Un article du journal 20 minutes du 24/12/2024 abondamment repris rapporte que le Conseil d’État a débouté un enseignant qui a attaqué la circulaire ministérielle dite circulaire Blanquer qui proscrit l’écriture inclusive à l’école et oblige à enseigner la règle d’accord qui prescrit que « le masculin l’emporte sur le féminin ».
Cet enseignant aurait agi au nom de sa fille âgée de onze ans qui s’estimait lésée par ces instructions ministérielles. Il soutenait dans sa plainte que la circulaire en cause créait des conditions de travail défavorables aux femmes et aux « minorités de genre » parce qu’elles seraient régies par des textes maintenant des stéréotypes de genre dans la langue et priverait « les élèves appartenant aux minorités de genre de la possibilité de recevoir des outils langagiers pour se penser et se dire ».
« Des outils langagiers pour se penser et se dire » avec l’écriture inclusive ? Quand on constate le mal qu’on certains enfants pour apprendre l’orthographe et la grammaire sans parler de la difficulté pour certains jeunes ou adultes de lire couramment un texte, on se demande ce qu’enseigne cet enseignant, sûrement pas la grammaire et la lecture !
Il est possible que des écolières soient choquées lorsqu’elles découvrent cette règle en classe. C’est ainsi qu’une lectrice réagissant à un article qui la condamne écrit : « Le jour où la maîtresse nous a expliqué que "le masculin l'emporte", toutes les filles de ma classe se sont insurgées. On ne comprenait pas pourquoi cette règle existait. Pour nous, s'il y avait 20 filles dans une pièce et un seul garçon, il semblait logique de dire "elles"...! » (in Usbeck et Rica, 4 juillet 2017) Il suffisait de leur expliquer que c’est parce que le masculin joue ici le rôle du genre grammatical neutre qui n’existe plus en français ; qu’en outre le genre grammatical n’est pas le sexe biologique et doit en être distingué ; que ce masculin générique en ce qui nous concerne hommes et femmes renvoie à un absolu humain et non à un mâle sauf connotations contingentes qu’il faut rejeter. C’est sur ces points qu’il faut insister pour apaiser les esprits et arrêter les tentatives qui veulent de force réformer la langue.
Le genre grammatical doit être distingué du genre biologique ou du genre sociologique des « études de genre ».
Il relève de l'arbitraire de la langue, c’est à dire qu’il n’est pas motivé par des éléments extralinguistiques dont il serait le reflet dans celle-ci. C'est ainsi, par exemple, que les noms français, table, lune, étoile sont féminins tandis que leurs correspondants en Allemand, Tisch, Mond, Stern sont masculins, ce que l’on ne peut savoir que lorsqu’ils sont associés au singulier à leurs déterminants dans le groupe nominal (le, la par exemple en français ; der, die, das, en allemand). Comme l’écrivent les grammairiens de Port Royal « le genre masculin ou féminin dans un mot ne regarde pas proprement sa signification, mais le dit seulement de telle nature, qu’il doive se joindre à l’adjectif dans la terminaison masculine ou féminine.» (Antoine Arnaud& Claude Lancelot, Grammaire générale et raisonnée contenant les fondemens de l’art de parler, Paris, Pierre le Petit, 1660).
Même lorsqu’il s’agit de noms référant à des êtres animés et notamment des humains, le genre grammatical ne correspond pas toujours au sexe. Exemples :
(1)– Laetitia Casta est un mannequin célèbre.
Il est possible que des écolières soient choquées lorsqu’elles découvrent cette règle en classe. C’est ainsi qu’une lectrice réagissant à un article qui la condamne écrit : « Le jour où la maîtresse nous a expliqué que "le masculin l'emporte", toutes les filles de ma classe se sont insurgées. On ne comprenait pas pourquoi cette règle existait. Pour nous, s'il y avait 20 filles dans une pièce et un seul garçon, il semblait logique de dire "elles"...! » (in Usbeck et Rica, 4 juillet 2017) Il suffisait de leur expliquer que c’est parce que le masculin joue ici le rôle du genre grammatical neutre qui n’existe plus en français ; qu’en outre le genre grammatical n’est pas le sexe biologique et doit en être distingué ; que ce masculin générique en ce qui nous concerne hommes et femmes renvoie à un absolu humain et non à un mâle sauf connotations contingentes qu’il faut rejeter. C’est sur ces points qu’il faut insister pour apaiser les esprits et arrêter les tentatives qui veulent de force réformer la langue.
Le genre grammatical doit être distingué du genre biologique ou du genre sociologique des « études de genre ».
Il relève de l'arbitraire de la langue, c’est à dire qu’il n’est pas motivé par des éléments extralinguistiques dont il serait le reflet dans celle-ci. C'est ainsi, par exemple, que les noms français, table, lune, étoile sont féminins tandis que leurs correspondants en Allemand, Tisch, Mond, Stern sont masculins, ce que l’on ne peut savoir que lorsqu’ils sont associés au singulier à leurs déterminants dans le groupe nominal (le, la par exemple en français ; der, die, das, en allemand). Comme l’écrivent les grammairiens de Port Royal « le genre masculin ou féminin dans un mot ne regarde pas proprement sa signification, mais le dit seulement de telle nature, qu’il doive se joindre à l’adjectif dans la terminaison masculine ou féminine.» (Antoine Arnaud& Claude Lancelot, Grammaire générale et raisonnée contenant les fondemens de l’art de parler, Paris, Pierre le Petit, 1660).
Même lorsqu’il s’agit de noms référant à des êtres animés et notamment des humains, le genre grammatical ne correspond pas toujours au sexe. Exemples :
(1)– Laetitia Casta est un mannequin célèbre.
(2) – La sentinelle a été tuée, c’était une jeune recrue, il n’avait que 17 ans.
(3) – L’agent de liaison Annie X a été décoré pour sa bravoure.
(4) – Il y a encore très peu d’hommes qui choisissent le métier de sage-femme.
(5) – Un homme peut être un meurtrier et une femme une meurtrière mais si celle-ci a commis un meurtre avec préméditation c’est un assassin.
….
Les règles grammaticales d'accord ne sont pas sexistes.
Aujourd'hui, en Français, on écrira :
(6) – Jean et Jeanne sont très intelligents
(7) – Dans le ciel, la lune et les météores sont brillants
Dire qu’en (6) "le masculin l'emporte sur le féminin" est une façon de parler qui permet de retenir facilement la règle d'accord de l'adjectif en vigueur. Sous sa forme exacte pour le groupe nominal, elle s’énonce : « Quand le groupe nominal comprend plusieurs noms coordonnés, l'adjectif qui se rapporte à ces noms se met au masculin pluriel si l'un au moins des noms est masculin » Ainsi formulée, elle n’a rien de sexiste même si elle a été perçue comme telle et que des féministes veulent la remplacer par une règle de proximité selon laquelle l’adjectif ou le participe passé s’accorde avec le substantif le plus proche. Or ces deux types d’accord coexistent encore aujourd’hui bien que les grammaires prescriptives proscrivent l’accord de proximité alors qu’il était encore toléré dans les textes officiels au début du XXème siècle. D’ailleurs quelle est la règle d’accord appliquée en (7) ?
L’arrêté du 26 février 1901 « relatif à la simplification de l’enseignement de la syntaxe française » stipule que le « masculin l’emporte » mais admet que l’accord puisse se faire selon la règle de proximité : «VI. – Adjectifs […] 2. Adjectifs construits avec plusieurs substantifs. – Lorsque qu’un adjectif qualificatif suit plusieurs substantifs de genres différents, on tolérera toujours que l’adjectif soit construit au masculin pluriel quel que soit le genre du substantif le plus voisin. – On tolérera aussi l’accord avec le substantif le plus rapproché. Ex : un courage et une foi nouvelle »
Dans l’arrêt du 9 février 1977 « Tolérances grammaticales et orthographiques » qui remplace celui de 1901, la tolérance concernant l’accord des « adjectifs construits avec plusieurs substantifs » n’y figure plus. La tolérance n’est plus que tacite et se fera éventuellement au cas par cas.
Le 28/04/2022, à un sénateur qui s’inquiétait que l’on puisse qualifier de sexiste le français sous prétexte que « le masculin dans son acception neutre « invisibiliserait » les femmes », le Ministère de l’éducation nationale se référant à la circulaire Blanquer de mai 2021, a répondu ceci : « Les professeurs se réfèrent aux programmes scolaires qui renvoient aux normes orthographiques et grammaticales en usage pour enseigner. Par conséquent, ce sont les mêmes règles qui sont enseignées à tous les élèves, notamment celle de l'accord de l'adjectif au masculin pluriel quand il se rapporte à plusieurs noms de genres différents. »
Dans les grammaires prescriptives l’accord de proximité n’est plus enseigné et cela est confirmé par l’arrêt du Conseil d’Etat qui vient de défrayer la chronique (‘faire le buzz’ dans le jargon actuel) !
Au début du XXème siècle les femmes n’avaient pas acquis leur autonomie, n’avaient même pas le droit de vote et ce n’est que dans le dernier quart de ce siècle que le sexisme suprémaciste mâle commença à être blâmé et que les femmes se sont peu à peu libérées de la domination des hommes en France. Pourtant comme le rappel de ces textes officiels le montre, à cette époque les règles de la grammaire prescriptive, la norme donc, permettaient explicitement que le masculin ne l’emporte pas toujours !
Voilà bien la preuve que le statut du masculin dans la langue comme la règle dans la grammaire prescriptive qui tôt ou tard s’appuie sur l’usage, est distinct et indépendant de celui du statut des femmes dans la société.
Même si selon les instructions ministérielles la règle de proximité ne devrait pas être enseignée aujourd’hui, les accords de proximité ont-ils vraiment disparu pour autant ?
Dans la langue parlée, si l’adjectif féminin à une terminaison différant nettement à l’oreille, la règle du primat du masculin choque comme le montre le contraste entre (8) et (8’). Dans de tels cas où l’accord au masculin pourrait « choquer l’oreille », Grevisse estime qu’il faut que « le nom masculin soit rapproché de l’adjectif »pour préserver « l’harmonie » avec comme exemple (9).
(8) – C’est une chance d’avoir eu un père et une mère excellents (E. Henriot)
(8’) – *C’est une chance d’avoir eu un père et une mère excellentes
(8”) – Ce peuple a le cœur et la bouche ouverte à vos louanges (Vaugelas)
(9) – Une tête et un buste humains (A. France , l’ile des Pingouins)
(8) et (9) sont des exemples repris au Bon usage (8ème éd.) de Maurice Grevisse (p. 307), (8’’) est repris à Claude Favre de Vaugelas (Remarque sur la langue françoise,1647, p.82). Dans la langue parlée, à la différence de celle écrite, il est évident que nous n’aurions pas (8) mais peut-être (8’) qui n’est pas grammatical du moins à l’écrit, car à l’oral la marque du pluriel ne s’entend pas et on est ramenée à une construction semblable à celle de Vaugelas(8’’) ; ou pour le dire autrement, (8’) devrait s’écrire C’est une chance d’avoir eu un père et une mère excellente. Il s’agit donc d’un accord de proximité dans lequel le masculin ne l’emporte pas sur le féminin. On remarquera que pour Vaugelas (9) ne serait pas correct. Il faudrait écrire Une tête et un buste humain. C’est aussi ce qui ressort de la circulaire (abrogée) de 1901 : « On tolérera aussi l’accord avec le substantif le plus rapproché. Ex. : un courage et une foi nouvelle » et non nouvelles. Etant donné le contexte, il est évident que nouvelle s’applique aussi à courage.
Dans l’absolu cependant la phrase de l’arrêté de 1901 est ambiguë. On peut comprendre que l’adjectif ne s’applique qu’au substantif avec lequel il est accordé. C’est aussi le cas pour (8’’), l’exemple de Vaugelas et de toute construction de ce type, quel que soit le genre du substantif le plus proche. D’où la marque du pluriel dans (9) qui lève l’ambiguïté à l’écrit. D’où peut-être le conseil de Malherbe, rapporté par Vaugelas, d’éviter ce type de construction : «Monsieur de Malherbe disait qu’il faut éviter cela comme un écueil, et ce conseil est si sage qu’on en saurait mal se trouver. »
On remarquera que dans (9) et dans toutes les constructions où le nom masculin est le plus proche de l’adjectif, il est impossible de décider s’il s’agit d’un accord de proximité ou d’un accord où « le masculin l’emporte ». Il n’est donc pas du tout certain que l’accord de proximité ait disparu du français parlé contemporain. D’ailleurs une étude de linguistique empirique menée sur de vastes corpus d’énoncés montre que l’accord de proximité s’est maintenu au cours des siècles [Anne Abeillé et col., 2018 « L’accord de proximité du déterminant en français », Discours(En ligne)] et que les constructions de type (9) sont aujourd’hui les plus fréquentes, ce qui implique que l’on ne peut trancher sur la dominance de la règle d’accord officielle et que les normes qu’ont tenté d’imposer des linguistes misogynes comme Scipion Duplex au XVIIème siècle, ou les ministres de l’éducation nationale aujourd’hui n’ont, au mieux, qu’un effet limité sur la langue et son évolution.
L’emploi du masculin générique n’est pas sexiste
Considérons maintenant
(10) – Ne pourront voter que les résidents et les résidentes inscrites sur la liste
(10’) – Ne pourront voter que les résidents et les résidentes inscrits sur la liste.
(10) peut signifier que tous les résidents hommes inscrits ou non sur la liste pourront voter tandis que ne le pourront seulement les résidentes inscrites sur la liste.
Si ce que l’on désire affirmer sans ambiguïté est qu’il faut être inscrit sur la liste pour voter et cela que l’on soit homme ou femme, il faut écrire (10’). Dans certaines occurrences, l’accord de proximité tant vanté par beaucoup de féministes peut donc avoir des résultats contraires à ceux que ces féministes recherchent.
Cela vient du fait que le genre grammatical féminin n’est pas générique en français, c’est-à-dire qu’il ne peut s’appliquer à la fois aux hommes et aux femmes et plus généralement aux êtres animés de sexe mâle et femelle tandis que c’est le cas du masculin. Les linguistes disent que dans la paire masculin/féminin le terme féminin est le terme marqué.
Pour montrer que cela n’a rien de sexiste ou d’androcentrique on soulignera que cela s’applique aussi à certains noms d’espèces animales si le substantif désignant le mâle et différent de celui qui désigne la femelle comme chat/chatte, chien/chienne, lièvre/hase, etc. et non pie, rossignol, rhinocéros. On aura :
(11) – Le chien aboie, le chat miaule, le lièvre couine
Ce qui veut dire que le chien, la chienne et le chiot aboient ; le chat, la chatte et le chaton miaulent ; le lièvre, la hase et le levraut couinent !
De même si l’on affirme
(12) – Le propre de l’homme est le rire
Cela vaut évidemment non seulement pour un homme, pour une femme mais aussi pour une fille, un garçon, un enfant, un bébé …
On voit bien grâce à ces exemples qu’il n’y a rien de machiste dans cet usage, ne serait-ce que parce que le générique désigne non seulement les deux sexes mais aussi les jeunes de l’espèce.
Conséquences inopportunes de la féminisation des noms de métiers et de fonction.
C’est aussi parce que le genre féminin est le genre marqué que la féminisation des noms de métier peut poser problème pour exprimer par exemple qu’une femme est la meilleure, la plus quelque chose dans un domaine donné.
Pour le comprendre prenons par exemple, l’affirmation (13) :
(13)– Marie Curie est la physicienne atomiste française la plus célèbre (mais c’est Henri Becquerel qui est le physicien le plus célèbre )
(13) ne signifie pas que Marie Curie est la plus célèbre de tous les physiciens atomistes, hommes et femmes confondus, mais de toutes les femmes physiciennes et seulement d’elles alors que c’est ce qui est signifié en (14) ou (15) :
(14) Le plus célèbre de tous les physiciens atomistes français, c’est Marie Curie. (Ce n’est donc pas Henri Becquerel)
(15) – De tous les physiciens atomistes français, c’est Marie Curie qui est le plus célèbre. (Ce n’est donc pas Henri Becquerel)
Le nom physicien peut être employé dans un sens générique, sens dans lequel il signifie tous les physiciens, hommes ou femmes, et dans un sens spécifique où il réfère aux hommes exclusivement mais dans ce cas, il tire ce sens spécifique de sa différence avec physicienne. Contrairement à ce que peut suggérer la dérivation physicien/physicienne.
C’est la même chose dans le cas où le substantif est morphologiquement semblable au masculin et au féminin et qu’il désigne indistinctement des humains de sexes différents (substantif épicène), car ce sont les déterminants (article, possessifs, démonstratifs, …) qui vont en spécifier le genre, du moins au singulier.
(16) – Valérie Masson-Delmotte est la climatologue française la plus connue (ce n’est donc pas Emma Haziza mais le plus connu, c’est Jean Jouzel)
Comparée à :
(17) – Valérie Masson-Delmotte est le plus connu des climatologues français (ce n’est donc ni Jean Jouzel, ni Emma Haziza)
Rappelons au passage que des est la contraction de de les !
(NB : On ne se prononcera pas sur la vérité ou la fausseté de (13) à (17) qui sont là simplement au titre d’illustration.)
C’est ce qui explique par exemple qu’en 1991, la première femme qui fut Premier ministre en France, Edith Cresson, exigeait qu’on la nommât « Madame le Premier Ministre » et non « la Première Ministre » comme il est d’usage de nos jours où un député, Julien Aubdert, a été sanctionné pour s’être obstiné à s’adresser à Madame Sandrine Mazetier qui présidait la séance en la nommant « Madame le président » ; Sandrine Mazetier qui par ailleurs veut rebaptiser l'école maternelle par une appellation « moins genrée » ce que, bien entendu, savait Julien Aubert.
Dans les années 90, des femmes linguistes se réclamant du féminisme ont théorisé, justifié et approuvé ce rejet de la féminisation des noms de métier et de fonction. Pour elles il s’agissait de refuser d’être Femme Avocat, Femme Premier ministre, Femme… Elles voulaient être Avocat, Premier ministre, … tout court en utilisant le masculin générique et en rejetant la référence au sexe qu’introduit la féminisation morphologique. C’est le cas par exemple de Claire Michard. Elle écrivait en 1996 : «La notion absolue de profession ou de fonction est formalisée par le masculin, sans référence de sexe […] Par contre, si on utilise des féminins dans ces exemples, le sens femelle envahit celui de profession ou de fonction, le relativise, le restreint, le dévie » (« Genre et sexe en linguistique : les analyses du masculin générique. » In: Mots, n°49, décembre 1996. Textes et sexes. pp. 29-47)
On notera qu’il existe une possibilité de ne pas employer le masculin générique, du moins si l’on ne répugne pas à une certaine lourdeur :
(18) – De tous les physiciens atomistes français et toutes les physiciennes atomistes françaises, c’est Marie Curie qui est la plus connue.
On ne peut même pas abréger comme en (19) tous étant alors un masculin générique !
(19) – De tous les physiciens et physiciennes (ou de tous les physiciennes et physiciens)….
Aujourd’hui, comme le montre l’incident de séance provoqué par Julien Aubert au Palais Bourbon, les féministes sont pourtant des farouches partisans de cette féminisation. Elle ne soulève plus guère d’objections même parmi les « machiste », sauf dans quelques cas de désaccords sur la forme féminine choisie (auteure vs autrice par exemple) ou sur des formes qui posent des problèmes morphologiques ou sémantiques ( ex : tribun/tribune ) . Ce qui est peut-être une victoire à la Pyrrhus …
Touste, iel, …
Les adversaires du masculin générique ont bricolé quelques nouveaux déterminants et pronoms pour l’éviter. Par exemple au lieu de (16) ci-dessus, on aurait
(20) – De toustes les physiciens et physiciennes
qui est une façon légèrement plus économe d’écrire, sinon de parler mais qui ne satisferait sans doute pas une « personne non binaire » à cause de la déclinaison physicien/physicienne.
Dans ce qui suit, je n’envisagerai que le pronom iel car c’est lui qui a reçu une certaine consécration lexicographique en faisant son entrée dans le « Petit Robert ».
On devrait l’utiliser parce que la langue française étant « genrée », elle ne permettrait pas telle quelle aux « minorités de genre » de se « penser et de se dire ».
Cette introduction pose cependant des problèmes grammaticaux redoutables, pour ne pas dire insolubles. Comment l’accorder avec les adjectifs et participes passés ? Est-ce le genre (grammatical !) masculin non marqué s’applique en la circonstance? On aurait alors au pluriel :
(21) iel sont très intelligents
Mais cet accord ou le masculin « domine » est ce qui vigoureusement combattu par les afficionados d’un français « inclusif » qui n’invisibilise pas les femmes. En outre qu’en sera-t-il du singulier ?
Si l’on recourt à l’écriture « inclusive », cela donnerait :
(22) – iel est très intelligent.e.
Ce qui ne peut satisfaire les personnes qui refusent une « assignation de genre »ou celle qui sont « non-binaires » et pour lesquelles on veut introduire ce nouveau pronom.
Il ne semble donc n’y avoir d’autre recours que de contourner la difficulté en choisissant ce que les Canadiens appellent une « écriture épicène » :
(23) – iel possèdent une intelligence très au-dessus de la moyenne.
En fait en introduisant ce nouveau pronom, on introduit un troisième genre grammatical semblable à un neutre qui ne sera qu’appliqué aux noms de personnes pour satisfaire les « refus d’assignation de genre » ou « les personnes non binaires ». Il ne pourra apparaître que dans des phrases épicènes.
En effet, dans (22) la difficulté provient de ce que l’adjectif « intelligent » n’est pas épicène. Dans (24) elle disparaît parce que l’adjectif « habile » est épicène : il a la même forme morphologique quel que soit le genre du nom qu’il qualifie.
(24) – Iel est habile, c’est pour cela qu’iel réussit.
Comme c’est le caractère de l’adjectif qui est en cause, l’introduction de ce pronom ne peut résoudre le problème lorsqu’il est question d’une personne « non binaire » à la première ou deuxième personne du singulier ou du pluriel comme cela est manifeste dans (18)
(25) – Je suis contente de mes cadeaux de Noël, affirme Louise
– Je ne suis pas content de mes cadeaux , soupire Louis. Je vais les revendre.
– Moi non plus, je n’aime pas les cadeaux que j’ai reçus ! s’exclame Louison.
On remarquera qu’à la différence des dires de Louis et Louise, celui de Louison est neutre morphologiquement et que son prénom est épicène comme d’autres en français (Dominique, Maxime, Camille, etc.). Si l’on s’en tient à sa déclaration, on ne peut avoir d’indice sur le sexe biologique ou sociologique du locuteur auquel renvoie le « je » de « je n’aime pas » Elle est exemplaire d’un discours épicène.
Il apparaît aussi que la volonté de féminiser par exemple les noms de profession ou de fonction c’est-à-dire d’avoir deux formes morphologiques distinctes lorsque les référents sont de sexe différent et l’écriture inclusive ne sont pas compatibles avec la volonté d’avoir une langue non « genrée », épicène.
*********
Vouloir rendre la langue inclusive non « genrée », c’est supposer qu’elle l’est. Et de fait, elle ne l’est que si l’on rejette le masculin générique et que l’on refuse de le voir fonctionner comme un neutre. Ce rejet est au fondement des innovations langagières bancales prônées par les activistes féministes et les défenseurs des « minorités de genre »: écriture inclusive peu lisible et quasiment imprononçable, introduction du pronom iel impossible à accorder, féminisations pas toujours heureuses des noms de métier ou de fonction et entraînant des conséquences imprévues et non voulues, cohérence incertaine entre ces diverses innovations, etc. …
Pourquoi féministes et autres défenseurs des « minorités de genre » s’obstinent-ils donc à vouloir imposer ces expédients ? À vouloir que nous nous torturions le cerveau pour torturer notre langue ? Tous n’ignorent ni le fonctionnement de la langue, ni les distinctions entre genre grammatical, lexical, etc. … Est-ce que ce ne serait pas parce que « le masculin : humain absolu, tracte avec lui fréquemment la référence au sexe mâle » et « une pratique d'appropriation de la généralité humaine » selon les termes de Claire Michard ? Elle estime cependant que ce biais référentiel est contingent et éliminable. À l’inverse, pour la plupart des féministes actuels et ceux qui militent pour la reconnaissance des « minorités de genre », cette connotation mâle du masculin générique est une tare qui lui est consubstantielle et irrémédiable. Je pense qu’ils ont tort.
En définitive, je crois que la vraie question est celle-ci : veut-on être représenté dans notre langue commune comme mâle, femelle, femme, homme, binaire, non binaire, blanc, noir, etc. ou simplement et universellement comme humain, que l’on soit, ou que l’on se sente dans l’une de ces catégories ou dans d’autres encore ?
Jeudi 9 Janvier 2025
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