Cet écrit « Qu’est-ce qu’une plante ? » n’est pas une simple mise au point sur et une élucidation philosophique de « l’essence du végétal », c’est un texte militant qui veut à toute force conserver une représentation traditionnelle des plantes qui remonte à Aristote et qui concorde avec celle qu’en ont les végans parce qu’elle justifie leur « zoocentrisme ». « Ce qu’une végane ne veut pas que soit une plante » eût été un titre plus à même de refléter le contenu de cet ouvrage car au terme de la lecture de l’ouvrage, c’est bien la seule chose que l’on aura apprise.


Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Partie 1)
Florence Burgat Qu’est-ce qu’une plante ? Essai sur la vie végétale, Seuil 2020, 204 pages, 20€. Bibliographie récapitulative des ouvrages cités. Pas d’index. Pas de date de publication des ouvrages originaux, ni des premières éditions.

Cette longue analyse critique a été divisée en trois articles :
 
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat Partie 1
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Suite)
Un livre bien mal titré "Qu'est-ce qu'une plante? " de Florence Burgat (Fin)

Avertissons les lecteurs d’emblée : ceux qui ne sont pas accoutumés à une certaine forme d’écriture philosophique trouveront bien des développements de cet ouvrage quelque peu amphigouriques, en tout cas d’un abord difficile.
 
Remarquons ensuite une absence. Aujourd’hui on demande à juste titre à l’auteur d’un ouvrage ou d’un article publié dans une revue scientifique  «une déclaration d’intérêt », les intérêts en question n’étant pas seulement financiers mais pouvant être aussi des intérêts de groupes, comme ceux d’une école de pensée, qui pourraient faire douter de son impartialité ou de son objectivité. Dans le cas de cet ouvrage, la présentation de l’auteure, en quatrième de couverture mentionne seulement qu’elle travaille sur la condition animale et non qu’elle défend la cause animale et qu’elle est végane. Concernant le sujet traité et la façon dont il l’est, le préciser aurait permis d’éclairer le lecteur sur le propos de l’auteure. Tous ceux qui seront intéressés par la question titre ne savent pas forcement qui est Florence Burgat (1)
 
Les récents progrès effectués dans la connaissance des plantes au cours de ces trente dernières années conduisent à un changement radical dans la représentation de ce l’on appelait le règne végétal. Les plantes ne peuvent plus être pensées comme des êtres passifs, immobiles, insensibles à leur environnement et inconscients d’eux-mêmes. Elles communiquent, se défendent, se meuvent. Conscientes de leur propre corps et de sa situation dans l’espace, les plantes ont aussi une mémoire. Leurs comportements sophistiqués impliquent qu’elles possèdent une intelligence comprise comme capacité de résoudre des problèmes. Cette sorte de réhabilitation des végétaux terrestres dans l’ordre du vivant ne fait pas du tout l’affaire des végans et de ceux qui se disent « antispécistes » mais qui sont en fait « zoospécistes ».
 
Florence Burgat est persuadée qu’il  rend plus difficile d’évoquer la souffrance animale et de prôner au nom de la morale un régime végétalien et un mode de vie excluant tout recours à des produits animaux ou utilisant leur force. Si cette réhabilitation est si populaire, ce serait parce que, selon les végans – et leurs idéologues dont l’auteure de cet ouvrage – elle  donne bonne conscience aux gens. Elle leur permettrait de ne pas culpabiliser en ne changeant rien à leurs habitudes alimentaires, vestimentaires, leur mode de vie. Ils pourraient continuer d’utiliser des animaux de rente et notamment de les tuer pour les manger sans problèmes, ni remords. Comme l’écrit l’auteure de cet ouvrage(2): « Cette curieuse générosité épistémologique banalise en tout cas l’idée que puisque tout souffre, dont ces grandes oubliées que sont les plantes, alors tout est permis » (p.13) notamment et surtout d’être « carniste »(3). Le dernier chapitre au titre explicite – « la souffrance des plantes, nouveau contrefeu à la cause des animaux » développe ce point avec véhémence. Disqualifier la possibilité même que les plantes puissent souffrir afin d’éteindre ce « contrefeu », tel est l’objectif de cet ouvrage, sa raison d’être. Pour cela il faut rejeter tout ce qui pourrait conduire à mettre la plante sur un pied d’égalité avec l’animal.

Pour l’A. cette réhabilitation des plantes n’est qu’un anthropomorphisme et un zoocentrisme conduisant à une indistinction et confusion des règnes. Dès les premières pages de l’ouvrage, elle nous donne la réponse à la question qui sert de titre à son livre : « Qu’est-ce qu’une plante ? ». C’est « une vie fixée » et « la vie fixée » est celle qui « ne fait qu’un avec son mode d’être », en des termes plus prosaïques, une plante est un être sans conscience, ni sensibilité qui ne fait que végéter, pousser. Cette vie serait « immobile », « indifférente », sans sensation et donc sans douleur (p.81), une sorte de coma(4) où seules les fonctions vitales seraient assurées(5). « C’est à cette vérité phénoménologique que nous voulons donner la parole pour tenter de caractériser la vie végétale. Une parole qui vient à point nommé puisque certains livres ont instillé dans l’opinion la croyance selon laquelle les plantes vivent, souffrent et meurent comme les humains ou les animaux » (p.12). Traduisons en langage ordinaire : l’A. veut restituer à la plante son statut de légume au sens figuré comme au sens propre pour celles qui sont comestibles. Un statut plus conforme à l’idéologie végane.
 
Son argumentation se fonde sur ce qu’elle considère être deux caractéristiques essentielles des plantes ; c’est-à-dire des caractéristiques qui ne seraient pas de simples propriétés parmi d’autres mais qui exprimeraient ce que sont les plantes, deux caractéristiques constitutives de l’essence de la « végétalité » en quelque sorte. Elles seraient, selon l’A., les suivantes : « elles ne se meuvent pas » (p.12) par opposition aux animaux et elles ne meurent pas comme meurent les animaux, elles ne meurent pas vraiment. L’ennui, c’est que ces deux assertions sont fausses. Les plantes ont des façons variées de se mouvoir, différentes selon les espèces, un mouvement qui n’est en aucun cas une simple réaction à des stimuli extérieurs, et évidement elles finissent toutes par mourir vraiment !  Comme c’est dans l’absence de ces deux propriétés que se logerait la singularité des plantes par rapport aux autres vivants que sont les animaux (humains inclus), je reviendrai plus longuement sur cette double absence par la suite.
Dans cet ouvrage la végétalité est donc définie négativement par comparaison avec les animaux et les humains : l’A. s’efforce de mettre en évidence que les plantes ne possèdent pas les propriétés propres aux humains et animaux qui en font des êtres sensibles et conscients. Comme le lecteur pourra le constater à la lecture de l’ouvrage, s’il n’est pas découragé dès les premières pages, l’A. prête beaucoup à l’animal. Elle en dépouille d’autant la plante et lui ôte ce que l’on serait en droit de lui attribuer au vu des avancées de la biologie végétale.
 
Sa stratégie principale consiste à s’appuyer de façon sélective sur l’histoire de la philosophie en invoquant quelques œuvres de philosophes du passé quand elles vont dans son sens, à savoir l’instauration d’une nette distinction entre l’animal et l’homme d’un côté entre lesquels elle ne fait pas de distinction(6) , le végétal de l’autre et surtout lorsqu’ils font du végétal un être simplement végétatif. C’est ainsi que Heidegger est l’objet d’une vive critique parce qu’il opère le clivage d’une façon qui ne lui convient pas opposant la plante et l’animal d’un côté, l’homme de l’autre (p. 87 et suivantes). La vérité phénoménologique de « la vie fixée » ainsi développée permet d’ignorer largement les découvertes de la biologie végétale de ces cinquante dernières années sans avoir besoin de le justifier.
 
Cet ouvrage ne permettra donc nullement de savoir ce qu’est une plante mais s’il a un intérêt, c’est de donner un aperçu de la vision qu’en ont eu quelques philosophes du passé et comment ceux-ci ont rivalisé d’ingéniosité pour les cantonner dans un statut passif et végétatif, tout en bas de l’échelle des vivants.
 
L’A. a voulu dénoncer ce qu’elle appelle la zoomorphisation des plantes. Mais cette zoomorphisation existe-t-elle ? La plante « zoomorphisée » n’est-elle pas tout simplement de la plante nouvelle que nous livre la biologie végétale actuelle qu’elle refuserait donc d’admettre ? Et que penser de cette « humanisation » intempestive de l’animal qu’elle voudrait faire aller de soi lorsqu’elle oppose la vie végétale et « l’existence animale OU humaine »(7) tandis qu’elle caractérise cette existence comme « individuée, psychique, libre au sein du style comportemental spécifique, inscrite dans le temps fini qu’encadrent la naissance et la mort, et donc inquiète pour elle-même » ? En somme, un bel exemple de la paille et de la poutre !
 
Il y a de plus une ambigüité regrettable : de quelle « vie animale » et de quel animal s’agit-il ? Dans les passages de l’ouvrage où l’A. oppose le règne animal au règne végétal, la « vie animale » à « la vie végétale » biologiquement comprise, l’animal qui est opposé à la plante est une catégorie incluant l’homme, le genre Homo, de façon légitime puisqu’il n’en est qu’un genre parmi d’autres. Mais mettre sur le même pied humains et animaux ne va plus de soi dans des cas où les propriétés attribuées aux derniers ne peuvent l’être que par une extension de celles qui sont propres à l’homme.  
 
Dans ces conditions on peut s’interroger : pourquoi cette extension de l’homme à  l’animal serait légitime et cette même extension de l’homme aux plantes ne le serait pas ? L’A. affirme que « les plantes ne vivent pas dans un monde des signes, c’est-à-dire un monde où circule du symbolique » mais pourquoi les animaux (-non-humains) y vivraient-ils ? Nous ne le savons pas non plus.  Si l’on applique un réductionnisme qui interdit de le conclure dans le cas des plantes, pourquoi ne pas l’appliquer dans le cas des animaux ?
 
L’A. le condamne dans le cas des animaux et refuse qu’on leur applique le canon de Morgan(8) , par contre en ce qui concerne les plantes  « la question (…) ne se pose pas en ces termes dans la mesure ou rien n’invite en réalité ni autorise en vérité à caractériser la vie végétale comme une vie consciente. Il n’y a pas de psychologie végétale, parce qu’il n’y a pas de psyché végétale » (p. 60, souligné par l’auteur). D’une part beaucoup d’expérimentations et observations invitent au contraire à caractériser la vie végétale comme une vie consciente, si l’on veut bien considérer les découvertes concernant le comportement des plantes qui montre une conscience de leur position spatiale donc d’eux-mêmes et des mouvements orientés vers un but (la plante ne fait pas que réagir !) ; d’autre part la question de la conscience et a fortiori de la subjectivité animale ne peut pas recevoir une réponse simple, univoque et non controversée. Selon «l’expertise scientifique » conduite par l’INRA « compte tenu de la quantité limitée de données disponibles et des quelques espèces animales étudiées jusqu'à présent, nous concluons que différentes manifestations de la conscience peuvent être observées chez les animaux mais qu’il faut encore affiner la caractérisation de leur niveau et de leur contenu pour chaque espèce. »(9).  On a là un exemple frappant de la différence de traitement que l’A. réserve aux connaissances sur l’animal et sur la plante.  
 
Cela dit, ce qui, en général, est principalement reproché aux chercheurs qui développent l’éthologie et la neurobiologie végétale, qui attribuent aux plantes une forme de connaissance de leur corps, sorte de  conscience de soi et d’intelligence, ce n’est pas de sombrer dans le zoomorphisme mais de succomber à la tentation de l’anthropomorphisme, non de rapprocher la plante de l’animal mais de l’homme! En fait, les attribuer aux animaux, c’est déjà de l’anthropomorphisme, de telle sorte que le zoomorphisme que l’auteur décèle dans les publications des botanistes contemporains ne serait qu’un anthropomorphisme de second degré.  
 
En termes bergsoniens on pourrait dire que ces cinquante dernières années de recherches sur le végétal l’ont fait passer de la conscience endormie et de l’insensibilité à la conscience éveillée et à la sensibilité, au grand dam des végans. Ce n’est ni faire du zoomorphisme ou de l’anthropomorphisme. Il n’y a pas que les animaux ou les hommes qui vivent, souffrent et meurent. C’est aussi le cas des plantes. Mais affirmer cela, ce n’est pas affirmer que les plantes vivent, souffrent et meurent de la même manière que les humains. C’est cette dernière affirmation qui serait de l’anthropo ou du zoomorphisme. Faute de distinguer clairement entre ces deux affirmations, F. Burgat en vient à nier des évidences. Que les plantes meurent et même qu’elles soient vivantes !
 
Dans le chapitre « l’anthropomorphisation des plantes. Regard sur un symptôme » Florence Burgat, attaque avec virulence deux ouvrages accusés d’anthropomorphiser les plantes, celui de Peter Wohllenben «La vie secrète des arbres» et celui de Stéphano Mancuso et Alessendra Viola  «L’intelligence des plantes». Cette accusation apparaitra à tout le moins comme excessive si l’on distingue bien comme nous l’avons indiqué dans le paragraphe précédent entre affirmer que « les plantes font telle chose ou telle chose, chose que font les hommes et/ou les animaux » et « les plantes le font de la même manière que les hommes et/ou les animaux ». Elle l’apparaitra d’autant plus si l’on sait reconnaître ce qui n’est qu’une façon de parler et de présenter les choses, de les mettre en scène en quelque sorte. 
 
Comme le remarque avec justesse Pierre Donadieu  à propos de l’ouvrage de Peter Wohlleben, ce livre « a surtout le mérite de faire comprendre les écosystèmes forestiers en expliquant la complexité des relations fonctionnelles entre les arbres, leurs commensaux et leurs milieux de vie. Sa verve littéraire emprunte volontiers à la métaphore en prêtant aux arbres des intentions quasi humaines. La société des arbres y acquiert ainsi une existence dont elle dispose rarement dans les publications scientifiques, une sorte de dignité qui inspire le respect comme pour les sociétés animales. » . On pourrait dire la même chose des passages sur la pollinisation dans l’ouvrage de Mancuso et Viola dénoncés par F. Burgat.
 
Aucun lecteur de bonne fois ne prendra au pied de la lettre que les organismes primitifs « ont choisi deux parcours de vie la sédentarité et le nomadisme ». Il est curieux d’ailleurs que F. Burgat critique ce passage de l’ouvrage de Mancuso et Viola alors qu’il ne fait qu’exprimer sur un mode imagé ce qu’elle-même elle exprime dans son jargon lorsqu’elle déclare en début de son ouvrage : « Les plantes ne sont pas douées du mouvement spontané et libre qui fait du lieu occupé un lieu contingent ; celui qui leur échoit est leur nécessité » 
 
Comparons ce qu’elle énonce avec ce qu’écrivent les deux auteurs qu’elle incrimine : « D’emblée les plantes se sont donc retrouvées dans l’obligation de tirer de la terre, du soleil tout ce dont elles ont besoin pour vivre » [ le lieu qui leuréchoit est leur nécessité, en jargon phénoménologique de F. Burgat] ; « de leur côté les animaux ont été contraints de se nourrir d’autres animaux ou de plantes et de développer des formes multiples de mouvement (course, vol, natation) » [« mouvement spontané et libre », « lieu occupé contingent » dans le jargon phénoménologique]. Il y a cependant une différence entre ces deux textes outre celle des styles, imagé d’un côté pour être accessible à tous, abscond de l’autre pour ceux qui ne sont pas familiers avec les tournures et le style de la philosophie dite « continentale » : le statut des plantes n’est pas décrit en terme privatif par Mancuso et Viola alors qu’il l’est par Burgat.
 
L’A. prend au pied de la lettre le passage suivant : « L’homme nourrit et soigne le chien, qui en échange, lui accorde sa protection et sa compagnie. Dans le règne végétal, plusieurs plantes ont recouru à une stratégie identique : elles subviennent aux besoins alimentaires de l’homme qui, de son côté, les protège contre les insectes, les nourrit et, surtout, les propagent jusqu’aux régions les plus reculées du globe » Outre que cette théorie n’est pas propre aux auteurs, il ne s’agit ici de rien d’autre que de décrire en terme imagé une relation mutualiste  et pas du tout d’« un étrange finalisme » !
 
Autre passage qui suscite l’ire de l’A. : « Les plantes ayant quant à elles décidé d’obtenir le meilleur résultat en demeurant immobiles, il leur a fallu chercher des solutions tout à fait originales » Il ne le devrait pas puisque d’une part il insiste sur la caractéristique selon elle essentielle, l’immobilité et que d’autre part il affirme que les plantes vont développer des solutions originales par rapport à celles des humains ou des animaux. Donc, aucun anthropomorphisme des lors que l’on distingue entre faire la même chose, faire la même chose de la même manière. Par exemple, ce n’est pas de l’anthropomorphisme de considérer que les plantes respirent. Cela le serait si l’on chercher à localiser chez elles un organe ressemblant à nos poumons.
 
Cela dit, il y a aussi des passages dans l’ouvrage de Mancuso et Violae, surtout dans l’introduction où où l’on pourrait déceler un glissement du « les plantes le font aussi » au « elles le font comme les humains » mais c’est pour les mettre en scène pour expliquer de façon vivante et accessible les stratégies de pollinisation. Cette façon de procéder est certes discutable mais du point de vue pédagogique et de vulgarisation elle a aussi ses mérites en rendant concrète ces notions de mutualisme et de parasitisme, elle parle aux lecteurs.
 
C’est ainsi que sur l’ouvrage de Peter Wholleben, les avis des botanistes et chercheurs dans le domaine du végétal ont été divers. Certains l’ont condamné, c’est le cas de Yves Brunet dans une note de Science et Pseudo science  ou Jacques Tassin dans sa contribution au débat organisé par la Société Française d’Écologie et d’Évolution, contribution  que cite l’A.  D’autres l’on encensé ! C’est le cas notamment de Francis Hallé  qui considère qu’il s’agit d’un bon livre ou d’un autre participant  à la discussion au débat organisé par la Société Française d’Écologie et d’Évolution, Jean François Ponge, directeur de recherche et professeur émérite au Muséum National d’histoire naturelle qui conclut son commentaire en ces termes : « Le livre dérange, c’est aussi son but au-delà de l’émerveillement devant « l’économie de la nature » (la définition originelle de l’écologie), mais c’est avant tout un outil pédagogique qui mériterait d’être entre les mains de tous les étudiants désireux de devenir des gestionnaires de nos forêts. ».
 
Il faut encore ajouter deux choses. Tout d’abord ces façons imagées de présenter les choses sont compensées dans les deux ouvrages en question par une bibliographie détaillée qui renvoie à d’autres ouvrages plus « techniques » et à des articles de revues scientifiques à comité de lecture. Dans celui de Mancuso et Viola c’est même à chaque chapitre qu’est associée une bibliographie commentée et pour certains articles jugés importants, il s’y ajoute une traduction dans la langue maternelle des résumés.
 
Ensuite les botanistes, les spécialistes de physiologie, de neurologie ou éthologie végétale qui écrivent ces ouvrages « grand public »  ont aussi pour but explicitement reconnu de faire changer le regard des gens sur les plantes. Et c’est en définitive ce à quoi s’oppose Florence Burgat qui souhaiterait au contraire que ce regard ne change pas et pour cela appelle à la rescousse les philosophes du passé qui, bien entendu ne pouvaient savoir aux sujet de ces êtres ce que les cinquante dernières années nous ont appris nous mettant face à « un arbre tout neuf » pour reprendre l’expression de Francis Hallé et qui vaut aussi pour beaucoup, sinon toutes les autres plantes. 
 

Notes

  [1] Voici ce qu’elle a répondu à une question de la journaliste Lorène Lavocat de Reporterre qui lui demandait comment elle en était venue à s’intéresser à la cause animale :  « Ce sont des images d’abattage que j’ai vues par hasard dans un film portant sur tout autre chose. En quelques instants, la viande a pris à mes yeux un sens totalement différent et je me suis mise à associer à cette chair inerte la réalité de son processus d’engendrement. J’ai alors pris une décision réfléchie : si je ne voulais pas participer à ce que je venais de voir, il était impératif de cesser de manger les animaux. J’ai compris que la viande n’avait aucune autonomie, qu’elle était la chair équarrie d’un animal tué — de trois millions d’animaux tués chaque jour en France, dans ses abattoirs. » https://reporterre.net/Florence-Burgat-L-institution-de-l-alimentation-carnee-reflete-un-desir-tres


 [2] Dans la suite du texte, l’expression « l’auteure de cet ouvrage » sera abrégée en « A. ».

 [3] On remarquera que cette explication de l’intérêt porté aux découvertes récentes en biologie végétale est à tout le moins peu plausible. Elle repose sur une croyance sans fondement des végans  selon laquelle les gens qui mangent de la viande, s’habillent avec des vêtements en laine ou en cuir ont mauvaise conscience ou se sentent coupables de le faire. Cela a peut-être été leur cas pour eux, et le serait sûrement s’ils en étaient réduits à transgresser les tabous qu’ils se sont créés. Mais il n’y a aucune raison de généraliser cet état d’esprit sur les autres, les « carnistes ». Aucune enquête sociologique n’a été entreprise pour mettre à l’épreuve cette hypothèse. Et ce n’est pas parce que quelques auteurs ont utilisé cette promotion de la plante dans le monde vivant pour justifier que l’on mange de la viande que cela peut être généralisé. Revenons sur terre, les gens n’ont pas besoin d’être déculpabilisés parce qu’ils sont omnivores pour la bonne raison qu’ils ne se sentent pas coupables de le faire et que même s’ils l’étaient, ce n’est pas le fait que les plantes puissent aussi souffrir qui les déculpabiliseraient. Ils veulent que les animaux de rente soit bien traités pendant leur vie et tués sans souffrances inutiles, ce qui est très différent et n’a rien à voir avec une éventuelle sensibilité des plantes.
 
[4] C’est bien ainsi que l’A. considère la vie végétale comme le montre la référence à un des papes de l’antispécisme « Yves Bonnardel attire l’attention sur ce point [tout mouvement n’est pas un mouvement volontaire] et fait remarquer qu’un électroencéphalogramme plat n’est pas incompatible avec la poursuite d’une vie. (…) Ainsi, s’il y a bien « transmission d’informations » qui créent des « effets de chaîne » chez les plantes « cela n’autorise nullement à imaginer qu’une conscience les recueille, et décide d’une réaction à avoir. Encore moins qu’elle les ressent » » (p. 91).
 
[5] Cf. la définition de Bergson opposant l’animal au végétal dans  L’évolution créatrice : « Nous définirions l’animal par la sensibilité et la conscience éveillée, le végétal par la conscience endormie et l’insensibilité ».
[6] Les animaux sont souvent désignés par les végans et les antispécistes sous le vocable  « animaux non humains », expression forgée pour refléter dans le langage le rejet de l’opposition homme /animal.
 
[7] C’est moi qui souligne. De même j’ai mis des majuscules au ‘ou’ du texte pour mettre en évidence ce que l’A. veut faire passer comme allant de soi et qui ne va pas de soi!
 
[8]  Comme l’explique l’article de Wikipédia, le canon de Morgan est un principe de rigueur scientifique énoncé par Lloyd Morgan en 1894 : « Nous ne devons en aucun cas interpréter une action animale comme relevant de l'exercice de facultés de haut niveau, si celle-ci peut être interprétée comme relevant de l'exercice de facultés de niveau inférieur» (C. L. Morgan, An Introduction to Comparative Psychology, Londres, W. Scott, 1903, 2e éd., p. 59.
 
[9] Animal  consciousness,  Le Neindre P, Bernard E, Boissy A, Boivin X, Calandreau L, Delon N, Deputte B, Desmoulin-Canselier S, Dunier M, Faivre N, Giurfa M, Guichet J-L, Lansade L, Larrère R, Mormède P, Prunet P, Schaal B, Servière J, Terlouw C, 2017. EFSA supporting publication 2017:EN-1196. 165 pp. doi:10.2903/sp.efsa.2017.EN-1196
 

Dimanche 21 Juin 2020 Commentaires (0)
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