Surtout si vous êtes écolo. Si après avoir lu cet ouvrage vous estimez encore que l’éolien industriel a, en France, un intérêt quelconque d’un point de vue écologique, de deux choses l’une ou vous n’avez pas compris (relisez attentivement l’ouvrage, il n’est pas très long !), ou vous êtes de mauvaise foi (vous avez des intérêts financiers ou autres dans cette industrie ou vous ne voulez pas savoir pour ne pas changer votre programme).


« Le scandale éolien » d’Antoine Waechter : un livre à lire absolument !
On peut discuter des choix de stratégie ou de tactique politique d’Antoine Waechter. Il ne viendrait pourtant à l’idée de personne de contester sa profonde sensibilité écologique et son engagement écologiste. Son livre est un réquisitoire sans concession contre le déploiement de l’éolien industriel en France métropolitaine et une critique radicale des mythes qui l’accompagnent. Non seulement aujourd’hui, en France métropolitaine, il ne sert à rien et notamment pas à limiter les émissions de GES mais de plus son déploiement inconsidéré et incontrôlé est une catastrophe écologique, environnementale, sociétale, sanitaire. Alors que « la multiplication des aérogénérateurs représente la plus vaste opération de démolition du paysage français » non seulement l’Etat ne fait rien mais « il protège les spéculateurs du vent contre les citoyens qu’il est censé protéger » tel est le scandale de l’éolien que cet ouvrage dénonce. Par la suite, j’omettrai l’adjectif « métropolitaine » pour faire court et utiliserai ‘France’ pour une abréviation de ‘France métropolitaine’.
Avec cet ouvrage allant à contre-courant de l’écologiquement-politiquement correct, Antoine Waechter assume d’être traité d’être pro-nucléaire comme il a assumé naguère d’être accusé par les pro-nucléaire d’être un partisan d’un retour à la bougie.
A cela il rétorque que « dans leur démarche, les militants pro-nucléaires et les militants pro-éoliens adhèrent à la même croyance qu’il existe une échappatoire technologique à la finitude du monde » (p. 20). J’aimerai souligner ce passage de l’ouvrage car il témoigne bien du point de vue écologiste adopté dans l’ouvrage. Pour Antoine Waechter, il s’agit de rejeter cette croyance qui conduit à s’en remettre à des « outils monstrueux  que la dimension et le centralisme placent hors du champ de la démocratie citoyenne ». Il a mille fois raison. S’en remettre à de tels outils non « conviviaux» au sens d’Illich est antinomique avec l’écologisme. Mais sa position est qu’en ce qui concerne le nucléaire, nous sommes condamnés, au moins à moyen terme à vivre avec.

Il prend acte de l’incapacité des énergies intermittentes et notamment de l’éolien industriel, les machines actuelles fussent-elles démesurées, à remplacer le nucléaire pour produire de l’électricité en France. L’éolien et le solaire ne pourront pas remplacer le nucléaire, aujourd’hui comme à moyen, voire à long terme à cause de cette intermittence, de la faible intensité énergétique qui oblige à mobiliser de grandes surfaces, de l’impossibilité de piloter la production, de l’impossibilité de la stocker sans pertes excessives.

Il rappelle  l’échec des anti-nucléaires à contrer le programme électronucléaire du gouvernement français à son début dans les années 1970 – 80  et constate l’incapacité actuelle des écologistes partisans de l’éolien industriel d’avoir un discours de vérité sur la nécessaire réduction drastique de nos consommations énergétiques. C’est à cause de cette incapacité même et faute de prendre le risque politique d’un tel discours, que les Verts sont devenus des propagandistes de l’éolien. « Au point de promouvoir la croissance verte, décalcomanie du modèle économique qui nous conduit à l’impasse » (p. 19).

En dehors des difficultés techniques insurmontables qu’il y aurait pour remplacer le nucléaire par l’éolien industriel et le solaire, il y a une autre difficulté à ce remplacement. Cette difficulté est politique : « les rapports de force sont, en France, nettement en faveur de l’atome, résultat des visions convergentes des militaires (la bombe) et des technostructures industrielles » (p. 23). Et cela n’est, pour Waechter, pas prêt de changer : « Les verts ont arraché au candidat Hollande la fermeture de la centrale de Fessenheim (deux réacteurs)… en contrepartie de la mise en service de l’EPR de Flamanville » (P.23)

Mais la sortie du nucléaire n’est pas pour demain : « Qui peut croire que les pouvoirs publics soient prêts à sortir, même progressivement, du nucléaire alors qu’ils investissent plus de 10 milliards d’euros dans un EPR dont la durée de vie est de 60 ans ? » (p. 25)

J’insiste sur ce point car il est très important pour comprendre  la position d’Antoine Waechter, le nucléaire sera, que nous le voulions ou non un composant majeur du mix énergétique français. Il reste pour Waechter un outil « monstrueux que la dimension et le centralisme placent hors du champ de la démocratie citoyenne » (p. 20). Mais il faudra faire avec.

Dans ce contexte, développer d’autres outils tout aussi monstrueux,  les éoliennes industrielles est un non-sens d’un point de vue écologique. L’éolien industriel ne se substituera pas au nucléaire, il sera un complément dans la volonté de produire et de consommer toujours plus d’énergie.

C’est, dénonce Waechter, une escroquerie intellectuelle de « laisser croire que les énergies renouvelables permettent de se dégager à la fois du nucléaire et des énergies fossiles » (p. 26). Pour sortir du nucléaire, il n’y a qu’un moyen : recourir aux énergies fossiles. C’est ce qu’a fait l’Allemagne. Pour Waechter, c’est l’exemple à ne pas suivre : recourir aux éoliennes industrielles, la biomasse et le charbon pour sortir du nucléaire, c’est le faire « au détriment de la lutte contre la dérive du climat, de l’affectation prioritaire des terres agricoles à la production alimentaire et de la protection des paysages » (p. 28).

Donc, en résumé le nucléaire, c’est charybde, en sortir à la manière allemande, c’est scylla et aujourd’hui comme dans un avenir prévisible, il n’y a pas d’autres moyens d’en sortir. En d’autres termes, mieux vaut le nucléaire sans éolien (ou avec très peu selon des conditions très strictes d’implantation) qu’une sortie du nucléaire avec éolien et en recourant au charbon. Pourquoi ? Parce que « le climat est la principale menace » (p. 82) indépendamment des ravages environnementaux des mines de lignites et des pollutions qui résultent  de sa combustion. La production d’électricité par des centrales au charbon est fortement émettrice de CO2 et l’éolien ne peut même pas servir à limiter ces émissions de GES à cause de son intermittence. On comprend pourquoi Waechter a tenu au début de son ouvrage à distinguer « écologiste » et « anti-nucléaire », l’anti-nucléaire étant celui pour qui le refus de l’atome est un principe fondamental, pour Waechter un dogme.  
 
Les écologistes seraient selon Waechter confrontés à un « dilemme tragique : devoir choisir entre le danger de l’atome et la dérive du climat. » Il choisit le danger de l’atome, alors que d’autres ont choisi de « reculer sur le front du climat ». Il y a bien une échappatoire à ce dilemme, c’est « une diminution drastique de la consommation d’énergie » (p. 26). Pas la recherche d’une énergie de substitution. Waechter nous rappelle une notion fondamentale pour les écologistes et bien oubliée par certains, celle de « seuil » : la meilleure énergie est celle qui n’est pas consommée et cela pas seulement parce que cette non consommation se traduit par une économie nette mais parce que, comme le souligne Waechter, au-delà d’un certain SEUIL, « elles (les sortes d’énergie) deviennent toutes pénalisantes pour la nature et le milieu de vie des hommes. Une exploitation excessive de  bois tue la forêt. Une forte consommation d’énergie fossile altère le climat. Le nucléaire est une menace. L’hydraulique rompt la continuité des cours d’eau et en artificialise le fonctionnement. L’éolien industriel abîme les paysages et ajoute une cause de mortalité pour les oiseaux et les chauves-souris… » (p. 79). 

En ce qui concerne la croyance en la substitution de l’éolien au nucléaire ou au fossiles : « l’erreur réside moins dans la possibilité théorique d’une substitution intégrale du renouvelable aux énergies à forte densité que dans l’absence d’une condition fondamentale : il n’y a pas d’échappatoire aux limites sans décroissance significative de la consommation d’énergie » (p. 26). « La réduction de la consommation d’électricité est le seul moyen d’échapper au dilemme du choix entre le nucléaire et le climat » (p.81). C’est donc, vers cette décroissance qu’il faut tendre selon Waechter. Le développement de la voiture électrique est de ce point de vue une solution « idiote ». Une transition écologique véritable, c’est de faire émerger « un mode de vie à basse consommation énergétique » (p. 85). Celle-ci ne peut être que progressive et en attendant, il faut vivre avec le nucléaire.
 
Dans le chapitre « Quelle alternative ? » l’A. rappelle que l’objectif d’une transition énergétique « raisonnable » serait de « réduire notre impact » et il donne quelques pistes. Là encore il met en avant une évidence ignorée de la plupart des « faiseurs d’opinions » et des Verts (EELV) ou sur laquelle ils jettent un voile pudique lorsqu’ils en sont conscients. La croissance démographique de la population, y compris française, est l’un des principaux facteurs qui réduit à néant tous nos efforts de réduction, l’autre étant le « consumérisme énergétivore ». Personne ne remet en cause ni l’un, ni l’autre : « C’est le malheur de tous les plans climat-énergie que les collectivités sont invitées à élaborer : les efforts de créativité pour économiser l’énergie aboutissent à des gains dérisoires du fait de cette double croissance » (p. 81).

Dans ce chapitre Waechter s’inscrit en faux contre le tout électrique (voiture, chauffage, climatisation) au regard duquel il met en avant des alternatives permettant de réduire cette consommation électrique et donc de fermer des réacteurs devenus inutiles. Limiter le risque nucléaire sans « nuire » au climat.

J’espère avoir mis en évidence que la position qu’il développe et notamment sa dénonciation de l’éolien s’effectue sur des bases écologistes, que ceux qui se disent écologistes et partisans de l’éolien ignorent ou ont oubliées, en tout cas négligent.

Waechter n’est pas devenu pro-nucléaire pour autant. Il ne s’agit pas de multiplier les centrales nucléaires pour produire toujours autant sinon plus d’énergie tout en augmentant pas les émissions de GES, il s’agit au contraire d’en réduire progressivement  le nombre  pour arriver asymptotiquement à s’en dispenser en faisant « émerger un mode de vie à basse consommation énergétique ».
 
*****
 
Après avoir montré ce qu’a d’original la position de A. Waechter par rapport à la fois aux inconditionnels de l’éolien que l’on trouve à EELV  et aux nucléocrates, je vais reprendre le détail de quelques chapitres du livre.
 
Les développements  concernant la critique technique et économique de l’éolien, bien qu’assez brefs  sont d’utiles synthèses. Un chapitre est consacré aux nuisances subies par les riverains proches ou plus éloignés mais aussi à leur déni et au refus d’en tenir compte tant des pouvoirs publiques que des développeurs de cette technologie. Il débute par une défense des opposants aux projets d’implantation qui ne sont ni des Nimby bornés, ni majoritairement des pro-nucléaires comme le déclarent les « idéologues du vent, dont une partie des Verts ». Je ne résiste pas au plaisir de citer ce passage qui correspond à ce que non seulement je pense mais aussi que je ressens comme un scandale et une sorte de trahison : « Ces derniers [les Verts inconditionnels du vent] adoptent , en effet, la même attitude vis-à-vis des opposants que celle qu’ils dénonçaient de la part des nucléocrates. Et, ironie de l’Histoire, les voilà devenus les meilleurs soutiens du capitalise international qui s’investit dans la spéculation du vent » (p. 42).
 
Il n’y a pas que les Verts qui se renient sur ce sujet. Les grandes associations France Nature Environnement et LPO ont une position pour le moins ambigüe et leur silence étonne. C’est ce que souligne l’auteur à juste titre au début de son chapitre sur « le mépris de la Nature » où il montre en détail les dégâts qu’occasionne à la naturalité et à la biodiversité le développement de l’éolien industriel. Si pour FNE, c’est, selon Waechter, pour ne pas déparer du « politiquement correct », le cas de la LPO est plus trouble ; la filière éolienne étant l’un de ses clients, ses salariés contribuant aux études d’impact et effectuant des suivis après l’installation des machines. Pour ceux qui ignoreraient encore les dégâts causés par les éoliennes, la lecture de ce chapitre clair précis, concis sera éclairante.  Pour ceux qui sont portés à croire les propos rassurants des promoteurs éoliens, cette lecture sera salutaire, du moins s’ils sont de bonne foi.
 
Le chapitre qui suit est consacré à la destruction des paysages. C’est le plus original de ce réquisitoire contre les éoliennes industrielles. Il faut le lire. Aucun résumé ne peut rendre justice de la profondeur et de la subtilité des arguments sur ce qu’est un paysage, le beau, comment les éoliennes les enlaidissent et les détruisent et pourquoi cette destruction n’est en rien une conséquence anecdotique du déploiement d’une filière par ailleurs inutile.
 
« Pour construire un édicule de 25 m2 d’emprise au sol, haut de 3mètresn il faut un permis de construire signé par le maire, est c’est heureux. Aucun permis de construire spécifique n’est exigé pour planter un mât de 200 mètres de haut dans un socle de béton de 1500 à 2000 mètres cubes » (p.69). Dans ce chapitre (p. 69 et sq.) Waechter analyse par le menu tout ce qui est fait au niveau législatif ou réglementaire pour permettre aux « spéculateurs du vent » d’implanter leurs machines où ils veulent et pour réduire les possibilités des gens de se défendre devant les tribunaux. Les gens concernés ne sont pas consultés ou mal ; les études d’impact sont inconsistantes et réalisées par des bureaux d’études liés aux promoteurs … C’est là le cœur du scandale selon Waechter : « L’état défend les spéculateurs du vent contre les citoyens qu’il est censé protéger  et s’évertue, décret après décret, à neutraliser les résistances populaires jusqu’à affaiblir l’état de droit » (p. 72).
 
Après une ultime dénonciation de l’éolien industriel avec une argumentation implacable comme appartenant à « l’ancien monde des autoroutes, des lignes à grande vitesse, des gros équipements, des barrages qui noient les hameaux, des Center Parcs, des centrales nucléaires …. Imposés aux habitants », l’ouvrage se termine par quelques brèves réponses à des idées reçues sur la filière éolienne industrielle.
 
Je le répète : écologistes, lisez ce livre écrit par un écologiste. Pour ceux qui n’avaient qu’une vague idée des nuisances de l’éolien industriel et n’y croyait pas vraiment, car la dénonciation venait de nucléocrates ou de défenseurs du productivisme, la prise de conscience sera peut-être difficile et douloureuse mais salutaire. Pour ceux qui étaient dans les luttes contre ces outils monstrueux, il constitue une aide pour le débat.
 
Néanmoins, le scandale de l’éolien doit-il conduire à minimiser celui du nucléaire ? Bien que Waechter se borne à critiquer l’éolien industriel et rejeter une sortie du nucléaire du type allemand qui entraînerait une augmentation des émissions de GES, il se positionne nettement pour une décroissance  progressive de la filière nucléaire en réduisant les besoins en électricité. Pour lui « réduire la transition écologique à sa seule dimension énergétique est un contre-sens » Il est contre l’organisation de la croissance de la consommation d’électricité qui serait « un retour aux orientations politiques des années 1960, lorsque le gouvernement Messmer mettait en place le programme électronucléaire français. » Il ajoute « Imaginer, dans ce but, une électrification de la mobilité individuelle relève du grand guignol. » Il montre qu’il n’est pas possible de se passer totalement d’énergies carbonées d’ici 2050. Le croire est dangereux car cette croyance entrainera de très graves impacts environnementaux.
 
*****
 
J’en viens maintenant aux réserves que m’inspire cet ouvrage.  
 
1°) La situation qui est décrite dans cet ouvrage vaut essentiellement pour la France métropolitaine dont on sait que la nucléarisation de sa production électrique fait d’elle une exception. Dans certains cas, les ENR peuvent avoir un rôle à jouer comme par exemple dans le cas des ZNI (zones non interconnectées)  comme des îles ou des villages sans infrastructures d’acheminement du courant. Dans ce cas, le solaire ou l’éolien avec batteries et groupes électrogènes en secours peut être une solution. Mais ce sera pour des usages où l’électricité a un rôle irremplaçable comme éclairer, faire fonctionner les téléphones cellulaires et les ordinateurs et non pour se chauffer ou pour recharger les batteries pour les moteurs des véhicules électriques. C’est d’ailleurs à ces usages que l’électricité devrait être réservée comme cela ressort d’ailleurs de la critique que fait Waechter d’une transition « énergétique » qui viserait au « tout électrique » : électrification des déplacements motorisés, électrification du chauffage notamment qu’il rejette.
 
On peut aussi estimer que dans  le cas de vents réguliers et constants comme les alizés, le recours à l’éolien peut se justifier à condition que les installations se fassent dans des zones où ne passent pas d’oiseaux migrateurs, que le sol sous-marin s’y prête sans perturbations majeures et qu’elles soient assez éloignées des côtes et des zones de pêche.
 
2°) La force du dilemme que formule Waechter (nucléaire ou dérive climatique) ne peut valoir que pour la France ou pour des pays pour lesquels l’électricité nucléaire a une place très importante dans le mix énergétique. Mais cette force diminue en proportion de l’importance du nucléaire dans le mix électrique d’un pays. On ne peut recommander de construire des centrales nucléaires pour remplacer d’autre modes de production d’électricité actuellement en fonction. Plus le nombre de centrales augmente et plus le danger du nucléaire augmente.
 
D’ailleurs Waechter ne propose pas de construire des centrales mais de moins consommer d’électricité en France pour pouvoir fermer des centrales nucléaires françaises : il rejette l’électrification des déplacements individuels et condamne le chauffage électrique.
 
Donc, il faut le dire nettement : de façon générale, à l’échelle mondiale, le nucléaire ne peut pas être une solution, le risque et trop grand, la technologie trop complexe  et/ou les investissements trop lourds pour beaucoup de pays, le risque de prolifération de l’arme nucléaire trop important.
 
3°) De plus, le dilemme (devoir choisir entre le danger du nucléaire et la dérive du climat) en est-il bien un ? Il est certain que les centrales nucléaires un fois en activité avec des barres de combustible nucléaire installées ne dégagent pas de CO2. Mais si l’on prend en compte le cycle de vie, les choses sont moins claires et le nucléaire moins vertueux. Elles sont moins claires car les estimations varient fortement d’une étude à l’autre, d’un pays à l’autre, selon l’origine et la qualité du combustible nucléaire, l’évaluation de l’aval de la production (traitement, stockage des déchets, démantèlement  des installations, …). La fourchette de résultats est très large : entre 1,4 et 288 grammes de CO2/kWh. Cela peut paraître étrange mais en ce qui concerne les émissions de GES dans le cadre d’une ACV, on ne sait pas très bien ce qu’il en est du nucléaire. 66 gr serait une moyenne mais elle est sans doute sous-évaluée. Les gisements d’uranium seront de plus en plus rares et de plus en plus difficiles à exploiter, ce qui conduit Benjamin Sovacool l’un des rares auteurs à avoir produit une synthèse sur les recherches concernant le cycle de vie du nucléaire à estimer « qu’à l’avenir l’empreinte carbone de l’énergie nucléaire augmentera à cause du minerai d’uranium, de la vétusté des centrales (…) et des besoins en énergie pour la gestion et le stockage des déchets » (1).
 
Il faut aussi prendre en compte lorsque l’on calcule les émissions de CO2 selon une analyse en ACV   qu’aujourd’hui les gisements se trouvent à l’étranger, ceux exploités par Orano (ex-Areva)  sont au Canada, au Niger, au Gabon, en RDC et au Kazakhstan(*). Quand Orano ouvre dans ce dernier des mines en rasant des forêts, les émissions de carbone sur l’ensemble du cycle de vie me semblent encore sous-estimées.
 
En général, les gisements se trouvent dans des zones désertiques ou forestières, souvent sans infrastructures adéquates qu’il faut construire : pistes d’atterrissage, routes, etc. qui ne sont pas pris en compte. N’y figurent pas non plus celles des expéditions militaires pour « sécuriser » en territoire africain par exemple, les approvisionnements des centrales nucléaires françaises à l’électricité si merveilleusement décarbonée.  On peut estimer qu’un système de cogénération Chaleur/électricité au gaz ne sera pas plus émetteur qu’une centrale nucléaire si on prend en compte, comme on le devrait, le cycle de vie. En tout cas, il y a là des recherches à faire pour tenter d’y voir plus clair et que bien entendu, on ne fait pas.
 
Et même si le nucléaire restait le moins émetteur, il n’y a pas que les GES et le réchauffement climatique à prendre en compte. Il y a les sites pollués, l’eau radioactive, les terres des habitants riverains dévastées. Parce qu’il faut beaucoup de roches et que les procédés d’extraction de l’uranium de ces roches est très polluant, les mines sont des atteintes graves à l’environnement, au moins aussi polluant que l’extraction des terres rares nécessaires à une transition énergétique fondées sur le « tout électrique ». Ni les Inuits, ni les Touaregs, ni les Kazakhs n’ont à faire les frais d’une transition énergétique à la française !

Le nucléaire induit des ravages écologiques dans d’autres pays plus graves que ne le fait le développement inconsidéré de l’éolien industriel dans le nôtre.
 
Certes d’un pur point de vue technique, le nucléaire peut sans doute être un candidat au moins aussi valable que les ENR ou plus précisément aussi peu valable pour réduire les émissions de GES, il n’en reste pas moins que pour des raisons écologiques, sociétales et sociales, il doit être rejeté.  
 
Un écologiste ne peut accepter les éoliennes industrielles sauf cas bien particuliers mais il ne peut accepter non plus un développement du nucléaire, ni laisser croire que son développement ou son maintien serait une solution satisfaisante pour réduire les émissions de GES.
 
__________
 
(*) Au Kazakhstan, premier producteur mondial d’uranium, Orano (ex-Areva) va raser une forêt protégée pour exploiter un gisement. La dérogation de l’entreprise française a été obtenue lors de la visite de Bruno Le Maire fin juillet dans ce pays d’Asie centrale devenu stratégique pour l’industrie nucléaire française.
 
***
 
Antoine Waechter, Le scandale éolien Broché 21 x 0,6 x 14,7 cm, 98 pages, Editions Baudelaire 2019, Lyon ISBN-13 : 979-1020325297, prix : 11€
 


Jeudi 19 Décembre 2019 Commentaires (0)
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