énergie renouvelable, il n’est pas pour autant une énergie écologique. Son utilisation pour le chauffage domestique est particulièrement polluante : « Les émissions de chauffage au bois représentent pour le secteur résidentiel / tertiaire environ un tiers des émissions totales de particules (PM10), près de la moitié des émissions totales de particules fines (PM2,5), et les deux tiers des émissions totales d’hydrocarbures aromatiques polycycliques dont le Benzo(a)pyrène (BaP), reconnu cancérigène pour l’homme (source Citepa). Par ailleurs, la combustion de bois émet du monoxyde de carbone (CO), des composés organiques volatils (COV) tel que le benzène également reconnu cancérigène pour l’homme, des oxydes d’azote (NOx). » Le renouvellement des appareils de chauffage, l’introduction de normes plus drastiques ne résoudront que partiellement le problème.

Quant à l’utilisation du bois pour produire de l’électricité, les quantités nécessaires sont telles que les forêts sont en danger non seulement ici mais partout dans le monde.

D’ailleurs dans une lettre ouverte adressée au président américain Joe Biden, à la présidente de l’Union européenne Ursula Von der Leyen, ainsi qu’à Charles Michel, président du Conseil européen, au Premier ministre japonais Yoshihide Suga et au président sud-coréen Moon Jae-in, plus de 500 scientifiques et économistes ont demandé que le bois-énergie pour produire de l’électricité ou pour le chauffage ne soit plus considéré non polluant et que soient supprimées les subventions induisant une demande exponentielle en granulés de bois.

4 – « Les collectivités et les citoyens des territoires engagés dans une démarche de développement des énergies renouvelables se réapproprient les questions d’énergie et mettent en œuvre des solutions concrètes bénéfiques pour l’emploi, le lien social et la protection de leur environnement. » Osez une telle affirmation, c’est vraiment se moquer des gens ! On a déjà vu ce qu’il en était pour l’emploi, sans doute pas de création nette et probablement pas pour les gens résidant sur le territoire impacté. Quant au lien social et à l’environnement ! Dans l’immense majorité des cas où il y a un projet d’implantation notamment d’éoliennes, la zizanie s’installe entre gens du territoire qui vivaient jusque là plutôt en bonne entente. Il y a les partisans (ceux qui, particuliers ou communes, pensent en tirer bénéfice) et les opposants ceux qui subiront les nuisances (vue, son ultrason, lumières stroboscopiques, dévalorisation de leurs biens) ou qui connaissent les dégâts que l’installation puis le fonctionnement provoqueront à la faune, à la flore, au paysage. Car c’est certain, les éoliennes protègent l’environnement des territoires où elles sont érigées !!!!

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Il est pour le moins curieux que l’ADEME publie de tels textes en faveur des ENR surtout lorsqu’ils sont destinés à la jeunesse ! Les arguments avancés sont si spécieux qu’on les croirait écrits par des lobbyistes des ENR : Ils participent aussi d’une certaine vulgate écolo peu questionnée que l’on retrouve dans les tracts d’EELV et chez les anti-nucléaires qui ne veulent pas entendre parler d’énergie fossile comme le Réseau « Sortir du nuclaire » et le slogan «  ni nucléaire, ni effet de serre ». On est en droit d’attendre mieux et plus d’objectivité d’un établissement public sous tutelle du ministère de « l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation » et de celui de « la Transition écologique » !


Samedi 15 Janvier 2022 Commentaires (0)

« Il n’y a pas de repas gratuit », c’est une des leçons de l’écologie. Toute production d’énergie a pour revers de la médaille des nuisances environnementales, différentes selon les énergies considérées mais toujours importantes si l’on prend en compte le cycle complet de vie de ces activités. Dans le cas particulier de la France, si l’on est réaliste, il faut admettre que les ENR éolien, solaire, bois n’auront jamais qu’une place tout à fait marginale pour des raisons techniques et politiques. Les investissements passés et à venir dans le nucléaire sont trop importants. Ils montrent à l’évidence que les gouvernements ne changeront pas de cap, d’autant que les antinucléaires n’ont jamais été majoritaires dans le pays et que l’accent actuel mis sur le réchauffement climatique dont l’origine serait anthropique et sur sa dangerosité est une aubaine pour les nucléocrates qui ont su l’exploiter à merveille. Dans ces conditions, en France le développement de ces ENR est inutile. Aujourd’hui même les problèmes rencontrés sur les réacteurs en arrêt prolongé le prouve ! Celles qui sont installées ne contribuent en rien à la sécurité de l’approvisionnement en électricité. Si elles brassent quelque chose, c’est de l’argent qu’elles pompent dans la poche des contribuables via la CSPE. Le déploiement de ces ENR devrait avoir la première place dans les « grands projets inutiles » et néfastes !


Le développement des énergies renouvelables en France devrait remporter la palme des « grands projets inutiles »  !
Si vous critiquez les ENR vous êtes classé pronucléaire. Ce simplisme m’exaspère. Ce n’est pas parce que les ENR ne sont ni « vertes » ni « écolo » que le nucléaire l’est et qu’il devient la panacée en matière énergétique. Le nucléaire est et restera une énergie sale. La filière nucléaire pollue les eaux ; elle est génératrice de déchets en aval et de destruction d’écosystèmes en amont par les activités minières, de concassage et de raffinage. Si pour le chauffage et la production d’électricité, le charbon peut paraître la source d’énergie la moins acceptable compte tenu de l’état actuel des techniques de production, on peut le remplacer par des centrales nucléaires ou par une complémentarité gaz/ENR. C’est vers ce dernier que tend l’Allemagne qui pour l’instant est dépendante du charbon et de nombreux pays de l’ancienne Europe de l’Est comme la Pologne par exemple. De même la Belgique qui a décidé de sortir totalement du nucléaire en 2025 adopte un mix de ce type et va construire des centrales au gaz. Il y a aussi d’autres mix énergétiques possibles avec par exemple de l’hydraulique en base associé à des ENR comme en Autriche, pays qui a rejeté le nucléaire depuis 1978 mais il n’est transposable ni en France ni dans beaucoup d’autres pays.
 
Il faut remarquer que le mix gaz/ENR avec cogénération chaleur électricité était retenu par le passé par les Verts français (cf. Les Verts, 1998. Le nucléaire et la lampe à pétrole, L’esprit Frappeur, Paris, 172 pages) bien qu’en 1998, il était déjà question de l’effet de serre même si celui-ci et le  «réchauffement-dérèglement-changement climatique » n’occupaient pas comme qu’aujourd’hui le devant de la scène souvent au détriment d’autres problèmes tout aussi préoccupants d’un point de vue écologique mais moins propres à faire du business.
 
Dans cet ouvrage les Verts ne contestaient pas le fait que les centrales nucléaires en fonctionnement ne produisaient pas de C02 mais pour eux ce n’est pas la production électrique qui contribuait le plus à l’émission de gaz à effet de serre, ce sont les transports. A l’époque, l’électrification des transports et déplacements n’étaient pas à l’ordre du jour ! Et d’ailleurs même aujourd’hui, le tout électrique et notamment l’intérêt de la voiture électrique est contesté et contestable (voir par exemple A. Waechter : le scandale de l’éolien et parmi une littérature abondante : https://www.connaissancedesenergies.org/idee-recue-les-vehicules-electriques-n-emettent-pas-de-gaz-a-effet-de-serre-140901). Les Verts étaient également opposés au chauffage électrique. Plus largement, à l’opposé de la tendance actuelle au « Tout électrique », Les Verts (dont j’étais!) condamnaient « le dogme du  Tout électrique ». Nous considérions que c’était le rapport à l’électricité qu’il fallait changer et que « cette forme d’énergie [devait] être considérée comme une énergie « noble », réservée à certains usages pour lesquels il n’y a pas d’autres énergies possibles » (o. c. p. 34). Personnellement, je n’ai pas changé d’avis sur ce point. Quels qu’en soient les motifs, une « transition énergétique » fondée sur ce dogme du « tout électrique » nous conduira à une impasse. Hélas, elle me semble inéluctable. Il ne faut pas compter sur EELV pour s’y opposer et les écologistes qui la critiquent sont non seulement minoritaires dans cette famille de pensée mais de plus n’arrivent pas à faire connaître leurs idées dans le pays. Ils sont marginalisés, ignorés des médias main stream et de toute façon inaudibles dans le contexte d’une opinion façonnée par ces média, par le lobby du nucléaire et celui des énergies renouvelables. Certes ces deux lobbies s’opposent l’un à l’autre mais ni l’un ni l’autre ne contestent une transition énergétique allant vers le tout électrique qui, espèrent-t-ils, devrait bien faire leurs affaires, à l’un comme à l’autre.
 
 

La raison de ce retour en force du dogme du « Tout électrique», c’est le «réchauffement-dérèglement-changement climatique » et  le catastrophisme qui lui est associé. Il est peut-être justifié, peut-être non, mais il est devenu indiscutable au sens propre et fort, comme l’est une vérité révélée, alors qu’une vérité scientifique est par essence provisoire et rectifiable. Dans ce contexte de panique avec mobilisation générale pour « sauver le climat » (sic!), le « Tout électrique » apparaît comme la solution miracle pour tout à la fois atténuer ce réchauffement et s’y adapter sans rien changer dans nos habitudes de vie et sans remettre en question cette civilisation qui exige pour perdurer d’avoir à disposition des sources d’énergies abondantes et « décarbonées » ce que promettraient le développement des ENR et du Nucléaire, chacun à sa manière.
 
En France, l’essentiel de l’électricité est produite par l’énergie nucléaire et ce n’est pas prêt de changer pour des raisons techniques, sociétales et politiques. Le problème de l’intermittence et du caractère non pilotable (en terme technique fatal) tant de l’éolien que du solaire, leur besoin de beaucoup d’espaces pour se développer, l’absence de solution de stockage performante techniquement et acceptable socialement, le rejet des projets d’implantation qui se traduisent par des kyrielles de contentieux devant les tribunaux, tout cela handicape sérieusement le développement des ENR, notamment de l’éolien et à un degré moindre du solaire. Enfin, le  «réchauffement-dérèglement-changement climatique » attribué aux émissions de CO2 est pain béni pour les partisans du nucléaire qui n’ont pas de peine à montrer, en oubliant l’amont et l’aval de l’activité, que le recours au nucléaire est plus performant que l’éolien et le voltaïque pour produire une électricité décarbonée en quantité suffisante et mobilisable à la demande.
 
En effet, la lutte pour le climat est une opportunité formidable pour redorer le blason du nucléaire aux yeux de l’opinion publique. Les partisans du nucléaire ont beau jeu : il est patent que les pays qui décident d’abandonner le nucléaire voient du même coup augmenter leurs émissions de CO2 même avec un parc éolien conséquent comme en Allemagne ou, a fortiori, en Italie et en Belgique, pays qui n’ont pas une tel parc. Ce n’est pas les ENR qui remplacent le nucléaire, elles en sont bien incapables mais le gaz ! La course au gigantisme qui a cours dans l’énergie du vent n’y changera rien : la puissance installée est un leurre ! C’est bien beau de dire que les éoliennes gigantesques que l’on construit aujourd’hui peuvent fournir de l’électricité pour x ou y personnes, encore faut-il pour cela non seulement qu’elles tournent mais qu’elles tournent à une vitesse telle que leur production soit optimale, optimum rarement atteint car elles tournent au gré du vent. Négawatt, l’Ademe et autres bureaux d’études peuvent bien multiplier les scénarios, l’éolien ou le solaire ne peuvent gagner la partie face au nucléaire pour la production d’électricité « décarbonée ».
 
On pouvait lire dans la tribune des élus EELV de Fontenay-aux –Roses de Juin 2021: « Le combat contre le réchauffement climatique est LE combat du siècle pour préserver un monde vivable. » En tireront ils la conclusion que s’il est le combat du siècle (!), alors tous les autres doivent lui être subordonnés et l’énergie nucléaire étant décarbonée et pilotable, il faut pour le bien du climat cesser d’être anti-nucléaire ? En tout cas plus le temps passe et plus certains écologistes français naguère anti-nucléaires radicaux, tout à leur obsession de vouloir réduire les émissions de CO2, leur nouvelle bête noire, finissent par s’en rendre compte et rejoignent la nucléocratie à l’exemple des Verts finlandais mais sans pour autant renoncer aux ENR qui selon eux seraient l’avenir tandis que le nucléaire serait une « énergie de transition », ce qui est la doctrine que la Commission européenne cherche à imposer, doctrine qui convient à Pascal Canfin, macroniste transfuge d’EELV. On peut toujours rêver mais le problème avec ce rêve là, c’est que EELV et les macronistes qui se piquent d’être des écolos parce qu’ils ont naguère été encartés à EELV militent activement pour le développement de ces ENR qui sont un fléau au regard de la biodiversité et de la naturalité des territoires.
 
Le gouvernement français actuel comme les précédents a un fort tropisme nucléocrate mais comme il faut gagner les élections, il ne veut pas pour autant s’aliéner l’électorat écologiste, supposé adepte des ENR, il en introduit un pourcentage dans le mix énergétique, c’est le « en même temps » de la LREM avec comme prétexte la « diversification » de ce mix. Cependant ce même gouvernement projette la construction de nouveaux réacteurs malgré les déboires de l’EPR de Flamanville dont la mise en service est sans cesse différée tandis que son coût explose. Il compte aussi investir dans le domaine des réacteurs modulaires. Enfin il ne faut pas oublier son lobbying intense et réussi pour intégrer l’énergie nucléaire dans la taxonomie verte en discussion dans les instances de l’Union européenne afin de faire profiter cette énergie des flux de capitaux de la « finance verte ». D’un autre côté, même si EELV a eu quelques beaux succès aux élections municipales, ni lui, ni le mouvement anti nucléaire n’a la force en France de changer la donne en matière d’énergie. Le mouvement anti-nucléaire français a perdu la partie dans les années 70 et n’a jamais pu ou su rebondir, le rapport de force politique est en sa défaveur. Les anti-nucléaires n’ont jamais trouvé le moyen de devenir majoritaire malgré Tchernobyl ou Fukushima et quelques autres « incidents » ! D’autant que la population dans son ensemble, veut de l’électricité. Peu importe qu’elle soit nucléaire ou non mais depuis les cris d’alarme du GIEC, elle la préfère décarbonée !
 
En France, il ne faut donc pas compter sur les ENR et notamment l’éolien, le solaire ou le bois pour « sortir du nucléaire » tant sur plan technique que sur le plan du rapport de force politique. Il est temps de faire preuve de lucidité et de réalisme. Qu’on aime le nucléaire ou que l’on ne l’aime pas (ce qui est mon cas), même si l’on estime, comme je le pense, qu’il est une solution à la gribouille, se jeter à l’eau pour éviter d’être mouillé par la pluie, il faudra faire avec pour longtemps encore, sauf si un accident majeur se produit sur le parc « le plus sûr du monde », et remet douloureusement les pendules à l’heure  !
 
Dans ces conditions, toute production d’énergie s’accompagnant de nuisances, il est absurde de rajouter les nuisances des ENR à celles du nucléaire. En France, les ENR – hydraulique excepté – ne servent à rien et ne serviront à rien avec l’extension du nucléaire qui s’annonce. C’est là au moins pour notre pays leur principal défaut. Elles sont surtout INUTILES! Qui osera enfin dire que de tous les « projets inutiles » dénoncés par les environnementalistes, ce sont les implantations d’éoliennes qui remportent la palme ! Mais qui osera enfin la décerner ?
 
 
(Nb : Ce texte devait servir de prologue à un article critiquant un texte de l’ADEME dans lequel elle avançait « quatre bonnes raisons » de développer les ENR. Vu sa longueur, j’ai préféré en faire un article distinct. )


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L'Illustration est extraite de la pétition « Non aux éoliennes à Cézens, au pied du Plomb du Cantal ! » de l’Association Sauvegarde des Monts du Cantal. Ce projet de l'entreprise canadienne Boralex est une bel exemple de l'aberration environnementale de ces usines que l'état laisse s'implanter n'importe où.

Outre un saccage du paysage – il s’agit de vingt éoliennes de 190 m et 200 m de hauteur !, une étude de la LPO financée par Saint-Flour communauté a permis de mettre en évidence une densité exceptionnelle de Milans Royaux proche des valeurs records observées en France  avec 7 couples sur les 12 km2 de l’étude. Ces grands rapaces diurnes sont  classés « quasi menacés » sur  la liste rouge des espèces menacées en Europe. Le chargé de l’étude a aussi découvert que d’autres rapaces nicheurs avaient élu domicile dans ce périmètre du projet d’implantation de ces éoliennes : 3 couples de buses variables, 3 couples de milan noirs et à sa grande surprise un couple d’aigle botté espèce classée en danger sur la liste rouge. (Source : Isabelle Barnérias,  La Montagne, 26/11/2021 l’article complet ici  ) Et lorsque l’on sait que ces machines sont un danger mortel pour les rapaces, il faut espérer que le projet ne verra pas le jour !

Au dernières nouvelles Cantalous et Aveyronnais sont bien déterminés à sauver leur terroir et à ne pas se laisser faire. Ils se révoltent :" le mât de mesure installé sur la commune de Cézens dans le Cantal en octobre dernier pour étudier un projet d'implantation de vingt éoliennes de 190 m et 200 m de hauteur au pied du rocher de Ronesque, soit aux portes du Carladez Aveyronnais, le mât de mesure est tombé, dans la nuit de jeudi à vendredi dernier [la nuit du 6 au 7 janvier], volontairement sectionné par des opposants.
Une action non revendiquée..." lire la suite de l'article signé Olivier Courtil sur CentrePress.fr Aveyron , site auquel j'ai repris la photo ci-dessous  ici 

Pour les aidez, signez leur pétition, c’est ici

 
Le développement des énergies renouvelables en France devrait remporter la palme des « grands projets inutiles »  !

Vendredi 14 Janvier 2022 Commentaires (0)

Des ministres de dix états membres de l’Union européenne, dont le ministre de l’Économie Bruno Le Maire et le ministre délégué chargé de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher pour la France, avaient publié le dimanche 11 octobre 2021 une tribune soutenant l’énergie nucléaire, soulignant notamment qu’elle a un rôle à jouer contre le réchauffement climatique. Ce texte met également en avant le fait que le nucléaire "contribue de manière décisive à l'indépendance de nos sources de production d'énergie et d'électricité".

Ce plaidoyer est paru dans Le Figaro alors que la question des modes de production d’énergie pouvant être retenus dans la « taxonomie verte » induisait de profondes divergences au sein de l’Union Européenne. Certains pays, emmenés par la France voulaient que les critères permettent à l’énergie nucléaire d’intégrer cette taxonomie et d’autres comme l’Allemagne et l’Autriche s’y opposaient. D’autres clivages concernent le gaz, d’autres le bois !

Aujourd’hui la commission a tranché : le nucléaire et le gaz seront labellisés « verts » mais seulement en tant qu’« énergie de transition ». Il s’agissait de satisfaire les exigences de la France pour le nucléaire sans trop fâcher l’Allemagne et l’Autriche farouchement opposées à l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie. Macron a donc réussi à faire reculer la Commission qui peint maintenant en vert la production d’électricité nucléaire après s’y être refusée.


Cette taxonomie est un élément que la Commission Européenne souhaite mettre en place pour développer un système de classification au sein de l’Union européenne afin de déterminer si une activité économique est durable et écologique. Il s’agit d’un outil qui devrait servir à orienter les flux de capitaux de la « finance verte » vers des projets éligibles entrant dans le cadre de cette taxonomie.
 
Il faut dire que l’enjeu est de taille pour l'énergie nucléaire puisque cette activité a besoin de capitaux pour se maintenir et se développer. De même les pays qui soutenaient l’introduction du gaz auront besoin des capitaux de la finance verte pour passer de centrales au charbon à des centrales à gaz moins polluantes et moins émettrices de CO2.
 
Sur la base d’un rapport d’experts « indépendants », la Commission propose que pour intégrer la taxonomie, les activités économiques des organisations devront contribuer à un au moins des six objectifs environnementaux énumérés ci-dessous et ne pas porter atteinte aux autres objectifs :
 

1. Atténuation du changement climatique
2. Adaptation au changement climatique
3. Utilisation durable et protection de l’eau et des ressources marines
4. Transition vers une économie circulaire, prévention et recyclage des déchets
5. Prévention et réduction de la pollution
6. Protection des écosystèmes sains
 

Pour figurer dans la taxonomie, une activité économique devra en outre respecter des critères qualitatifs et quantitatifs propres à chaque objectif (méthodologies et seuils).

Tout cela semble très écolo, tout le monde est d’accord sauf qu’il semble évident de prime abord que ni le nucléaire, ni le gaz, ni le bois comme production énergétique ne peuvent entrer dans cette taxonomie. Le nucléaire traîne le boulet des déchets même si l’on suppose charitablement qu’il satisfait au premier objectif, il ne satisfait évidemment pas au 4 (les surgénérateurs s’étant révélé un fiasco), au 5 et 6 non plus ! Le gaz fait piètre figure pour le point 1, le bois pour le 6 et de façon moins évidente pour le 1. On remarquera que, bien qu’elles soient retenues d’emblée, les ENR, si on analyse sérieusement leur impact, ne peuvent prétendre satisfaire ni le 5 pollution sonore et visuelle, ni le 6 puisqu’elles sont des hachoirs à oiseaux et à chauves-souris et artificialisent des écosystèmes à fort degré de naturalité ! Leur insertion dans la taxonomie n’a pourtant soulevé aucune objection ! Les divergences et la foire d’empoigne sont ailleurs.


Les pays nordiques font pression pour assouplir les règles sur la gestion durable des forêts, afin de faire entrer plus facilement dans la taxonomie des projets de production d’énergie à partir de cette biomasse, ce qui d’ailleurs ne doit pas déplaire à la France (voir ses projets de mix énergétique!). Il semble qu’ils aient eu gain de cause. Non seulement le bois est intégré à la taxonomie mais il l’est de façon très laxiste. Alors que le rapport scientifique exigeait que les arbres dans les forêts plantées ou en régénérations naturelles ne soient pas abattus avant 20 ans d’âge, la commission a « oublié » d’intégrer ce critère, ce qui laisse beaucoup de « souplesse » et permet aux sylvicultures dites « dynamiques » de sévir !
 

Qui dit bataille, dit alliance. La France (enfin le gouvernement actuel) a combattu vigoureusement le projet initial qui excluait le nucléaire. Emmanuel Macron a menacé de bloquer ce dossier si ce dernier n’en faisait pas partie. Sa stratégie a été de faire alliance avec les pays qui défendent le gaz naturel pour pousser leurs revendications respectives. Et loin de s’en cacher, il l’a revendiqué, s’attirant de ce fait l'ire des associations qui se posent en « défenseur du climat ». Alliance un peu cynique1 et de circonstance puisque dans sa programmation pluriannuelle de l’énergie, le gouvernement a décider d’interdire le chauffage au gaz dans les constructions nouvelles ! Mais alliance qui a porté ses fruits. Le nucléaire et le gaz ont été finalement retenus dans le projet de taxonomie de la Commission européenne, certes en tant qu’énergie de transition2, mais retenus tout de même !

En se plongeant dans la lecture – aride – des textes de l’UE (en anglais souvent sans traduction dans les langues des pays membres alors que la GB ne fait plus partie de l’ UE), on peut admirer les contorsions auxquelles se livre la commission pour justifier l’introduction du nucléaire alors même que les différents rapports d’expertise qu’elle a demandés ne sont pas aussi favorables qu’elle aurait aimé, voire sur certains points défavorables.


 

Sans surprise, le rapport de plus de 300 pages compilé par les experts maison, le Centre commun de recherche (CCR) [en anglais JRC Joint Research Centre] émet un avis favorable à l’inclusion du nucléaire. Mais cet avis devait être soumis à d’autres comités experts pour « review ». Sans surprise non plus, l’avis du groupe d'experts « visé à l'article 31 du traité Euratom » donne une évaluation positive du rapport du CCR mais il y a un bémol de taille : les experts en question ne sont pas unanimes et en annexe de leur rapport on trouve une « Opposing opinion » de Claudia Engelhardt, experte allemande qui conteste le rapport pour ce qui est des accidents possibles et de leurs conséquences. Elle le conteste également pour n'avoir pas pris en considération les risques de prolifération nucléaire. La commission va estimer qu’il ne faut pas en tenir compte :  « il convient de noter que l'évaluation de ces questions n'était pas incluse dans le champ d'application des travaux spécifiés dans les Termes de Référence fournis au CCR, car le cadre d'évaluation était basé sur la procédure suivie par le TEG. » En termes clairs, ce n’était pas le sujet !!!!


Le rapport des experts du Comité scientifique de la Santé Environnement et des Risques Emergents (SCHEER) est beaucoup plus gênant : les commissaires se plaignent que le temps qui leur a été imparti pour commenter ce rapport était trop court.


Cela précisé, ils considèrent que comparer l’énergie nucléaire à d’autres technologies de production d’énergie comme « ne nuisant pas plus » n’est pas la même chose que d’établir qu’elle ne nuit pas de manière significative à la réalisation des autres objectifs de la taxonomie. Les experts considèrent que l’existence d’un cadre réglementaire pour l’exercice de cette activité n’est pas suffisante en soi pour atténuer tous les risques qui peuvent en découler et ils demandent une analyse plus approfondie concernant notamment les activités d’extraction et de broyage. Ils soulignent aussi les incertitudes concernant le stockage définitif des déchets nucléaires de haute activité qui restent pour eux une question exigeant encore des recherches.

En ce qui concerne l'impact des rayonnements sur l'environnement, les experts du SCHEER jugent simpliste (simplistic) le concept développé dans le rapport technique du Centre Commun de Recherche (CCR) selon lequel "les normes de contrôle de l'environnement nécessaires pour protéger la population générale sont susceptibles d'être suffisantes pour garantir que les autres espèces ne soient pas mises en danger". Cela ne permettra pas, selon eux d'estimer les risques potentiels pour l'environnement, sans évaluation de ces risques notamment en qui concerne l’eau et les ressources.

La réponse de la Commission ne manque pas de sel ! Je cite « la Commission a dûment pris en compte et traité les observations du SCHEER. En particulier, les activités d'extraction et de broyage n'ont pas été incluses dans cet acte délégué et les autres observations ont été traitées par les critères de sélection technique » [trad JFD]. Donc l’activité de production d’énergie sera intégrée dans la taxonomie sans que soit pris en compte l’aspect production du combustible sans laquelle, cette activité ne peut pas exister ! Comme la compilation du CCR elle-même soulignait un lourd impact sur les objectifs autre que l’atténuation et l’adaptation au changement climatique de l’activité prise dans sa totalité, la Commission a donc décidé d’en exclure une partie !

Ceci montre de façon criante que les rapports divers auxquels se réfère la Commission ne sont là que pour donner à ses décisions une apparence de scientificité afin de leur conférer l’autorité de la science (qui oserait discuter les avis d’un panel d’experts indépendants appartenant à des organismes divers) et une objectivité dont elles sont dépourvues car n’étant que très partiellement le reflet de ces consultations d’experts alors qu’elles sont pour l’essentiel le résultat d’un marchandage avec les chefs d’état ou leurs représentants. C’est ce marchandage qui dicte, in fine, ce qu’il faut retenir ou non des avis d’experts ! En caricaturant à peine, je dirais que s’il avait été décidé pour quelque obscure raison que le bleu du ciel devait être rouge, les expertises commandées auraient été tordues suffisamment pour appuyer cette assertion dans le fleuve des considérants qui coiffent l’énoncé de l’arrêté proprement dit.

Ces considérants se réfèrent longuement à des expertises dont n’est retenu que ce qui conforte l’arrêté proprement dit. Ils ont pour fonction de le rendre indiscutable et de lui donner la légitimité qui sinon lui manque, les Commissaires n'en ayant que bien peu puisqu'il leur manque la légitimité populaire. Car ces gens là ne sont pas élus mais nommés à la suite d'obscures et byzantines tractations. Et cela ne vaut pas que dans ce cas précis mais dans toutes les productions de la Commission : directives, règlements, actes (arrêtés) de diverses natures. Voilà pourquoi dans l’UE les technocrates règnent et pourquoi, avec des institutions de ce type, il ne peut en être autrement.


1 Je dis quelque peu cynique seulement parce que la situation en France et dans les pays qui militent pour l’introduction du gaz n’est pas la même. la Hongrie, la Pologne ou la République tchèque ont besoin du gaz pour passer d’une production d’électricité par des centrales à charbon à une électricité produite par des centrales au gaz moins polluantes et moins émettrices de CO2.
2 Comme l’explique assez clairement le journal 20 minutes : « Les activités classées dans la taxonomie le sont en trois niveaux. Les activités déjà durables, celles qui ne sont pas durables en soi mais permettent à d’autres activités de contribuer de manière substantielle à l’un des six autres objectifs de la taxonomie (la production de batterie électrique, par exemple), et celles de transition, pour lesquelles il n’existe pas de solution de remplacement bas carbone, mais dont les émissions de gaz à effet de serre correspondent aux meilleures performances du secteur. »https://www.20minutes.fr/planete/3194683-20211220-ue-tout-comprendre-taxonomie-verte-dossier-pousse-paris-aller-clash-nucleaire


Vendredi 7 Janvier 2022 Commentaires (0)

Cette année, partout où l’été a été pluvieux, la cueillette des champignons est en avance et bat déjà son plein. Et avec elle, les intoxications ! 330 cas d’intoxication dont trois décès et trois de forte gravité pouvant engager le pronostic vital ont déjà été rapportés aux centres antipoison. Certaines intoxications nécessitent une greffe du foie ! Face à de tels empoisonnements, la question se pose : peut-on récolter des champignons et manger sa cueillette sans danger ?


Comme les méprises peuvent être fatales, faut-il être un mycologue averti pour être un cueilleur mycophage ? Pas nécessairement…

C’est ainsi que dans la France rurale d’hier, il y avait un savoir populaire sur les champignons,  comme sur les végétaux sauvages comestibles ou médicinaux. S’il n’est pas totalement oublié  partout, ce savoir tend à se perdre et la grande majorité des urbains ne le possèdent plus ou en sont exclus.  Il se transmettait oralement et sur le terrain. On « allait aux champignons » en famille ou avec des (très bons) amis car accepter d’être accompagné, c’était divulguer à un autre vos « coins » et « bons coins ». Il fallait que cet autre bénéficie de votre confiance et être sûr de sa discrétion. De plus, on ne ramassait que quelques espèces parfaitement connues, délaissant les autres. Enfin, il y avait des espèces que les gens d’une région récoltaient alors que dans une autre région, elles étaient considérées comme « mauvaises » et étaient délaissées.
 

Ce savoir populaire, pratique et régional, n’était sans doute pas suffisant pour être une garantie absolue, mais avec les champignons rien n’est totalement garanti : on compte même des mycologues imprudents qui furent victimes d’une intoxication mortelle. Le cas le plus connu est celui du mycologue allemand Julius Schäffer décédé après avoir consommé en octobre 1944 des paxilles enroulés ( Paxillus involutus) sans doute mal cuits et que l’on croyait comestibles à l’époque. Mais il y en a d’autres. Par exemple, au début du siècle précédent,  le belge Joseph Bodart auteur d’une publication sur les champignons comestibles de sa région !

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Aujourd’hui pour tenter de pallier la perte de ce savoir, il existe à côté des ouvrages de détermination, des applications numériques de reconnaissance en ligne, payantes ou gratuites mais avec beaucoup d’annonces publicitaires intempestives dans ce dernier cas. Elles ont la côte, surtout celles qui proposent  des identifications à partir d’un ou plusieurs clichés. Elles sont particulièrement appréciées d’un public qui n’a que des connaissances très rudimentaires en mycologie et qui aimerait pourtant bien, lui aussi, « aller aux champignons » sans faire l’effort de connaître un minimum de choses sur leur morphologie !


On reproche à ces applications de n’être pas suffisamment fiables pour permettre de récolter sans danger. D’ailleurs l’ANSE constate que « la confusion entre espèces est parfois favorisée par l’utilisation d’applications de reconnaissance de champignons sur smartphone, qui donnent des identifications erronées sur les champignons cueillis. »  En réalité, c’est surtout parce qu’il en est fait un mauvais usage qu’elles peuvent s’avérer dangereuses. Elles ne permettent pas de tester la comestibilité d’une récolte et ne sont pas faites pour cela. Un mycologue averti comme certains pharmaciens ou référents déterminateurs d’association peut seul offrir une garantie suffisante. D’ailleurs ces applications mettent en garde les utilisateurs à ce sujet. Elles sont une aide à la détermination. Elles donnent des pistes et proposent des choix et c’est à l’utilisateur de les faire. Cela dit, même pour aider réellement l’apprenti mycologue à progresser dans la connaissance des champignons macroscopiques, elles ont encore beaucoup de progrès à faire. A leur décharge, on peut souligner la difficulté de trouver des critères discriminatifs visibles sur une ou des photos pour ces organismes d’autant que leur aspect peut être changeant.
 

J’ai testé la plus téléchargée sur plusieurs photos avec des résultats variables. Elle met en avant l’espèce qui lui semble la plus probable et propose aussi des alternatives et laisse choisir. Sur une photo de Pied bleu (Lepista nuda) l’application a mis la bonne espèce en premier choix mais elle a proposé parmi les seconds choix, comme alternative Clitocybe nébuleux (C. nebularis). Or le premier est comestible et le second est toxique. Si vous hésitiez entre les deux, elle ne vous sera d’aucun secours ! Il faudra recourir à un ouvrage de détermination pour tenter de trancher ! Ce n’est pas grave si vous cherchez simplement à déterminer votre spécimen. L’application n’est pas capable de discriminer de façon certaine et précise entre champignons qui se ressemblent  de l’aveu même de son auteur qui recommande de ne récolter que les champignons que l’on connaît parfaitement. Dans ce cas, évidemment, l’application ne sert à rien. Mais ce n’est pas son but.
 
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L’idéal lorsque l’on est totalement novice, c’est d’avoir des compagnons de cueillette expérimentés. On peut aussi adhérer à une association – il en existe un grand nombre – organisant des sorties sur le terrain. Mais ce ne sont pas toujours des débutants qui se trompent. L’inattention, une trop grande sureté de soi et c’est la méprise qui peut être fatale. Attention aussi, si l’on a des enfants avec soi que ceux-ci ne glissent pas dans le panier une cueillette non contrôlée !
 
Il est difficile d’acquérir seul un savoir mycologique suffisant pour déterminer les espèces de  champignons que l’on rencontre lors d’une sortie. Mais pour un cueilleur mycophage, ce n’est pas le but. Il est à la recherche de quelques espèces bien précises et doit impérativement éviter les toxiques avec lesquelles il pourrait les confondre. Une bonne connaissance de ces espèces est suffisante et assez facile à acquérir ainsi que des critères qu’il faut retenir pour éviter des confusions regrettables. Enfin lorsque l’on débute, ou si on les connaît mal, on s’abstiendra de récolter des champignons réputés comestibles difficilement distinguables de toxiques fructifiant à la même époque et dans les mêmes lieux, par exemple l’amanite épaisse et l’amanite rougissante par risque de confusion avec l’amanite panthère. Il me semble aussi qu’il est utile de savoir en reconnaître quelques-uns particulièrement dangereux comme par exemple la redoutable amanite phalloïde responsable de 95% des intoxications mortelles.

Cueillir des champignons sans danger ?
Or peu d’ouvrages sont conçus dans l’optique qui est celle d’un chercheur de champignon mycophage. En tout cas, pas les guides habituels d’identification même s’ils se veulent pratiques. Il en existe pourtant au moins un, malheureusement épuisé mais que l’on trouve encore d’occasion sur les sites de vente de livres en ligne, pour une somme modique (à partir de 3,23 € hors frais de port).

Il s’agit d’un ouvrage de la collection « agir et connaitre » coécrit par H. Demange, G. Germain, et M. Notin, Je cueille des champignons sans danger  paru aux éditions André Leson, (126 pages + une clé générale de détermination).  Sur la centaine d’espèces comestibles, il en retient 16 que l’on peut cueillir sans se tromper en respectant les consignes et critères donnés. Il élimine par exemple toutes les espèces à lamelles libres blanchâtres à cause de confusions possibles avec des amanites mortelles ou simplement toxiques,  à l’exception des lépiotes élevées et des lépiotes déguenillées dont l’aspect est si caractéristique qu’aucune confusion n’est possible.
[N. B. : la lépiote déguenillée réputée bon comestible à l’époque de parution de l’ouvrage est aujourd’hui considérée comme « comestible avec prudence ». En outre elle est difficile à distinguer d’autres espèces douteuses ou indigestes. Je pense qu’aujourd’hui, les auteurs la rejetteraient et insisteraient sur le caractère chiné du pied de la lépiote élevée et sa chair immuable, bien différent de celui de la déguenillées et permettant de la distinguer d’autres espèces plus rares ressemblantes.]

Voici un autre exemple concernant les « rosés » : sont rejetés tous ceux qui jaunissent au frottement par risque de confusion avec l’Agaric jaunissant (A. xanthoderma et proches). Donc sont rejetés d’excellents Agarics à odeur anisée (A. silvicola, A. abruptibulbus notamment) qui non seulement jaunissent mais peuvent aussi être confondus avec des amanites mortelles !


Cueillir des champignons sans danger exige aussi de renoncer à certains comestibles réputés ! C’est une des leçons et non des moindres à tirer de cet ouvrage. C’est la force et l’originalité de cet ouvrage de s’en tenir à quelques espèces pour pouvoir formuler des règles précises de leur cueillette. Inversement c’est le défaut de beaucoup d’autres qui passent en revue un plus grand nombre d’espèces sans pour autant à parvenir à une exhaustivité d’ailleurs impossible à atteindre.

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Dans l’avant-propos, les auteurs présentent le mode d’emplois du livre, énoncent et commentent les « dix commandements du cueilleur de champignons ». Dans les deux premiers  chapitres ils vont donner des éléments concernant la vie des champignons et apprendre aux lecteurs à reconnaître quelques caractéristiques de leur morphologie qui seront les critères d’identification permettant de retenir ou rejeter un spécimen. Ces chapitres se terminent par des tests pour s’autocontrôler et vérifier si l’on a bien assimilé les caractéristiques en question qui seront utilisées par la suite. Il s’agira de n’accorder de confiance qu’à ces caractères et de suivre les instructions notamment de rejet.  Comme ils le soulignent dans leur avant-propos, il s’agit de « l’effort préalable » qu’ils demandent au lecteur cueilleur potentiel. Cet effort préalable devra s’accompagner par la suite d’un effort d’attention sur le terrain.
 

Le Chapitre 3 est consacré à la reconnaissance des champignons dangereux qui pourraient être confondus avec les comestibles objets du chapitre 4. Leur description est illustrée en regard par une illustration pleine page et se conclut par un énoncé des critères principaux d’identification.


Le chapitre 4 est divisé en deux parties selon les types de végétations où poussent les champignons comestibles décrits : divers milieux ouverts pour le 4.1 et forêts pour Le 4.2. Comme pour le cas des dangereux, chaque espèce de comestibles est associée à une planche l’illustrant. Le plan est identique d’une fiche à l’autre : désignation botanique ; indication des noms vulgaires les plus courants ; description ; habitat ; intérêt gastronomique ; un résumé des caractères principaux d’identification ; les confusions accompagnées ou non selon les cas d’une planche et enfin les instructions de cueillettes.


Une courte bibliographie, un glossaire, un index des champignons cités et une clé générale d’identification clôturent l’ouvrage.


Les planches sont encadrées de rouge pour les toxiques, de vert pour les comestibles. Elles sont très parlantes et les descriptions claires, concises. En suivant le mode d’emploi de l’ouvrage et les instructions de cueillette qui sont données pour chaque espèce, il y a peu de chance de faire de graves méprises. Exemple en conclusion de la fiche sur le Tricholome de la Saint-Georges : « Je cueille, sans danger, des tricholomes de la Saint-Georges jusqu’à la fin du mois de mai et je m’assure qu’ils ne présentent pas de taches ou de stries rouges et qu’ils sentent l’odeur de la farine fraîche » (p. 64, souligné par les auteurs). Ce qui est justifié dans le texte. Les deux confusions graves qui peuvent advenir avec cette espèce sont celles avec l’Inocybe de Patouillard qui a des taches et des stries rouges et ne sent pas la farine ou avec l’Entolome livide qui n’apparaît qu’en Juin.

Avec ce livre, un débutant mycophage aura appris a bien connaître et cueillir une quinzaine d’espèces dont la fructification va du printemps aux premières gelées et même au-delà avec les pieds bleus. Il pourra parcourir les bois et les près et poursuivre ses quêtes en toute saison, ce qui est déjà en soi un plaisir dont on ne se lasse pas. Il ne sera pas devenu un mycologue mais ce n’est pas le but. Pourtant, pour ceux dont la curiosité s’est éveillée devant tous ces champignons qu’ils ne mettront jamais dans la casserole, c’est aussi un bon début pour ajouter au plaisir de la cuisine, celui de la connaissance et associer mycologie à mycophagie.

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Cet ouvrage mériterait cependant d’être actualisé en fonction de l’évolution de la connaissance des espèces et de leur toxicité. J’ai indiqué le cas des lépiotes avec le changement de statut de la lépiote déguenillée de comestible excellent à douteux avec des confusions possibles avec des espèces apparentées et autrefois peu ou pas distinguées. Cette lépiote a changé de nom scientifique : elle se nomme maintenant Chlorophyllum rhacodes, de même que la coulemelle qui appartient maintenant au genre Macrolepiota. Elle se nomme donc Macrolepiota procera et non plus Lepiota procera. Comme pour les plantes où elle sévit aussi, la valse des noms botaniques n’a pas épargné les champignons et les listes des binômes latins synonymes s’allongent. Il faudrait donc revoir la désignation scientifique des espèces sur les fiches. Mais ceci est d’une importance tout à fait secondaire. Ce n’est pas un traité de mycologie.
 
Par contre la découverte d’une toxicité méconnue pour des espèces réputées comestibles est de première importance. C’est le cas de Gyromitre (Gyromitra esculanta !) considéré aujourd’hui comme toxique et mortel sous certaines conditions, interdit à la vente et devant être rejeté. L’intoxication dont la gravité semble dépendre du procédé de cuisson est mortelle dans environ 10% des cas si le foie est gravement atteint. La gyromitrine, la substance chimique responsable de ces intoxications a été démontrée cancérigène. C’est pourquoi la fiche sur les morilles devrait être réécrite, les auteurs considérant que la confusion éventuelle avec les Gyromitres est sans conséquence, ce dernier étant un excellent comestible sans danger à condition de bien le cuire et de jeter l’eau de cuisson !

Il se peut que cela permette d’éliminer la plus grande partie des substances toxiques mais lorsque cette espèce est confondue avec des morilles, comme toutes les préparations culinaires ne prévoient pas de jeter l’eau de cuisson, c’est la voie royale vers une intoxication sinon mortelle, à tout le moins grave.

Toujours dans cette fiche, les auteurs estiment que les confusions possibles entre morilles et helvella montana sont sans conséquence car « comme toutes les helvellas, elle est comestible » (p. 60). Ce qui est faux. Cette helvelle est tenue pour toxique et on sait depuis longtemps que les helvelles crues sont toxiques ou sans intérêt culinaire. C’est le cas notamment de l’Helvelle crépue qui pourtant est considérée dans des livres de recettes de cuisine comme bon comestible, une fois bien cuite,  car si « elle a moins de parfum que la morille, sa saveur est fine ». Or, on sait aujourd’hui que ces helvelles et toutes celles « du complexe crispa-lacunosa contiennent des hémolysines se détruisant à la cuisson, mais vient s'ajouter à celles-ci la méthylhydrazine pouvant causer des intoxications et qui est carcinogène à long terme. » Certes, il n’y a pas de risque de confondre l’Helvelle crépue avec une morille puisque cette espèce ne pousse qu’en été ou en automne et les morilles au printemps. Il n’en reste pas moins que les affirmations des auteurs concernant ce genre sont fausses à la lumière des connaissances actuelles.

Pour en terminer avec cette fiche, les auteurs mentionnent la verpe comme confusion possible sans conséquence, cette espèce étant un bon comestible. L’espèce à laquelle ils se réfèrent est la verpe conique (digitaliformis = conica ) mais il en existe une autre qui pousse à la même époque, la verpe de Bohème (Ptychoverpa bohemica) qui a produit chez certaines personnes un syndrome du même type que celui résultant de l’intoxication par Gyromitra esculenta, que laisse supposer que les mêmes molécules en sont la cause et notamment la gyromitrine.


Pour être complet et juste sur ce sujet, il faut ajouter que  la Verpe de Bohême, tout comme le Gyromitre commun, les helvelles et notamment l’Helvelle crépue, le Tricholome équestre, font l’objet d’une controverse pour ce qui est de leur toxicité car ces champignons sont toujours consommés sur une grande échelle à travers le monde malgré les « accidents » qui en résultent ! Un conseil : faites comme moi,  contentez-vous de les contempler !


En ce qui concerne les bolets, la généralisation à laquelle se livrent les auteurs est sujette à caution, ils affirment qu’à l’exception du Bolet satan qui l’est légèrement, aucun bolet n’est toxique bien que beaucoup soient immangeables. C’est inexact. Le Bolet châtain (Gyroporus castaneus) peut être responsable d’intoxications sévères, même bien cuit. D’ailleurs, il aurait été bon de préciser que beaucoup de bolets sont toxiques crus et qu’il faut ôter la cuticule des chapeaux lorsque celle-ci est visqueuse comme dans le cas de la Nonnette voilée (Sullius luteus), un champignon qui ne doit pas être consommé en trop grande quantité à cause des substances laxatives qu’il contient.
 
Malgré ces quelques réserves, cet ouvrage est à recommander. Il atteint en grande partie le but qu’il s’était assigné : permettre à un amateur de cueillir des champignons sans danger.
 

 

Cueillir des champignons sans danger ?
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Je voudrai signaler aussi un autre ouvrage récent celui-ci qui peut être très utile pour identifier ou contrôler ses cueillettes : Yves François Pouchus, Guide de poche de mycologie officinale – Apprendre à identifier une récolte de champignons (2ième éd.)  Editions Lavoisier, 2020.  L’auteur est professeur des Universités en mycologie et botanique à la faculté de Pharmacie de Nantes. Pour cette nouvelle édition l’auteur a mis à jour les noms scientifiques et enrichi l’ouvrage de nouveaux taxons. Donc bien se référer à (ou acheter) cette nouvelle édition et se méfier des anciennes éditions sont encore en vente en ligne sur certains sites. 

Ce livre s’adresse d’abord aux pharmaciens qui sont sollicités par les ramasseurs qui leur soumettent leur récolte et est un guide à cet effet. Mais il peut aussi d’être de grande utilité à  ceux qui veulent identifier les champignons qu’ils ont récoltés soit dans un but de mycologie, soit pour les manger.

En voici le résumé en 4ième de couverture :
«Reposant sur une démarche d'identification visuelle originale, le Guide de poche de mycologie officinale décrit plus de 750 espèces de champignons communs et propose différents outils d'aide à la reconnaissance :
- des clés de détermination simples définies à partir de caractères organoleptiques directement observables (couleur, forme, taille, odeur...) ;
- une présentation du vocabulaire descriptif à connaître ;
- un index en images pour un accès rapide à l'espèce recherchée ;
- un index des noms latins et français répertoriant toutes les espèces décrites.

Entièrement présenté sous forme de doubles planches en couleurs, claires et concises, ce guide offre d'un seul regard toutes les informations nécessaires à l'identification des espèces :
- une représentation fidèle et totalement inédite des champignons basée sur un traitement numérique donnant un relief particulier rarement atteint dans ce domaine ;
- un zoom sur les particularités de chaque espèce mettant en avant les principaux détails à repérer ;
- un code couleur permettant de distinguer les espèces toxiques des espèces comestibles ;
- des pictogrammes signalant les confusions à éviter et renvoyant aux fiches comparatives des espèces à risques.

De plus, la description des principaux syndromes d'intoxication liés aux champignons ainsi que des traitements associés permettent une prise en charge rapide et adaptée à la gravité des symptômes. » 

Un livre très utile que l'on complétera par un guide illustré. Ma préférence personnelle est celui de Marcel BON Champignons de France et d'Europe occidentale. Mais il y a aussi le guide de Régis Courtecuisse et Bernard Duhem chez Delachaux et celui de Guillaume EYssartier et Pierre Roux chez Belin.

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Ajout 10/10/2022

Malheureusement l'ouvrage de Marcel Bon est épuisé et les exemplaires d'occasion hors de prix. Comme la nomenclature a évolué, il ne sera sans doute jamais réédité !

Jeudi 16 Septembre 2021 Commentaires (0)
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