Les notions de biocénose, biotope et écosystème sont des notions abstraites fondamentales en écologie mais difficiles à saisir. L’examen d’une bouse de vache et de la faune qui s’y succède au cours du temps permet de bien concevoir ce que recouvrent ces notions. Il permet aussi de philosopher sur notre destinée dans un milieu dont les ressources s’épuisent et les conditions d’habitabilité pour notre espèce se dégradent.


Précisons tout d’abord ou rappelons pour ceux qui le savent qu’un écosystème consiste en l’association d’un biotope et d’une biocénose. Le biotope (ou milieu de vie) se caractérise par un ensemble de conditions physico-chimiques (par exemple température, degré d’humidité, pH du sol, …). La biocénose est l’ensemble des êtres vivants interagissant entre eux dans un milieu de vie donné et avec ce milieu.
 
Circonscrite dans l’espace et évoluant relativement rapidement dans le temps, les bouses de vache seraient « un excellent exemple de successions animales en fonction des variations des paramètres écologiques du milieu » (Dendaletche 1973, p.47). dans la suite du texte l’auteur expose cette biocénose dans le cas des bouses du col de Soulor dans les dans les Pyrénées occidentales.  Il décrit les populations d’insectes qui s’y succèdent en fonction des modifications de ce milieu bien particulier. 

Je vous fais grâce des détails et ne retiens que la « synthèse » :
« Ainsi dans un temps très court, se succèdent – ou se côtoient – des animaux montrant diverses adaptations.
Au début, la bouse est semi-liquide ; il s’agit d’un véritable milieu fluide, c’est la nage qui constitue le mode de déplacement efficace. A ce stade les Coléoptères hydrophilidés (Sphaeridium, Cercyon…) ont la prépondérance. […]
Les grosses mouches rousses (Diptères scatophagides) pondent leurs œufs générateurs de larves ou asticots. Ceux-ci sont attaqués par les Staphylins dont certains sont prédateurs.
Avec l’asséchement du milieu par déshydratation arrivent les vrais bousiers (Géotrupes, Aphodius, Onthophagus). Leur mode de déplacement et de vie sont totalement différents car les conditions écologiques sont autres. […]
Ensuite intervient l’épuisement du milieu et la dispersion des animaux.
Ainsi diverses chaînes alimentaires s’instaurent qui, toutes, ont pour finalité l’exploitation optimale des ressources du milieu. Ces successions, ces relations trophiques, cette complexité structurale, donnent à mon sens, une image nette de ce que sont biocénoses, biotope et écosystème. » (p. 49, souligné par l’auteur).

Inexorablement, il en sera de même de la Terre. Si à l’aune du siècle elle se réchauffe, dans cinq millions d’années, la dérive des continents aura rapproché l’Europe de l’Afrique et elle se refroidira selon le scenario retenu comme le plus probable. Dans ce monde les glaces pourraient avoir recouvert une grande partie de la planète. L’Europe serait sous la glace, la Méditerranée une étendue de sel, l’Amérique du Nord un désert froid. L’espèce humaine ne serait pour rien dans ces transformations, pas plus que les Coléoptères hydrophilidés qui nageaient dans la bouse fraîche ne sont la cause de sa déshydratation. D’ailleurs, il est fort probable qu’elle aurait disparue comme tous les vivants actuels qui n’auraient pas évolué pour s’adapter. Ni les milieux de vie, ni les biocénoses ne seraient les mêmes. Si nous étions transportés à cette époque future par un tour de magie, nous aurions l’impression d’avoir voyagé non dans le temps mais dans l’espace et de découvrir une autre planète car ses plantes et sa faune seraient très différentes de celles, vivantes ou fossiles que nous connaissons et nous paraîtraient très étranges.

Sur les changements de biotopes dans le passé reculé, nous ne sommes pour rien. Une fois apparues, la contribution des différentes espèces du genre Homo à ces changements et à ceux consécutifs des biocénoses n’est sans doute pas nulle. Infime tout au plus, et difficile à évaluer alors que d’autres causes tant telluriques (dérive des continents notamment) que cosmiques (Soleil, météorites, …) ont joué et jouent un rôle majeur, sans commune mesure à celui qui est le nôtre. Tout ce dont nous sommes capables, apparemment, c’est d’œuvrer activement à la disparition de notre propre espèce, la seule du genre Homo encore présente.

Vouloir atténuer le réchauffement climatique en cours, c’est faire preuve d’un orgueil prométhéen démesuré. Même s’il est dû aux rejets excédentaires de CO2 anthropique – ce qui est loin d’être certain, il est parfaitement chimérique de croire que nous avons le pouvoir de les contrôler en produisant/consommant moins ou différemment dans les pays développés ou en cessant de se reproduire comme des lapins dans les autres ; deux choses parfaitement utopiques comme le prouvent tous les constats que l’on peut faire aujourd’hui comme hier. Et on peut le prédire sans risque de se tromper, que ce sera encore le cas demain. Jusqu’à ce que la Terre soit vidée de toutes les ressources indispensables à l’espèce humaine et donc débarrassée de celle-ci.
Place alors à d’autres espèces, comme dans le cas de la bouse de vache où les bousiers vrais apparaissent une fois qu’elle est sèche et les insectes et larves nageurs disparus. Que seront-elles ? Nous ne le savons pas alors que dans le cas des bouses de vache, nous le savons. Mais rien n’interdit d’oser des spéculations vraisemblables compte tenu de l’état actuel de notre savoir. On peut retenir celles « réalistes » faites sur « les animaux du futur » même si les créatures qui nous sont présentées nous paraissent « exotiques ».
 
Références 
 
Claude Dendaletche 1973 Guide du naturaliste dans les Pyrénées occidentales – Moyennes montagnes, Delachaux & Niestlé , Neuchâtel, Suisse
Claire Pye [éd. Française 2009] Les animaux du futur, Nathan, Paris
 

Mercredi 21 Août 2024 Commentaires (0)
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