Habiter une région redessinée par le fait du prince, pure entité administrative et être écologiste sont les deux raisons pour lesquelles je n’ai pas voté aux élections régionales de 2015 et c’est pour ces mêmes raisons que je ne voterai pas en 2021. Rien n’ayant changé.


  Vous avez peut-être comme moi la malchance d’être électeur dans l’une de ces nouvelles régions découpées en dépit de la géographie, de l’histoire, faite de territoires rassemblés et séparés en vertu d’illusoires critères économiques sans que les sentiments d’appartenance des gens aient été pris en compte, sans que ceux qui y vivent aient été consultés. Ma région, celle des Arvernes, l’Auvergne, existait avant même que la France n’existe, la voilà rayée d’un trait de plume par un politicard menteur sans vergogne, hôte temporaire de l’Elysée, élu sur un malentendu grâce à de fausses promesses. Ma région n’existe plus administrativement et je ne me reconnais absolument pas dans la nouvelle entité abstraite délimitée par le fait du prince d’alors le président de la république  PS François Hollande. Aller voter, ce serait entériner implicitement cette réforme territoriale, reconnaître cette monstruosité baptisée d’un nom ridicule AURA et l’accepter.
Si vous êtes dans le même cas que moi habitant cette région ou une autre ayant subie le même sort, ne votez pas ! Ne cautionnez pas ces découpages administratifs issus de technocrates coupés des réalités de terrain ou ces tripatouillages à visée électoralistes. 
 

Lors d’un débat télévisé sur FR3, en prologue, les animateurs ont présenté aux débatteurs et aux téléspectateurs la vidéo d’un micro-trottoir où des journalistes demandaient à des gens ce qu’ils savaient et pensaient de cette région l’AURA. La plupart ignorait son existence et une fois instruit estimait ne pas se sentir en faire partie - ils étaient Alpins ou Auvergnats pas Auralpins - que le Rhône était une sorte de frontière, que cette AURA n’avait aucun sens géographique, historique. Peut-être économique et encore … Aucun des candidats n’a réagi, pas même le « localiste » qui représente le RN et encore moins la candidate EELV. Il est vrai qu’elle veut être « La présidente du climat »(sic !) et au sens où elle entend ce terme, ce dernier est global sans ancrage géographique. Quant à Valaud-Belkacem, qui a montré ce soir-là une désagréable agressivité, elle aurait bien en peine de justifier cette monstruosité administrative créée par un gouvernement dont elle faisait partie.
Il faut souhaiter qu’il y ait une participation minimale à cette élection pour que tous ces politicards qui sollicitent nos suffrages ne les aient pas ! Qu’une majorité d’abstentionnistes fasse qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. D’ailleurs, il y a aujourd’hui une conjonction de facteurs qui poussent aussi dans le sens d’une abstention massive.
 

 

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 Si j’avais voulu voter dimanche prochain, j’aurai été bien en peine. En tout cas, parce que je suis écologiste, je n’aurai pas voté pour EELV. EELV n’est pas un parti écologiste, en AURA il en est la caricature (ailleurs ce n’est pas mieux !). Sous prétexte d’ouverture à des représentants de la société civile,  le parti Les Verts transformé en Europe Ecologie-Les Verts est devenu une sorte de repaire de lobbyistes de causes sociétales et des carriéristes pour la plupart sans culture ni convictions écologistes. Ce qu’il avait gardé d’écologiste a été vampirisé par la lutte contre le dioxyde de carbone à laquelle tout devrait être subordonné pour le plus grand profit des multinationales et des affairistes de l’éolien terrestre ou maritime. Tout au long du débat sur FR3 nous avons pu voir un exemple poussé à l’extrême, outré, grotesque de cette vampirisation dans les propos de la candidate EELV avec cette perle lancée en fin de débat « Je serai la présidente du climat ! » Je ne veux pas apporter de suffrages à des gens qui dans toutes les assemblées où ils sont élus  foulent aux pieds deux acquis environnementaux majeurs résultat des combats de leur prédécesseurs : la loi montagne et la loi littorale pour imposer une « transition énergétique » qui n’a rien d’écologique. On modifie le mix énergétique pour que rien ne change par ailleurs. 
Je ne donnerai pas ma voix à un parti qui veut couvrir la France d’aérogénérateurs de plus de 150 mètres de haut comme si « sauver la planète » obligeait  à saccager le peu d’espaces naturels qui nous reste, à défigurer notre patrimoine architectural et nos paysages remarquables ou ordinaires mais aimés par ceux qui les habitent.  Sans aucun doute, vous n’aimeriez pas avoir ces gigantesques hachoirs à oiseaux et à chauve-souris près de chez vous, moi non plus.  Alors pensons aux autres, à ceux qui les subissent ou qui risquent de les subir et ne votons pas EELV, ni pour tous ceux qui cèdent peu ou prou au miroir aux alouettes que sont ces ENR et notamment l'éolien industriel. Ce sont des gens dangereux pour la Nature et l'environnement.

Si les énergies du vent et du soleil  sont inépuisables, elles n’ont rien d’un eldorado dès que l’on veut les utiliser pour produire de l’électricité. Elles demandent des aérogénérateurs, des panneaux solaires, des lignes à HT et THT, des batteries, des terres rares, du cuivre et d’autres matériaux qui eux ne sont pas renouvelables. L’exploitation des ENR, c’est la menace d’un nouvel extractivisme dont les Chinois et les Amérindiens ne seront pas toujours les seuls à faire les frais. Il pourrait bien, à brève échéances, s’intéresser aux back yards des Métropolitains! Un vrai plaisir d’avoir une mine ou une carrière près de chez soi. Demandez aux Limougeauds ou aux  Ariégeois qui en ont fait l’expérience, vous serez édifiés !    
Donc je ne voterai pas et j’appelle à ne pas voter pour une liste qui déclare « Nous multiplierons par 2 les installations d’énergies renouvelables (ENR) d’ici à 2030 (par rapport à 2015) » et détaille les mesures pour le faire au mépris de la volonté des gens qui habitent le territoire. Des élus qui continuent de croire malgré toutes les preuves du contraire que ces ENR permettent de « lutter contre le changement climatique » ! Et cela malgré leurs belles promesses en matière de biodiversité. Ils ne s’interrogent pas sur la compatibilité entre ces promesses et celle de multiplication d’installations d’éoliennes industrielles et de « fermes photovoltaïques » alors qu’elles sont contradictoires.

D’ailleurs que restera-t-il de ces promesses sur la biodiversité lorsqu’au second tour, ils s’allieront avec le PS dont la tête de liste est Najat Vallaud-Belkacem qui fut un des piliers des gouvernements de Hollande ( porte-parole du gouvernement, ministre des Droits des Femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, ministre de l’Education Nationale), c’est-à-dire au sein d’une équipe qui a réprimé sauvagement les luttes écolos sur le terrain et est au moins indirectement responsable de la mort de Remi Fraisse. On ne doit ni oublier, ni pardonner. S’allier avec un parti qui n’a jamais fait le bilan de ses fautes ni ne les a reconnu est une trahison. Sivens, Notre Dame des Landes, s’il était resté au pouvoir, le barrage aurait été construit, et l’aéroport aussi ou, au mieux, il faudrait encore lutter contre leur construction (quoique celle du barrage refasse surface) ! N’oublions pas non plus Roybon, le Grand Paris avec le massacre des terres agricoles sur Plateau de Saclay ou dans le Triangle de Gonesse (Val d’Oise), ou bien encore à Agen, la poursuite de la construction de la poubelle nucléaire de Bure voulu par tous les partis de Gauche ou de droite et du centre, la haine du sauvage qui se traduit par l’abattage des grands prédateurs comme le loup poursuivi par Macron, la dérive sécuritaire et le glissement vers un état policier amplifiée par Macron.
De même que l’actuelle ministre de l’écologie de Macron (qui fut EELV) veut s’assoir sur l’avis des gens pour déployer de force l’éolien industriel terrestre et maritime, donc en faisant fi de la démocratie, EELV en AURA comme ailleurs imposera ses éoliennes et ses menus végétariens, si elle en a le pouvoir.
Révélateur à ce sujet est ce passage de son programme concernant la restauration collective (des établissements publics) : « Nous  soutiendrons  dans  la  restauration  collective,  la  mise  en  place  d’une alternative   végétarienne   quotidienne  et  de  deux  menus  végétariens uniques par semaine. » En d’autres termes, EELV permettrait  à ceux qui le désirent ne pas manger de viande mais EELV forcerait les autres à être végétarien deux jours par semaine alors que rien d’objectif ne justifie cette entrave au libre choix individuel de ses préférences culinaires et diététiques. Rien, si ce n’est un rapport bidonné de Greenpeace sur l’impact climatique de cette mesure, et des rapports de la FAO aujourd’hui obsolètes et largement remis en question dans la littérature scientifique mais pas à EELV aveuglée par l’idéologie végétarienne et végane qui instrumentalise outrageusement la « lutte contre le changement climatique » à son profit. Si vous êtes écolos, ne votez surtout pas pour ces guignols qui veulent vous  dicter ce que vous devez manger ou ne pas manger !
 

EELV croit peut-être que les animalistes tièdes ou radicaux sont des électeurs potentiels. A tort sans doute car aujourd’hui sur ce créneau la concurrence est rude à gauche, mais pas seulement. A gauche une autre liste emmenée par  la France Insoumise affiche une composante écologique qu’elle a d’ailleurs bien du mal à décliner. Je ne vais pas redévelopper ici ce que j’ai largement exposé dans d’autres articles de ce blog, mais il y a incompatibilité entre l’écologisme et l’animalisme ou le véganisme qui en est le fondement. Avec les « Génération climat » (sic !) sont introduits dans cette liste des candidats qui s’ils sont élus en seront les porte-paroles ! Donc pas question de voter pour cette liste non plus.
Bref, je ne vais pas passer en revue tous les programmes dont de toute façon, on sait ce qu’ils deviennent une fois l’élection gagnée au prix d’alliances tortueuses qui les ont déjà mis à mal.

Quoi que puisse raconter le macroniste et même s’il a l’air sympa, il faudrait vraiment aimer être cocu pour voter pour lui et sa liste si l’on est écolo.

En définitive, si j’avais décidé d’aller voter, j’aurais pu choisir la liste emmenée par Laurent Wauquiez. Son programme régional vaut bien celui de ses concurrents. Il n’a pas augmenté les impôts lors de la précédente mandature. Il est donc crédible lorsqu’il affirme qu’il ne les augmentera pas. Et il a deux atouts de taille aux yeux d’un écologiste auvergnat. Il est auvergnat et surtout, il ne l’oublie pas une fois élu mais le point principal, c’est qu’il est un allié de poids contre le déploiement intempestif des éoliennes industrielles dans la Région. Avant de planter un arbre par habitant selon la mesure démago proposée par EELV, il faudrait commencer par ne pas en abattre pour implanter ces hachoirs à oiseau en pleine forêt comme dans le cas de projets notamment dans l’Allier.

Il y a cependant un obstacle de taille : il n’a pas tenu dans la mandature passée et ne  tiendra pas dans la mandature future la balance égale entre les associations de chasseurs et les associations environnementalistes et pour cause : parmi les partis qui soutiennent sa liste on retrouve Chasse Pêche Tradition qui a changé de nom et se dénomme maintenant le LMR (Le Mouvement de la ruralité). C’est certes la garantie qu’il n’y aura pas de risque que l’on force à manger végétarien deux fois par semaine les enfants et de façon plus générale les usagers de la restauration collective gérée par la Région, mais c’est aussi livrer la nature sauvage aux chasseurs qui la gèrent à leur profit au lieu de la laisser libre.Bref, lui et sa liste n’auront pas ma voix non plus.

Le 20 Juin, j’irais herboriser sur des landes qu’un maire (gauche/écolo !) veut faire défricher au lieu de la laisser suivre son évolution naturelle : "Mon Dieu, gardez moi de mes amis, je me charge de mes ennemis !"
 
 
 
 

Mardi 15 Juin 2021 Commentaires (0)

J’aime les fourrés et les forêts férales même peu pénétrables. Il est temps de changer de regard sur ces friches et accrus. S’ils témoignent d’une déprise humaine, ils ne sont plus pour autant signe de malheur comme ils le furent par le passé. Mécanisation et productivité de l’agriculture actuelle les rendent peu propices à la culture. Le pâturage ovin sur ces collines n’est plus rentable, s’il l’a jamais été. Le renouveau du vignoble auvergnat ne peut les menacer qu’à la marge car ce sont les parcelles qui sont les moins accessibles, les moins productives et les plus mal exposées qui furent abandonnées, les autres sont encore cultivées…. ou pour certaines, en friche mais dans l’attente d’être vendues pour être loties. Car là est le danger qui menace ces terres en déprise : l’extension pavillonnaire autour des villages avec comme corollaire leur « mise en valeur » récréative pour les urbains et rurbains.


Non la Nature sauvage n’est pas morte, elle est même bien vivante ! Laissons là s’exprimer !
Prenons l’exemple des boisements de chênes pubescents qui sont en train de recoloniser les coteaux et bordures de la plaine de la Limagne. Ils sont naturellement adaptés à la chaleur et à la sécheresse.  Nul besoin d’expérimentation avec des ilots d’avenir pour le constater. Sauf là où perdure une pelouse riche en orchidées diverses sur des sols calcaires trop squelettiques ou des coteaux aux pentes trop abruptes, elle émerge naturellement des fruticées de ronces, aubépines, églantiers, cornouillers sanguins et  pruneliers impénétrables au sein desquelles les glands ont pu germer et les plantules croître en toute quiétude sur d’anciennes vignes, vergers ou pâtures abandonnés.  Evidemment, s’étant développés à la va comme je te pousse, ces chênes au tronc court et bien souvent tortueux n’ont que peu de valeur pour un sylviculteur. Il appelle ‘accrus’ ces boisements qui se reconstituent naturellement à la suite d’une déprise agricole.  S’il s’avisait tout de même de les exploiter – on ne sait jamais avec la transition énergétique ! – ces chênes finiraient en pellets ou en charbon de bois. Le charbon de bois ou le bois de chauffage pour des usages domestiques étaient le destin de leurs ancêtres avant que quelques-uns d’entre eux, survivants  laissés à eux même jouent le rôle de semenciers pour cette chênaie nouvelle.

Non la Nature sauvage n’est pas morte, elle est même bien vivante ! Laissons là s’exprimer !
Selon que l’abandon des parcelles est plus ou moins ancien, on peut en observer tous les stades d’évolution depuis le sol plus ou moins nu des anciennes vignes ou celui herbu des pâtures ; un régal pour un botaniste. Cette forêt s’étend avec une telle vitalité que j’ai vu avec des sentiments mêlés une vigne se boiser sans passer par une friche intermédiaire ! Elle formait une sorte d’enclave au milieu du bois et les glands qui tombaient dans ses inter-raies ont donné des plantules dès qu’elle a cessé d’être cultivée, son propriétaire étant sans doute devenu trop vieux pour faire son vin alors que sa relève n’était pas assurée. (cliquez sur la photo pour l'agrandir )

Dans leurs ardeurs conquérantes, ces forêts effacent  peu à peu presque toutes traces visibles d’occupation humaines : murettes qui séparaient les parcelles écroulées, réduites à des tas de pierres parfois  invisibles sous la végétation qui les recouvre, constructions mangées par cette végétation. Hélas, çà et là  épaves rouillées, gravats et autres rebus à la vie dure font de la résistance.
Bref,  ces accrus sont une belle manifestation du sauvage, plus sauvage bien que férale que celle qui s’exprime encore dans les parcs régionaux  ou nationaux à la française, avec leurs pancartes, leurs chemins et sentiers balisés, leurs dépliants touristiques, explicatifs, leurs troupeaux de moutons ou de randonneurs. Même s’il s’agit là de grands espaces où la Nature n’a que très peu été modifiée et exploitée. Pour y rencontrer vraiment le sauvage, il faut crever tous ces écrans que les aménageurs, les officines touristiques et même les associations naturalistes ont mis entre la Nature et nous. Alors elle nous apparaît en majesté telle qu’elle s’est faite elle-même, redoutable sans pour autant être hostile.  Il n’y a pas cet effort à faire lorsque « la nature reprend ses droits » sur les territoires qui lui ont été, bon gré mal gré, rétrocédés. Le sauvage saute aux yeux !

Ces vignes, ces pâtures laissées à l’abandon sont des sortes de « non-lieu ». Ils sont d’une valeur inestimable. Pourtant ils ne bénéficient d’aucune protection, précisément parce que ce sont des non lieux. Bien qu’il ne soit nul besoin de pancartes, clôtures pour en réguler la fréquentation, ces espaces devraient être sanctuarisés car leur survie est précaire. Ils sont à la merci de n’importe quel aménageur, de n’importe quel exploitant de carrières comme c’est déjà le cas sur le plateau de Châteaugay. Qui pour défendre ces friches et bois trop naturels pour être pittoresques ou accueillants ?
 

Non la Nature sauvage n’est pas morte, elle est même bien vivante ! Laissons là s’exprimer !

Symboles de la déprise agricole, ils sont détestés des agriculteurs, des vignerons et des éleveurs. Toutefois, comme c’est souvent  le cas près des grandes agglomérations, des associations et des élus bien intentionnés cherchent à les « mettre en valeur »,  en y rouvrant des  chemins et sentiers où peuvent se risquer les vététistes, où les urbains et rurbains peuvent faire leur jogging matinal ou leurs promenades digestives du dimanche. C’est la meilleure manière de les détruire en domestiquant la sauvagerie qui s’y manifeste et fait leur vraie valeur ! Et on retrouve dans ces territoires laissés à l’abandon ce qui se passe trop souvent dans les aires dites protégées qui ont été affublées d’une fonction récréative à l’origine d’aménagements plus ou moins discrets, plus ou moins intrusifs selon les cas. Toutes souffrent d’une pression touristique de masse encouragée par des collectivités locales qui en vivent.
La nature sauvage, quelle qu’elle soit première ou férale, préservée ou négligée est menacée de toute part. Il ne faut pas se méfier seulement des aménageurs, il faut aussi se méfier de ceux qui disent en prendre soin. Elle se débrouille bien toute seule et d’autant mieux qu’on lui fiche la paix.
 
A ceux, philosophes, savants ou politiques qui s’en allaient partout répétant que « la nature est morte », ces accrus conquérants apportent un total démenti et sont une immense lueur d’espoir pour ceux qui l’aiment et respectent sa liberté.
 

Non la Nature sauvage n’est pas morte, elle est même bien vivante ! Laissons là s’exprimer !

Mercredi 9 Juin 2021 Commentaires (0)

À bien des égards la « transition énergétique » telle que déclinée en France est un cauchemar écologique, surtout lorsqu’elle est promue dans ses aspects les plus délétères par des individus et groupes associatifs ou politiques qui se disent écologistes.
La destruction de nos forêts naturelles avec la filière bois vient se rajouter aux dommages causés par l’industrie du vent avec ses éoliennes qui massacre les oiseaux, dénature des territoires jusqu’alors relativement peu touchés par l’emprise humaine et épargnés des laideurs de l’industrialisation.


En Auvergne comme ailleurs, pour les forêts naturelles, ça sent le sapin.
 Souvent la forêt privée fractionnée en de multiples petites propriétés comme en Auvergne était « laissée à l’abandon », c’est-à-dire à son évolution naturelle jusqu’au moment où la « transition énergétique » a jeté sur elle son dévolu, à la grande satisfaction de certains propriétaires qui pensaient que « ça ne valait rien ». Pour fixer le « méchant  CO2 » ravalé  au rang de « polluant » avec la théorie du changement climatique, il n’y a guère mieux qu’une forêt en évolution naturelle, mais même cela ne suffit pas pour  la protéger. En vertu de la « transition énergétique » Il faut valoriser tous ces bois qui croissaient tout doucement à l’abri des tronçonneuses et des gigantesques machines qui peuvent réduire un hêtre vénérable en copeaux en un rien de temps comme on le ferait d’un cure-dent.

Avec la transition énergétique, le bois devient une « énergie renouvelable » même si les chaufferies d’énergéticiens rapaces  ne se contenteront pas longtemps de prélever les « intérêts » et entameront le capital, (c’est-à-dire consommeront plus de bois que la régénération naturelle le permettrait) avec la même voracité que celle avec laquelle elles ont englouti palettes et autre résidus ligneux qui, nous avait-on dit, aurait dû  leur suffire mais qui ne leur suffisent plus. Leur besoin de bois  sans cesse grandissant, les industriels du bois énergie s’efforcent de mettre la forêt française (et d’autres aussi !) en coupe réglée.

Bref pour reprendre le titre d’un dossier du dernier numéro de La galipotte pour les forêts naturelles, ça sent le sapin.

Et c’est vrai même pour les forêts auvergnates de la Chaîne des Puy qui vient pourtant d’être classée au patrimoine mondial de l’UNESCO et qui avant cela était déjà labellisée « Grand site naturel de France » au titre de la loi Paysage de 1930.  Précisons bien « forêt » et « naturelle », car les plantations de douglas ont de beaux jours devant elles mais ces champs d’arbres d’une essence importée ne sont pas des forêts et ils n’ont rien de naturel. 
Je sais que le charbon de terre a mauvaise presse aujourd’hui mais je voudrais rappeler que sans lui, avec le seul charbon de bois, l’industrie – les maîtres des forges – serait venue à bout des forêts depuis longtemps. Aujourd’hui  il faut craindre qu’avec le bannissement de ce charbon de terre pour cause de réchauffement climatique, cela n’aura été que partie remise. Il faut que chacun le sache, la transition écologique qui promeut la filière du bois énergie s’en prend à nos forêts et est un danger mortel pour elles.
Il faut avoir vu le spectacle désolé que laisse les saccages des coupes à blanc et la laideur de l’enrésinement  qui lui succède avec des dégâts plus discrets mais bien réels sur la biodiversité, les sols et l’eau. Il y a longtemps, à un salon « Marjolaine » à Paris qui passait pour la Mecque de pratiques écolos qui à l’époque faisaient sourire, je me souviens avoir entendu  sans frémir un de ces ingénieurs qui peupleront par la suite bureau d’études et structures comme l’ADEME prôner un « mix » énergétique avec une composante bois issu de l’exploitation en « taillis à rotation rapide » de parcelles forestières. Je ne me rendais pas compte alors de ce que cela pouvait impliquer concrètement sur le terrain. Mais j’ai vite compris et hélas, j’ai pu voir !

Aujourd’hui avec ses ilots d’avenir, alibis des coupes rases, l’ONF veut renforcer plus encore  l’artificialisation des forêts sous prétexte de les adapter  au réchauffement climatique. Pour l’heure seuls les modèles concoctés par des informaticiens anticipe la disparition des hêtraies au moins en plaine et ce n’est pas le « réchauffement climatique » devenu « dérèglement climatique » puis changement climatique » (sic !)  qui condamne les hêtraies, mais bien l’ONF parce que comme me l’a avoué un des forestiers de cet organisme, les hêtres ne sont pas rentables car leur bois ne vaut pas assez cher et ils sont trop lents à pousser.

Comme l’exprime bien Michel OTS dans la conclusion de son article « Requiem pour la forêt » (La Galipote, n° 135, p.43) « La filière bois est un axe moteur du capitalisme vert avec pour objectif d’optimiser l’exploitation des forêts. C’est dans un droit fil de continuité de la politique agricole, la reproduction des mêmes erreurs, investissements à court terme dans du gros matériel, destruction des milieux naturels, de haies ou de hêtraies, et disparition subséquente de la vie sauvage. Il y a de l’empressement, de la rage à détruire ce qui n’était pas menacé jusque-là, à ne laisser dormir aucune richesse. (…) Or, ces espaces (…) représentent un bien immatériel qui relève de notre patrimoine collectif, qu’il s’agisse de zones résiduelles, de friches porteuses d’une végétation spontanée ou de parcelles de forêt primaire. »

Trop de politicards qui se disent écologistes copinent avec ce capitalisme vert au lieu d’en dénoncer les effets ;  bien plus ils en sont les promoteurs et aussi trop souvent les bénéficiaires.

Précision pour les "puristes" : "Forêt naturelle" est pris ici dans un sens large qui recouvre ce qu'indique Michel OTS dans la fin de la citation : zones résiduelles, friches porteuses d'une végétation spontanée ou parcelles de forêts primaires ; en d'autres termes le "féral".

● Site de "La Galipote" : https://galipote.jimdofree.com/
 

Mardi 1 Juin 2021 Commentaires (0)

Comme je suppose que les lecteurs de ce blog sont des amateurs de sorties dans les forêts et de jardinage, je pense que sera utile une petite mise à jour sur les risques que nous font courir les tiques et les façons de s’en prémunir. Attention, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le risque existe aussi dans les jardins !


Gare aux tiques, dans les forêts et les jardins !
Piqûre de tiques et maladie de Lyme

Les piqures de tiques ne sont pas anodines parce que certaines espèces de ces bestioles peuvent transmettre des virus, bactéries ou parasites aux animaux et à l’homme lorsqu’elles s’accroche à la peau et la perfore pour se gorger de sang. Cette opération est en général indolore, la tique lorsqu’elle nous pique produit dans sa salive des petites protéines, les évasines qui stoppent la réaction inflammatoire qui, sinon ne manquerait pas de se produire comme dans le cas d’une piqure de moustique. Elle peut alors sucer notre sang en toute tranquillité. Son repas achevé, elle se détache. Ni vue, ni connue. Et c’est bien là qu’est le danger.

En France, la tique peut être le vecteur chez l’Homme mordu de l’encéphalite à tique, l’anaplasmose granulocytaire humaine, la tularémie, la fièvre Q, deux rickettsioses, TIBOLA (tick-borne lymphadenopathy) et LAR (lymphangitis-associated rickettsiosis) mais la principale maladie humaine transmise par les tiques est la maladie de Lyme due à une bactérie du groupe Borrelia burgdorferi. En cas d’infection, dans la plupart des cas mais pas toujours, un halo rouge, l’érythème migrant, apparaît sur la peau quelques jours après la piqûre, le plus souvent autour de cette dernière, et s’étend de façon circulaire. Il faut alors consulter un médecin qui prescrira une antibiothérapie et tout rentrera dans l’ordre, en pincipe. Par contre, si l’infection passe inaperçue à ce premier stade et en l’absence de traitement, la maladie peut provoquer des atteintes cutanées, musculaires, neurologiques et articulaires, parfois très invalidantes. Il est donc nécessaire de prendre des précautions et d’être vigilant pour éviter tout déboire futur.

 
Les précautions à prendre


L’ ANSES recommande de prendre les précautions suivantes :

- Utilisez des répulsifs, en privilégiant ceux disposant d’une autorisation de mise sur le marché et en respectant leurs conditions d’emploi. L’ensemble de ces informations figurent sur l’étiquette, l’emballage et/ou la notice des produits.


- Portez des chaussures fermées et des vêtements couvrants de couleur claire, pour mieux repérer les tiques sur la surface du tissu.


-  Evitez de marcher au milieu des herbes hautes, des buissons et des branches basses et privilégiez les chemins balisés.


Inspectez-vous au retour de vos promenades. En cas de piqûre, détachez immédiatement les tiques fixées à l’aide d’un tire-tique, d’une pince fine ou, à défaut, de vos ongles. N’utilisez en aucun cas de l’éther ou tout autre produit et désinfectez la plaie.


- Surveillez la zone de piqûre pendant plusieurs jours et consultez votre médecin en cas de symptômes.



« Evitez de marcher au milieu des herbes hautes, des buissons et des branches basses et privilégiez les chemins balisés. » : pour ceux qui sont comme moi adeptes du hors sentier, qu’il soit battu ou non, et qui pratiquent la botanique de terrain, ce conseil est impossible à appliquer sauf à renoncer à nos activités favorites. On ne le respectera donc pas. Ce n’est pas grave si l’on suit d’autant plus rigoureusement les autres recommandations.

Il faut noter qu’il existe deux sortes de répulsifs, les uns pour la peau et les autres pour les vêtements. Une bonne précaution est de traiter ses chaussures et vêtements avec ces répulsifs spécifiques. Cette imprégnation est efficace et résiste à plusieurs lavages.

Il est impératif de bien s’examiner le corps au retour de sa sortie notamment les plis (aine, aisselles, etc.) et les cheveux, si vous ne portiez pas de couvre-chef alors que vous l’auriez dû.

 
Pas de panique !


Il faut connaître le risque pour s’en préserver mais il ne faut pas pour autant l’exagérer. Toutes les tiques ne sont pas des vecteurs de ces maladies et même si l’on est piqué par une tique infectée, le risque d’être contaminé est quasi nul si la tique est enlevée dans les 24 à 72 heures qui suivent. Et dans le cas, où la tique infectée a pu achever son repas, le risque de transmission ne serait que de 14 % (voir l’article de Nathalie Boulanger et al.). Comme en général,on ne sait pas si on a évolué dans une région où les tiques sont infectées, mieux vaut prendre les précautions élémentaires rappelées ci-dessus, surtout bien s’examiner avant de prendre sa douche ou de se glisser dans son duvet et tout ira bien. Bonne balades et pour les naturalistes de terrain, bonnes observations et découvertes.


Bonus


Je laisse de côté les controverses sur la question de l’existence d’une maladie de Lyme chronique post traitement (voir l’article de Doctissimo ) mais je m’en voudrais de terminer cet article sans indiquer que les évasines contenues dans la salive de ces bestioles, bien isolées et synthétisées, pourraient aider à soigner les formes graves des infections au Covid 19. Je rappelle que ces molécules stoppent la réaction inflammatoire consécutive à la piqûre de la tique et permet à cette dernière de sucer le sang de sa victime sans que celle-ci s’en rende compte. Or les formes graves du Covid-19 sont due au fait que la réponse inflammatoire de l’organisme s'emballe et provoque des dégâts sur les organes pouvant conduire à la mort du patient. Pouvoir disposer de molécules qui pourraient la freiner, voire l’arrêter aurait un intérêt thérapeutique majeur (pour en savoir plus, voir l’article de Futura Science ).


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 Illustration : Le physique d'une tique © Tous droits réservés - Laboratoire Spiez [ extrait de Service du médecin cantonal « Tout sur les tiques » Etat de Fribourg]
 

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Pour en savoir plus sur les tiques : S. Bonnet et N. Boulanger, 2019.Tiques, Lyme et Cie, éditions Scitep
 


 


 


Samedi 29 Mai 2021 Commentaires (0)

Voici le communiqué de presse de la LPO. Exprimons notre désaccord en participant à la consultation publique


Le Tétras Lyre à nouveau dans le viseur des chasseurs : consultation du public dans les Hautes-Alpes du 6 au 26 avril 2021

Tétras lyre © Aurélien Audevard Malgré le caractère emblématique de cette espèce inféodée à la montagne et son caractère patrimonial, la chasse du Tétras lyre est à nouveau proposée par la Préfète des Hautes-Alpes dans une consultation publique qui se tiendra jusqu’au 26 avril 2021 sur le site de la Préfecture des Hautes-Alpes.

http://www.hautes-alpes.gouv.fr/consultation-du-public-les-3-plans-de-gestion-a2940.html
Alors même que la chasse du Lagopède alpin ne sera pas ouverte en 2021 dans le Département sur la demande insistante des membres de la LPO et de la SAPN-FNE05 qui siègent en Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS), alors même qu’une suspension similaire de la chasse a été demandée pour les autres espèces de galliformes, 135 Tétras lyre et 162 Perdrix bartavelles pourront être tués à l’automne 2021 dans les Hautes-Alpes.
Malgré que leur chasse ait été annulée ou suspendue par le Tribunal administratif de Marseille en 2017, 2019 puis 2020, bien que la Direction départementale des territoires a proposé de ramener le nombre d’attributions de 135 à 98 tétras-lyre cette année, la Fédération départementale des chasseurs a fini par obtenir le même quota que l’année précédente en dépit des décisions de justice concordantes de ces dernières années.
Les services de l’Etat ploient à nouveau sous le lobby de la chasse malgré l’inscription et le classement ‘‘vulnérable’’ du Tétras lyre sur la liste rouge de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) des oiseaux menacés en 2020 en Provence Alpes Côte d’Azur et alors même que la France s’apprête à accueillir à l’automne à Marseille le Congrès mondial de l’UICN. Toutes les études scientifiques soulignent le déclin de ces espèces tant en termes de population que de répartition géographique et continuer à les chasser est un non-sens.
La LPO Paca et la SAPN-FNE 05 dénoncent vigoureusement cette nouvelle atteinte à la biodiversité et vous demandent de répondre en nombre à la consultation publique organisée jusqu’au 26 avril 2021 pour vous opposer à la chasse des Galliformes dans les Hautes-Alpes :

http://enqueteur.hautes-alpes.equipement-agriculture.gouv.fr/index.php/361986?lang=fr
 
Communiqué de presse du : 10 avril 2021
Contacts :
pays.gapencais@lpo.fr
contact@sapn05.org

 

Mardi 13 Avril 2021 Commentaires (0)

Dans quelques jours se termine l’enquête publique pour la modification du PLU de Châtenay-Malabry qui permettra une quasi destruction de la Cité Jardin de la Butte Rouge, patrimoine architectural remarquable et ensemble de logements à loyers modérés précieux dans une ville où le prix de l’immobilier et le montant des loyers dans le secteur « libre » sont exorbitants. L’objet de cet article est de présenter quelques éléments pour étoffer les avis défavorables et monter le bien-fondé et l’urgence qu’il y a à déposer de tels avis. On peut le faire en ligne( je donne le lien en fin d'article). Etant donné l'importance patrimoniale, il n'est pas nécessaire d'habiter la ville.


Châtenay-Malabry – Hauts-de-Seine : « La Butte rouge » en danger !
La Butte Rouge est une « Cité Jardin » construite dans les années 30 dans un style minimaliste Bauhaus pour loger les ouvriers de Paris. L’objectif des élus de droite à la tête de la ville a toujours été de « gentrifier » cette cité. Ils sont en passe de se donner les moyens  d’en démolir au moins les deux tiers,  une démolition d’envergure puisqu’elle concernerait 2800 logements dont une partie seulement serait reconstruite comme logements sociaux.  Pour l’ancien maire aujourd'hui président du Conseil départemental, Georges Siffredi et pour Carl Segaud, l’adjoint qui lui a succédé lorsqu’il a été obligé de démissionner en raison de cumul de mandats, il s’agit de densifier le site et de  remplacer les bâtiments remarquables actuels par des constructions nouvelles de style néo-francilien avec leurs toits mansard aux mauvaises proportions, au «  faux chic faux bourgeois, celui du nouveau riche parvenu, qui remplit toutes les revues de promotions immobilières », à plus de 50 000 € le m2 tout de même ! Pour mesurer toute l’horreur de cette tendance que l’on hésite à appeler architecturale, il suffit de se rendre dans la ville voisine au Plessis-Robinson et, hélas, bientôt aussi à Fontenay-aux-Roses. Seule une partie (1/3 ?) serait encore des logements locatifs à loyer modérés.

Cet entêtement obtus qui fait fi des arguments d’architectes du patrimoine et d’architectes urbanistes de premier plan a bien sûr des motivations électoralistes. La gentrification permet aux élus actuels de s’assurer une base électorale favorable. Mais il y a aussi cette idéologie de droite qui ne supporte pas que des gens dont le revenu est moyen ou modeste puissent vivre dans un environnement aussi agréable que le leur à quelques encablures de la capitale et qui de plus rejettent la mixité sociale pour l’entre soi. Certains parlent à ce sujet de « ghetto de riches », expression on ne peut plus malheureuse : on ne choisit pas de vivre dans un ghetto, on y est contraint et les riches le fuient. En revanche, dans  leur prétendus ghettos les gens aisés, les riches et nouveaux riches choisissent d’y vivre entre soi ; les autres en étant exclus de fait par les prix du m2 ou les loyers rédhibitoires. Bref, Siffredi et ses amis chercheront à liquider autant qu’ils le pourront ce qui reste d’ouvrier et de populaire de leur ville pour en faire un territoire de bourgeois et de bobos.

Et ils ne manquent pas de détermination : « Suite à l’action d’un collectif d’habitants soutenus par plusieurs associations dont Docomomo, Sites et Monuments, France Nature Environnement et de l’ordre des architectes, un courrier en date du 14/11/2019 signé du préfet de la région d’Ile-de-France et du préfet du département des Hauts de Seine est adressé au maire [de Châtenay]  lui demandant d’engager les études préalables à un classement de la Butte Rouge au titre des Sites Patrimoniaux Remarquables (SPR). En réponse, le maire a fait voter une procédure de démolition de 15 bâtiments par le conseil d’administration de Hautes-Bièvres Habitat, nouveau propriétaire de la Butte Rouge. Ce même propriétaire a entamé des démarches visant à faire partir les habitants de leurs logements. » (La Butte Rouge, Fiche Docomomo où l’on trouvera un dossier très complet sur la Butte Rouge, sur les projets de la ville de Châtenay-Malabry  et du département du 92 la concernant. )
 

Je rapporte ci-dessous des extraits de trois textes  dont on peut s’inspirer pour écrire son avis de refus motivé de la modification du PLU de Châtenay-Malabry, étape nécessaire à la démolition de 80% de la cité jardin.

Extraits de la tribune de la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France
Non à la démolition de la cité-jardin de la Butte Rouge ! Les signatures des architectes…

(…)
Cette réalisation unique et exceptionnelle de 4000 logements sur un terrain de 70 hectares représente un modèle exemplaire de convergence entre la réforme sociale et l’invention architecturale. Devant le caractère exceptionnel de la cité-jardin de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry, modèle urbain reconnu internationalement, modèle architectural et paysager, modèle social et économique, modèle aujourd’hui pertinent d’adaptation au changement climatique, il serait impensable de démolir sans concertation ne serait-ce qu’une petite parcelle de ce chef-d’œuvre habité, cohérent et unitaire.

(…)

La valeur de la Butte Rouge est égale à celle d’autres cités jardins européennes, qui ont, du fait de leur valeur exceptionnelle, fait l’objet d’un classement au Patrimoine mondial de l’UNESCO et sont aujourd’hui devenues des attractions touristiques incontestables, comme c’est le cas à Berlin.
(…)
Cet ensemble apporte des joies quotidiennes à ses 10 000 habitants qui devraient pouvoir y demeurer, dans une réhabilitation rigoureuse mais économe, et pourrait devenir le moteur d’autres opérations similaires, prolongeant celles réalisées à Stains ou au Pré Saint-Gervais.

Pour lire le texte entier de la tribune avec ses « premiers signataires » ici

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Larges extraits du commentaire de Madame Agnès CAILLIAU le 6 janvier 2021
(Agnès Cailliau est Architecte DPLG, Architecte AP-AUE honnoraire (Architecte du Patrimoine et Architecte Urbaniste d’Etat retraitée), elle a enseigné à l’ENSA Normandie.)
 
 La Cité-Jardin de Chatenay-Malabry est un exemple patrimonial à conserver et réparer comme un monument historique, d’autant plus précieuse qu’il s’agit d’un morceau de ville à la campagne, qui présente des avantages incomparables; une réponse prémonitoire magnifique aux problèmes d’épidémie, de confinement, de canicule, auxquels nous sommes brutalement confrontés. En plein cagnard, la Butte Rouge présente deux degrés de moins qu’ailleurs, grâce à la photosynthèse des plantes, aux parcs et jardins arborés, et participe de la dépollution générale de la couronne parisienne. (…).
 
Les édifices de la Butte Rouge sont tout à fait dignes d’être restaurés, réhabilités, par des entreprises locales, qui seront contentes d’y faire un bon travail, aidées par des “architectes du patrimoine”, soucieux de faire un vrai diagnostic de leur état, avant toute chose, puis de la restauration dans les règles de l’art. (…)
 
Le coût humain et social des habitants déplacés, relogés, de la publicité pour vanter les opérations ANRU, le “parler” ANRU, de promotion de l’architecture faussement bourgeoise chic de la banlieue ouest, pour satisfaire des élus inconscients… est à réévaluer avec d’autres critères, par l’administration d’Etat, avec le Ministère de la Culture mais aussi celui de la Transition Ecologique et de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
 
La Butte Rouge est à conserver comme modèle européen, récent, d’origine britannique, né à la toute fin du XIXème siècle, comme solution majeure et exemple de réussite nationale d’un habitat sain et écologique, outil aussi valable que la vaccination, pour répondre aux maux sociétaux du XXIème siècle, à laisser précieusement à nos enfants et générations suivantes.
 
Mandatés par des politiques ou administratifs ignorants, les architectes de L’ANRU vont donc livrer à la casse rapide facile, et monstrueuse des pelleteuses l’œuvre architecturale et paysagère si intelligente, auxquels ils ne comprennent goutte. Cet ensemble avec, à la clef, des heures et des heures de travail, d’apport de matériaux, de dessins, de réunions pour être construit sur un modèle presque utopique car entouré de parcs et jardins, représente une économie et un bilan carbone incomparables avec leur propre projet. L’architecture qui caractérise les constructions nouvelles est souvent néo-francilienne, Elle dénote par son inculture architecturale: pierre agrafée, toit mansard avec mauvaises proportions, aspect faux chic faux bourgeois, celle du nouveau riche parvenu, qui remplit toutes les revues de promotions immobilières.

Voir le texte complet ici

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Camille Bauer
« Habitat. La Butte rouge face à la spéculation »
L’Humanité Jeudi 8 Juin 2017

 
« Il y a de gros enjeux financiers », pointe Sylvie Boxberger. La rénovation de la cité va de pair avec l’implantation d’un tramway, la refonte de l’École centrale, et la multiplication des projets immobiliers alentour. Avec le Grand Paris, et l’accroissement des réseaux de transports en commun, les prix du foncier ont explosé à Châtenay, comme dans toutes les banlieues proches de la capitale. Un peu partout, les maires de droite tentent de se débarrasser de leurs logements sociaux pour chasser les pauvres et faire la place à des projets plus rentables. Dans ces conditions, il faudra toute la mobilisation des habitants pour préserver la Butte rouge : un habitat social de faible densité, avec de vastes espaces verts, dans un emplacement attrayant.

Voir le texte complet ici

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Pour déposer votre observation : https://www.enquetes-publiques.com/Enquetes_WEB/FR/EP20492/Deposer.awp
Important : l'enquête publique n'est pas un vote "pour" ou "contre". Pour que votre avis soit pris en compte, il faut le motiver.
Jardin ouvrier rue Benoît Malon
Jardin ouvrier rue Benoît Malon


Photos : ©Barbara Gutglas ; Wikipedia

Mise à jour : Le tribunal administratif a annulé le 8 juin 2023 la modification du plan local d'urbanisme de la commune qui permettait la transformation de la cité-jardin de Butte-Rouge à Châtenay-Malabry. Mais le maire s'entête et la Cité n'est pas encore tirée d'affaire. A suivre en restant mobilisé !


 


Vendredi 8 Janvier 2021 Commentaires (0)

Les végétaliens et autres végans sont les principaux consommateurs de malbouffe pour le plus grand profit de l'industrie agroalimentaire : une démonstration implacable et imparable dans un article du Canard Enchaîné.



L'industrie  agroalimentaire enregistre des super profits grâce aux "simili' qu'elle met sur le marché : fausse viande, faux lait, etc.  Par exemple un faux steak végétal est vendu 13€ le kg alors que les vrais steaks coûtent en moyenne 10. 50 € !

La part des produits hypers industriels est beaucoup plus importante dans l’assiette des végans. La part des produits ultra-transformés y représente 39,5% de leurs apports énergétiques contre 33% chez les consommateurs omnivores.

Ces produits sont un important facteur de morbidité pour des maladies comme certains cancers, le diabète  sucré, les affections cardiovasculaires, ...

J'ai déjà eu l'occasion dans ce blog de montrer la fausseté des arguments de type écologiques en faveur du véganisme, l'imparticabilité de leur éthique et donc son inanité, voici un article qui complétera le tableau sur le plan de la santé.
Ne soyez pas végan et si vous l'êtes et que vous le restiez, tant pis pour vous. On vous aura prévenu.

 
Le Canard enchaîné jette  pavé dans la mare des végans

Dimanche 1 Novembre 2020 Commentaires (0)

VEOLIA grand ami de la nature participerait au sauvetage d’un papillon en danger, la laineuse du prunelier, en aménageant une partie de sa carrière à ciel ouvert d’extraction de basalte à Châteaugay. C’est ce message que délivre une des chroniques « écolo » diffusées avant chaque étape du Tour de France sur France 2. En 2019, c’était la carrière de VEOLIA à Lafitte dans les Landes, en 2020 c’est celle de Châteaugay dans le Puy-de-Dôme, en 2021 ?


Comme foutage de gueule, on ne fait pas mieux ! Des pruneliers, il en pousse naturellement tout autour ! Cette carrière n'a rien de paisible et ce n'est pas quelques poissons dans une flaque d'eau qui compensera le saccage de ces terrains qui en libre évolution donnent des chênaies pubescentes naturelles résistantes à la sécheresse riches en espèces et stockant du CO2! Sur le plateau, il existe des tas de petites mares naturelles, fossés, rigoles et points d'eau semi-permanents et les espèces d'oiseaux cités ne dépendent pas de cette mare. D'autant  que l’on oublie de dire qu'à côté l'exploitant a l'autorisation d'exploiter la plus grande partie de cette carrière comme une décharge. C'est ainsi d'ailleurs que la plupart du temps, on remblaie les carrières avec des déchets "inertes"... Déjà l'an dernier, dans ces épisodes de greenwashing avec lesquels le Tour de France espère se donner un vernis écolo, il y avait  aussi un épisode vantant les mérites des "réhabilitations" des carrières par Veolia avec un même discours !

Le choix de cette carrière de Châteaugay ne tient pas du hasard : Veolia veut ouvrir sur le plateau une autre carrière, celle-ci s'épuisant. Ce projet se heurte à une vive opposition des associations locales et des habitants, excepté le petit nombre intéressé financièrement. Et comme par hasard, Veolia est un "partenaire" du Tour de France, c'est-à-dire lui donne de l'argent.

Étrange que le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) accepte de faire cette promotion des carrières de Veolia? Pas tant que cela lorsque l'on sait que lui et Veolia ont signé un partenariat : du fric pour faire tourner le muséum contre le verdissement d'un des plus gros pollueurs de France, bétonneur, goudronneur face auquel se retrouvent les vrais défenseurs de la Nature, ici ou ailleurs comme à Notre Dame des Landes !  Cette infiltration de structures de recherches par ce genre de sociétés privées est un poison grave qu'il faut dénoncer car il décrédibilise gravement la recherche et la parole des chercheurs.
 

Vendredi 11 Septembre 2020 Commentaires (0)

Cet écrit « Qu’est-ce qu’une plante ? » n’est pas une simple mise au point sur et une élucidation philosophique de « l’essence du végétal », c’est un texte militant qui veut à toute force conserver une représentation traditionnelle des plantes qui remonte à Aristote et qui concorde avec celle qu’en ont les végans parce qu’elle justifie leur « zoocentrisme ». « Ce qu’une végane ne veut pas que soit une plante » eût été un titre plus à même de refléter le contenu de cet ouvrage car au terme de la lecture de l’ouvrage, c’est bien la seule chose que l’on aura apprise.


Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Partie 1)
Florence Burgat Qu’est-ce qu’une plante ? Essai sur la vie végétale, Seuil 2020, 204 pages, 20€. Bibliographie récapitulative des ouvrages cités. Pas d’index. Pas de date de publication des ouvrages originaux, ni des premières éditions.

Cette longue analyse critique a été divisée en trois articles :
 
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat Partie 1
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Suite)
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Fin)

Avertissons les lecteurs d’emblée : ceux qui ne sont pas accoutumés à une certaine forme d’écriture philosophique trouveront bien des développements de cet ouvrage quelque peu amphigouriques, en tout cas d’un abord difficile.
 
Remarquons ensuite une absence. Aujourd’hui on demande à juste titre à l’auteur d’un ouvrage ou d’un article publié dans une revue scientifique  «une déclaration d’intérêt », les intérêts en question n’étant pas seulement financiers mais pouvant être aussi des intérêts de groupes, comme ceux d’une école de pensée, qui pourraient faire douter de son impartialité ou de son objectivité. Dans le cas de cet ouvrage, la présentation de l’auteure, en quatrième de couverture mentionne seulement qu’elle travaille sur la condition animale et non qu’elle défend la cause animale et qu’elle est végane. Concernant le sujet traité et la façon dont il l’est, le préciser aurait permis d’éclairer le lecteur sur le propos de l’auteure. Tous ceux qui seront intéressés par la question titre ne savent pas forcement qui est Florence Burgat (1)
 
Les récents progrès effectués dans la connaissance des plantes au cours de ces trente dernières années conduisent à un changement radical dans la représentation de ce l’on appelait le règne végétal. Les plantes ne peuvent plus être pensées comme des êtres passifs, immobiles, insensibles à leur environnement et inconscients d’eux-mêmes. Elles communiquent, se défendent, se meuvent. Conscientes de leur propre corps et de sa situation dans l’espace, les plantes ont aussi une mémoire. Leurs comportements sophistiqués impliquent qu’elles possèdent une intelligence comprise comme capacité de résoudre des problèmes. Cette sorte de réhabilitation des végétaux terrestres dans l’ordre du vivant ne fait pas du tout l’affaire des végans et de ceux qui se disent « antispécistes » mais qui sont en fait « zoospécistes ».
 
Florence Burgat est persuadée qu’il  rend plus difficile d’évoquer la souffrance animale et de prôner au nom de la morale un régime végétalien et un mode de vie excluant tout recours à des produits animaux ou utilisant leur force. Si cette réhabilitation est si populaire, ce serait parce que, selon les végans – et leurs idéologues dont l’auteure de cet ouvrage – elle  donne bonne conscience aux gens. Elle leur permettrait de ne pas culpabiliser en ne changeant rien à leurs habitudes alimentaires, vestimentaires, leur mode de vie. Ils pourraient continuer d’utiliser des animaux de rente et notamment de les tuer pour les manger sans problèmes, ni remords. Comme l’écrit l’auteure de cet ouvrage(2): « Cette curieuse générosité épistémologique banalise en tout cas l’idée que puisque tout souffre, dont ces grandes oubliées que sont les plantes, alors tout est permis » (p.13) notamment et surtout d’être « carniste »(3). Le dernier chapitre au titre explicite – « la souffrance des plantes, nouveau contrefeu à la cause des animaux » développe ce point avec véhémence. Disqualifier la possibilité même que les plantes puissent souffrir afin d’éteindre ce « contrefeu », tel est l’objectif de cet ouvrage, sa raison d’être. Pour cela il faut rejeter tout ce qui pourrait conduire à mettre la plante sur un pied d’égalité avec l’animal.

Pour l’A. cette réhabilitation des plantes n’est qu’un anthropomorphisme et un zoocentrisme conduisant à une indistinction et confusion des règnes. Dès les premières pages de l’ouvrage, elle nous donne la réponse à la question qui sert de titre à son livre : « Qu’est-ce qu’une plante ? ». C’est « une vie fixée » et « la vie fixée » est celle qui « ne fait qu’un avec son mode d’être », en des termes plus prosaïques, une plante est un être sans conscience, ni sensibilité qui ne fait que végéter, pousser. Cette vie serait « immobile », « indifférente », sans sensation et donc sans douleur (p.81), une sorte de coma(4) où seules les fonctions vitales seraient assurées(5). « C’est à cette vérité phénoménologique que nous voulons donner la parole pour tenter de caractériser la vie végétale. Une parole qui vient à point nommé puisque certains livres ont instillé dans l’opinion la croyance selon laquelle les plantes vivent, souffrent et meurent comme les humains ou les animaux » (p.12). Traduisons en langage ordinaire : l’A. veut restituer à la plante son statut de légume au sens figuré comme au sens propre pour celles qui sont comestibles. Un statut plus conforme à l’idéologie végane.
 
Son argumentation se fonde sur ce qu’elle considère être deux caractéristiques essentielles des plantes ; c’est-à-dire des caractéristiques qui ne seraient pas de simples propriétés parmi d’autres mais qui exprimeraient ce que sont les plantes, deux caractéristiques constitutives de l’essence de la « végétalité » en quelque sorte. Elles seraient, selon l’A., les suivantes : « elles ne se meuvent pas » (p.12) par opposition aux animaux et elles ne meurent pas comme meurent les animaux, elles ne meurent pas vraiment. L’ennui, c’est que ces deux assertions sont fausses. Les plantes ont des façons variées de se mouvoir, différentes selon les espèces, un mouvement qui n’est en aucun cas une simple réaction à des stimuli extérieurs, et évidement elles finissent toutes par mourir vraiment !  Comme c’est dans l’absence de ces deux propriétés que se logerait la singularité des plantes par rapport aux autres vivants que sont les animaux (humains inclus), je reviendrai plus longuement sur cette double absence par la suite.
Dans cet ouvrage la végétalité est donc définie négativement par comparaison avec les animaux et les humains : l’A. s’efforce de mettre en évidence que les plantes ne possèdent pas les propriétés propres aux humains et animaux qui en font des êtres sensibles et conscients. Comme le lecteur pourra le constater à la lecture de l’ouvrage, s’il n’est pas découragé dès les premières pages, l’A. prête beaucoup à l’animal. Elle en dépouille d’autant la plante et lui ôte ce que l’on serait en droit de lui attribuer au vu des avancées de la biologie végétale.
 
Sa stratégie principale consiste à s’appuyer de façon sélective sur l’histoire de la philosophie en invoquant quelques œuvres de philosophes du passé quand elles vont dans son sens, à savoir l’instauration d’une nette distinction entre l’animal et l’homme d’un côté entre lesquels elle ne fait pas de distinction(6) , le végétal de l’autre et surtout lorsqu’ils font du végétal un être simplement végétatif. C’est ainsi que Heidegger est l’objet d’une vive critique parce qu’il opère le clivage d’une façon qui ne lui convient pas opposant la plante et l’animal d’un côté, l’homme de l’autre (p. 87 et suivantes). La vérité phénoménologique de « la vie fixée » ainsi développée permet d’ignorer largement les découvertes de la biologie végétale de ces cinquante dernières années sans avoir besoin de le justifier.
 
Cet ouvrage ne permettra donc nullement de savoir ce qu’est une plante mais s’il a un intérêt, c’est de donner un aperçu de la vision qu’en ont eu quelques philosophes du passé et comment ceux-ci ont rivalisé d’ingéniosité pour les cantonner dans un statut passif et végétatif, tout en bas de l’échelle des vivants.
 
L’A. a voulu dénoncer ce qu’elle appelle la zoomorphisation des plantes. Mais cette zoomorphisation existe-t-elle ? La plante « zoomorphisée » n’est-elle pas tout simplement de la plante nouvelle que nous livre la biologie végétale actuelle qu’elle refuserait donc d’admettre ? Et que penser de cette « humanisation » intempestive de l’animal qu’elle voudrait faire aller de soi lorsqu’elle oppose la vie végétale et « l’existence animale OU humaine »(7) tandis qu’elle caractérise cette existence comme « individuée, psychique, libre au sein du style comportemental spécifique, inscrite dans le temps fini qu’encadrent la naissance et la mort, et donc inquiète pour elle-même » ? En somme, un bel exemple de la paille et de la poutre !
 
Il y a de plus une ambigüité regrettable : de quelle « vie animale » et de quel animal s’agit-il ? Dans les passages de l’ouvrage où l’A. oppose le règne animal au règne végétal, la « vie animale » à « la vie végétale » biologiquement comprise, l’animal qui est opposé à la plante est une catégorie incluant l’homme, le genre Homo, de façon légitime puisqu’il n’en est qu’un genre parmi d’autres. Mais mettre sur le même pied humains et animaux ne va plus de soi dans des cas où les propriétés attribuées aux derniers ne peuvent l’être que par une extension de celles qui sont propres à l’homme.  
 
Dans ces conditions on peut s’interroger : pourquoi cette extension de l’homme à  l’animal serait légitime et cette même extension de l’homme aux plantes ne le serait pas ? L’A. affirme que « les plantes ne vivent pas dans un monde des signes, c’est-à-dire un monde où circule du symbolique » mais pourquoi les animaux (-non-humains) y vivraient-ils ? Nous ne le savons pas non plus.  Si l’on applique un réductionnisme qui interdit de le conclure dans le cas des plantes, pourquoi ne pas l’appliquer dans le cas des animaux ?
 
L’A. le condamne dans le cas des animaux et refuse qu’on leur applique le canon de Morgan(8) , par contre en ce qui concerne les plantes  « la question (…) ne se pose pas en ces termes dans la mesure ou rien n’invite en réalité ni autorise en vérité à caractériser la vie végétale comme une vie consciente. Il n’y a pas de psychologie végétale, parce qu’il n’y a pas de psyché végétale » (p. 60, souligné par l’auteur). D’une part beaucoup d’expérimentations et observations invitent au contraire à caractériser la vie végétale comme une vie consciente, si l’on veut bien considérer les découvertes concernant le comportement des plantes qui montre une conscience de leur position spatiale donc d’eux-mêmes et des mouvements orientés vers un but (la plante ne fait pas que réagir !) ; d’autre part la question de la conscience et a fortiori de la subjectivité animale ne peut pas recevoir une réponse simple, univoque et non controversée. Selon «l’expertise scientifique » conduite par l’INRA « compte tenu de la quantité limitée de données disponibles et des quelques espèces animales étudiées jusqu'à présent, nous concluons que différentes manifestations de la conscience peuvent être observées chez les animaux mais qu’il faut encore affiner la caractérisation de leur niveau et de leur contenu pour chaque espèce. »(9).  On a là un exemple frappant de la différence de traitement que l’A. réserve aux connaissances sur l’animal et sur la plante.  
 
Cela dit, ce qui, en général, est principalement reproché aux chercheurs qui développent l’éthologie et la neurobiologie végétale, qui attribuent aux plantes une forme de connaissance de leur corps, sorte de  conscience de soi et d’intelligence, ce n’est pas de sombrer dans le zoomorphisme mais de succomber à la tentation de l’anthropomorphisme, non de rapprocher la plante de l’animal mais de l’homme! En fait, les attribuer aux animaux, c’est déjà de l’anthropomorphisme, de telle sorte que le zoomorphisme que l’auteur décèle dans les publications des botanistes contemporains ne serait qu’un anthropomorphisme de second degré.  
 
En termes bergsoniens on pourrait dire que ces cinquante dernières années de recherches sur le végétal l’ont fait passer de la conscience endormie et de l’insensibilité à la conscience éveillée et à la sensibilité, au grand dam des végans. Ce n’est ni faire du zoomorphisme ou de l’anthropomorphisme. Il n’y a pas que les animaux ou les hommes qui vivent, souffrent et meurent. C’est aussi le cas des plantes. Mais affirmer cela, ce n’est pas affirmer que les plantes vivent, souffrent et meurent de la même manière que les humains. C’est cette dernière affirmation qui serait de l’anthropo ou du zoomorphisme. Faute de distinguer clairement entre ces deux affirmations, F. Burgat en vient à nier des évidences. Que les plantes meurent et même qu’elles soient vivantes !
 
Dans le chapitre « l’anthropomorphisation des plantes. Regard sur un symptôme » Florence Burgat, attaque avec virulence deux ouvrages accusés d’anthropomorphiser les plantes, celui de Peter Wohllenben «La vie secrète des arbres» et celui de Stéphano Mancuso et Alessendra Viola  «L’intelligence des plantes». Cette accusation apparaitra à tout le moins comme excessive si l’on distingue bien comme nous l’avons indiqué dans le paragraphe précédent entre affirmer que « les plantes font telle chose ou telle chose, chose que font les hommes et/ou les animaux » et « les plantes le font de la même manière que les hommes et/ou les animaux ». Elle l’apparaitra d’autant plus si l’on sait reconnaître ce qui n’est qu’une façon de parler et de présenter les choses, de les mettre en scène en quelque sorte. 
 
Comme le remarque avec justesse Pierre Donadieu  à propos de l’ouvrage de Peter Wohlleben, ce livre « a surtout le mérite de faire comprendre les écosystèmes forestiers en expliquant la complexité des relations fonctionnelles entre les arbres, leurs commensaux et leurs milieux de vie. Sa verve littéraire emprunte volontiers à la métaphore en prêtant aux arbres des intentions quasi humaines. La société des arbres y acquiert ainsi une existence dont elle dispose rarement dans les publications scientifiques, une sorte de dignité qui inspire le respect comme pour les sociétés animales. » . On pourrait dire la même chose des passages sur la pollinisation dans l’ouvrage de Mancuso et Viola dénoncés par F. Burgat.
 
Aucun lecteur de bonne fois ne prendra au pied de la lettre que les organismes primitifs « ont choisi deux parcours de vie la sédentarité et le nomadisme ». Il est curieux d’ailleurs que F. Burgat critique ce passage de l’ouvrage de Mancuso et Viola alors qu’il ne fait qu’exprimer sur un mode imagé ce qu’elle-même elle exprime dans son jargon lorsqu’elle déclare en début de son ouvrage : « Les plantes ne sont pas douées du mouvement spontané et libre qui fait du lieu occupé un lieu contingent ; celui qui leur échoit est leur nécessité » 
 
Comparons ce qu’elle énonce avec ce qu’écrivent les deux auteurs qu’elle incrimine : « D’emblée les plantes se sont donc retrouvées dans l’obligation de tirer de la terre, du soleil tout ce dont elles ont besoin pour vivre » [ le lieu qui leuréchoit est leur nécessité, en jargon phénoménologique de F. Burgat] ; « de leur côté les animaux ont été contraints de se nourrir d’autres animaux ou de plantes et de développer des formes multiples de mouvement (course, vol, natation) » [« mouvement spontané et libre », « lieu occupé contingent » dans le jargon phénoménologique]. Il y a cependant une différence entre ces deux textes outre celle des styles, imagé d’un côté pour être accessible à tous, abscond de l’autre pour ceux qui ne sont pas familiers avec les tournures et le style de la philosophie dite « continentale » : le statut des plantes n’est pas décrit en terme privatif par Mancuso et Viola alors qu’il l’est par Burgat.
 
L’A. prend au pied de la lettre le passage suivant : « L’homme nourrit et soigne le chien, qui en échange, lui accorde sa protection et sa compagnie. Dans le règne végétal, plusieurs plantes ont recouru à une stratégie identique : elles subviennent aux besoins alimentaires de l’homme qui, de son côté, les protège contre les insectes, les nourrit et, surtout, les propagent jusqu’aux régions les plus reculées du globe » Outre que cette théorie n’est pas propre aux auteurs, il ne s’agit ici de rien d’autre que de décrire en terme imagé une relation mutualiste  et pas du tout d’« un étrange finalisme » !
 
Autre passage qui suscite l’ire de l’A. : « Les plantes ayant quant à elles décidé d’obtenir le meilleur résultat en demeurant immobiles, il leur a fallu chercher des solutions tout à fait originales » Il ne le devrait pas puisque d’une part il insiste sur la caractéristique selon elle essentielle, l’immobilité et que d’autre part il affirme que les plantes vont développer des solutions originales par rapport à celles des humains ou des animaux. Donc, aucun anthropomorphisme des lors que l’on distingue entre faire la même chose, faire la même chose de la même manière. Par exemple, ce n’est pas de l’anthropomorphisme de considérer que les plantes respirent. Cela le serait si l’on chercher à localiser chez elles un organe ressemblant à nos poumons.
 
Cela dit, il y a aussi des passages dans l’ouvrage de Mancuso et Violae, surtout dans l’introduction où où l’on pourrait déceler un glissement du « les plantes le font aussi » au « elles le font comme les humains » mais c’est pour les mettre en scène pour expliquer de façon vivante et accessible les stratégies de pollinisation. Cette façon de procéder est certes discutable mais du point de vue pédagogique et de vulgarisation elle a aussi ses mérites en rendant concrète ces notions de mutualisme et de parasitisme, elle parle aux lecteurs.
 
C’est ainsi que sur l’ouvrage de Peter Wholleben, les avis des botanistes et chercheurs dans le domaine du végétal ont été divers. Certains l’ont condamné, c’est le cas de Yves Brunet dans une note de Science et Pseudo science  ou Jacques Tassin dans sa contribution au débat organisé par la Société Française d’Écologie et d’Évolution, contribution  que cite l’A.  D’autres l’on encensé ! C’est le cas notamment de Francis Hallé  qui considère qu’il s’agit d’un bon livre ou d’un autre participant  à la discussion au débat organisé par la Société Française d’Écologie et d’Évolution, Jean François Ponge, directeur de recherche et professeur émérite au Muséum National d’histoire naturelle qui conclut son commentaire en ces termes : « Le livre dérange, c’est aussi son but au-delà de l’émerveillement devant « l’économie de la nature » (la définition originelle de l’écologie), mais c’est avant tout un outil pédagogique qui mériterait d’être entre les mains de tous les étudiants désireux de devenir des gestionnaires de nos forêts. ».
 
Il faut encore ajouter deux choses. Tout d’abord ces façons imagées de présenter les choses sont compensées dans les deux ouvrages en question par une bibliographie détaillée qui renvoie à d’autres ouvrages plus « techniques » et à des articles de revues scientifiques à comité de lecture. Dans celui de Mancuso et Viola c’est même à chaque chapitre qu’est associée une bibliographie commentée et pour certains articles jugés importants, il s’y ajoute une traduction dans la langue maternelle des résumés.
 
Ensuite les botanistes, les spécialistes de physiologie, de neurologie ou éthologie végétale qui écrivent ces ouvrages « grand public »  ont aussi pour but explicitement reconnu de faire changer le regard des gens sur les plantes. Et c’est en définitive ce à quoi s’oppose Florence Burgat qui souhaiterait au contraire que ce regard ne change pas et pour cela appelle à la rescousse les philosophes du passé qui, bien entendu ne pouvaient savoir aux sujet de ces êtres ce que les cinquante dernières années nous ont appris nous mettant face à « un arbre tout neuf » pour reprendre l’expression de Francis Hallé et qui vaut aussi pour beaucoup, sinon toutes les autres plantes. 
 

Notes

  [1] Voici ce qu’elle a répondu à une question de la journaliste Lorène Lavocat de Reporterre qui lui demandait comment elle en était venue à s’intéresser à la cause animale :  « Ce sont des images d’abattage que j’ai vues par hasard dans un film portant sur tout autre chose. En quelques instants, la viande a pris à mes yeux un sens totalement différent et je me suis mise à associer à cette chair inerte la réalité de son processus d’engendrement. J’ai alors pris une décision réfléchie : si je ne voulais pas participer à ce que je venais de voir, il était impératif de cesser de manger les animaux. J’ai compris que la viande n’avait aucune autonomie, qu’elle était la chair équarrie d’un animal tué — de trois millions d’animaux tués chaque jour en France, dans ses abattoirs. » https://reporterre.net/Florence-Burgat-L-institution-de-l-alimentation-carnee-reflete-un-desir-tres


 [2] Dans la suite du texte, l’expression « l’auteure de cet ouvrage » sera abrégée en « A. ».

 [3] On remarquera que cette explication de l’intérêt porté aux découvertes récentes en biologie végétale est à tout le moins peu plausible. Elle repose sur une croyance sans fondement des végans  selon laquelle les gens qui mangent de la viande, s’habillent avec des vêtements en laine ou en cuir ont mauvaise conscience ou se sentent coupables de le faire. Cela a peut-être été leur cas pour eux, et le serait sûrement s’ils en étaient réduits à transgresser les tabous qu’ils se sont créés. Mais il n’y a aucune raison de généraliser cet état d’esprit sur les autres, les « carnistes ». Aucune enquête sociologique n’a été entreprise pour mettre à l’épreuve cette hypothèse. Et ce n’est pas parce que quelques auteurs ont utilisé cette promotion de la plante dans le monde vivant pour justifier que l’on mange de la viande que cela peut être généralisé. Revenons sur terre, les gens n’ont pas besoin d’être déculpabilisés parce qu’ils sont omnivores pour la bonne raison qu’ils ne se sentent pas coupables de le faire et que même s’ils l’étaient, ce n’est pas le fait que les plantes puissent aussi souffrir qui les déculpabiliseraient. Ils veulent que les animaux de rente soit bien traités pendant leur vie et tués sans souffrances inutiles, ce qui est très différent et n’a rien à voir avec une éventuelle sensibilité des plantes.
 
[4] C’est bien ainsi que l’A. considère la vie végétale comme le montre la référence à un des papes de l’antispécisme « Yves Bonnardel attire l’attention sur ce point [tout mouvement n’est pas un mouvement volontaire] et fait remarquer qu’un électroencéphalogramme plat n’est pas incompatible avec la poursuite d’une vie. (…) Ainsi, s’il y a bien « transmission d’informations » qui créent des « effets de chaîne » chez les plantes « cela n’autorise nullement à imaginer qu’une conscience les recueille, et décide d’une réaction à avoir. Encore moins qu’elle les ressent » » (p. 91).
 
[5] Cf. la définition de Bergson opposant l’animal au végétal dans  L’évolution créatrice : « Nous définirions l’animal par la sensibilité et la conscience éveillée, le végétal par la conscience endormie et l’insensibilité ».
[6] Les animaux sont souvent désignés par les végans et les antispécistes sous le vocable  « animaux non humains », expression forgée pour refléter dans le langage le rejet de l’opposition homme /animal.
 
[7] C’est moi qui souligne. De même j’ai mis des majuscules au ‘ou’ du texte pour mettre en évidence ce que l’A. veut faire passer comme allant de soi et qui ne va pas de soi!
 
[8]  Comme l’explique l’article de Wikipédia, le canon de Morgan est un principe de rigueur scientifique énoncé par Lloyd Morgan en 1894 : « Nous ne devons en aucun cas interpréter une action animale comme relevant de l'exercice de facultés de haut niveau, si celle-ci peut être interprétée comme relevant de l'exercice de facultés de niveau inférieur» (C. L. Morgan, An Introduction to Comparative Psychology, Londres, W. Scott, 1903, 2e éd., p. 59.
 
[9] Animal  consciousness,  Le Neindre P, Bernard E, Boissy A, Boivin X, Calandreau L, Delon N, Deputte B, Desmoulin-Canselier S, Dunier M, Faivre N, Giurfa M, Guichet J-L, Lansade L, Larrère R, Mormède P, Prunet P, Schaal B, Servière J, Terlouw C, 2017. EFSA supporting publication 2017:EN-1196. 165 pp. doi:10.2903/sp.efsa.2017.EN-1196
 

Dimanche 21 Juin 2020 Commentaires (0)
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat Partie 1
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat Partie 2
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Fin)

« Les plantes ne meurent pas vraiment ». Vraiment ?

Une des thèses fondamentale et récurrente de cet ouvrage est cette curieuse affirmation selon laquelle « les plantes ne meurent pas vraiment » (par exemple, p.11, p.123) contrairement aux animaux. Il est l’un des éléments qui permet à l’auteure de justifier une différence de traitement du végétal et de l’animal (qui lui meure vraiment) conforme aux pratiques et interdits végans sur la consommation de viande et de produits animaux. Il s’agit d’une généralisation d’un cas particulier, celui d’une catégorie d’arbres, les arbres « coloniaires ».
 
Cette généralisation est évidement fausse.  Lorsque Francis Hallé  parle d’une « immortalité virtuelle », il ne s’agit  donc pas de LA plante, mais d’un type de végétaux bien précis : les arbres et il ne s’agit même pas de tous les arbres mais d’un certain type d’arbres. C’est Francis Hallé lui-même qui met en garde contre une généralisation abusive : « Sachez d’abord qu’il ne faut pas généraliser, puisque beaucoup d’arbres n’ont qu’une vie brève, comparable à la vie humaine, un demi-siècle à un siècle ; notre Bouleau d’Europe, les Parasoliers des bords de route en Afrique tropicale en sont des exemples. »(10
 
En outre l’A. semble oublier que les auteurs qu’elle cite à l’appui de cette curieuse assertion précisent bien qu’un arbre peut mourir et pas du tout relativement puisqu’il peut être tué par des causes externes. F. Hallé cite : le vent, le feu, le froid, des pathogènes, un glissement de terrain, ou la tronçonneuse de l’exploitant forestier. De cela on pourrait conclure, contrairement à ce que veut prouver l’auteure dans cet ouvrage qu’il est bien moins grave de tuer une vache ou un agneau, véritable artéfact comparés à l’animal sauvage, créatures mortelles de toute façon, qu’un arbre coloniaire, un chêne par exemple, (voire un végétal, puisqu’elle va généraliser) puisque ce dernier est un être immortel qui ne peut mourir de sa « belle mort » !
 
L’auteure généralise à l’ensemble du règne végétal et  transforme l’immortalité virtuelle, c’est-à-dire l’absence d’un « programme de sénescence » en mourir en « un sens relatif » : « Elle (la plante) ne meure qu’en un sens très relatif (…) Or, mourir en un sens relatif n’est pas mourir, car la mort est la fin absolue et irréversible de tous les possibles. » (p.11). Pour illustrer, peut-être pense-t-elle-même prouver, cette relativité de la mort concernant l’arbre, elle cite les « souches d’arbres abattus » qui « produisent des rejets ou se recouvrent de tissus vivants » mais elle devrait savoir qu’un arbre non dessouché n’est pas « relativement mort » (si l’on ose dire !), il n’est pas mort du tout. Il sera mort si on le dessouche. Elle rapporte aussi des observations de Théophraste, le successeur d’Aristote, ou encore celle de Blaise Cendras qui évoque une « ex-ligne de poteaux de bois dont les branches s’étaient mises à pousser au bout de trois mois » en milieu tropical. C’est le principe du bouturage et du marcottage pour produire un nouvel individu.
 
Mais le point important ici est qu’il ne s’agit pas de l’être initial mais de son tronc qui forme si non un nouvel individu, du moins un nouvel être vivant. A l’appui de cette interprétation la découverte récente qu’une plante traite une bouture d’elle-même comme une étrangère lorsque ses racines rencontrent les racines de cette dernière qui est pourtant génétiquement identique à elle. Physiquement séparée et se développant indépendamment, ce n’est plus la même. Si l’une des deux meurt, elle ne meurt pas relativement, elle disparait définitivement et la survivante bien que génétiquement identique est une autre. Ce qui correspond d’ailleurs bien à l’intuition commune.
Et bien sûr, faisant pièce à cette généralisation indue, il y a les plantes annuelles : c’est-à-dire les plantes qui bouclent leur cycle sur une année civile (de la graine initiale au graines produites) ; c’est-à-dire sous nos latitudes, une plante dont la graine a germé au printemps, et dont la totalité de l’appareil végétatif s’altère et disparaît définitivement en hiver.
 
L’A. qui ne peut pas ignorer l’existence de telles plantes a une vision curieuse du processus : « L’individu [animal] est ou bien encore vivant ou bien déjà mort. À l’inverse, les graines, désormais sèches, antérieurement récoltées au cœur d’un fruit, revivent une fois remises en terre. Les grains de blé, par exemple, doivent mourir pour renaître » (p.15).  Ainsi ressusciter, un miracle que peu de vivants avait pu réussir se trouve banalisé et accompli chaque année par les milliards de plans de blé qui poussent dans les champs ! Mais avant de crier au miracle, il faudrait éviter de confondre dormance et mort car une graine qui est en dormance n’est pas morte, seule le serait une graine ayant perdu son pouvoir de germer et celle-là remise en terre ne revivra pas !
Il faut insister sur ce point, les plantes annuelles ou bisannuelles sont mortelles. C’est-à-dire,  si on considère les membres d’une population supposés de la même espèce, pris un à un, chacun est mortel. La plupart des plantes herbacées sont mortelles, les ligneuses aussi, et les arbres « coloniaires » bien que virtuellement immortels peuvent eux aussi mourir et finissent tous par mourir.
 
« En vous promenant en forêt, ces derniers temps, vous avez peut-être remarqué que de plus en plus d’épicéas sont « secs ». Leurs aiguilles rougissent, chutent, alors que l’écorce se décolle et s’écaille. Bref, l’arbre meurt. Le responsable de ce « carnage » ? Le scolyte, coléoptère xylophage bien connu pour ravager les forêts de résineux. » (11) Quand on voit les ravages que peut provoquer dans une forêt une sécheresse excessive ou une attaque de scolytes tandis qu’une philosophe qui se pique d’écrire un livre de mise au point sur la nature du règne végétal explique que les plantes ne meurent que dans un sens très relatif, en fait ne meurent pas et que cette thèse saugrenue est à la base de ses analyses, on a envie de hausser les épaules, de refermer le livre.
Pourquoi cette curieuse insistance sur cette mortalité « relative » des plantes qui va si manifestement à l’encontre des observations les plus banales ?
Pour pouvoir affirmer que, seule la mort d’un animal est une tragédie car irréversible et définitive. « Mourir en un sens relatif n’est pas mourir, car la mort est la fin absolue et irréversible de tous les possibles » (p. 15) Et si les plantes ne meurent pas, elles sont vivantes mais, en un certain sens, ne vivent pas car « la vie n’est pas le vivre » (titre d’un chapitre). Reprenant les analyses du phénoménologue Renaud Barbaras, l’A. distingue entre « la vie » et « le vivre ». La vie ne serait pas un vivre parce que rien n’est vécu par elle ! « Le vivre est la vie vécue par un vivant mortel » (p.91).  Comme les plantes ne sont pas mortelles, elles sont en vie mais n’ont pas de vie vécue. Elle cite alors Barbaras : « un vivant n’est vivant que s’il est mortel mais il n’est mortel que s’il est d’emblée privé de la surpuissance et de l’éternité de la vie ». Mais quelle est donc cette « vie » dont parle ce philosophe ?  La vie au sens biologique n’a rien d’éternel, elle est apparue et disparaitra de toute façon avec l’agonie du Soleil. Et même si elle est apparue aussi sur d’autres planètes, cela ne lui confère aucune éternité. On croyait naïvement que la vie éternelle n’était pas de ce monde et voilà de Florance Burgat nous explique que les plantes la possède ! Avec les plantes, le ciel est descendu sur la Terre.
 
Elle nous explique que dotée de la surpuissance et de l’éternité de la vie, les plantes n’ont pas de vécu, de vie psychique : « puisque son mode de vie n’est pas celui de l’être-mortel, qu’elle n’est pas une vie inquiète, mais une vie indifférente, qu’elle se reproduit en se divisant, qu’elle renaît sans cesse de ses cendres, qu’elle ne se tient pas dans l’écart mais au contraire dans l’immanence avec son milieu » (p.92). Tout ce verbiage pseudo-hégélien pour nous persuader que c’est très mal de manger le bœuf mais pas les carottes! 
 

« Une vie fixée » certes, mais qui a la bougeotte !
 
Le fondement de sa justification d’une différence d’essence entre l’animal et la plante repose sur une deuxième thèse selon laquelle la vie végétale est une vie « fixée » : « Elles [les plantes] se développent, grandissent, forcissent, se propagent, changent de forme, mais elles ne se meuvent pas » (p. 12) Pour l’auteure cette absence de mouvement est quelque chose de capital, une caractéristique essentielle du mode d’être du végétal. « Cette situation n’est pas un détail formel », le végétal aurait une vie fixée, que l’auteure caractérisera surtout négativement parce qui lui manque en comparaison de la vie animale, ce qui lui permettra de assigner à ce végétal un statut conforme au véganisme.
 
Certes, cette façon de distinguer l’animal, être qui se meut, du végétal, être qui ne se meut pas, est des plus traditionnelles et l’A. peut appeler à sa rescousse, pour la fonder une cohorte de philosophes du passé. Mais on sait depuis très longtemps qu’il existe des plantes qui bougent. La Sensitive (Mimosa pudica) introduite en Europe au XVIIe siècle qui referme ses feuilles lorsqu’on la touche est sans doute le cas le plus populaire et spectaculaire de ces plantes qui bougent mais il y a aussi les grimpantes et les carnivores. Toutes ces plantes ont posé problème à ces philosophes et posent problème l’A. qui  comme eux voit dans l’absence de mouvement sinon l’essence, du moins une caractéristique distinctive du végétal. Il a donc fallu qu’ils en disposent et pour le résoudre l’A. va s’appuyer sur eux. Les ouvrages auxquels elle se réfère datent pour les plus récents du début et de la première moitié du XXe siècle : L’évolution créatrice de Bergson 1907, Les degrés de l’organique et l’homme de Plessner (un philosophe anthropologue allemand) 1928, des textes de Canguilhem (épistémologue bachelardien) datant des années 50. Or les découvertes qui ont révolutionnée la connaissance des plantes datent d’une trentaine d’années. Devant ces nouvelles connaissances, quelles auraient été les interprétations de ces auteurs qui philosophaient à partir des données et théories biologiques de leur époque ?
 
En tout cas, en s’en tenant à leurs analyses sans prendre en compte ce qui dans les récentes découvertes peut apporter de neuf à la vision du règne végétal, tout se passe comme si l’auteure avait décidé de ne pas en tenir compte. Comme cette option reste dans l’implicite et dans le non-dit, elle n’est pas justifiée. Elle pose pourtant problème. Peut-on philosopher sur le végétal en laissant de côté l’état actuel de la connaissance scientifique en la matière ? Ce n’était pas la façon de procéder des auteurs dont elle utilise les analyses qui toutes s’appuyaient sur les connaissances de leur époque.
 
Dans sa première façon de contourner cette donnée factuelle qui oblige à considérer qu’il y a des plantes qui bougent et pour continuer d’opposer le règne animal au règne végétal, l’A. s’appuie principalement sur les analyses de Bergson dans L’évolution créatrice. Fixité et mobilité y sont considérées non comme des caractères mais des tendances évolutives, ce qui permet à Bergson et à  F. Burgat qui reprend cette interprétation de régler au moins en partie la question de ces contre-exemples à l’absence de mouvements chez les plantes. Ceux qui sont mentionnés dans le texte de Bergson sont ceux des plantes grimpantes, des plantes insectivores et ceux de la Sensitive. Tous ne seraient selon Bergson que des cas marginaux et leurs mouvements limités à seulement des parties de leur organisme : elles ne se déplacent pas. Que la plupart des vivaces à rhizome déplacent leur point d’ancrage lui avait échappé et semble avoir aussi échappé à Burgat. Cela est typique d’une tendance fort répandue de ne prendre en compte que la partie aérienne et visible des végétaux et d’ignorer leur partie souterraine invisible.
 
Car il y a bien des plantes qui non seulement bougent mais qui de plus, peuvent changer de lieu. Leur nombre, comme le nombre d’espèces auxquelles elles appartiennent est loin d’être négligeable. Ces plantes déplacent leur point de fixation migrant progressivement vers des endroits plus favorables.
 
Parmi celles-ci, connue de tous, il y a le muguet. Il n’est nullement nécessaire d’être un botaniste chevronné pour reconnaître un plan de muguet. Il faut déjà connaître un peu plus de botanique pour savoir que cette plante se déplace. Et le muguet n’est pas le seul à déplacer son point de fixation, c’est le cas aussi de plantes aussi communes que le chiendent, le sceaux de Salomon. Elles utilisent le même procédé que le muguet : « Le chiendent a un rhizome qui croît horizontalement dans le sol et produit chaque année une nouvelle pousse dressée, qui porte des feuilles et des fleurs. Les pousses de l’année précédente disparaissent au fur et à mesure, ainsi que les parties les plus âgées du rhizome ; la plante avance au rythme d’allongement de son rhizome. (…). Il en est de même du sceau de Salomon, du muguet … dont le rythme de déplacement est plus faible. (12). Précisons qu’il ne s’agit pas d’une plante qui renaîtrait de ces cendres mais d’un même pied, le muguet étant une plante géophyte, c’est-à-dire une plante dont les bourgeons de renouvellement, ceux qui lui permettent de survivre à la saison défavorable, sont situés dans le sol.
 
Il en va de même pour les orchis et les ophrys mais eux déplacent leur point d’ancrage d’une autre manière comme le rapporte Aline Raynal-Roques dans l’ouvrage cité. Ils produisent « chaque printemps un petit tubercule tandis que se détruit progressivement celui de l’année précédente. La séquence de tubercules progresse en ligne : la plante avance, de tubercules en tubercules, au fil des années. Le déplacement est lent, de l’ordre de quelques centimètres par an. » (13)
 
Dans cette partie souterraine, on peut encore signaler des mouvements particuliers aux plantes à bulbes que Bergson ignorait, en tout cas ne mentionne pas et que Burgat ignore aussi ou passe sous silence. Selon l’espèce, les plantes bulbeuses vont fixer leur bulbe à une profondeur dans le sol optimale pour elles. Par exemple, pour les cormes des Crocus, elle est de 5 à 7 cm, le bulbe de certaines Amaryllis est de 20 à 30 cm.  Or dans les conditions naturelles, c’est-à-dire non plantés par un jardinier ou accidentellement par quelque animal fouisseur, le jeune bulbe commence à se développer juste sous la surface du sol. Il devra s’enfoncer progressivement pour trouver le lieu optimal où se fixer. A cette fin, il produit des « racines tractrices » « qui se développent vers le bas ; puis elles se raccourcissent  en prenant un aspect ridé transversalement ; la traction ainsi réalisée entraîne le bulbe vers le bas. »(14).
 
Donc, les plantes, ou du moins certaines d’entre-elles, non seulement bougent mais changent de place, en déplaçant leur point de fixation vers les endroits les plus favorables. Si l’on veut vraiment étudier les plantes pour elles-mêmes sans faire de zoocentrisme, ce sont à ces façons originales de se déplacer qu’il faut s’intéresser. Il apparaît alors que la mobilité et la fixité ne constituent pas deux pôles ou deux tendances évolutives, l’une propre au règne animal, l’autre au règne végétal et s’opposant mais que dans le cas des végétaux, il y a chez certains d’entre eux une manière originale de combiner fixité et mobilité, au sens changement de lieu comme dans le cas pour les plantes vivaces à rhizomes et à bulbes.  
 
Mais finalement de cette spécificité des plantes, de cette « plantitude » pour reprendre une expression de Marc-André Selosse, l’A. n’a cure. Elle cherche à montrer que, alors que les animaux sont conscients de ce qu’ils font, les plantes ne peuvent pas l’être, y compris lorsque certaines d’entre elles manifestent une aptitude à se mouvoir qui n’est pas marginale dans le règne végétal et qu’elles se meuvent de façon tout à fait originale. Pour l’A., il s’agit, avant tout, de défendre les a priori végans sur le règne végétal en liant la capacité de se mouvoir dont les plantes seraient dépourvues à la conscience dont elles seraient du même coup également dépourvue.
Il y a donc des contre-exemples manifestes à cette absence de mouvement des plantes comme on vient de le rappeler.  Bien qu’elle ne dise rien, ou presque rien, d’eux  F. Burgat n’est sans doute pas sans les ignorer et il faut donc en disposer pour sauver ce qu’elle a posé comme étant par essence le mode de vie du végétal : « la vie fixée ».  Il s’agit de se prémunir contre les découvertes passées, présentes ou à venir de mouvements chez les plantes qui pourraient remettre en question cette conception des plantes comme des légumes au sens figuré et aussi au sens propre pour les comestibles.
 
Aussi l’A. passe d’une simple faculté de se mouvoir à une mobilité dont « les motifs ne seraient pas des causes » ! Mobilité dont seraient pourvus les animaux et dépourvues les plantes.
« Aucune plante ne se meut à la façon des animaux, qui quittent un lieu pour un autre, et ce, pour des motifs qui ne sont pas des causes, affirme-t-elle » Si on peut être d’accord avec le début de cette assertion puisque les animaux ne produisent pas de racines pour se mouvoir comme le font les plantes bulbeuses, il faut cependant reconnaître qu’en écrivant cela, ce n’est pas du tout ce que veut dire l’A.
 
Les plantes ne quitteraient pas un lieu pour un autre pour des motifs qui ne seraient pas des causes, ce que feraient les animaux. Cette assertion est pour le moins obscure. En fait pour tenter de comprendre ce qu’elle veut dire, il faut se reporter quelques pages en arrière où elle livre un aperçu des thèses de Schopenhauer concernant cette question. Il s’agirait d’une volonté sans représentation, un vouloir qui ignore tant son objet que la finalité recherchée par l’action entreprise. Ainsi l’oiseau qui construit un nid n’aurait pas la représentation de ses œufs, ni l’araignée de sa proie lorsqu’elle tisse sa toile. Il s’agirait de rendre intelligible une activité vitale aveugle et dépourvue de finalité  (voir p. 42 – 43 de l’ouvrage).
 
Si certaines activités animales relèvent de cette catégorie, il faut aussi admettre, suivant Schopenhauer et l’A. qu’il en existe d’autres qui ont une fin que l’animal se représente et qu’il poursuit consciemment. En d’autres termes, qu’il choisit effectuer volontairement en toute conscience. Se mouvoir en serait une. En d’autres termes, les animaux qui se déplacent doivent savoir où ils veulent aller et pourquoi. Ce ne serait pas le cas de la plante même si elle se déplace. Pourquoi en serait-il ainsi ? Pourquoi seul, l’animal … Parce qu’il aurait un cerveau ? Les plantes n’ont pas de poumons mais respirent, elles n’ont pas d’estomac mais se nourrissent et nous verrons plus loin la géniale intuition de Bergson à ce sujet. Mais l’un et l’autre peuvent-ils se représenter un but, s’ils n’ont pas de langage peuvent-il avoir des représentations mentales d’un but ? 
 
Cette distinction entre « quitter un lieu pour un autre pour des motifs qui ne sont pas des causes » versus « quitter un lieu pour un autre pour des motifs qui ne sont que des causes »,  pour obscure qu’elle puisse être, reste néanmoins essentielle pour les visées de l’A. En effet, lier mobilité et conscience permettrait certes de conférer une conscience à n’importe quel animal mais  aurait des conséquences catastrophiques pour ce qu’elle cherche à établir, à savoir que la plante ne sait pas ce qu’elle fait, n’a pas conscience de le faire, qu’elle n’a pas de conscience ni d’elle-même, ni de quoi que ce soit. En effet,  «entre la mobilité et la conscience, il y a un rapport évident » écrit Bergson, ce qu’approuve l’A. qui commente « comment, en effet, aller ici plutôt que là, sans intentionnalité ? », cette interrogation étant purement rhétorique.
 
Il faudrait donc accorder la conscience et tout ce que la mobilité implique aux plantes qui déplacent leur point de fixation pour migrer vers un endroit plus favorable mais le refuser à celles qui ne le font pas ? Cela semble peu vraisemblable et en tout cas déplacerait la « césure » à l’intérieur du règne végétal, ce que n’admettrait pas l’A.
 
Mais il y a pire car Bergson va beaucoup plus loin. Il note que la mobilité implique qu’un organisme qui en est doté ait le choix entre des mouvements avec une conscience qui accompagne ces choix. « Mais, affirme-t-il ni cette mobilité, ni ce choix, ni par conséquent cette conscience n’ont pour condition nécessaire la présence d’un système nerveux : celui-ci ne fait que canaliser dans des sens déterminés, et porter à un plus haut degré d’intensité, une activité rudimentaire et vague, diffuse dans la masse de la substance organisée. Plus on descend dans la série animale, plus les centres nerveux se simplifient et se séparent aussi les uns des autres ; finalement, les éléments nerveux disparaissent noyés dans l’ensemble d’un organisme moins différencié. Mais il en est ainsi de tous les autres appareils, de tous les autres éléments anatomiques ; il serait aussi absurde de refuser la conscience à un animal, parce qu’il n’a pas de cerveau, que de le déclarer incapable de se nourrir parce qu’il n’a pas d’estomac » Même si cette assertion est fondée dans L’évolution créatrice sur des raisons discutables dans la mesure où elles supposent une échelle des êtres et tendent à confondre modularité et polyvalence avec indifférenciation, on voit tout le parti que pourraient en tirer les partisans de la neurobiologie végétale et des partisans d’une plante qui saurait ce qu’elle fait et serait consciente bien que n’ayant pas de cerveau. Cette absence de système nerveux et de cerveau étant l’un des arguments principal utilisé par ceux qui refusent de parler d’intelligence et d’activité volontaire chez les plantes. Or, l’A. bien qu’étant de ceux-là,  approuve la conclusion de ce passage que j’ai souligné. Si elle peut le faire, c’est parce qu’elle considère que les déplacements des plantes quand ils existent ont des motifs qui ne sont que des causes. Non conscient donc non intentionnels.
 
Les plantes auraient donc des mouvements mais ne se mouvraient pas : elles ne feraient que réagir à des stimuli externes qui, en sorte la feraient bouger : « les mouvements des plantes sont déterminés par le milieu » (p. 62) elles ne se meuvent pas même si elles en ont l’air. Pour l’A. c’est le milieu qui  les fait se mouvoir et il détermine leurs mouvements, leurs directions ; il provoque leur mouvement et le modèle. Aussi lorsque les plantes nous semblent décider d’aller dans telle direction plutôt que dans telle autre, ce n’est pour l’A. qu’une apparence, en réalité elles réagissent « à une palette de stimuli et sont donc animées de mouvements multiples » (p. 62).
 
Cette façon de concevoir le comportement d’une plante fait irrésistiblement penser à Skinner et à sa théorie du comportement modelé par des « contingences de renforcement » si ce n’est que ce psychologue ne s’est pas intéressé aux plantes et n’a pas tenté d’appliquer à leur comportement sa théorie. De plus, il ne fait pas de distinction entre le comportement animal et humain, l’un est l’autre étant « modelé » de la même façon. Pour Hans Jonas auquel l’A. se réfère, il faut distinguer entre le mouvement purement « réactif » et « local » d’un végétal, en l’occurrence  une plante carnivore – la Vénus attrape-mouche ou dionée – qui referme sur une proie qui a stimulé les poils de ses feuilles aux bords pourvues de dents  avec celui « contrôlé centralement » d’un animal qui ouvre et ferme sa mâchoire. Voici le texte de Jonas qu’elle cite. Cela vaut la peine de le rapporter pour que chacun puisse constater par lui-même que ce n’est pas ce que ce philosophe a écrit de meilleur : «  La plante peut-elle fermer et ouvrir ses feuilles ? L’animal peut librement fermer et ouvrir ses mâchoires  quand il en a envie – pour mâcher, pour bailler, ou simplement pour exercer cette faculté – et il peut arrêter et inverser chaque mouvement en cours ».
 
Ainsi selon Jonas, les animaux peuvent ouvrir et fermer leur gueule pour rien : l’acte gratuit du chien qui prouve sa liberté de mouvement ! Il est évidement pour le moins douteux que l’acte d’ouvrir et de fermer ses mâchoires soit chez un animal libre de tout stimuli interne ou externe ! Bailler est un acte réflexe involontaire qu’un homme peut juste « étouffer », ce que ne fera jamais un animal ! La mastication est une phase de la manducation qui peut certes s’interrompre mais n’est pas un bon exemple d’action libre.  Voilà pour l’animal !
 
Pour la plante, ce n’est guère mieux : si la fermeture de la feuille n’était qu’un simple mouvement réflexe en stimulus/réponse localement provoqué, il se déclencherait quel que soit le stimulus qui excite la surface de la feuille, ce qui n’est pas le cas ! Pour éviter une fermeture intempestive du piège par des gouttes de pluie ou des brindilles poussées par le vent, le piège ne peut se fermer qu'après une double stimulation des poils sensitifs. La fermeture du piège de la dionée est donc un phénomène complexe contrôlé par le transfert de nombreux signaux à travers sa structure. Un premier signal est envoyé par le premier poil sensitif à être touché en direction des autres poils pour les sensibiliser. Puis, un deuxième signal est envoyé par le deuxième poil touché en direction des parties externes des lobes pour induire leur courbure. La nature exacte de ces signaux reste encore largement inconnue. Il faut de plus que la plante « se souvienne » qu’un premier poil a été touché pour qu’elle referme le piège lorsqu’un deuxième poil l’est. En outre, si l’intervalle de temps est trop long, le piège ne se referme pas. On est donc loin d’un mouvement purement réactif et local (15). L’attention aux détails permet d’éviter de dérailler lorsque l’on philosophie.
 
L’idée que les plantes sont passivité pure ne tient pas devant les preuves observationnelles et expérimentales qui montrent le contraire.
 
Même les végétaux qui paraissent immobiles ont des mouvements propres. Les arbres en sont de bons exemples. Les arbres sont les végétaux qui semblent les moins aptes à avoir des mouvements spontanés. Pourtant bien que leurs mouvements soient invisibles à l’œil nu, s’ils restent bien entendu ancrés dans le sol par leurs racines, ils bougent pour s’adapter à leur environnement et cette motricité doit être distinguée de leur croissance. C’est le réseau de la cellulose du bois qui se contracte et se détend et fonctionne ainsi comme un muscle rendant possible ces mouvements(16).  


Comme toutes les plantes, les arbres doivent avoir conscience de leur corps dans l’espace pour pouvoir pousser droit comme l’on brillamment démontré les chercheurs du PIAF –Laboratoire de Physique et Physiologie Intégratives de l'Arbre Fruitier et Forestier de l’INRA et de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Ils ont découvert que « les plantes ne peuvent pas maintenir leur port érigé à l’aide de la seule perception de leur inclinaison par rapport à la gravité. Il faut leur adjoindre une perception continue de la propre courbure de leurs tiges et une tendance à la rectification de celle-ci. Il s’agit ainsi d’un phénomène de proprioception, comparable à ce que l’on rencontre chez les animaux et les humains et qui permet aux organismes d’avoir le sens de leur forme et de leur mouvement » (17) ; autrement dit, une certaine conscience de leur propre corps.
 
Et si cela ne suffisait pas, pour achever de battre en brèche cette conception de la plante légume que F. Burgat veut restaurer en ignorant superbement les découvertes récentes sur les végétaux, voici un texte récent de Francis Hallé, un auteur qu’elle aime citer mais mésinterprète en tirant dans son sens la conception de la plante de ce botaniste alors qu’elle en est à certains égards à l’opposé puisque pour lui, l’arbre et plus généralement la plante qui est « en face de nous » n’est plus celui de nos parents et encore moins celui de nos grands-parents « après un demi-siècle de découvertes par les chercheurs du monde entier », a fortiori donc, il n’est plus celui des philosophes du XIX et de la plus part des auteurs sur lesquels F. Burgat appuie sa phénoménologie des plantes. Donc à propos des lianes à vrilles comme la Passiflore ou la Bryone qui ne changent pas de lieu mais ne sont pas immobiles pour autant, Francis Hallé rapporte une expérience qui montre qu’elles sont capables d’anticipation, bien que sans cerveau : « Poussant près d’un support inerte, une jeune liane envoie une vrille dans sa direction. Juste avant que la vrille ne l’atteigne, on déplace le support de cinq centimètres vers la droite. La liane envoie une deuxième vrille et juste avant qu’elle ne touche le support, on déplace à nouveau ce ddernier de cinq centimètre vers la droite. Après avoir répété l’opération quatre ou cinq fois, l’expérimentateur a la surprise de constater que la liane envoie sa prochaine vrille cinq centimètre à droite du support. »(18)
 
Sans doute l’A. n’admettrait pas cette accumulation de faits comme probante : « La pure empiricité ne saurait fournir ses cadres à la pensée qui conceptualise. Prise pour guide, la graduation, qui se constate parfois sur le plan empirique, fait courir le risque d’ l’indistinction. L’observation empirique ne doit pas empêcher le travail du concept, qui sépare et distingue. » (p. 47) Cette curieuse façon de penser le rapport aux données de l’observation et de l’expérimentation rend sa « vérité phénoménologique » impossible à réfuter mais la rend du même coup sans intérêt  et cet ouvrage en a finalement bien peu.
 

Notes

[10] Du bon usage des arbres, p. 23
 
[11] Julien Azémar L’Ardennais, 3/06/2020
 
[12] Aline Raynal-Roques, La botanique redécouverte, Belin/INRA, 1994 p. 271, voir aussi le schéma pour le muguet, p. 272.
 
[13] o. c., p. 270.

[14] Source : Aline Raynal-Roques, o. c., p. 270
 
[15] Source : http://dionee.gr.free.fr/bulletin/txt/d_45_a.htm Sur ce site, l’auteur propose même des expériences à réaliser sur la plante pour déchiffrer, en partie du moins, les arcanes du piège et de la façon dont il fonctionne.
 
[16] Voir un exposé succinct  de cette découverte et de la façon dont ont procédé les biophysiciens dans le dossier de Science et Vie de Mars 2013.
 
 [17] Lenne Catherine, Bodeau Olivier,  Moulia Bruno, 2014. « Percevoir et bouger : les plantes aussi ! » Pour la science, 438, pp.40 – 47 Paris, E. Belin.
 
[18] « Trois idées nouvelles au sujet des arbres », in Qentin Hernieaux et Benoît Timmermans, Philosophie du végétal, Vrin 2018
 

Dimanche 21 Juin 2020 Commentaires (1)
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