La plante à l'honneur
Maître Aliboron était un âne au sens figuré avant d’en devenir un au sens propre mais qu’était ou qui était aliboron à l’origine ? Une plante : l’hellébore. Mais de quel hellébore s’agit-il ? C’est à ces questions qui n’ont pas de réponse simple qu’est consacrée la dernière partie de cette étude sur les hellébores.
(a) Maître Aliboron ou l’ellébore est fait homme avant de devenir un âne.
C’est dans une fable pas très connue « Les voleurs et l’âne » que La Fontaine baptise ce sympathique quadrupède « Maître Aliboron » : « Arrive un troisième Larron / Qui saisit Maître Aliboron ». Il s’agit d’une sorte de plaisanterie puisque cette expression était censée désigner un humain, en mauvaise part à l’époque où écrivait le fabuliste mais ce ne fut pas toujours le cas.
Dans la première édition du dictionnaire de l’Académie française publié en 1694, un an avant la mort du poète, « Maîstre aliboron » est défini ainsi : « un homme qui veut se mesler de tout, qui fait le connoisseur de tout » écho du titre d’un monologue en vers Les Ditz de maistre Aliborum qui de tout se mesle et sçait faire tous mestiers, et de tout rien « composé peu de temps après la bataille de Fornove (1495) et popularisé par l’imprimerie dans les premières années du XVIe siècle. » (Antoine Thomas, 1919, p. 328 : c’est l’article de cet auteur qui est l’une des sources principales de cette partie).
Thomas montre qu’avant de désigner un sot ignorant l’expression désignait au contraire un savant, un « chirurgien » au service des princes et des rois. Selon Thomas, ce serait Anatole de Montaiglon qui avait réédité Les Ditz qui eut le premier l’idée de rattacher ‘aliboron’ à ‘ellébore’ à partir du latin elleborum corrompu en ‘aliboron’ dans un passage du Roman de Renart. Donc avant d’avoir signifié un âne grâce à La Fontaine, l’expression aurait désigné un homme, d’abord en bonne puis en mauvaise part mais à l’origine aliboron était le nom d’une plante : l’ellébore.
Il reste cependant à comprendre le pourquoi de ces métamorphoses et en particulier le passage de la plante à l’homme. Comment le terme désignant une plante en est venu à désigner un homme ?
La plante à l'honneur
La première partie de cette étude concernait les caractéristiques générales du genre et l’hellébore la plus commune en France continentale, Helleborus foetidus. Helleborus viridis plus rare a fait l’objet de la seconde partie. Cette troisième partie sera consacrée à Helleborus niger, la rose de Noël, sans doute la plus connue des jardiniers et des anciens apothicaires et herboristes mais occasionnelle à l’état sauvage dans la plupart de nos régions.
Noms français :
Le premier cité est la transposition en français du nom latin attribué en référence à la couleur de sa racine et en opposition à celle de l’Hellébore blanc ; les deux suivants renvoient à la période de floraison, le troisième à une des couleurs des sépales. On aura l’occasion de revenir sur quelques-unes de ses appellations anciennes.
Répartition
Costes (1909) la signalait dans les « Basses‑Alpes » (Alpes‑Maritimes) sans précision et les Hautes‑Alpes où il ne semble pas qu’on l’y ait retrouvée depuis si ce n’est comme occasionnelle. Rouy (1893-1913) mentionne qu’elle a été signalée à Colmars‑les‑Alpes : lac d’Allos et cols environnants (c.-à-d. à plus de 2 000m d’altitude) mais qu’elle n’avait pas été retrouvée par la suite. Il doute que cette espèce appartienne à la flore de France. Ils se référaient sans doute à Grenier et al. (1848-1856) qui avaient cité les mêmes lieux selon les mêmes sources que ceux rapportés par Rouy. Il semble donc que ces stations n’aient jamais été retrouvées par la suite. Des indications dans les Pyrénées se sont révélées incorrectes.
→ Il peut être utile de connaître ses noms allemands, italiens, roumains, slovènes et bien sûr grecs dans la mesure où c’est dans ces pays qu’elles sont les plus nombreuses à l’état sauvage spontané.
▪ Allemand : schwarz Nieswurz, weiße Christrose ; italien : rosa di natale, roumain : negru spanz, crăciun roz ; slovène : črni teloh ; en grec moderne : ελλέβορος, κάρπη. (En anglais : christmas rose, black hellebore).
La plante à l'honneur
La première partie de cet article a été consacrée à des généralités sur le genre Helleborus et à une de ses espèces H. foetidus, la plus fréquente en France continentale. Cette partie s’attachera à H. viridis, l'hellébore vert.
Pour le nom du genre voir la première partie de cet article. L’épithète viridis (vert) renvoie à la couleur des sépales pétaloïdes.
Nom français : Hellébore vert.
Pour les noms populaires et leur analyse, voir en fin de cette partie.
Cette espèce est présente mais assez rare en France, plus fréquente dans les Pyrénées, absente en Bretagne dans le Finistère et le Morbihan, absente ou disparue dans le centre de la France, très rare dans le Sud Est, absente en Corse.
C’est une espèce d’ombre ou de demi-ombre, mésophile*, qui préfère les sols calcaires. Elle pousse dans des milieux forestiers, forêts de feuillus, chênaies-hêtraies, hêtraies, plus en altitude, hêtraies‑sapinières, ripisylves en plaine. Elle est essentiellement collinéenne et montagnarde mais on peut la rencontrer de 0 à 1500 (1600 – 2300).
La plante fleurit entre (janvier) mars – avril.
La plante à l'honneur
« Dans le jardin de mon enfance, c’est à la fin de décembre que j’allais, sûre de sa présence, lever les dalles de neige qui couvrent la rose d’hiver. » nous confie Colette à propos de l’Hellébore noir. Dans les bois, à la fin de l’hiver, c’est un autre hellébore que l’on rencontrera. Impossible de se tromper tant sa silhouette et son odeur sont caractéristiques, c’est le Pied-de-Griffon, l’Hellébore fétide.
Noms
Helleborus
[Renunculaceae]
En Français, Hellébore ou Ellébore. (Pour le choix de l’une ou l’autre des graphies voir dans le prochain article le § Hellébore ou ellébore ?) Le genre devrait être masculin mais on assiste à une forte tendance à une féminisation de ce nom. On a donc le choix du genre.
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Les trois premières parties de cette étude sont consacrées aux trois espèces présentes en France continentale du genre Helleborus qui comprend environ 21 espèces de par le monde : H. foetidus L. (H. fétide), H. niger L.(Rose de Noël), H. viridis L.(H. vert). Dans une dernière partie seront mentionnés H. orientalis Lam.(H. du Levant) occasionnel en France, et Helleborus cyclophyllus une espèce des Balkans. On a identifié ces deux espèces avec l'hellébore noir des anciens médecins grecs et latin qui ne serait donc pas notre Rose de Noël. Dans cette partie nous verrons pourquoi ces identifications de l'hellébore noir des anciens sont pour le moins douteuses. C'est aussi dans cette partie de l'étude que nous rencontrerons La Fontaine avec son Maître Aliboron, le lièvre et la tortue.
• Ellébore ou Hellébore a plusieurs étymologies possibles :
1°) Ces nom viendraient via le latin Helleborus, du grec ἐλλέβορος ou ἑλλέβορος selon que l’on écrit ‘ellébore’ ou ‘hellébore’. Dans ce cas, seraient mises en évidence les propriétés toxiques de ces plantes, les mots grecs ayant pour étymologie ‘το ἑλει̂ν’ «faire mourir» et ‘βορά’ «nourriture», c’est-à-dire «nourriture qui fait mourir» ou en d’autres termes «poison», cela bien entendu en référence aux propriétés toxiques de la plante. Cette étymologie est reprise par la plupart des botanistes des XVIIIe et XIXe siècles ainsi que par les botanistes contemporains (Cf. inter alia, Flore forestière française, tome 2 & 3)
2°) Selon Pl@ntUse « peut-être « nourriture de cerf », de ἑλλός - hellos, cerf et βιβρώσκω, βορά - bibrôskô, bora, «manger» qui cite André (1979), Chanteraine (1968) et Strömberg (1940) ici
3°) Selon Pierre Fournier (1946 – 2001) le nom dériverait via le grec et le latin du sémitique ‘helebar’ ou ‘helibar’ signifiant «remède contre la folie». François Couplan (2012) reprend cette étymologie que l’on trouve aussi sur le site de Michel Caire consacré à l’histoire de la psychiatrie en France ici
Les noms vernaculaires seront mentionnés au fur et à mesure de l’étude des espèces.
La plante à l'honneur
Les perce-neige sont sortis. Ils décorent les fossés et fleurissent d’une multitude de petites clochettes blanches, de gouttes de neige les sous-bois le long de la rivière. Qui pourrait soupçonner que cette petite fleur à laquelle s’attachent tant de légendes et qui sauva Ulysse des manigances d’une sorcière, synthétise des substances qui sont employées en pharmacologie pour atténuer les symptômes de la maladie d’Alzheimer et soigner le sida mais qui sont aussi très utilisées par les apprentis sorciers qui bricolent des OGM ?
« Sous un voile d’argent, la Terre ensevelie
Me produit malgré sa fraîcheur
La neige conserve ma vie,
Me donnant son nom, me donne sa blancheur »
Le perce-neige annonce le printemps, la saison des amours. C’est bien ce que dit, à sa manière, avec sa grivoiserie désuète et pleine d’un charme suranné, cette chanson de 1860 :
« Veillez sur vos roses fillettes,
Le Perce-neige va briller !
(…)
Vous dont la blanche mousseline
Trahissait les jolis contours,
Dans l'hiver, sous la levantine
Vous fermez la porte aux amours.
Du bonheur, douces messagères
Laissez la pudeur sommeiller,
Reprenez vos robes légères,
Le Perce-neige va briller !
Nom
Galanthus nivalis L. 1753
[Famille des Amaryllidaceae]
Le nom du genre vient du grec γάλα, lait et de ἄνθος, fleur. Il signifie donc littéralement « fleur de lait ». Le nom de l’espèce est issu du mot latin signifiant « neige ».
En Français, le nom le plus courant est «Perce-neige», nom composé invariable, de genre masculin ou féminin sans qu’il y ait un usage bien établi. En italien il se dit bucaneve, c’est-à-dire comme en français la plante qui perce (buca) la neige (neve). En Anglais : Snowdrop, en Allemand : Schneeglöckchen (neutre), en Néerlandais, Sneeuwklokje (neutre). Dans toutes ces langues c’est la précocité du fleurissement de la plante qui est mis en avant pour la nommer mais en anglais et en allemand l’accent est mis sur la forme bombée de la fleur.
Parmi ses autres noms vernaculaires français, on peut citer : grelot blanc, goutte de lait en référence évidente à son aspect ; clochette d’hiver qui marie aspect et période de floraison ; violette de la chandeleur qui insiste plutôt sur la date que sur la couleur ; goutte de neige qui est la traduction littérale du nom anglais mais ne manque pas de charme et n’a guère été utilisé que par J.J. Rousseau ; galant d’hiver et galanthe des neiges qui sont des adaptations du nom savant.
Selon Pascal Vigneron, le vocable «perce-neige» apparaitrait pour la première fois en littérature en 1641 dans deux des madrigaux écrits pour célébrer la beauté de Julie d'Angennes dans un recueil intitulé « La guirlande de Julie » composé à l’instigation de son soupirant et futur mari le duc de Montausier.
Sous la dénomination « Perce-neige » ont longtemps été confondues deux espèces de plantes appartenant à deux genres différents : le Perce-neige et la Nivéole printanière jusqu’à ce que Linné les place dans deux genres distincts Galanthus nivalis et Leucojum vernum L. 1753. Certains botanistes contestent aujourd’hui cette organisation de la famille des Amaryllidaceae.
En fait le terme « perce-neige » comme les autres appellations vernaculaires sont ambigües botaniquement dans la mesure où elles désignent indistinctement plusieurs espèces du genre Galantheus. Cet article sera centré sur l’espèce G. nivalis, que l’on peut considérer, sinon comme indigène, du moins naturalisée depuis longtemps. Il abordera aussi d’autres espèces que l’on trouve surtout cultivées, parfois subspontanées.
La plante à l'honneur
Ils sont là, modestes, un peu cachés au milieu de belles horticoles. On dirait à s’y méprendre des petits plants de pommes de terre encore en fleurs à la mi-décembre. Ce sont des plants de Morelle noire. S’il ne gèle, ni ne neige dans les jours prochains, peut-être auront-ils, avant de mourir, le temps de faire leurs fruits semblables à de minuscules tomates mais noirs, des «tomates du diable». Tomate, Pomme de terre, Morelle noire, ... ce petit air de famille n’est pas étonnant. Elles sont non seulement de la même famille botanique, mais aussi du même genre. La Morelle noire du jardin a des fruits noirs. Un truisme ? Pas tant que cela. Elle peut avoir aussi des fruits jaunes ! Surprenante Morelle noire ! Et qui aurait pu imaginer que cette plante qui fait la timide dans les platebandes de la ville est un véritable Janus.
Solanum nigrum L., 1753
Elle appartient à la famille des Solanaceae [Solanacées].
Le nom du genre Solanum viendrait du latin sol, soleil ou bien du verbe solari : je console, allusion aux propriétés narcotiques de nombreuses espèces du genre.
Quant au nom de l’espèce, il est transparent, nigrum, noir est la couleur du fruit.
La morelle noire se dit en allemand Schwarzer Nachtschatten, en anglais, Black nightshade, common, nightshade, garden nightshade ; Zwarte nachtschade en néerlandais.
Elle a aussi beaucoup de nom vernaculaires : Amourette, Tomate du diable, Herbe aux magiciens qui font allusion à son usage en sorcellerie ; Crève-Chien, Tue chien, Raisin de loup qui renvoient à ses propriétés toxiques ; Herbe à gale à ses propriétés médicinales ; Myrtille de jardin sans doute en raison de ses baies qui ressemblent à celles de la Myrtille ; Herbe maure, Morette, Mourelle …
Période de floraison
De Juillet à début décembre et parfois plus tard en hiver. Il n’est pas rare de voir sur la même plante, les fleurs et les fruits à différents stades de maturité.
Description
Thérophyte [annuelle] pouvant atteindre 70 cm, (dans les platebandes, le long des murs et dans les caniveaux, la plante est plus petite), étalée ou dressée. Endozoochore et entomogame.
●Racine fasciculée, mince, blanche, courte.
●Tiges ramifiées, verdâtres souvent teintées de violet foncé, pubescence variable selon les sous-espèces.
●Feuilles simples, alternes, pétiolées, pétiole plus court que le limbe, ovales, subaiguës à acuminées, légèrement ailées vers le limbe, limbe (25 – 100mm x 20 – 70mm) presque glabre, entier à grossièrement denté, nervures secondaires en saillie dans la face inférieure.
●Fleurs monoïques régulières en cyme unipare scorpioïde [en forme de crosse ou de queue de scorpion.] de 3 à 12 éléments, pédoncule de 10 à 30mm de long, pédicelles recourbées, calice campanulé à 5 sépales soudées ; pédoncule, pédicelles, calice à pilosité variable selon les sous-espèces ; corolle gamopétale en tube à cinq lobes en étoile, blanche (5 – 10mm) ; 5 étamines insérées sur la gorge de la corolle, saillantes, jaunes ; ovaire supère globuleux, d’un diamètre de 1mm.
●Fruits : baies rondes légèrement plus larges que longues à l’aspect de minuscules tomates, (6 – 10 mm de diamètre), d’abord vertes devenant noir violacé à maturité avec de nombreuses graines aplaties (plusieurs dizaines), ovoïdes, blanc crème finement ponctué, jus violacé âcre.
L’espèce est très variable pour ce qui est de la pubescence, la forme des feuilles et la couleur des fruits. On en distinguera donc plusieurs sous espèces. Nous suivrons la taxonomie proposée par Lambinon J. et col. 2008 qui semble la mieux adaptée à nos propres observations.
La plante à l'honneur
Dans le buisson les petites prunelles ont pris leur couleur au soleil de septembre. D’un beau bleu pruineux, elles semblent bien appétissantes mais il faudra attendre. Les impatients qui les ont trop vite goûtées font la grimace : « Bon sang, qu’elles sont âpres ! » Ce n’est que lorsque les premières gelées les auront ridées que vous pourrez vous régaler ou les cueillir pour préparer une fine liqueur. Par contre si voulez en faire des conserves lacto-fermentées, c’est maintenant qu’il faut les ramasser. Mais n’oubliez surtout pas d’en laisser aux animaux sauvages la plus grosse part. C’est d’abord pour les oiseaux et les petits carnivores que l’épine noire a mis la table. Avec ou sans prunelles, vous aurez largement de quoi manger cet hiver. Mais eux ? L’hiver passé, ses fleurs blanches seront parmi les premières à embaumer et égayer les chemins de campagne.
Prunus spinosa L. 1753
Famille des Rosaceae, sous famille des Amygdalaceae.
Le nom du genre provient du latin prunus qui désignait les pruniers et prunellier, spinosa pour l’espèce signifiant quant lui épineux.
Nom français : Prunellier, épine noire. Allemand : Schwazdorn, Schlehe. Anglais : Sloe Tree, Blackthorn, Neerlandais : Sleedorn
Le prunellier est appelé épine noire à cause de son écorce d’un gris noir luisant par opposition avec l’aubépine, et sans doute plus particulièrement l’aubépine à deux styles, qui est appelée épine blanche ; buisson noir à cause de son allure en hiver et aussi mère du bois. Cette dernière appellation témoigne de la grande capacité d’observation et de la connaissance poussée de la nature des paysans d’autrefois qui avaient observé que les buissons touffus d’épines noires servaient d’abri pour les semences et les jeunes plants des arbres qui poussaient sous leur couvert avant de les supplanter, l’épine noire étant une essence de lumière. Tout se passe donc comme si du sein de ces buissons naissait et se développait une forêt. P. spinosa a aussi des noms divers selon les localités.
Période de floraison
Les fleurs parfumées apparaissent en mars, avant les feuilles, ce qui permet de le distinguer facilement des aubépines, les baies bleuissent en septembre.
La plante à l'honneur
Comme elles sont élégantes, dans la haie, les baies d’un joli rouge vif et luisant de la douce-amère! Belles mais vénéneuses… La douce-amère marie les contraires : amertume et douceur ; régal pour beaucoup d’oiseaux, toxique, voire mortelle pour tous les mammifères, hommes y compris. Elle peut aussi guérir mais profanes s’abstenir. Et la tradition lui attribue des propriétés surprenantes. D’une certaine façon, avec elle, l’amour côtoie la mort. Donc, prudence…
Solanum dulcamara L. 1753
Famille des solanaceae [solanacées]
Le nom du genre vient du latin sol : soleil, un genre dont les plantes membres recherchent les stations ensoleillées. Selon une autre étymologie il viendrait du verbe solari : consoler à cause des propriétés narcotiques de nombreuses espèces de ce genre.
Pour l’espèce, dulcis est un mot latin qui signifie «doux» et amarus «amer» En français comme en latin mais aussi en anglais, en allemand, en néerlandais et dans bien des langues, elle tire son nom de la saveur de son écorce lorsqu’on la mâchonne – chose à éviter de faire, la plante étant vénéneuse dans toutes ses parties. Assez curieusement, à rebours de l’ordre des termes dans le nom, le doux suit l’amer : « Lorsqu’on les mâche [les tiges] on perçoit une saveur amère qui est bientôt suivie d’un goût douceâtre » (Barbier 1837, p. 471)
Elle a aussi beaucoup d’autres noms vernaculaires. Citons : morelle grimpante (par opposition à la morelle noire qui ne grimpe pas), crève chien (allusion possible à sa toxicité dont les animaux de compagnie peuvent faire les frais), réglisse sauvage (référence à l’un de ses usages à ne pas suivre), herbe à la fièvre, herbe à la quarte ou «quarte» signifie «fièvre quarte», une fièvre intermittente (renvoie sans doute à des propriétés fébrifuges non attestées par ailleurs) Elle a aussi d’autres appellations dont la raison, s’il en est une, n’est pas évidente : loque, bronde, bois de ru.
Période de floraison
Fleurs de juin à août, baies de septembre à décembre, d’abord vertes, puis rouges et enfin jaunes.
Description
Sous-arbrisseau de 60cm à 3m, sarmenteux.
●Grosse racine, ramifiée et charnue.
●Tiges lianiformes, rampantes ou grimpantes, plus ou moins volubiles mais sans dispositif d’accroche, parfois retombantes, pubescentes.
●Feuilles alternes, pétiolées avec pétiole plus court que le limbe, cordiformes à la base de la plante, trilobées au sommet, avec un grand lobe central en forme de cœur et deux latéraux plus petits ovales à subaigus.
●Fleurs monoïques (1 ─ 1,5cm) en cymes par 10 ─ 25 sur un long pédoncule opposé à une feuille supérieure, 5 sépales dentées soudées entre elles, plus courtes que le tube, 5 pétales, égaux, soudés à la base à lobes étroits, aigus, recourbés vers l’arrière donnant à la fleur un aspect étoilé, cinq étamines jaunes réunies en un tube saillant d’où dépasse un stigmate unique à long style.
●Fruits, baies ovoïdes (1 – 1,5cm), vertes puis rouge vif luisant avec de nombreuses petites graines blanc ivoire, lenticulaires d’environ 3mm de diamètre, aplaties sur les bords, au hile bien marqué. Il est difficile de confondre ces baies avec d’autres, peut-être avec des groseilles mais cette confusion serait assez grossière.
Habitat
Haies, bois clairs, pierrailles, bords des ruisseaux, la douce-amère aime les lieux humides mais ensoleillés. Elle fréquente aussi des stations plus sèches comme rudérale. En d’autres termes, c’est une espèce héliophile et de demi-ombre, hygrophile à mésohygrophile, nitrophile. Son amplitude altitudinale va de 0 à 1700m.
Plante très commune dans toute la France, mentionnée en Europe dès le XIIIème siècle.
Remarque importante
La douce-amère est une plante fortement TOXIQUE pour tous les mammifères, hommes et animaux domestiques inclus. Elle le serait aussi pour les tortues terrestres.
La plante à l'honneur
Vous ne trouverez pas sur le pas de votre porte les deux plantes qui sont à l’honneur aujourd’hui. Elles ne poussent que sur quelques crêtes pierreuses, des rocailles ou des éboulis d’altitude dans les Alpes du sud. Ce sont des « endémiques » et elles sont rares. Deux plantes endémiques rares ensemble sur la même crête, ce n’est pas si fréquent. Elles méritent bien un effort pour aller les contempler : 1200 mètres de dénivelés environ à grimper ; une splendide ballade au cours de laquelle vous pourrez découvrir une autre endémique des Alpes du sud. Partons donc ensemble à leur découverte.
Déjà le ciel s’éclaircit. Il fait doux et même un peu frais. Pourtant dans quelques heures, ici, il fera très chaud. Tout le petit peuple de la nuit regagne ses pénates. Vous bouclez la ceinture ventrale de votre sac. C’est parti.
Dès les premiers mètres, le sentier grimpe fort et s’élève en quelques lacets secs taillés dans la falaise. Vous prenez rapidement de la hauteur et la vallée se dévoile à votre vue, nimbée du rose de l’aurore. La montée devient moins rude. Par place des filets d’eau ruissellent le long de la roche et la végétation change brusquement du tout au tout : voici des orchis, des aulnes tandis que la paroi s’orne de magnifiques saxifrages à feuilles en languettes (Saxifraga linguata Brell.). Cette saxifrage est une endémique provenço-ligure. Bien sûr, ce sont les magnifiques grappes de fleurs blanches suspendues dans le vide qui ont attiré votre œil mais les rosettes de feuilles d’où s’élancent les tiges florales méritent elles aussi votre attention. Elles sont ponctuées sur les bords de la face supérieure d’une rangée de pores bordés de concrétions calcaires. Cette plante a la propriété de rejeter le calcaire en excès qu’elle a absorbé et qui sinon l’empoisonnerait. Elle peut ainsi prospérer sur des substrats très riches en calcaire que ne supporteraient pas d’autres plantes.
Une forêt naturelle… en apparence
Le sentier serpente maintenant dans une forêt où domine presque sans partage, le mélèze. Vous remarquerez que les arbres ont presque tous le même âge. Cette forêt n’a, malgré les apparences, rien de naturel. Ces montagnes avaient été totalement déboisées depuis le XIIIe avec des conséquences catastrophiques. Il a fallu attendre le XIXe pour que l’Etat lance, avec la RTM (la restauration des terrains de montagne) un grand programme de reboisement qui s’est réalisé au début contre les populations locales, notamment les éleveurs qui se voyaient dépossédés d’une partie de leurs pacages. Il faut savoir aussi que le mélèze est en quelque sorte l’enfant chéri des montagnards. Le sous-bois des mélézins, à la différence par exemple de celui des épicéas, permet le pâturage. Le bois de mélèze très résistant était employé pour la charpente, les bardeaux des toitures. On fabriquait avec son bois du mobilier, des abreuvoirs, lavoirs, etc. Enfin, cerise sur le gâteau, le mélèze est aussi un excellent bois de chauffage. Sans l’intervention de l’homme, les mélézins, formations pionnières, laisseraient la place à des pessières – sapinières ; les sapins et pins poussant sous le couvert des mélèzes, essences de lumière qui se régénèrent difficilement sous eux-mêmes. A l’état naturel, le mélèze est, lui aussi, un endémique des Alpes. Naturel ou non, vous trouvez ce mélézin bien agréable avec son sous-bois luxuriant et son ombre légère. Il faut en profiter car déjà le soleil tape fort et bientôt vous allez cheminer à découvert pour surmonter une barre rocheuse parsemée de touffes de sarriette, de serpolet et de lavande.
La plante à l'honneur
Inutile d'aller bien loin pour le rencontrer. Sa tête d'or et sa rosette verte vous attendent devant votre porte, au coin de la rue, au bord du caniveau. Évidement, ce n'est pas là que viendront le cueillir les amateurs de salades. Sil est une plante que l'on croit bien connaître, c'est celle-ci. Et pourtant....
Taraxacum officinale, sensu auct. Gall. (au sens des auteurs français)
On trouve encore dans beaucoup de flores le binôme Taraxacum officinale, G. H. Weber avec comme synonyme Taraxacum dens-leonis, Desfontaine. Mais ces binômes ne sont pas corrects en ce qui concerne les pissenlits de nos régions.
Le nom botanique vient du grec ταράχη qui signifie trouble et άχος forme du verbe guérir, allusions à ses propriétés médicinales, propriétés sur lesquelles insiste le deuxième terme du binôme.
Le nom français apparait en 1536 dans Œuvres médicales de Charles Estienne par allusion à son pouvoir diurétique déjà bien connu. On l'appelle aussi « dent de lion », nom qui est passé à l'anglais : « dandelion », sans doute à cause de la découpe de ses feuilles.
La plante familière, ou du moins un groupe de plantes affines, a reçu beaucoup d'autres noms. Parfois transparents comme « tête de moine » en référence au réceptacle dépouillé de ses fruits, « salade de taupe » sans doute parce que la rosette recouverte par la terre rejetée par la taupe qui creuse sa galerie est « blanchie » comme les endives que butte le jardinier, « chicorée » à cause de l'usage que l'on a pu faire de sa racine comme succédané de celle de la chicorée. Parfois les dénominations sont bien mystérieuses. Pourquoi notre pissenlit commun a-t-il donc reçu les sobriquets de « chopine », « cochet » ou « coq » rapportés dans la Flore Forestière de France, tome1? Dans les Vosges, on l'appelle cramaillot ou crameillot.
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