Aujourd’hui, la question de la limitation de la population humaine est taboue, y compris pour beaucoup d’organisations, partis ou associations écologistes. Parmi les militants, Il y a des exceptions, Yves Cochet par exemple, mais leurs prises de position, même si elles donnent lieu à un article ou un livre, restent individuelles. Sans doute à cause de leurs convictions religieuses, certains « décroissants » veulent voir décroître bien des choses, mais pas la population humaine et l’on trouve des « décroissants » mêlant leurs voix aux lanceurs d’anathèmes contre les dénatalistes et les néomalthusiens, les accusant de toutes les tares morales et politiques, d’égoïsme, de mépris des hommes, d’antihumanisme pouvant aller jusqu’au fascisme, à une nouvelle forme de ce dernier : «l’écofascisme». Les mesures propres à stopper l’expansion de la population humaine à défaut de l’inverser sont aujourd’hui absentes de tous les scénarios que concoctent les experts ès écologie, ès énergies renouvelables ou bien encore ès développement durable. Pourtant si la décroissance de la population humaine ne peut à elle seule résoudre les crises écologiques actuelles, elle est en quelque sorte un prérequis, une condition nécessaire, mais bien sûr non suffisante, de la réussite de toute transition écologique.


Pas de transition écologique sans transition démographique !
À la naissance de l’écologie politique en France : le dénatalisme de René Dumont et du mouvement écologiste lors de la campagne présidentielle de 1974.

Tous ces écologistes sont bien loin des positions sur la démographie défendues par ceux qu’ils reconnaissent néanmoins être des fondateurs de la pensée écologiste et notamment de l’écologie politique en France. Il est loin le temps où René Dumont, lors des élections présidentielles de 1974 dénonçait « la surpopulation et les problèmes démographiques ». En 1974, René Dumont et la quasi-totalité du mouvement écologiste français estimaient qu’il y avait « déjà trop d’hommes » alors que « nourrir plus d’hommes implique la destruction du milieu naturel ». Pour Dumont et le mouvement écologiste qui soutenait sa candidature, le problème était aussi urgent en France qu’en Afrique ou au Bengladesh parce que « chaque français consomme 50 à 200 fois plus qu’un habitant du Tiers monde » et « que notre nourriture et nos ressources viennent du pillage du Tiers monde » (1) . Au niveau local, « il n’y a pas de défense possible des sites et des «espaces verts» dans un pays surpeuplé », tandis qu’au niveau planétaire la surpopulation, « c’est la FIN du monde, ou la FAIM du monde ou d’autres mesures » (2) . Face au Grand Jury RTL, à une époque où des natalistes comme Michel Debré voulaient une « France de 100 millions de Français », Dumont insiste : c’est dans les pays riches qu’il faut d’abord arrêter la croissance démographique « même s’ils sont dépeuplés, parce que c’est dans les pays riches que le pillage du Tiers Monde, par le gaspillage de matières sous-payées, aboutit aux plus grandes destructions de richesses ».

Pour les fondateurs ou les précurseurs de l’écologie politique, la croissance exponentielle de la population humaine est un danger pour la survie de l’humanité même. Même s’il était outrancier avec des scénarios pas très bien fondés, La bombe P de Paul R. Ehrlich et Anne H. Ehrlich paru en 1968 est sans aucun doute une des origines de cette sensibilisation au problème démographique des écologistes des années 70. C’est d’ailleurs en 1970 que s’est constitué le groupe «Survivre et vivre» qui affirmait dans son premier bulletin que l’humanité ne pourra pas survivre « si elle n’arrive à contrôler sa population ». Juguler l’expansion démographique humaine était ressentie unanimement comme d’autant plus urgente que cette démographie possède « une grande inertie : elle répond lentement aux stimuli »(3) .Aussi lors de sa campagne, René Dumont n’hésite pas à proposer des mesures drastiques : le contrôle des naissances avec le droit inconditionnel des femmes à l’avortement, l’égalité homme/femme « leur permettant de n’être plus cantonnées dans leur rôle de mère », la suppression des allocations familiales et du quotient familial comme de tout encouragement à la natalité « mais seulement après que l’éventail des revenus soit resserré (il prévoyait un ensemble de mesures à cet effet), l’accès à la contraception soit général (ce qui n’était pas le cas à l’époque), la population prévenue »(4) .

Cette prise de position dénataliste est dictée d’abord par la nécessité de survie de l’espèce humaine même. Une expansion démographique continue, c’est la famine assurée, le chaos avec comme issue possible, la fin même de l’humanité. Une telle thèse peut paraître inutilement catastrophique et pour le moins douteuse alors que régulièrement, il y a des crises de surproduction agricole en France avec effondrement des cours et destruction de récoltes devant les préfectures par des agriculteurs en colère. Ces crises de surproduction surviennent aujourd’hui, à une époque où le pétrole est encore abondant. Mais demain ?
Il faut rappeler « la force du lien population-ressources : manger, c'est absorber de l'énergie exogène, et l'effectif humain qui, rappelons-le, a été multiplié par 7 en deux siècles, comme l'usage des énergies fossiles, ne pourra pas rester stable quand ses ressources énergétiques seront divisées par 7! » (5). Dans un avenir pas très lointain, même si l’extraction des « gaz de schiste » et de «pétrole non-conventionnel» retarde l’échéance, le pétrole deviendra rare et l’agriculture mécanisée d’aujourd’hui ne pourra plus fonctionner. « Même avec une empreinte carbone réduite à celle de Cro-Magnon, les besoins alimentaires vitaux par humain ne décroîtront pas. Or aujourd'hui ils pourraient probablement être satisfaits (je parle en ordre de grandeur) si les repus du Nord mangeaient moins de viande pour libérer les surfaces productives capables de nourrir les affamés du Sud. Demain, la conjonction de l'effondrement agricole post-pétrolier (qui est inéluctable) et d'une augmentation de 50% de notre nombre (qui n'est pas inéluctable) provoquerait des famines planétaires susceptibles de causer (directement ou par violence induite) des morts par milliards. »(6).
Donc, oui, l’expansion démographique jointe à la raréfaction des ressources, à l’épuisement des sols, combinée à la raréfaction des énergies fossiles et notamment du pétrole peut entraîner la fin de l’espèce humaine. Il n’y aura jamais 9 milliards d’hommes sur Terre.
Dans son Antimanuel d’écologie Yves Cochet déclare : « J'écris une dernière phrase d'une main tremblante : le déclin démographique proche sera catastrophique au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Dire que la population du monde va perdre 3 milliards d'habitants en 30 ans n'est pas un froid constat de prévisionniste statisticien. La perspective est humainement insupportable. Hélas, elle est devant nous »(7) . Ainsi et cela n’a rien de paradoxal, les natalistes creusent la tombe de l’humanité.

Cette justification présente des thèses écologistes soutenues dans les années 70 montre qu’elles sont encore d’actualité en 2014. Dumont avait raison. Le problème était urgent, il l’est toujours et pourtant, hier comme aujourd’hui, rien n’est véritablement entrepris pour stopper cette expansion démographique. La situation a même empiré. En 1974, la population mondiale était de 4 milliards d’individus, en janvier 2014, au moment où j’écris cette ligne, elle est de 7 189 350 347. Elle augmente d’environ 232 000 habitants de plus chaque jour sur la planète tandis que la question de la démographie est devenue tabou y compris dans la plupart des mouvements ou partis se réclamant de l’écologie. Seule une poignée de militants et d’associations essaie de briser cette omerta, avec bien peu de succès, hélas !

Pour Dumont l’expansion démographique et la surpopulation, c’est non seulement une planète affamée mais c’est aussi une planète saccagée ou il ne fait pas bon vivre. Trop d’hommes sur terre, c’est la destruction des milieux naturels, l’aggravation de tous les problèmes environnementaux quand ce n’en est pas la cause. Et cela constitue aussi, de façon indirecte, une menace pour la survie de l’humanité. Enfin l’exigence du « bien vivre » ne peut être satisfaite dans un monde surpeuplé : la surpopulation, c’est l’entassement en milieu urbain, c’est l’impossibilité pour chacun de satisfaire son besoin d’espace et de nature « si trop de gens s’installent dans un endroit agréable, l’agrément de cet endroit est détruit », c’est l’impossibilité de défendre sites et espaces verts, etc. Pour que l’humanité puisse survivre, il faut moins d’hommes et si les hommes sont moins nombreux, ils pourront accéder à une qualité de vie bien meilleure. Survivre et bien vivre présuppose de juguler l’expansion démographique de l’humanité.

Le dénatalisme d’Arne Næss et de la « deep ecology »

Ces deux derniers arguments en faveur de mesures dénatalistes rejoignent ceux avancés dans un cadre conceptuel et un contexte différent par la « deep ecology » d’Arne Næss. Dans la plateforme pour l’écologie profonde qu’il formule, la limitation de la population humaine est un des impératifs. C’est le point 5 de cette plateforme : « 5. L’épanouissement de la vie humaine et des cultures est compatible avec une baisse substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non humaine exige une telle baisse » (8). La première partie de cette formule est explicitée et justifiée en des termes semblables à ceux du programme de Dumont. Mais l’écologie profonde ne se soucie pas seulement de la «vie humaine». Elle se soucie de toutes les formes de vie et ce terme doit être pris dans un sens large. Pour Næss, les paysages, les rivières sont aussi des formes de vie. « Le terme de vie est utilisé ici dans un sens large non technique pour désigner aussi ce que les biologistes classent comme « non-vivant » : les rivières (lignes de partage des eaux), les paysages, les cultures, les écosystèmes, «la Terre vivante». Des slogans tels que « la rivière doit vivre ! » illustrent cet usage très courant et largement répandu dans de nombreuses cultures »(9) .

Arne Næss, philosophe, écologiste et alpiniste
Arne Næss, philosophe, écologiste et alpiniste
Pour l’écologie profonde, l’épanouissement de la vie non humaine est aussi important que celui de la vie humaine, c’est le principe de «l’égalitarisme biosphérique», le refus d’admettre que certaines formes de vie aient plus ou moins de valeur que d’autres. «Les espèces dites « simples », « inférieures » ou « primitives» de plantes ou d’animaux contribuent de manière essentielle à la richesse et à la diversité de la vie. Elles ont une valeur en soi et ne sont pas que des échelons vers des formes de vie prétendument supérieures ou rationnelles »(10). Næss précise que cet égalitarisme biosphérique vaut aussi pour les habitats et les écosystèmes « qui témoignent d’une telle similarité avec [les espèces] qu’il est logique de les prendre en compte ». Cet égalitarisme biosphérique est fondé sur une évidence intuitive : il est intuitivement clair pour les « écologistes de terrain », c’est-à-dire chez ceux qui ont l’expérience de la nature sauvage et qui se mobilisent pour la défendre dans la sphère publique. « La pratique de l’écologiste de terrain le conduit à éprouver un respect profond, voire une vénération, pour les différentes formes et modes de vie. Il acquière une connaissance de l’intérieur, une sorte de connaissance que les autres hommes réservent d’ordinaire à leurs semblables ; et qui est au reste fort limitée puisqu’elle n’embrasse généralement qu’un nombre restreint de formes et de modes de vie. L’écologiste de terrain tient que le droit égal pour tous de vivre et de s’épanouir est un axiome de valeur évident et intuitivement clair » (11)Envisagée du point de vue de l’égalitarisme biosphérique, du droit que chaque forme de vie a de s’épanouir, il est clair qu’il y a « déjà trop d’humains » sur terre pour reprendre une expression de Dumont.

Des considérations d’ordre évolutives militent aussi pour que de plus grands espaces soient réservés à la vie sauvage ou quasi sauvage afin que puisse se poursuivre « la spéciation évolutive des animaux et des plantes », ce qui n’est pas possible sans une réduction de la population humaine puisque la croissance démographique pousse les humains à occuper ou exploiter tous les milieux. Les naturalistes, sans doute des « écologistes de terrain » au sens de Næss, enfoncent le clou. Ainsi par exemple, l’écologue Alain Persuy : « Parler de sauvegarder la biodiversité, c’est bien, d’accord, bravo ! Mais où, concrètement ? Sur quelles terres, quels espaces protégés, parcs, réserves, refuges (?) qui ne soient considérés comme superflus, perdus, pour «nous» ?? Quelle place pour l’espace libre, pour l’animal sauvage, la fleur ou le papillon ?? »(12).

Une Terre surpeuplée d’humains, sans espaces où il soit encore possible de communier avec les autres formes de vie, sans une Nature libre de notre emprise serait dommageable aux humains eux-mêmes car comme le souligne Næss, la qualité de vie des hommes dépend en partie de « la satisfaction et du plaisir profond que nous éprouvons à vivre en association étroite avec les autres formes de vie »(13).

Les écologistes profonds s’accordent avec Dumont et le mouvement écologiste qui le soutenait pour rejeter l’entassement urbain. Næss dénonce ce que nous appelons la «surdensification» qui va à l’encontre du besoin d’espace de chaque individu: « les théoriciens de l’urbanisme ont largement sous-estimé les exigences humaines en termes d’espace de vie » ce qui est à l’origine « de névroses, d’agressivité et de perte des modes traditionnels d’existence »(14) . Pour l’écologie profonde comme pour Dumont, la densification urbaine atteint vite des limites au-delà desquelles elle devient pathogène. Il ne faut donc pas compter sur cette densification urbaine pour éviter de s’attaquer au problème de la décroissance de la population humaine.

Si elle doit rester tolérable, cette densification urbaine prônée par ceux de ces écologistes pour qui le dénatalisme est tabou ne peut jouer qu’à la marge dans la préservation des espaces naturels ou semi naturels. A cause de ce besoin d’espace que nous éprouvons par nature (en tant que mammifères selon Næss) et peut-être aussi à cause d’un besoin inconscient de retrouver d’autres formes de vie, cette densification peut même avoir des effets contraires à ceux recherchés. On appelle ceci l’«effet barbecue» ou «mobilité de compensation». À la recherche d’espace, les habitants des quartiers denses fuient la ville, les week-ends, pour randonner, se livrer à une activité de plein air ou pour rejoindre leur résidence secondaire. Leur empreinte écologique est donc beaucoup plus élevée que l’on pourrait croire, si l’on ajoute l’utilisation d’un moyen de déplacement motorisé individuel et pour ceux qui possèdent une résidence secondaire, l’usage d’un espace individuel(15) . Pour se convaincre de cet exode chaque fin de semaine, il suffit de constater l’ampleur des « bouchons » au sorties des grandes agglomérations le vendredi et à leurs entrées le dimanche soir !

Déjà grave lorsqu’il s’agit de ne prendre en compte que la survie et le bien-être des humains, l’expansion démographique de l’espèce humaine devient dramatique lorsque l’on prend en compte l’exigence de l’épanouissement de toutes les formes de vie. Il faudra du temps pour que la population humaine se stabilise et soit réduite. On peut même se demander s’il n’est pas trop tard si l’on suit les constats fait par les naturalistes. À ceux qui prétendent qu’il ne faut rien faire et attendre benoîtement les effets de la transition démographique et une baisse spontanée qui selon certains analystes est en train de s’amorcer, on rétorquera avec Claude Lévi-Strauss que « les désastres causés dans l’intervalle de seront jamais réparés ».

Pas de transition écologique sans transition démographique !

Pour rester en France – pays qui possède, hélas un des taux de fécondité les plus élevés d’Europe, pays où l’on se vante stupidement et où l’on se réjouit sottement du dynamisme de la natalité – même en admettant que les cités denses dans lesquelles veulent nous faire vivre les idéologues d’EE/LV ne soient pas un enfer, il ne faut pas croire que leurs habitants resteront enfermés à l’intérieur. Les agglomérés s’évadent déjà de leurs agglomérations… En zone périurbaine et bien au-delà les forêts et les espaces naturels sont déjà annexés par les citadins comme d’immenses terrains de jeu. C’est le cas de la forêt de Fontainebleau par exemple avec ses sous-bois piétinés, ses sentiers érodés pour cause de surfréquentation. C’est aussi le cas des volcans d’Auvergne et en particulier ceux du Puy de Dôme aux pentes dégradées, à la faune sans cesse dérangée tant et si bien qu’il a fallu en restreindre l’accès : interdiction pure et simple de pénétrer dans certaines zones comme le sentier d’accès au sommet du Puy de Côme et pour d’autres comme le Puy Pariou par exemple, interdiction d’y conduire les troupeaux de marcheurs des randonnées accompagnées. Sans parler de ces cauchemars écologiques que sont les stations de ski alpin, ces villes à la montagne aux réseaux d’assainissement parfois bien sommaires. Même dans les massifs difficiles d’accès, même au sein des Parcs nationaux, la montagne est utilisée comme un terrain de sport toute l’année. Les dérangements répétés en toute saison qui s’ajoutent aux pressions de la chasse dans certains cas mettent en danger les grands ongulés qui doivent déjà faire face à de rudes conditions en hiver. C’est la même chose pour des espèces patrimoniales d’oiseaux fragilisées et à terme menacées d’extinction comme le Lagopède, le Tétras Lyre ou la Perdrix Bartavelle.
Sur les falaises, l’escalade ajoute à la pression sur les rapaces et cause souvent des échecs reproductifs par abandon des nids. Une flore spécifique est mise en danger par les «purges», qu’elles soient effectuées pour protéger les voiries ou les habitations construites en dessous, ou bien qu’elles soient réalisées pour l’aménagement de « via ferrata » ou autres.
Les 2 000 000 de personnes qui fréquentent les plages et les cordons dunaires ne laissent guère de place aux oiseaux qui nichent dans ces habitats comme certaines espèces de Sternes qui ont du mal à trouver des lieux pour se reproduire et sont donc en danger. Et ces 2 millions ne sont qu’une petite fraction de la population française qui compte près de 66 millions d’habitants !
66 millions d’habitants qu’il faut loger, nourrir, éclairer, chauffer… L’urbanisation même dense induit des infrastructures de communication, des zones d’activité. Les zones naturelles diminuent, les zones humides sont asséchées pour leur mise en culture ou leur bétonisation (et pas toujours pour des projets inutiles comme l’aéroport en projet de Notre Dame des Landes). Plus grave peut-être encore que leur réduction en superficie, les habitats se fragmentent.

L’afflux de population dans le Sud-est, dans la région PACA dont la population a augmenté de 2 000 000 d’habitants en cinquante ans permet de constater sur le vif ce qu’implique pour les espaces naturels un accroissement de population. Outre une artificialisation des sols plus ou moins anarchique, on trouve toutes les atteintes citées avec en plus une exacerbation des pollutions de tout ordre. Pollution de l’eau par les effluents agricoles, industriels et domestiques, de l’air par le chauffage et la circulation automobile. Dans le Haut Pays, à la limite altitudinale de la forêt, les pins cembros, une espèce de conifères à la croissance extrêmement lente mais qui supporte les rudes conditions de l’étage préalpin, résistent depuis toujours aux conditions les plus extrêmes et vivent très longtemps, là où d’autres espèces ne peuvent survivre. Cet arbre est menacé par l’ozone dû à l’intense circulation routière du littoral qui remonte en altitude où le rayonnement solaire est le plus fort et s’accumule sur le massif du Mercantour, sommet d'une barrière montagneuse séparant les agglomérations de Nice et de Cuneo-Turin. L’ozone entre dans les aiguilles de l’arbre par les stomates et détruit la chlorophylle, perturbant la photo synthèse et entrainant un dépérissement de l’arbre. Non seulement les pins cembros sont en danger mais avec eux les cassenoix mouchetés, oiseaux avec lesquels ils sont étroitement associés.

Pas de transition écologique sans transition démographique !
Cet afflux de population concentrée sur le littoral ou à proximité met aussi en danger cette formation très particulière que sont les lagunes, concentrés de biodiversité qui n’existent en France que dans trois régions (Languedoc – Roussillon, PACA et Corse) et sont directement menacées par les activités anthropiques.
Dans quel état seront demain la Forêt de Fontainebleau, les pentes des volcans d’Auvergne, les forêts du Mercantour et le Casse-Noix Moucheté, les lagunes du littoral méditerranéen, et bien d’autres formes de vie lorsque la population décroitra enfin, si elle décroit un jour, avant que tout soit saccagé ?

Chaque année la population française croît de plus de 300 000 habitants, c’est-à-dire un peu plus que la population de toute l’agglomération de Nice ou de Clermont-Communauté (279 370 hab), le double de celle de Sud de Seine regroupant les communes de Bagneux, Clamart, Fontenay-aux-Roses, Malakoff) dans la Petite couronne dense parisienne (144 959 hab. en 2010). Les économies en eau, espace, énergies qui peuvent être réalisées sont englouties et au-delà dans ce tonneau des danaïdes de la croissance démographique : presque un million de plus tous les quatre ans…
Il n’est pas étonnant que les idéologues d’EE/LV veulent, selon le mot d’un député, transformer la France en « un immense ventilateur » en la couvrant d’éoliennes qui ont le défaut d’exiger beaucoup de place, d’artificialiser le peu d’espaces naturels ou semi-naturels qui restent et d’exercer une pression supplémentaire sur des espèces en danger. Si comme l’affirme Yves Cochet à juste titre «un enfant européen a un coût écologique comparable à 620 trajets Paris-New York », la transition énergétique en France est une sinistre plaisanterie avec 792 000 naissances par an et le taux de fécondité le plus élevé de l’Europe(17).

Il n’y aura pas de transition écologique en France tant que la population française continuera de croître. En parallèle avec des mesures de sobriété énergétique, de promotion de l’économie circulaire, et autres mesures, il faut donc proposer des mesures dénatalistes sérieuses et efficaces touchant les allocations familiales, le quotient familial mais pas seulement. Il est tout aussi urgent de travailler à un changement de mentalité vis-à-vis des autres formes de vie, vis-à-vis de la maternité et de la paternité, de la quasi-obligation «morale» de procréer, de sensibiliser l’opinion aux catastrophes auxquelles conduit la poursuite de l’expansion démographique, en France comme dans le Monde, catastrophes au moins aussi redoutables que celles que nous annonce le GIEC à cause du dérèglement climatique.

==============
Notes
==============


(1) René Dumont et les membres de son comité de soutien (1974), La campagne de René Dumont et du mouvement de l’écologie politique, Paris, Jean-Jacques Pauvert, édit., p. 51.
(2) Ibid., p. 110.
(3) René Dumont et ..., o.c., page 51.
(4) o. c., p. 52. L’esprit de ces mesures, notamment en ce qui concerne les femmes, doit être bien compris. L’essentiel n’était pas que les tâches ménagères soient réparties à égalité dans le couple bien que cela puisse compter, évidemment. Il ne s’agissait pas non plus de faire que l’homme contribue autant que possible à élever les enfants et que la femme ne soit pas la seule à en supporter le poids. Il s’agissait de refuser que les femmes soient vouées au statut de mère et de leur laisser le choix d’avoir un rôle social identique à celui des hommes. Il s’agissait de les détourner d’être des femmes au foyer destinées à élever des enfants et surtout de leur conférer le droit de ne pas en avoir. Dans cette optique, il n’est pas certain qu’à cette époque le mouvement écologiste aurait été unanime pour approuver le « congé parental » et son extension au père. Il s’agissait de supprimer tout encouragement à la natalité. De ce point de vue beaucoup de dispositifs actuels créés dans le but d’affranchir les femmes des chaînes inhérentes à l’élevage et à l’éducation des enfants pour leur permettre d’avoir accès à l’égal de l’homme au monde du travail pourraient apparaître comme de tels encouragements à procréer ; l’état, les collectivité publiques prenant à leur compte une partie des tâches et des charges liées à l’élevage et à l’éducation des enfants.
(5) Hugues Stoeckel (2009), « Le siècle des famines », consultable ici
(6) Même référence. L’argumentaire de l’article est extrêmement fouillé et appuyé sur de nombreuses références chiffrées. On peut aussi consulter l’ouvrage de l’auteur La faim du monde. L'humanité au bord d'une famine globale, préface d’Yves Cochet, Max Milo éditeur Paris, 2012, 310 pages.
(7) Yves Cochet (2009), Antimanuel d’écologie, Bréal éditeur, Paris, p. 220.
(8) Arne Næss (1989), Ecology, community and lifestyle, Cambridge, Cambridge University Press, trad. française Charles Ruelle, Ed. MF, p. 61 traduction modifiée.
(9) Arne Næss, o.c. cité, trad. fr. p. 62 ; traduction modifiée.
(10) Ibid., p. 62.
(11) Arne Næss, « The Shallow and the Deep, Long-Range Ecology Movement. A Summary », Inquiry, 16 (1973), p. 95 – 100, trad. fr. H. S. Afeissa in Ethique de l’environnement, Nature, valeur, respect, Paris, Vrin, 2007, p. 52.
(12) Dans un texte mis en ligne sur le site « démographie responsable » ici
(13) « The Shallow… », o.c., p.52.
(14) Ibid., p. 53.
(15) Voir à ce sujet la contribution à l’enquête publique (28 mars – 28 mai) sur le SDRIF de Madame Marcelle Vernet accessible ici
(16) Entretien avec Roger-Paul Droit, Le Monde 8 octobre 1991.
(17) En 2012, les «fondamentaux démographiques» qui font de la France une exception en Europe restent présents. Alors que la plupart des pays européens ont entamé une baisse démographique, le taux de fécondité reste supérieur à 2 enfants par femme depuis 2008. La France arrive seconde parmi les pays de l'Union, derrière l'Irlande (2,05 enfants par femme).
En 2013, la croissance démographique française reste supérieure à la moyenne de l'Union européenne, mais c'est la plus basse depuis l'an 2000. En 2013, le taux de fécondité (hors Mayotte) a reculé à 1,99 enfant par femme contre 2,01 en 2012 et 2,03 en 2010, année où le nombre de naissances avait atteint un pic. Peut-être la France va-t-elle prendre elle aussi, mais avec un peu de retard le chemin de nouvelle transition démographique qui se dessine dans une majorité de pays dits «développés».
Photos : X, Cyril Bonnet/Le nouvel observateur
Pas de transition écologique sans transition démographique !

Vendredi 24 Janvier 2014 Commentaires (1)
Ne votez pas pour lui!
Ne votez pas pour lui!

Jeudi 23 Janvier 2014 Commentaires (0)

EE/LV a publié sur son site un communiqué intitulé «EELV propose un plan Marshall pour l’emploi: 1 million d’emplois via la transition écologique» Selon ce communiqué, il s’agirait de tabler sur la « transition écologique » pour sortir de la « crise » et créer des emplois au lieu d’attendre en vain un retour à la croissance qui ne se produira pas. Les emplois de cette transition écologique seraient financés par une «réorientation» des 20 milliards du Crédit d’impôt pour la compétitivité (CICE) et l’emploi. Cette proposition manque de sérieux. C’est de la simple communication comme d’ailleurs le laissait prévoir le terme employé de « plan Marshall »…


Le mettre en évidence était l’objet d’un commentaire que j’ai posté sur ce site. En bref, dans ce commentaire je m’étonne des chiffres avancés que je trouve exagérément optimistes d’autant que le « Livre blanc sur le financement de la transition écologique » considère, au contraire, qu’à court terme la transition écologique entrainera une réduction du nombre d’emplois. Je montre aussi que vouloir financer ce « plan Marshall » en se bornant à utiliser les 20 milliards prévus pour le CICE n’était ni praticable, ni acceptable.

J’ai posté ce commentaire le 4 janvier. Il est toujours en cours de modération et risque de le rester longtemps encore… C’est pourquoi, j’ai décidé de le publier sur ce blog à la suite des extraits du communiqué objet de ma critique. Le lecteur jugera.

Extraits du communiqué d’EE/LV

« Pour prendre la mesure du chômage il est un impératif : arrêter de croire au retour de la croissance comme au retour de la bonne fortune et prendre des mesures radicales. La transition énergétique est créatrice de nombreux emplois mais elle suppose un engagement volontariste et massif de l’Etat vers les énergies renouvelables. Les circuits courts, le développement des services de proximité sont autant de sources d’emplois et aussi de bien-être. La préservation de l’environnement et de la biodiversité : un potentiel de 250 000 emplois, 700 000 emplois crées par la transition énergétique selon le centre d’analyse stratégique, 75 000 emplois pour une agriculture durable… Bref les sources existent mais elles sont très dépendantes des politiques publiques menées. Il est donc temps de prendre la mesure du changement de cap à opérer.
Nous disposons des moyens d’engager cette transition écologique: il faut réaffecter les fonds destinés au Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Ces 20 milliards d’euros offerts sans contrepartie aux entreprises ne servent ni aux salariés ni aux consommateurs ni aux chômeurs ni à penser l’avenir. EELV propose de les réorienter pour mettre sur pied un plan Marshall de la transition écologique pour l’emploi. »
nb: le texte complet du communiqué est ici

Commentaire de JF DUMAS posté le 4 janvier et toujours « en cours de modération »

1°) La transition écologique créerait des emplois, 1 025 000 au total, cela paraît bien trop beau pour être vrai !! D’où proviennent donc ces chiffres? Il faudrait des références plus précises d’autant que les auteurs du Livre blanc sur le financement de la transition écologique sont d’un avis différent. Ils soutiennent avec à l’appui de leurs dires une analyse précise et documentée que « L’adoption de technologies et de pratiques soutenables entraîne souvent des surcoûts à court terme qui s’imputent sur la croissance actuelle. […] La diminution de la croissance entraîne globalement une réduction du nombre d’emplois, même si cet effet peut être atténué par le développement de certaines filières «vertes » dont l’intensité relative en main d’œuvre serait plus élevée que les secteurs auxquels elles se substituent. » (p.21)
En outre, il ne faut pas prendre seulement en compte les emplois éventuellement crées, il faut aussi considérer les emplois détruits… J’ai bien peur que la réalité ne soit pas aussi rose ou plutôt aussi verte que vous l’affirmez !
2°) Concernant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, il faut bien entendu le «réorienter» et en récupérant les 20 milliards qui lui sont affectés on aurait les moyens de financer au moins partiellement la transition écologique. Certes, mais il faudrait aussi revoir le financement de ce Crédit d’impôt transformé.
(a) – Pour la partie du CICE devant être financée sur des économies de la dépense publique, il faut demander à voir ! Ce financement-là est des plus théoriques !
(b) – Parce qu’il est financé en partie par le relèvement des taux de TVA « le CICE représente un transfert de revenu des ménages et des administrations publiques vers les entreprises. » (Mathieu Plane, «Évaluation de l’impact économique du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)», Revue de l’OFCE, no 126, ‎2012). Dans le cas du CICE transformé en « plan Marshall de la transition écologique pour l’emploi », si le financement reste le même, ce seront les mêmes qui financeront : administrations publiques et particuliers. Pourtant, parmi ces administrations, il y en a qui œuvrent à cette transition écologique! Est-ce à dire que ce qui leur serait pris d’une main, leur serait rendu de l’autre? Pour le reste ce sont les gens qui paieront et cela sans conditions de ressources. En fin de compte, c’est eux et eux seulement qui seraient sources de financements supplémentaires!
(c) – Une partie du CICE sera financé par une ponction des ¾ du produit de la « Contribution climat énergie »(CCE) alors que celui-ci devrait servir exclusivement à aider les gens à s’adapter à la transition énergétique et éviter que certains ménages se retrouvent en situation de précarité «énergétique». Cette ponction pour alimenter le CICE n’est pas acceptable. Toute ponction dans le produit de la CCE pour autre chose que l’aide à l’adaptation des particuliers à la transition écologique est inadmissible et rendra cette transition socialement inacceptable et insupportable. Le même argent ne peut à la fois financer les emplois du secteur des énergies renouvelables, de la préservation de la biodiversité, etc. et être restitué aux «ménages » ! Il ne faut donc pas compter sur les 4 milliards de cette contribution.

En bref, est-ce qu’il y aura création nette d’emplois avec la mise en œuvre de la transition écologique? Ce n’est pas du tout prouvé ! Le financement de ce plan Marshall est à revoir pas seulement parce qu’il est incertain mais aussi parce que le financement du CICE étant socialement inique, la seule « réorientation » de ce CICE en un « plan Marshall de la transition écologique pour l’emploi » ne suffit pas à rendre ce financement acceptable.


Samedi 11 Janvier 2014 Commentaires (0)

Parce qu’il vient de proclamer qu’il faut «éliminer les loups », éliminons José Bové comme tête de liste à l’occasion de la « primaire verte » aux élections européennes.


José Bové estime dans une déclaration au Dauphiné qu’ «ici, (…)il n’y a pas assez de place pour le loup ». C'est lui qui n’a plus sa place parmi les écologistes. Surtout il ne faut pas qu'il les représente lors de la prochaine élection européenne. Faisant cause commune avec ceux parmi les éleveurs et les chasseurs qui veulent réserver les espaces naturels montagnards à leurs usages exclusifs, il maintient contre les faits bien établis par les naturalistes que le loup européen n’est pas une espèce en danger. Il veut une augmentation des autorisations d’abattage en France et plus grave encore il exige une révision urgente de la directive européenne Habitat, qui, avec la Convention de Berne, protège le loup en Europe. Il a déclaré au Dauphiné : « Je lance un appel solennel aux ministres de l’Écologie et de l’Agriculture, Philippe Martin et Stéphane Le Foll, pour qu’ils entament au plus vite des discussions en ce sens avec la Commission européenne. »
Après le loup, ce sera le tour de l’ours, puis du lynx puis de l’aigle, puis …
Que José Bové retourne s’occuper de ses terres et de ses moutons. Tous les vrais écologistes doivent se mobiliser pour empêcher cet individu de nuire. C’est possible grâce à la « primaire verte européenne ».

Il faut être nombreux à voter à la « primaire verte européenne » pour un autre candidat que Bové

Nul besoin d’être membre d’un parti « Vert », tout citoyen de l’Union européenne âgé de 16 ans au moins (et heureux possesseur d’un téléphone portable) qui soutient les valeurs des écologistes peut participer à la primaire organisée par le Parti Vert Européen pour désigner qui représentera les Verts dans la campagne électorale à travers toute l’Europe. Il s’agit d’élire un binôme de porte-parole «têtes de liste», qui fera le tour des vingt-huit pays pour y porter le message de la campagne commune aux trente partis écologistes membre du Parti Vert Européen. Tous les défenseurs du loup, de la faune sauvage et de la nature doivent se mobiliser et voter à cette primaire pour un autre candidat que Bové. Le vote est électronique. À condition d’avoir un mail et un portable, il est très facile de voter en quelques clics. Mais attention le vote se termine le 28 janvier ! Pour voter se rendre sur le site greenprimary (ici)

José Bové ne doit pas être tête de liste de la Région Sud-Ouest !

En France même, José Bové a été désigné tête de liste de la Région Sud-Ouest par le Conseil Fédéral contre l’avis des adhérents qui avaient voté pour Catherine Grèze, députée européenne sortante plus proche des militants de terrain. C'est aux adhérents d'EE/LV d'agir pour que les instances dirigeantes de leur parti reviennent sur cette désignation. Elles ne peuvent accepter comme tête de liste d’une région, un individu qui prend des positions contraires à celle du parti qu’il est censé représenter. Certes l’écologie, ce n’est pas seulement la protection de la nature mais celle-ci est un des fondamentaux de l’écologie depuis toujours. Quel écologiste voudrait voter pour une liste conduite quelqu’un qui ne respecte pas cette nature et ne veut lui accorder aucune place, quelle que soit la justesse des autres combats qu’il ait pu mener ? Après tout, il n’est pas le seul « faucheur volontaire », pourfendeur de la malbouffe et au Parlement européen d’autres députés ont fait un aussi bon travail que lui. Catherine Grèze n’a pas démérité et il serait regrettable qu’elle ne soit pas élue à cause du véritable épouvantail à écolos qu’est Bové, le premier de sa liste !

Mercredi 8 Janvier 2014

Le Livre blanc sur le financement de la transition écologique (LB) met en évidence l’impact négatif sur la croissance et l’emploi que peut avoir à court terme un engagement dans « la transition écologique » contredisant ou à tout le moins relativisant les thèses de ceux qui voulaient voir dans un cet engagement le meilleur moyen de sortir de la crise dans laquelle il semblerait que la France, sinon l’Europe, est engluée.


Le Ministère de l’environnement et celui des finances ont chargé les technocrates du Commissariat Général du Développement Durable (CGDD) et ceux de la Direction Générale du Trésor (DGT) de trouver des solutions pour financer « la transition écologique » Le résultat de ce travail est couché sur les 38 pages du Livre blanc sur le financement de la transition écologique (LB). Telle que la conçoivent ces technocrates, et au regard des mesures proposées, on peut dire qu’il s’agit pour l’essentiel d’une transition qui serait gouvernée up to bottom dans une économie libérale mondialisée qui n’est guère congruente avec elle. Le but de cet article n’est pas d’analyser cet ouvrage dans sa totalité ni de discuter les financements proposés mais d’examiner les thèses développées sur l’impact de la transition écologique sur la croissance et l’emploi.

La transition écologique selon le Livre Blanc

Les auteurs définissent la transition écologique comme « la nécessité pour nos économies de rendre leur évolution compatible avec les ressources finies de la planète et le maintien des régulations naturelles indispensables à la vie telles que le climat ou le fonctionnement des écosystèmes. Elle recouvre tout processus de transformation de l’économie visant à maintenir ces ressources et régulations en-deçà de seuils critiques pour la viabilité de nos sociétés. » C’est donc tenter d’adapter l’économie aux ressources naturelles limitées d’un monde fini, faire qu’elle puisse s’insérer dans les régulations naturelles sans perturbations irréversibles. Les auteurs précisent que cette transition écologique « suppose donc non seulement un découplage entre la croissance économique et les prélèvements, en quantité et qualité, sur le capital naturel (habitats, ressources et régulations physiques, chimiques et biologiques), mais également l’adaptation du rythme de leurs utilisations à notre capacité à entretenir ces régulations et renouveler ces ressources » (p.3). On sait combien ce découplage entre les exigences de la croissance et celle de la préservation des richesses et régulations naturelles est illusoire. C’est l’illusion qui est à la racine de la conception canonique du développement durable, illusion que reconnaissent aujourd’hui beaucoup de ceux qui furent les chantres de cette notion comme Dominique Bourg, pour ne citer que l’un des plus influents d’entre eux. La sacro-sainte « croissance » ne sera pas remise, au moins explicitement, en cause dans ce livre blanc. Mais la croissance est-elle compatible avec la transition écologique ?

La croissance est-elle compatible avec la transition écologique ?

Aux dires même des auteurs, si l’on se place du point de vue de son financement, rien n’est moins sûr au moins pour le présent et le court terme. Ils écrivent : «L’équation économique de la transition écologique : des (sur)coûts à court terme, des bénéfices à moyen et plus long terme » (p.12) Pour l’économie capitaliste libérale, « notre » économie, cette équation est un défi difficile à surmonter. Le court terme est l’horizon des « acteurs » économiques donc de la plupart des gens et des « politiques » qu’ils élisent et qui souhaitent être réélus. En fait, la démonstration du livre blanc est implacable : la transition écologique ne peut se faire, à court terme, qu’au détriment de la croissance et de l’emploi même si on peut supposer qu’elle leur sera bénéfique sur le moyen et le long terme.

1°) « L’adoption de technologies et de pratiques soutenables entraîne souvent des surcoûts à court terme qui s’imputent sur la croissance actuelle » (p.21) Cette affirmation on ne peut plus claire est étayée par des constatations peu discutables. Tout d’abord les auteurs remarquent que l’adoption de ces technologies suppose de déclasser une partie du capital productif pour le moderniser et évidemment, « cette destruction du capital physique à court terme [a]un coût pour la collectivité » Elle conduit aussi à «une obsolescence d’une partie des compétences des salariés » qui va nécessiter « des actions de formation et de reconversion, qui constituent là aussi un coût supplémentaire à court terme »

2°) Les surcoûts de différentes origines sont détaillés de façon assez précise dans le LB bien que l’on puisse toujours discuter de leur chiffrage qui est un exercice difficile. Beaucoup d’entre eux sont en fait liés à des investissements qu’il faudrait financer. Quelle que soit l’hypothèse choisie pour réaliser ce financement, le résultat sera pénalisant pour la croissance, au moins à court terme et peut-être à moyen terme.
(a) – Hypothèse de substitution des investissements
Ces surcoûts et d’autres comme les investissements nécessaires à la transition écologique immobilisent des capitaux sur un très long terme. Ils ont une rentabilité moindre pour cette raison même : « Investir dans la transition écologique est aujourd’hui généralement perçu comme insuffisamment rentable par la plupart des financeurs. En effet, plus l’horizon d’un investissement est lointain, ou plus le contexte est perçu comme mouvant, plus l’évaluation des risques associés est complexe et plus la probabilité de tenir les objectifs de retour sur investissement est faible» (p.18) En se substituant à d’autres investissements moins soutenables mais plus rentables, ces investissements nécessaires à la transition écologique auront un impact négatif sur la croissance telle que « mesurée aujourd’hui » c’est-à-dire telle qu’elle est conçue dans une économie capitaliste libérale et sans prendre en compte « des conséquences actuelles et futures liées à la détérioration des ressources naturelles »(ibid. p. 21).
(b) – Hypothèse dans laquelle les investissements de la transition écologique sont financés par l’épargne des ménages
Si les investissements nécessaires à la transition écologique ne se substituent pas à d’autres mais sont financés par l’épargne des ménages, « accroissant le volume total d’investissements dans l’économie, le taux d’intérêt qui est le prix de l’épargne devrait augmenter et ralentir l’activité » donc pénaliser la croissance.
(c) – Si, dernière possibilité« le financement transite par les administrations publiques, en l’absence d’endettement nouveau, celui-ci doit être financé par de la fiscalité qui là encore réduit la consommation et réduit l’activité à court terme » donc la croissance et l’emploi.

En bref, la transition écologique demande d’investir une part des capitaux des entreprises et de l’épargne des ménages, qui ne sera donc pas consacrée à la consommation ce qui impacte au moins à court terme la croissance et l’emploi. « La diminution de la croissance entraîne globalement une réduction du nombre d’emplois, même si cet effet peut être atténué par le développement de certaines filières « vertes » dont l’intensité relative en main d’œuvre serait plus élevée que les secteurs auxquels elles se substituent. » (Même page)

Les économistes de la Fondation Hulot ont bien perçu la difficulté. Dans sa contribution à la consultation sur ce livre blanc, la Fondation Hulot propose de financer les surcoûts et les investissements nécessaires à la transition écologique en « monnaie de singe », si l’on ose dire. Elle propose la création d’« une banque publique » qui permettait un financement à crédit, en creusant la dette mais d’une façon astucieuse qui permette d’avoir l’air de se conformer à la rigueur budgétaire décidée au niveau européen ! Cette « solution » tient du tour de passe-passe, un tour de passe-passe dangereusement inflationniste qui plus est. Le LB va un peu dans le sens des propositions des économistes de la Fondation Hulot, mais beaucoup plus prudemment dans sa proposition 6.26 « 6.26. Promouvoir le développement de nouveaux modes de financement comme l’émission d’obligations pour le financement de projets d’intérêt collectif pour la transition écologique, public ou privé éventuellement territorialisés (régionaux), à l’instar d’expériences déjà réalisées en France et en Europe. »

Cette analyse du LB est une réfutation en règle des thèses des écologistes, notamment d’EE/LV, qui soutiennent que la transition écologique sera créatrice de milliers d'emplois. Certain allant même jusqu'à estimer un rebond de la croissance, une croissance vertueuse, une croissance verte. A propos de la transition énergétique, une des composantes essentielle de la transition écologique, EE/LV affirme qu’« À court terme, un plan d’investissement public(en associant l’État, les acteurs locaux et des acteurs “mixtes”) dans la transition énergétique constitue une réponse sensée et efficace à la crise économique en cours. En effet, de tels investissements ont le pouvoir de casser le cercle vicieux dans lequel l’économie se trouve, en créant des emplois et en relançant l’activité. Le tout sans accroître notre pression sur les ressources mais en réduisant notre consommation d’énergie ! »
Pour EE/LV le financement des investissements requis par la transition écologique est simple : «Comment financer ces investissements alors que les États sont endettés ? Nous avons montré qu’il s’agit ici d’investissements rentables – l’argent investi aujourd’hui sera récupéré demain grâce à la baisse de notre facture globale. La transition énergétique peut donc contribuer à une sortie de crise, et doit être assumée comme une alternative crédible et souhaitable aux politiques d’austérité promulguées dans toute l’Europe. »
Malheureusement, tout n’est pas si rose, ou plutôt si vert ! L’argent investi aujourd’hui ne sera pas « récupéré demain » mais bien plus tard au terme d’un retour sur investissement bien trop long pour être intéressant financièrement, sauf renchérissement significatif de l’énergie. D’ailleurs s’il n’est pas du tout assuré aux yeux des investisseurs que ces investissements soient rentables, c’est en partie, comme mentionné ci-dessus, à cause de la lenteur du retour sur investissement et de la part de risque qu’ils recèlent : « dans le cas de projets liés à la transition écologique, ces risques peuvent être perçus comme élevés pour plusieurs raisons : les choix technologiques sous-jacents peuvent ne pas être les bons, l’environnement réglementaire peut évoluer, les marchés correspondants peuvent ne pas se développer au rythme envisagé » (LB, p.18).
Au rebours de la conclusion d’EE/LV, LB cite une étude de « Schubert et alii (2012)[qui] suggère que l’objectif facteur 4 ne serait atteignable à l’horizon 2050 qu’avec un très haut niveau de taxe carbone et/ou de subventions au progrès technique, sur un sentier de croissance plus bas que le tendanciel » (LB, p.19) donc très, très bas…
Dans un tel contexte, inutile de dire que ce « très haut niveau de taxe carbone » sera inacceptable pour les gens, quelles que soient les bonnes paroles qui l’enroberaient ; ce qui pose le problème de l’acceptabilité sociale du financement de la transition écologique.

Les mesures qu’ implique la transition écologique telle que conçue par les technocrates de Bercy et du MEDDE risquent d’être rejetées plus ou moins violement comme on vient de le voir pour l’écotaxe pourtant bien moins douloureuse que celles proposées dans ce LB comme par exemple le renchérissement conséquent du prix de l’énergie pour « inciter » voire contraindre les gens à entreprendre des travaux d’isolation de leur logement ; investissements qui pour eux n’auraient pas été prioritaires, qu’ils n’auraient sûrement pas réalisés sans cette contrainte fiscale et qui n’auraient pas été « rentables ». La transition écologique, si elle nécessite de telles mesures sera très impopulaire, inacceptable même dans le contexte actuel de crise, de baisse du pouvoir d’achat, de chômage, d’avenir incertain qui fragilise les gens, même parmi les classes moyennes, voire moyenne supérieure.

Est-ce à dire que la transition écologique est impossible ? Non, bien entendu ! Mais elle doit s’effectuer bottom to up, dans un contexte de transformation sociale, à partir des initiatives citoyennes et des communautés de base qui, à la marge de la société de consommation actuelle, inventent et expérimentent dès maintenant un autre avenir.

==================
Addendum

Comment financer les surcoûts et les investissements de la transition écologique quand les caisses sont vides ?

La solution de la Fondation Nicolas Hulot : créer « Une banque de la transition » !

Les économistes de la Fondation l’expliquent sans ambages : « Une banque est une institution qui a obtenu du «souverain» une délégation dans le droit de frapper monnaie (c'est pourquoi tout le monde ne peut pas décider du jour au lendemain de créer une banque). Ce qui veut dire qu'une banque crée de la monnaie. Lorsqu'elle accorde un crédit à un de ses clients, disons, de 100, elle crée environ 90 qui n'existaient pas précédemment. Cette somme est inscrite au passif de la banque (où est comptabilisé le compte courant de son client) et simultanément à l’actif (c’est la créance du client). Le bilan de la banque gonfle ainsi des deux côtés sans se déséquilibrer. L'argent qu'elle octroie via un crédit ne correspond donc pas du tout à une somme d'argent qui dormait dans un coffre-fort; encore moins à un stock d'or enfoui au sous-sol de la Banque de France. Cet argent provient tout simplement d’une écriture comptable, matérialisée par un chiffre sur un écran, qui décrète que 90 viennent d'être créés ex nihilo. Certes, il existe des ratios qui limitent la quantité de crédit qu'une banque peut octroyer mais ces ratios sont assez facilement contournables (via la titrisation notamment) et, par ailleurs, lorsqu'une banque les dépasse (ce qu'elle constate toujours ex post), il lui suffit de se retourner vers la BCE pour se faire refinancer les réserves obligatoires qui lui manquent. »

Cette belle, pédagogique et quelque peu cynique analyse du fonctionnement des banques et des tours de passe-passe qu’elles s’autorisent est édifiante ! Mais sans doute pas pour un économiste puisque c’est un financement de cette sorte que la Fondation Hulot souhaite recourir en demandant la création d’une «banque de la transition». C’est-à-dire finalement en faisant « tourner la planche à billets » et donc en créant de nouvelles liquidités alors qu’il y a déjà surabondance, une surabondance alimentant une nouvelle bulle sur les marchés financiers qui tôt ou tard finira par éclater avec les conséquences que l’on sait. Ne serait-il pas plus pertinent dans ces conditions de réorienter ces liquidités pour financer la transition écologique ? Cela ne sera pas possible tant que les marchés financiers ne seront pas régulés par des mesures appropriées pour rendre la spéculation financière moins rentable afin que les flux financiers viennent abonder l’économie réelle et en particulier la transition écologique. Les économistes de la Fondation Hulot ont alors une argumentation étonnante. Il est possible que les autorités européennes et notamment la Commission mettent en place une telle régulation mais cela risque de prendre du temps. Or, selon eux, on ne peut pas d’attendre. Il faut agir immédiatement pour contrer le réchauffement climatique: « réorienter les trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre est une action de longue haleine qu’il faut donc accentuer dès maintenant si l’on veut éviter un réchauffement de +4 à + 5°C. Il nous reste en Europe sans doute moins de 20 ans dans le domaine énergétique pour restructurer l’appareil de production d’électricité encore trop émetteurs de CO2 ».

En bref, on fait marcher la planche à billets et on recourt à des tours de passe-passe financiers quelque peu suspects parce que le réchauffement climatique n’attend pas : « La maison brûle ! » Le réchauffisme climatique catastrophique nous conduira-t-il à la catastrophe financière ?

==================

Le Livre blanc sur le financement de la transition écologique est téléchargeable sur le site du Ministère de l'écologie du développement durable et de l'énergie (MEDDE) et fait l'objet d'une consultation publique jusqu'au 15 janvier 2014 (ici)

Lundi 30 Décembre 2013 Commentaires (0)

Le 19 décembre 2013, l’Assemblée nationale a adopté définitivement le Projet de loi de finances 2014 dans laquelle est incluse la Contribution Climat-Énergie (CCE), dernier avatar de la taxe carbone. Les articles concernant cette taxe viennent d’être validés par le Conseil constitutionnel. Ce ne sont pas des bonnes nouvelles car malgré les apparences, malgré quelques cocoricos de victoire un peu rapide de députés écologistes, telle qu’elle a été votée dans la loi de finance 2014, cette CCE n’a rien d’écologique.


Résumé : La CCE favorise l’énergie électrique et à terme le chauffage domestique électrique par rapport au chauffage au gaz qui a déjà augmenté de 80 % entre 2005 et 2013. Or, cette électricité est à plus de 82% d’origine nucléaire en France. De façon plus générale, en ne considérant que les émissions de CO2 censées dérégler le climat, cette taxe assure la position de l’électronucléaire en France et conforte ceux qui comme EDF, le CEA ou AREVA en font la composante essentielle du mix énergétique français pour parvenir à diviser par quatre les émissions de GES d’ici 2050 (Facteur4). Elle dispense aussi les « renouvelables » et notamment les industries éoliennes de toute contribution alors que ces dernières ne sont pas non plus sans causer de graves nuisances. Une contribution énergie écologiquement adéquate ne devrait pas se réduire à une taxe carbone mais faire contribuer chaque produit énergétique en fonction des nuisances qu’il occasionne, ce qui permettrait pour chaque usage, la sélection écologiquement la meilleure. Le produit de cette contribution devrait servir intégralement à aider les « ménages » à s’adapter à la transition énergétique. Ce n’est pas du tout une contribution de cette sorte qui a été votée dans la Loi des Finances 2014.

La Contribution climat énergie votée dans la LF 2014

La CCE consiste en une augmentation progressive de la TIC (taxe intérieure sur la consommation) des produits énergétiques en fonction de leurs émissions de CO2. La taxe passera de 7€ la tonne de carbone émise en 2014 à 14,50€ en 2015 et à 22€ en 2016. En 2014 seuls seront concernés le gaz naturel, le fuel lourd et le charbon qui verront donc leurs prix augmenter. En 2015, la plus part des énergies fossiles y seront soumises. Elles seront taxées à hauteur de 4 milliards en 3 ans. L’introduction de cette CCE « aura un effet analogue à une hausse du prix des énergies fossiles » selon le rapport de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Contrairement aux revendications de la plupart des associations environnementales ou des collectifs de ces associations, l’électricité sera exclue de cette CCE. Ces associations estiment également que la taxe sur la tonne de carbone n’est pas assez élevée. Pour le Réseau Action Climat la tonne de C02 devrait valoir 40 € aujourd’hui et 56 € en 2020. Pour France Nature Environnement, elle devrait être un peu plus chère en 2020 : 60€. EE/LV l’estime à 36€/tCO2 en 2013 pour monter à 100€ en 2030. Sur les 4 milliards de taxe collectés, les 3/4 vont abonder le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui sera attribué aux entreprises sans aucune «éco-conditionnalité» alors que les associations voudraient qu’elles soient entièrement redistribuées aux particuliers sous formes d’aides diverses pour leur adaptation à la transition énergétique avec un effort plus important pour les ménages les plus démunis afin d’éviter qu’ils se retrouvent en situation de précarité énergétique.

La CCE favorise l’énergie électrique d’origine nucléaire. Le cas du chauffage domestique.

Nouveaux compteurs EDF "intelligents"
Nouveaux compteurs EDF "intelligents"
Aujourd’hui, se chauffer au gaz revient nettement moins cher que de se chauffer à l’électricité même si le coût de l’installation est plus élevé. En chauffage électrique, il faut compter en 0,1329€ le kWh en tarif de base EDF et aux alentours de 0,1234€ en tarif différencié heure pleine/heure creuse. Avec le chauffage gaz, il faut compter entre 0,0568€ et 0,0604€ (tarif B1) le kWh. Avec une taxe CCE de 22€ en 2016 et selon les estimations de la commission des finances de l’Assemblée nationale, on peut en déduire une augmentation d’environ 7,5 % par rapport à 2013, ce qui met le prix du kWh de chaleur aux alentours de 0,0649€, ce qui reste encore très compétitif malgré un renchérissement certain. Selon le calcul du journal Les échos, pour un ménage de quatre personnes habitant une maison chauffée au gaz et consommant 15.000 kWh par an, le surcoût serait en 2014 d’environ 20€ mais il augmenterait fortement en 2015 et 2016 pour représenter en 2016, un surcoût de près de 70€. Et il n’y a pas de raison que la taxe sur la tonne de carbone ne continue pas de grimper peut-être pour satisfaire EE/LV mais certainement pour remplir les caisses de l’état qui sont de véritables tonneaux des Danaïdes ! Et si elle continue de grimper, l’écart de prix entre le kWh chaleur Gaz et le kWh chaleur électricité deviendra insignifiant, du moins si, contrairement à ce que souhaitent les écologistes, cette électricité continue d’être exemptée de cette CCE. Comme à la construction, l’installation d’un chauffage électrique est bien moins chère qu’un chauffage gaz…
L’industrie nucléaire qui se prétend « décarbonée » échappe donc à toute contribution. De nouveaux débouchés s’ouvriront devant elle en France. Les nucléocrates peuvent se frotter les mains, cette contribution, telle que votée dans la loi de Finance 2014 est pour eux une excellente affaire. En se focalisant sur les énergies fossiles et les émissions de CO2 taxées à hauteur de 4 milliards en 3 ans, le gouvernement et l’Assemblée nationale envoient aux usagers et aux consommateurs un signal-prix on ne peut plus clair : il faut passer au tout électrique. L’intégration de l’énergie électrique d’origine nucléaire dans cette contribution constituait donc une question stratégique. Le gouvernement et le parlement ont tranché en faveur de l’industrie nucléaire.

Production d’électricité électronucléaire et «défi climatique»

Aucune filière de production d’électricité n’est décarbonée au sens strict, c’est-à-dire si l’on prend en compte la totalité de son cycle de vie. Si l’on envisage exclusivement les émissions de CO2 et équivalent C02 prétendues responsables du «changement climatique», moins une filière sera émettrice de ce gaz et plus sa substitution à une autre plus émettrice sera considérée comme bénéfique pour le climat.
En ce qui concerne le nucléaire, il est incontestable qu’une fois en activité, une centrale nucléaire émet peu de C02 mais il faut envisager la filière dans son ensemble en prenant en compte l’extraction du minerai, son acheminement, son traitement, la construction de la centrale, son démantèlement… On obtient des résultats très différents selon les auteurs des calculs de ces émissions, sans compter que chaque installation est un cas particulier avec un bilan carbone propre sur son cycle de vie qui de plus peut varier au cours du temps. Les résultats avancés ne sont donc que des moyennes qui peuvent recouvrir des disparités fortes et qui sont de toute façon à prendre avec prudence.

Dans une estimation franco-française datant des années 2000 et relayée par tous les nucléocrates dont Jean-Marc Jacovici, la filière nucléaire émettrait 6gr/CO2 /kWh. Une telle estimation a été reprise récemment par le président de l’association de promotion du nucléaire baptisée « Sauvons le climat » sur la « chaîne Energie » de l’Expansion. Sans compter quelques raisonnements curieusement circulaires, il oublie le transport du minerai, le démantèlement, le stockage des déchets et accorde généreusement 60 années de vie à l’EPR encore en chantier.
Pour sa part l’ADME retient plus du double : 18gr/CO2/kWh. Mais l’étude qui fait référence (elle est d’ailleurs citée par l’ADME dans son Guide des facteurs d’émission) est celle de Benjamin K. Sovacool de l’université de Singapour qui aboutit à des quantités encore plus élevées. Il a montré que les émissions de C02 attribuables à la production d’électricité nucléaire sont en moyenne de 66gr/CO2/kWh sur la base d’un examen critique de 103 études consacrées à cette question. 38 % des émissions de CO2 du secteur sont dues aux opérations d’extraction des minerais d’uranium, à leur conditionnement et leur acheminement. Le démantèlement des centrales compte pour 18%, l’activité des centrales17 %, le stockage des déchets 15 %. Enfin la construction des centrales ne comptent que pour 12%. L’auteur explique les grandes divergences des résultats des études qu’il a examinées « en identifiant des erreurs à la fois dans les estimations les plus basses par manque d’exhaustivité et des plus hautes par l’absence de prise en compte des coproduits. » (« Valuing the greenhouse gas emissions from nuclear power: A critical survey » Energy Policy Volume 36, Issue 8, August 2008, Pages 2950–2963) ici

La centrale de Fessenheim bientôt démantelée?
La centrale de Fessenheim bientôt démantelée?
Parmi les paramètres susceptibles de faire baisser les émissions il y a la proximité du minerai, sa richesse et son accessibilité. Pour ceux-ci, il n’y a guère d’amélioration à espérer, au contraire. Il n’y a plus de mines d’uranium dans l’hexagone, il faut aller le chercher en Afrique, en Mongolie … Les paramètres sur lesquels il peut y avoir une amélioration sont le taux d’utilisation des centrales (pas toujours brillant pour EDF) et la durée de vie des centrales. En allongeant cette dernière jusqu’à quarante ans et au-delà, on fait décroitre sensiblement l’émission de CO2 par kWh produit mais on se trouve devant deux difficultés. La première, c’est qu’avec une centrale vieillissante, le taux d’utilisation décroit. La seconde, c’est le maintien de la sûreté. Plus une centrale vieillit, moins elle est sûre d’autant qu’elle n’était pas construite à l’origine pour durer aussi longtemps. Restaurer la sûreté minore les gains en CO2.
Il reste que le nucléaire, même avec des émissions revues à la hausse selon les calculs de Savocool, émet environ 15 fois moins de gaz à effet de serre que les centrales à charbon, au pétrole ou au gaz qui relâchent de 443 à 1.050 g CO2 par kWh ! Selon l’étude de Sovacool, la filière électronucléaire occupe une place moyenne moins bonne que les renouvelables mais bien meilleure et de beaucoup que les fossiles. (On entend ici par renouvelables : l’éolien off et on shore, l’hydraulique sous ses diverses formes, la biomasse sous ses multiples formes (ressources et modalités d’exploitation), la géothermie, le solaire thermique et le solaire photovoltaïque).

Par contre si l’on reprend les estimations de l’ADME (18gr/CO2/kWh), elle est placée avant le solaire photovoltaïque (32 gr/CO2/kWh) en concurrence avec certaines utilisation du bois et proche de l’éolien terrestre. Si l’on reprenait les estimations du président de « Sauver le climat », avec 6gr, elle serait en tête, largement devant le renouvelable le moins « carboné », l’éolien offshore qui émet 9gr par kWh et l’hydroélectrique avec réservoirs (barrages) qui émettrait 10gr !

Rappelons que la substitution d’une filière à une autre ne peut être réputée bénéfique pour le climat que si le résultat de cette substitution entraîne une baisse sensible des émissions de gaz à effet de serre. De ce point de vue, le développement des filières «renouvelable» ne doit pas avoir pour objectif de se substituer au nucléaire. Une fois que l’on a compris cela, on ne s’étonne plus de voir le CEA, EDF EN ou Areva se positionner sur le secteur des énergies renouvelables notamment l’éolien, complémentaire et non concurrent de leur activité principale, le nucléaire.

En se focalisant uniquement sur le C02 et sur le supposé réchauffement climatique qu’il induirait, on fait la part belle à l’énergie nucléaire. Du strict point de vue de l’émission de C02, elle apparaît comme le pilier du mix énergétique le plus réaliste pour la France. D’ailleurs le bureau d’étude PwC dans un communiqué de presse du 4 décembre 2013 écrit «Cette année encore, de par son important niveau de production et son parc essentiellement nucléaire (peu émetteur en CO2), le groupe EDF contribue de façon très significative à maintenir le facteur carbone moyen européen à des valeurs relativement basses » alors que les électriciens allemands, à cause de l’abandon du nucléaire et du recours au charbon sont parmi les plus gros émetteurs de C02 européens : « RWE reste cette année encore l’émetteur le plus important en Europe avec 159 Mt CO2, représentant à lui seul environ 22 % des émissions totales du panel et environ 12 % des émissions du secteur à l’échelle de l’Europe des 28. Le Groupe ENEL prend place dans la catégorie des cinq principaux émetteurs, conséquence d’une augmentation de ses émissions de +2,7 Mt CO2 ».

L’électronucléaire dangereux et sale mériterait une contribution énergie à hauteur de ses nuisances

Peut-être faut-il commencer ce paragraphe par un rappel. Le C02 n’est pas un polluant atmosphérique. Il n’a aucun effet néfaste sur la santé des hommes. Il est un élément nécessaire à la vie notamment des plantes. D’ailleurs l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère a aussi pour conséquence un verdissement de la planète. Dans les forêts tempérées caducifoliées les arbres acquièrent une vigueur nouvelle qui se traduit notamment par l’augmentation de leur taille… En ce qui concerne le CO2 donc, on ne peut justifier la CCE par le principe « pollueur = payeur » comme on l’écrit à tort trop souvent et comme le propose la «commission énergie d’EE/LV» : «La mise en place d’une «contribution climat» doit permettre de mettre un coût sur les émissions de CO2 d’origine énergétique, en application du principe «pollueur-payeur»». (Les contributions climat énergie CCE)

La «Contribution Climat-Énergie» de la loi de finances 2014 n’est pas écologique et elle est inique !
Ce n’est certes pas en taxant exclusivement les émissions de CO2 émises par l’électronucléaire que l’on évitera que la CCE favorise ce dernier et que l’on dissuadera le recours à cette filière énergétique. Cette dissuasion est impérative car si d’un côté, EDF et l’électronucléaire français permet à l’Europe d’avoir un «facteur carbone moyen» bas en compensant les fortes émissions de l’Allemagne, il fait courir à cette dernière comme à la France, à toute l’Europe, voire à la planète entière le risque d’une catastrophe de grande ampleur dont les accidents de Tchernobyl ou Fukushima donnent un avant-goût. Développer la filière nucléaire pour lutter contre l’effet de serre, c’est tomber de Charybde en Scylla, ou si vous voulez se jeter à l’eau pour éviter d’être mouillé, la politique de Gribouille.

L’électronucléaire pollue : toute installation nucléaire en fonctionnement rejette de la radioactivité dans l’air et dans l’eau, notamment l’eau de refroidissement des générateurs qui est rejetée en rivière ou en mer comme à La Hague dans le Cotentin. Ces rejets sont faibles mais comme le rappelle la Commission internationale de protection radiologique « toute dose de rayonnement comporte un risque cancérigène et génétique ». En outre les éléments radioactifs rejetés en faible quantité peuvent se concentrer dans les canalisations ou dans les sédiments et de là contaminer la chaîne alimentaire comme on a pu le voir à La Hague. Cette contamination radioactive est une pollution même si l’opacité la plus grande règne quant à ses conséquences sanitaires.

Sur les sites miniers abandonnés dans le Limousin, la terre, l’eau, les plantes ont été contaminées et la dépollution est trop souvent insuffisante ou inefficace. L’industrie nucléaire est sale. Autour des grandes mines à air libre au Niger, l’air est pollué, l’eau est polluée, des ferrailles contaminées sont laissées s’oxyder à l’air libre. C’est un cauchemar environnemental avec les conséquences que l’on constate pour la santé des travailleurs et des riverains. (Cf. « Mine d'uranium d'Areva à Arlit : la population dénonce la situation sanitaire et environnementale » sur le site Novethic ici et les rapports de la CRIIRAD ici et ici)

L’industrie nucléaire ne sait que faire de ses déchets actifs sur des millénaires, empoisonnant dans le futur, terre, eau… quoi que puissent dire les nucléocrates qui veulent nous faire croire que les fûts de confinement de leurs saletés enfouis dans les profondeurs de la Planète seront éternels ! L’industrie nucléaire n’était pas propre hier, elle ne l’est pas aujourd’hui et elle empoisonnera demain. Il est nécessaire que l’industrie nucléaire ait l’obligation de provisionner les sommes nécessaires à la gestion de ses déchets et au démantèlement de ses installations en fin de vie, sommes devant être estimées de façon réaliste.

Arlit : ferrailles radioactives laissées à l’air libre (radiation gamma (512 c/s DG5) plus de 2 fois supérieur à la normale)AGHIRIN’MAN – CRIIRAD-2012
Arlit : ferrailles radioactives laissées à l’air libre (radiation gamma (512 c/s DG5) plus de 2 fois supérieur à la normale)AGHIRIN’MAN – CRIIRAD-2012
Une véritable contribution énergie qui sorte de sa polarisation sur le CO2 devrait détourner les consommateurs de l’électronucléaire dont le bas prix du kWh n’est dû qu’à l’absence de prise en compte de ces externalités dont on vient de donner un aperçu. Le montant de cette contribution pourrait être assis sur la production de déchets, sur les surcoûts occasionnés à la Sécurité sociale par les atteintes à la santé des riverains et des travailleurs du nucléaire, à l’estimation des dégâts environnementaux que la filière occasionne. La contribution CCE votée à l’Assemblée nationale ne fait au contraire, et en fin de compte que blanchir le nucléaire de tous ses méfaits.

On comprend pourquoi un organisme comme le CEA dont ce ne semble nullement être la vocation s’intéresse au changement climatique avec ses papes et papesses du catastrophisme réchauffiste, Jean Jouzel et Valérie Masson-Delmotte. Le CEA est même, via l’institut Pierre Simon Laplace, l’un des organismes les plus influents de la climatologie française par les chercheurs qu’il a su recruter et les partenariats qu’il a su nouer. C’est lui-même qui l’écrit : «En 1998, le CEA a créé le Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE), regroupant les moyens consacrés à la climatologie, en partenariat avec les autres organismes de recherche français (CNRS et Université de Versailles St Quentin). Ce laboratoire fait partie de l’Institut Pierre Simon Laplace (IPSL), qui fédère les laboratoires de la région parisienne travaillant sur le climat et l’environnement. C’est un acteur majeur dans le domaine des sciences du climat, ses résultats de recherches contribuant aux rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). » ici.
Il est certain que tout ce réseau ne comprend aucun laboratoire ou chercheur qui remette en question le « réchauffement du climat », ses conséquences catastrophiques ou sa cause principale, les émissions anthropiques de CO2.

Et les renouvelables ?

Si les associations regroupées au sein du collectif RAC (Réseau action climat) réclament une taxation de l’électricité d’origine nucléaire, en revanche elles veulent exclure de toute contribution les « renouvelables » : «Par ailleurs, la contribution climat énergie ne peut se limiter à une taxe carbone, non seulement parce qu’elle doit être élargie aux autres gaz à effet serre que le CO2, mais surtout car elle doit porter sur toutes les énergies non renouvelables, notamment l’électricité nucléaire.» Ici encore la partialité est de mise. Car au nom de quoi blanchir ces filières des nuisances qu’elles peuvent occasionner si ce n’est qu’elles sont parmi les énergies les plus «bas carbone» que l’on connaisse et qu’elles n’ont pas les inconvénients de l’électronucléaire, notamment sa dangerosité. Cela ne les dédouane pas pour autant des nuisances qu’elles génèrent : substituer un problème environnemental à un autre n’est pas du tout satisfaisant.

Pour lui, l'éolien était un piège mortel...
Pour lui, l'éolien était un piège mortel...
Pas plus que pour le nucléaire, leur contribution énergie ne pourrait être une taxe carbone. Par contre un de leur défaut principal tient à leur nature même : « parce qu'elles font appel à des éléments diffus comme le vent ou le soleil, elles consomment en grande quantité un espace, ou un paysage, qui est aussi une ressource limitée pour l'humanité » (Jean-Pierre Bourdier). Jean-Pierre Bourdier est un ancien polytechnicien, directeur de l’environnement à EDF. C’est un nucléocrate donc, ce qui ne signifie pas pour autant que ses arguments sont dépourvus de tout intérêt. Car, il faut bien en convenir : ce n’est pas aux Syndicat des énergies renouvelables et aux supporters des renouvelables tels que le RAC qu’il faut s’adresser si l’on veut connaître les défauts de ces filières énergétiques et les nuisances qu’elles engendrent. Dans son article JP Bourdier présente un tableau comparatif des surfaces au sol nécessaires pour produire 1 TWh/an. Il en ressort que les « renouvelables » occupent beaucoup plus d’espaces que les « fossiles conventionnelles » ou que le nucléaire, la palme revenant à l’éolien terrestre avec plus de 15km2, une surface sans commune mesure avec les autres filières et qui constitue incontestablement un facteur limitant pour cette filière en Europe.

Pour s’en tenir à cette filière de l’éolien terrestre que l’on peut prendre comme exemple, un autre de ses défauts majeurs, c’est de tuer des oiseaux et des chauves-souris mettant en danger les espèces à faible effectif. On compte qu’en moyenne une éolienne tue environ vingt chauves-souris et vingt oiseaux par an. Avec plus de 4500 éoliennes construites ou en projet, cela fait 86000 victimes ailées estimées pour l’ensemble du parc français sur une année. Enfin, mais non des moindres, les modèles de turbine utilisent en plus ou moins grande abondance des « terres rares » dont l’extraction produit des ravages environnementaux autour des mines, notamment en Chine, premier exportateur de ces minerais, ravages au moins aussi graves que ceux que produisent les mines d’uranium. Une taxation de chaque « ferme » d’éoliennes en fonction de la surface utilisée pour produire un kWh, des distances auxquelles les éoliennes sont visibles, de la quantité de terres rares qu’elles contiennent et d’une estimation du nombre de volatiles tués par an serait de nature à obliger les industriels de l’éolien à minimiser les nuisances proximales et distales causées par leurs parcs. Qu’une telle taxation pèse sur la rentabilité déjà aléatoire de cette filière n’est pas une objection recevable. Une filière qui ne peut ni atteindre le seuil de rentabilité sans subventions (comme un tarif de rachat du kWh supérieur au prix du marché), ni compenser ses nuisances n’est pas mûre pour le passage à l’étape industrielle. Les subventions empêchent cette maturation en ne rendant plus impératives les recherches pour atteindre cette étape, recherches qui, elles, pourraient être subventionnées.
Quoi qu’en disent Greenpeace, le RAC et autres zélateurs des renouvelables, il est indispensable de taxer chaque produit énergétique en fonction des nuisances qu’il occasionne, les produits issus des renouvelables y compris pour obtenir une Contribution énergie qui soit écologiquement eficace.

La CCE : une pompe à fric inique

Comme le rappelle une proposition d’amendement aux articles concernant la CCE dans la loi de Finance 2014 : « les carburants mis à la consommation sur le marché français contiennent une fraction de biocarburants issus de la biomasse et respectant les critères de durabilité de la directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables. » Dans l’exposé des motifs de ce texte il est précisé que ces biocarburants conformes à la directive citée ont un facteur d’émission de CO2 « égal à zéro » selon le règlement (UE° N°601/2012) de la Commission relatif à la surveillance des émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi, très logiquement et conformément à l’esprit de la CCE, cet amendement demandait que les carburants soient exemptés de cette contribution pour la partie de biocarburants qu’ils contiennent, partie connue très exactement ; les biocarburants en cause étant l'éthanol, un alcool mélangé à l'essence (SP95 et SP98, SP95-E10, E85) et le biodiesel, dérivé d'huile végétale, utilisé dans les moteurs diesel. L’amendement n’a pas été adopté !

Dans le projet de plan commenté du projet de loi sur la transition énergétique rendu public le 11 décembre 2013 par le Ministère de l’écologie, au chapitre transport, il n’est prévu que de traiter du développement de la mobilité électrique et hybride. Il s’agit une fois de plus de favoriser le tout électrique, donc d’abord l’électronucléaire… En revanche, il n’y a aucune mesure pour définir une politique d’aménagement du territoire afin de réduire la mobilité contrainte, aucune mesure non plus pour favoriser les transports en commun et alternatifs, rien pour réduire la consommation des véhicules… C’est-à-dire qu’il n’y a pas de véritables solutions de rechange à la voiture ni pour aujourd’hui, ni pour demain. La CCE, elle, s’appliquera dès maintenant et à chaque plein, il faudra la payer...

Cette CCE sur les carburants ne sera donc rien d’autre qu’une taxe supplémentaire avec un nom de baptême choisi pour lui donner un air vaguement écolo. Il aurait mieux valu qu’elle ne l’ait pas. Le chapitre transport pèse de plus en plus lourd dans le budget des ménages ; plus encore pour les ruraux que pour les citadins et ce sont eux qui ont le moins de solution de rechange. Pour les foyers ruraux les plus modestes, le budget automobile pèse jusqu’à 12% de leur budget annuel et il est constitué principalement par l’achat de carburants selon le Centre d’analyse stratégique. Il estime qu’une hausse des prix des carburants « viendrait fragiliser leur situation financière » (CAS, 2010. Les nouvelles mobilités. Adapter l’automobile aux modes de vie de demain). Les aides à l’achat d’une voiture électrique ou hybride bien plus chère que la voiture à essence ou diesel ne servira pas à ces ruraux qui n’ont que les moyens de s’offrir des voitures d’occasion !
La CCE n’est pas écologique, elle n’a rien de social non plus. Elle va peser sur le budget des ménages d’un poids d’autant plus lourd qu’ils seront moins aisés, allant jusqu’à fragiliser financièrement les plus modestes. L’argent pris aux ménages sera pour l’essentiel redistribué aux entreprises par le Crédit Impôt Compétivité, sans aucune éco-conditionnalité, sans engagement social. Cette contribution n’est pas écologique, elle est inique.

-----------------

Photos : anonyme, Remi Stosskopf (Wikimedia), AGHIRIN’Man – CRIIRAD, inconnu.

Dimanche 29 Décembre 2013 Commentaires (0)

La Cour Européenne de Justice a donné raison au Collectif d’associations anti-éoliennes « Vent de Colère ». Elle considère que le système de «tarif de rachat» de l’électricité d’origine éolienne tel qu’il est organisé en France est « un avantage accordé au moyen de ressources d’État » au bénéfice des industriels de l’électricité éolienne contraire au règlement du marché européen. Cet avis va sans doute donner un coup d’arrêt, au moins temporaire, à la montée en puissance de cette filière et donc à la multiplication de « parcs » ou « fermes » d’éoliennes géantes qui n’ont de « parc » et de « ferme » que le nom. Voilà une bonne nouvelle pour la Nature, les oiseaux, l’écologie et la santé des riverains de ces parcs.


Rien n’est encore gagné. Ce sera au Conseil d’État de qualifier ce système d’aide d’Etat et d’annuler le mécanisme français de soutien à a production d’électricité éolienne ; à savoir l’arrêté tarifaire du 17 novembre 2008. Si cette annulation n’est assortie d’aucune modulation temporelle, elle s’appliquerait aussi de façon rétroactive. Et c’est là qu’il y aurait un véritable coup d’arrêt porté à une filière déjà mal en point. Outre les problèmes financiers que cela posera aux « acteurs » de l’éolien, la situation d’incertitude concernant la question tarifaire et de ce fait la viabilité même de la filière qui ne peut subsister sans soutien fera fuir les investisseurs.

Pour le collectif d’associations « Vent de colère » qui fédère plus de 900 associations locales, « La Commission européenne doit quant à elle enquêter dès aujourd'hui afin que soient déterminés et remboursés les bénéfices excessifs captés par les investisseurs éoliens en France depuis 2001. Ce qui a été présenté depuis 2001 comme une incitation au développement des énergies renouvelables, est en réalité une aubaine financière fonctionnant à guichet ouvert aux frais des consommateurs. »

Pour les investisseurs dans l’éolien, il s’agit bien en effet d’une « aubaine financière fonctionnant aux frais des consommateurs ». Le système est le suivant : EDF et les Distributeurs Non Nationalisés (DNN) ont l’obligation d’acheter la production d’électricité des fournisseurs éoliens à un tarif réglementé largement supérieur au prix du marché, ce qui leur occasionne un surcoût. Ce surcoût leur est remboursé sur les sommes collectées au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) payée par les consommateurs sur leur facture d’électricité. Les sommes ainsi prélevées sont centralisées sur la Caisse des Dépôts et Consignation qui procède à la redistribution aux opérateurs concernés. C’est ainsi que fonctionne le racket qui rend l’éolien rentable pour les investisseurs privés qui non seulement font des profits avec l’argent des Français, mais pourrissent la vie d’un grand nombre d’entre eux et lardent le territoire de leurs hachoirs à volatiles, de préférence dans des lieux peu anthropisés où la présence et la marque de l’homme s’étaient faites discrètes depuis longtemps, sinon toujours. Il faut rappeler que cette CSPE n’était pas prévue à l’origine pour « soutenir l’éolien » mais pour que tout habitant sur le territoire français ait accès à l’électricité au même tarif, quel que soit le lieu où il réside, ville ou petit hameau reculé et quels que soient les difficultés de raccordement au réseau.

Comment un écologiste peut-il se réjouir de la mise en difficulté de l’éolien alors que les députés « Verts » à l’assemblée nationale, à une heure avancée de la nuit, font le forcing pour soutenir la filière à coup de cavaliers législatifs ajoutés à la loi Brottes sur la tarification progressive de l'énergie au mépris du débat démocratique; amendements qui visent tous à déréglementer et faciliter au maximum l’installation d’éoliennes partout sur le territoire sans que les personnes impactées et les associations de défense ou les Conseils municipaux aient leur mot à dire ?
La réponse est simple.

Tout d’abord, pour la sortie du nucléaire comme pour la lutte contre le problématique « effet de serre », la contribution de l’éolien ne peut être que négligeable. Ce n’est pas l’auteur de ces lignes qui l’a démontré de façon irréfutable mais le rédacteur en chef et éditorialiste de « L’écologiste », Thierry Jaccaud. Dans son article sobrement intitulé « L’éolien industriel est une erreur », il écrit : «Combien coûte à la collectivité une tonne de CO2 évitée lorsqu’elle subventionne l’isolation thermique des bâtiments ? Deux euro. Combien coûte à la collectivité une tonne de CO2 évitée lorsqu’elle subventionne l’éolien industriel terrestre ? Entre 230 et 280 euro. » Chiffres à l’appui, il montre ensuite que «: l’électricité produite par les 14 000 MW d’éoliennes à venir permettrait […] de remplacer seulement 0,7 réacteur. Même pas un réacteur. » Tout compte fait « concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, subventionner l’éolien industriel terrestre est un gaspillage d’argent public. Concernant une sortie du nucléaire, sa contribution est infime. La conclusion s’impose : le choix du développement massif de l’éolien industriel terrestre est une erreur. »

En ce qui me concerne, dans l’article qui suit celui-ci, j’ai montré les ravages que causent les « parcs » d’éoliennes sur la biodiversité, les oiseaux, les chiroptères, certaines espèces menacées de papillons… Et il y a les atteintes à la santé des riverains, à leurs biens et aux paysages.

Beaucoup plus d’écologistes qu’on ne le croit sont opposés au développement de l’éolien industriel. Le considérer comme un élément essentiel de la transition énergétique serait une lourde erreur : on ne supprime pas un mal environnemental en lui en substituant un autre. Voilà pourquoi, en tant qu’écologiste, on ne peut que se réjouir si cet avis de la Cour européenne de justice permettait de donner un coup d’arrêt à un éolien industriel devenu « contre-productif » au sens d’Illich.



Samedi 21 Décembre 2013 Commentaires (0)

Résumé : Dans le numéro daté du 4 décembre 2013, Le Canard Enchaîné sous la signature du Professeur Canardeau instruit un procès à charge contre la LPO Hérault, l’accusant de se vendre à EDF EN (EDF Energie Nouvelle) en acceptant de travailler pour cette entreprise, de réaliser des études d’impacts et des « suivis de mortalité » pour elle et de refuser d’en rendre publics les résultats. Cette association cautionnerait ainsi le parc d’éoliennes de son client EDF EN sur le causse d’Aumelas dans l’Hérault alors que ce parc se révèle être, en fait, un redoutable hachoir à oiseaux et à chauves-souris. La LPO a répondu à ces accusations par un long communiqué dans lequel elle dément certaines affirmations du Canard et justifie sa volonté de travailler avec les industriels de l’éolien. Après avoir expliqué pourquoi les éoliennes industrielles de plus de 100 mètres de haut sont implantées dans des zones naturelles ou semi-naturelles, cet article commente l’article du Canard et la réponse de la LPO. Il ne s’agira pas de décider si la LPO est vendue ou non à EDF mais de montrer que ce qui est en cause, c’est une divergence profonde d’appréciation sur l’éolien industriel terrestre, son impact actuel et potentiel sur les populations d’oiseaux ou de chauves-souris appartenant à des espèces fragiles et/ou menacées d’extinction et plus largement sur la biodiversité. La LPO accepte cet éolien et considère que l’enjeu est de le rendre compatible avec la sauvegarde de la biodiversité, tandis qu’à l’inverse, le Professeur Canardeau estime, implicitement, que ces parcs éoliens ne peuvent être que de gigantesques machines à tuer volatiles sauvages et chauves-souris que la LPO devrait avoir pour souci premier de sauvegarder. Pour un écologiste et plus largement pour un protecteur de la nature, c’est cette controverse qui est la plus importante et c’est à elle que sera consacrée la dernière partie de cet article. Une association de protection des oiseaux et plus largement de la nature peut-elle être favorable à l’éolien industriel, terrestre ou maritime et remplir efficacement sa mission première? Le cas du Causse d’Aumale incline fortement à penser que non. Cette réponse négative sera confortée à partir d’une étude de cas sur deux genres emblématiques dont la survie même est menacée par les parcs éoliens.


Le chantier sur le causse d'Aumelas en novembre 2008
Le chantier sur le causse d'Aumelas en novembre 2008
Pourquoi les parcs d’éoliennes industrielles sont édifiés en pleine nature

Les parcs ou fermes d’éoliennes industrielles perturbent gravement la vie et la santé de riverains des sites où elles sont implantées même si tous ne sont pas affectés de la même façon, ni avec la même intensité. Certains écologistes – mais pas tous heureusement ! – refusent de le reconnaître, qu’ils soient prisonniers de leurs mythes ou les représentants du lobby des énergies du vent. En France, les nuisances des aérogénérateurs font l’objet d’une semi reconnaissance par les pouvoirs publics. Elles valent aux aérogénérateurs d’être classés comme des ICPE au grand regret des députés EE/LV comme Denis Baupin qui ont tenté, en vain, leur faire ôter ce statut. Du fait du règlement lié à ce statut d’ICPE, les fermes d’éoliennes industrielles ne peuvent être édifiées à moins de 500 mètres des zones habitées. Ce qui est un minimum. Une distance bien supérieure (2km) serait nécessaire si l’on prend en compte les effets des ultrasons émis. Ces effets sont controversés mais ils ne le sont ni plus ni moins que les nuisances des antennes relais et des ondes électromagnétiques contre lesquels EE/LV lève l’étendard de la santé publique, offrant sur ces questions, un relais politique justifié aux lanceurs d’alerte et à leurs associations. Malheureusement, rien de tel pour les lanceurs d’alerte sur les nuisances des aérogénérateurs et leurs associations. EE/LV fait la sourde oreille et l’autruche. Deux poids, deux mesures !
Comme, heureusement, on ne peut édifier ces gigantesques brasseurs de vent près des zones habitées mais que l’on ne les implante pas non plus dans des zones industrielles où pourtant leur présence serait un moindre mal, il ne reste que les zones naturelles ou semi-naturelles, les lignes de crêtes des collines, autant de sites que fréquentent toute une faune et notamment, dans le sud du Massif central, des rapaces appartenant à des espèces protégées à l’avenir incertain. Non seulement les éoliennes sont des hachoirs à oiseaux et à chauves-souris, mais installées dans leur espace vital, elles perturbent aussi gravement leurs comportements, mettant en danger la survie de ces espèces fragiles. Ces fermes d’éoliennes sont des installations industrielles. En plus des gigantesques brasseurs de vent qui dénaturent les paysages, il faut ajouter le percement de pistes d’accès, les raccordements au réseau, etc…Tout cela sur les territoires de vie d’une faune sauvage. Les espèces les plus sensibles au dérangement qui sont souvent aussi les plus menacées quittent les lieux. Peut-on compter sur la LPO pour les défendre et combattre ces fermes éoliennes réalisées ou en projet dans des zones restées à l’état naturel ou semi-naturel qu’elles artificialisent ?

Faucon crécerellette
Faucon crécerellette
Le réquisitoire du Canard enchaîné contre la LPO de l’Hérault

Il semblerait bien que l’on ne peut pas compter sur la LPO de l’Hérault… Sous le titre « Les oiseaux sont au courant. Quand les défenseurs de la nature se vendent à EDF… », Le Canard Enchaîné du 4 décembre lance un sacré pavé dans la mare de cette association. Selon Le Canard, dans le Sud du Massif central, en 2001 « pour constituer le dossier d’enquête publique portant sur l’installation de 11 éoliennes sur le causse d’Aumelas (Hérault), la filiale spécialisée EDF Energies nouvelles demande à la Ligue de protection des oiseaux de l’Hérault une étude d’impact sur la faune. » A la suite de cette étude d’impact, l’enquête publique fut positive comme il se doit. Elle l’aurait été de toute façon et les 11 éoliennes ont été construites, rejointes par 13 autres en 2009 «adoubées elles aussi par une étude d’impact de la LPO » Ces éoliennes se sont révélées être des hachoirs à oiseaux : « depuis 2010, 7 busards cendrés, 28 chauves-souris, 13 faucons crécerellettes ont été retrouvés morts à leur pied », chiffres d’autant plus inquiétants qu’au sol, les animaux morts sont consommés rapidement et que l’on retrouve très peu de cadavres. La LPO refuserait de communiquer sur ces chiffres car elle assure le suivi de ces éoliennes pour l’électricien et elle lui serait liée par une clause de confidentialité. Selon les sources du Canard, la LPO toucherait 500 euros par jour à raison de deux jours par semaine pour ce suivi. Dans ces conditions, chacun comprendra qu’il n’est pas étonnant que la LPO « fasse la muette » alors qu’EDF s’apprête à ajouter sept nouvelles éoliennes à son parc tout en tenant pour lettre morte les recommandations qu’elle aurait faites pour éviter de renforcer l’hécatombe. Il se trouve aussi que l’ancien directeur de la LPO Hérault est devenu « responsable environnement » chez EDF qui a aussi embauché l’ornithologue qui était chargé du suivi de mortalité sur les éoliennes de ce parc. Dans ce département, au moins les défenseurs de la nature ou du moins les salariés de la LPO se vendent bel et bien à EDF.

La réponse de la LPO

La LPO a répondu à ces accusations par un long communiqué, mais sans demander de droit de réponse dans Le Canard, du moins pour l’instant.
Dans ce communiqué la LPO dément, au moins en partie, certaines informations du Canard. Elle nie que la LPO Hérault ait été chargée de l’étude d’impact sur la faune par EDF EN en 2001 : « La LPO Hérault n'existait pas en 2001 (création du groupe LPO en 2003, puis de l'association locale en 2006). Elle n'a donc pas pu réaliser les expertises naturalistes à l'époque. Les premières éoliennes ont été construites en 2006. » Qui a donc réalisé ces expertises ? Une autre association locale de la LPO, la LPO nationale ou bien encore un bureau d’étude n’ayant rien de commun avec l’association et ses groupes locaux ?

L’association affirme aussi que «la LPO Hérault est opposée à la construction de nouvelles éoliennes à Aumelas… contrairement à ce que l'article laisse penser » sans préciser quelle forme a pris cette opposition et si elle se traduit par une action juridique. En tout cas, cette opposition n’a pas empêché la LPO Hérault de faire visiter le site à l’occasion de la Semaine du Développement Durable de 2013, comme on peut le lire avec photo à l’appui sur sa page Facebook : « la LPO Hérault a accompagné pour le CPIE du Bassin de Thau, l'association des amis de la nature de Clapiers sur le parc éolien du Causse d'Aumelas » Cette visite guidée (bénévole ?) ne peut se concevoir sans l’accord de l’exploitant. L’aurait-il donné s’il avait été en mauvais termes avec la LPO Hérault ? Si, par exemple elle avait diligenté une action juridique en cours contre lui ?

En ce qui concerne le suivi de mortalité sur les éoliennes du Parc, la LPO explique que c’est à sa demande qu’il y a eu « la mise en place d'un suivi environnemental dédié aux recherches de collisions en 2010. » Elle reconnait avoir été retenue pour la réalisation de ce suivi par EDF EN : « Ainsi, suite à la découverte des 2 cas de mortalité [de faucons crécerellettes] en 2011, une étude a été mise en œuvre entre la LPO Hérault et la société EDF-EN » Elle précise que « ce suivi se poursuit depuis lors, la LPO Hérault comptabilisant les 13 cas connus fin 2013 » confirmant ainsi les informations et les chiffres du Canard.

Par ailleurs, le communiqué précise que « la LPO Hérault, appuyée par la LPO France, a demandé au Préfet de l'Hérault, responsable au titre des installations classées du bon fonctionnement des éoliennes, de mettre en demeure l'exploitant d'agir efficacement pour faire cesser ces mortalités. Sans réponse de sa part, la LPO Hérault et la LPO France ont déposé un recours gracieux sur le même thème, recevant cette fois-ci une réponse encourageante mais non suffisante. » Le communiqué indique aussi que l’association ne compte pas en rester là : « La LPO Hérault et la LPO France poursuivent leurs actions pour qu'à terme ces parcs éoliens ne soient plus impactants pour les rapaces et les chauves-souris du Causse d'Aumelas. Elles étudient toutes les possibilités, y compris juridiques pour contraindre l'exploitant à stopper ces mortalités». On ne demande qu’à le croire, mais on ne peut s’empêcher de penser que la LPO se met ainsi dans une position pour le moins délicate et l’on s’étonne que son client, EDF EN continue de recourir à ses services !

Quant au recrutement de ses permanents par EDF, la LPO se contente de dire qu’il s’agit d’un choix personnel de chacun d’eux et « si leur choix personnel reste libre, la LPO se réjouit de constater que des écologues de qualité soient intégrés au sein de ces structures afin de mieux prendre en compte le respect de la nature». Ce qui est quelque peu naïf : un écologue très compétent n’est pas nécessairement respectueux de la nature. Il fera ce pourquoi on le paye… Mais pour la communication du groupe industriel, un écologue qui a fait ses classes à la LPO est manifestement un plus ! Il semble que ces cas ne soient pas les seuls et qu’avoir été un ornithologue à la LPO est un argument massue sur un CV pour être recruté par un opérateur éolien ! Cette sorte de « porosité » entre la LPO et les opérateurs éoliens donne tout de même à penser…

Pour assumer ses tâches de protection des oiseaux, gérer ses réserves, ses centres de soins, mener ses actions juridiques, ses actions de sensibilisation, on conçoit qu’il faut à la LPO un personnel compétent, des moyens matériels et donc des financements ; que les bénévoles et les cotisations d’adhérents ne suffisent pas. En se faisant prestataire de service pour des entreprises qui construisent des installations qui massacrent ceux qu’elle est censée protéger, l’association risque non seulement de perdre de son efficacité, mais aussi un peu de son âme. C’est dommage car dans bien des domaines, la LPO fait beaucoup pour la protection des oiseaux et plus généralement de la biodiversité.

Une différence d’appréciation sur l’éolien à la racine de la polémique entre la LPO et ses accusateurs

Pourtant ce n’est pas du tout ainsi que la LPO voit les choses. Elle est consciente des impacts écologiques des grandes infrastructures telles les routes, autoroutes, lignes électriques. Pour autant, elle ne se donne pas pour objectif de les remettre en question, sauf ponctuellement lorsque des espèces patrimoniales ou menacées risquent d’être gravement impactées par l’infrastructure en cause ; ou bien encore lorsque que ces infrastructures existantes ou en projet dégradent une réserve naturelle, ou un écosystème particulièrement riche en espèces. Mais dans la plus part des cas, elle proposera des aménagements pour rendre ces infrastructures les moins nocives possibles pour les oiseaux et au-delà pour la biodiversité.

Dans le cas des éoliennes, l’objectif de la LPO est d’autant moins de remettre en cause les fermes d’éoliennes industrielles que, comme elle l’affirme et en quelque sorte le revendique dès le début de sa réponse, elle et ses associations membres « travaillent avec les industriels de l'éolien » parce qu’elle est « par principe, […] favorable au développement de l'énergie éolienne en tant qu'énergie renouvelable. En revanche, elle ne soutient pas les projets qui impactent l'avifaune remarquable et les chiroptères ». On notera qu’il n’est pas question de protéger des éoliennes l’avifaune « ordinaire » (pauvres corbeaux et autres pies...) alors qu’il s’agit de protéger les «chauves-souris » sans restriction d’espèces. La raison de cette différence de traitement est que toutes les espèces de chauves-souris sont protégées en France. Il y en a trente-quatre dont une bonne moitié sont en danger d’extinction et sur les listes rouges nationales et / ou de l’UICN.
Pour la LPO, il n’est donc pas du tout question de combattre l’éolien industriel. Simplement, « elle s'engage plus particulièrement à accompagner le développement des éoliennes en France afin que celles-ci ne soient pas un facteur supplémentaire de perte de biodiversité ». Pour la LPO « La transition énergétique ne [peut] se faire au détriment des oiseaux ou des chauves-souris. » Certes, mais c’est tenir pour acquis que l’éolien industriel est une composante essentielle de la transition énergétique et qu’il est compatible avec la biodiversité pour peu que l’on choisisse avec discernement les lieux d’implantation et que l’on prenne quelques dispositions et précautions. Deux postulats discutables. Au-delà de quelques désaccords factuels accessoires, c’est en fait le second postulat qui est en cause dans la charge du Canard enchaîné. Les fermes d’éoliennes d’EDF NE sont de redoutables hachoirs à oiseaux et travailler pour cet industriel ou pour toute entreprise construisant des parcs d’éoliennes du même type, c’est pactiser avec « l’ennemi », c’est trahir la cause : « « C’est hallucinant : d’un côté, la LPO reçoit de l’argent public pour sauvegarder le faucon crécerellette, et, de l’autre, elle travaille pour un opérateur qui les massacre ! » s’indigne notre ami des oiseaux » Les constructeurs et gestionnaires de parcs d’éoliennes industrielles ne peuvent qu’être des « massacreurs d’oiseaux » et de chauves-souris pour l’informateur du Canard et pour l’auteur de l’article qui adopte le point de vue de ce dernier. Ils n’ont peut-être pas tort. Une association de protection des oiseaux et de la nature peut-elle être « par principe » favorable au développement de l’éolien industriel terrestre ?
 

Pipistrelle mangeant un ver de farine
Pipistrelle mangeant un ver de farine
Le cas des faucons crécerellettes du causse d'Aumelas

Il y a une sorte de double, voire triple jeu de la LPO et/ou de ses groupes locaux qui fait qu’il est difficile dans le cas de l’éolien de distinguer entre ce qui est l’action de la LPO en tant qu’association de défense des oiseaux, des chauves-souris et de la biodiversité, son action en tant que prestataire de service des opérateurs d’énergie éolienne ou en tant que prestataire de service du Ministère de l’environnement pour Plan national action Faucon Crécerellette (PNAFC) dont elle est l’opérateur. Après la découverte des cadavres des faucons au pied d’une éolienne de l’opérateur sur le causse d’Aumelas, la LPO en tant que prestataire de service d’EDF EN pour le suivi mortalité, se félicite «[qu’] un travail qui se veut constructif a été mis en œuvre entre la LPO 34 et la société EDF-EN France afin : 1) de préciser la compréhension de l’impact évolutif de ces éoliennes sur cette espèce ; 2) de préciser les connaissances sur l’exploitation évolutive du causse par les crécerellettes : mise en œuvre d’une étude ciblée sur l’exploitation des habitats de chasse du causse situés sur, ou à proximité immédiate, des parcs éoliens du causse d’Aumelas, en complément des suivis sur les autres espèces nicheuses réalisés par la LPO 34 pour l’ensemble des Sociétés Projet du causse d’Aumelas représentées par EDF EN France ; 3) d’engager des mesures pour réduire voire supprimer les incidences de ce parc sur l’espèce, grâce notamment aux résultats de l’étude ciblée citée ci-dessus. » (« Mission Rapace » de la LPO) La LPO s’en félicite d’autant plus que « outre l’ensemble de ces mesures, EDF EN France et la LPO 34 ont décidé de doubler la fréquence des suivis mortalité (deux passages hebdomadaires à partir de 2012 contre un seul de 2008 à 2011) afin d’affiner les résultats de ces suivis et de vérifier que les découvertes de 2011 ne sous-estimaient pas les cas de mortalité. » Au tarif indiqué par le Canard de 500€ par jour ? Ce parc éolien sur le causse d’Aumelas, classé Zone d’intérêt floristique et faunistique, est certes un mauvais coup porté aux populations de faucons crécerellettes mais c’est aussi une très bonne affaire pour la LPO en tant que prestataire de service de l’électricien. On remarquera qu’il n’est pas question ici, pour la LPO, de condamner l’opérateur.

Busard cendré
Busard cendré
Le ton change lorsque de prestataire de service pour EDF EN, la LPO coiffe la casquette de prestataire de service du Ministère de l’environnement en tant qu’ «opérateur» du Plan national action Faucon Crécerellette. Le journal de liaison de ce plan, Le Faucon crécerellette (n°16/17-Avril 2013, p. 13) publie le « Relevé de décisions du Comité de pilotage du PNAFC du 4 décembre 2012 concernant les éoliennes du Causse d’Aumelas » comité dont la LPO est la cheville ouvrière étant donné son rôle d’opérateur de ce plan. Or ce «comité de pilotage du Plan National d’Actions Faucon Crécerellette (PNAFC) constate que la société EDF-EN est en situation d’illégalité du fait de la destruction de cinq Faucons crécerellette en 2011 et 2012 par collision avec les éoliennes du parc d’Aumelas dont elle est gestionnaire. » Elle aurait dû déposer une demande de dérogation auprès du CNPN pour avoir été par son activité cause de la destruction d’individus d’une espèce vulnérable strictement protégée et présenter dans son dossier « les actions qui seront mises en œuvre pour réduire cet impact. » Ce qu’elle n’a pas fait. De plus le comité de pilotage s’oppose à l’extension de ce parc éolien : «Du fait de ces cas de mortalités sur une espèce menacée bénéficiant d’un plan d’actions national, le comité de pilotage du PNAFC s’inquiète du projet d’extension de ce parc éolien pour lequel un permis de construire a été délivré. » Le comité de pilotage exige que l’exploitant du parc éolien prenne des mesures : « il est impératif qu’EDF-EN prenne des mesures concrètes pour limiter les mortalités avant la prochaine saison de reproduction qui débute en mars 2013 avec par exemple l’installation de système d’effarouchement (de type DT-Bird ou autre), l’arrêt du fonctionnement des éoliennes aux périodes sensibles... » Le comité de pilotage menace : « Il est dans la responsabilité d’EDF-EN de résoudre ce problème de mortalité. A défaut, une plainte au pénal pourrait être déposée pour tout nouveau cas de mortalité constaté en lien avec le fonctionnement du parc éolien du causse d’Aumelas. » Les mesures recommandées par le Comité et son opérateur sont restées lettre morte ou presque. Seules deux éoliennes ont été équipées du dispositif d’effarouchement indiqué et aucune ne s’est arrêtée de moudre du vent chaque fois qu’il y en avait ! Combien d’oiseaux tués depuis ? Combien de procès intentés à EDF EN, et par qui ? La LPO en tant qu’association en prendra-t-elle l’initiative, s’y joindra-t-elle ?

Proserpine (Zerynthia rumina)
Proserpine (Zerynthia rumina)
Il ne faudrait pas oublier que ce parc d’éoliennes est implanté au sein d’un site classé d’importance communautaire (SIC/Natura 2000). Dans son intervention lors du premier séminaire sur l’énergie éolienne et la protection de la biodiversité en septembre 2010, Henri-Pierre Roche brosse un panorama quasi idyllique de l’état de la biodiversité sur le causse d’Aumelas aux alentours du parc éolien et dresse un impressionnant catalogue des mesures prises et notamment des mesures compensatoires pour la perte de terrain de chasse des grands rapaces. Henri-Pierre Roche intervenait, non pas en tant qu’ancien directeur de la LPO Hérault mais en tant que le « chargé d’étude ornithologiques chez EDF EN » qu’il était devenu et c’était avant la découverte du carnage sur la population de faucons crécerellettes.
Il a fallu que ce soit le représentant d’une DREAL, c’est-à-dire d’une administration, qui vienne mettre un bémol à l’enthousiasme d’Henri-Pierre Roche en rappelant d’abord que « Lorsque l’on arrive au stade des mesures compensatoires, c’est que le parc portera atteinte à l’environnement de façon certaine. » Cette certitude de l’atteinte portée à la nature par l’installation contraste avec l’incertitude de la pertinence et de l’efficacité des mesures compensatoires mises en œuvre : «En revanche, poursuit le représentant de la DREAL Nord-Pas de Calais, la mise en œuvre de ces mesures ne signifie pas qu’elles auront forcément un impact positif sur la préservation de la biodiversité. C’est pourquoi les mesures de réduction et d’évitement doivent être mises en place en priorité. » (p. 40) Il soulève enfin un point d’une importance capitale : « Concernant les sites Natura 2000, les mesures compensatoires revêtent d’autres aspects que celles contenues dans les études d’impact. Sur ces sites, si les impacts touchent les espèces ou habitats prioritaires, le projet doit justifier de son intérêt public majeur et c’est à la Commission européenne qu’il revient d’instruire le dossier. » Ce qui n’a, à ma connaissance, pas été fait dans le cas de l’érection du premier groupe d’éoliennes du parc de l’Aumelas.

Aristoloche pistoloche
Aristoloche pistoloche
Ce qui ne semble pas être fait non plus pour ce qui concerne les demandes d’extension. D’ailleurs concernant l’étude d’impact pour l’extension de 2011 ; la Dreal reproche à ses auteurs de « mêler » « les habitats et espèces d’intérêt communautaire et les espèces patrimoniales ou protégées hors Natura 2000. L’étude des incidences doit présenter une analyse site par site et se concentrer sur chaque habitat et sur chaque espèce d’intérêt communautaire », ce qui n’a pas été réalisé.
La Dreal avait vu juste en reprochant, en 2011, à l’étude d’impact de ne pas avoir étudié, comme elle aurait dû le faire, « plus complétement les enjeux vis-à-vis des rapaces, notamment l’aigle royal (stationnement régulier sur le site), l’aigle de Bonelli (sédentaire et nicheur), le faucon crécerellette (chasseur régulier), les oiseaux (pie-grièche méridionale), mais également trois espèces de chauves-souris (Grand Rhinolophe, Minioptère de Schreibers, Petit Murin) ». En effet, c’est cette même année qu’a été constatée l’hécatombe de faucons crécerellettes et de chauves-souris.
En lisant cet avis de la Dreal, on constate que ces parcs éoliens sur le causse de l’Aumelas ne menacent pas seulement les chauves-souris ou les oiseaux. Il y a la présence de pelouses sèches d’intérêt communautaire prioritaire qui abritent une plante, l’Aristoloche Pistoloche, espèce très menacée, en régression dramatique, unique plante-hôte de ce merveilleux papillon qu’est la Proserpine qui du coup est lui-même très menacé. On se rend compte aussi du caractère bâclé de l’étude d’impact « adoubée par la LPO » selon le Canard non démenti par cette association qui conteste seulement avoir été chargée des études naturalistes du projet initial. On se rend compte enfin combien les documents présentés à l’enquête publique sont (volontairement ?) mal faits, touffus, peu précis voire même erronés. Il y avait là et il y a peut-être encore largement matière à contentieux susceptibles de faire annuler les extensions et même l’ensemble de ce parc éolien. Mais il est évident que la LPO n’est guère en mesure d’ester en justice en s’appuyant sur des insuffisances dont elle est en partie responsable, du moins si c’est bien elle qui a réalisé les enquêtes naturalistes pour les extensions de ce parc.

Dans son « discours d’ouverture » du deuxième « séminaire national sur l’énergie éolienne et la protection de la biodiversité » Allain Bougrain-Dubourg regrette que « des espèces sensibles [soient] menacées par des projets ou des parcs existants ». Il dénonce en particulier les parcs éoliens du Languedonc-Roussillon : « je pense notamment à la situation en Languedoc-Roussillon, haut lieu de la biodiversité Française et particulièrement sous la pression d’un développement peu rationnel. » Mais pour enrayer ce développement de l’éolien dans un haut lieu de la biodiversité Française, la LPO a-t-elle fait tout ce qu’elle aurait pu et dû faire si n’avait pas existé ce partenariat, quasi-compagnonnage ente la LPO et EDF EN ? C’est pourtant de ce partenariat que se félicite Bougrain-Dubourg dans ce même discours, partenariat qu’il veut renforcer.

À vouloir « accompagner le développement des éoliennes en France afin que celles-ci ne soient pas un facteur supplémentaire de perte de biodiversité » en tant qu’association protectrice des oiseaux tout en travaillant avec les industriels de l’éolien ou avec les ministères comme prestataire de service pour se financer mais en affirmant avoir là aussi le même objectif, la LPO mélange les genres au risque d’être suspectée de conflit d’intérêt puisqu’un conflit d’intérêt « peut être défini comme le fait, pour une personne physique ou morale exerçant une activité professionnelle ou disposant d'un mandat électif, de s'être placée dans une situation pouvant susciter un doute sur les mobiles de ses décisions. » Avec, dans le cas de la LPO, une ambiguïté irrémédiable : est-ce la protection des oiseaux qui influent sur ses évaluations et préconisations ou sont-ce ses intérêt d’expert rémunéré au service des groupes d’industriels éoliens ?

Pourquoi les anti-nucléaires ont confiance dans les expertises de la CRIIRAD dans le domaine du nucléaire ? Tout simplement parce que cette association ne s’est pas affirmée favorable par principe au développement de l’énergie nucléaire. Lorsque l’on sait, grâce en grande partie aux données et aux études publiées ou diffusées par la LPO d’ailleurs, que l’éolien industriel fait peser des menaces graves pour les oiseaux et de façon plus générale pour la biodiversité, il est difficile de faire confiance à cette association dont la raison d’être serait de les protéger mais qui affirme son attachement de principe au développement de cet éolien dont, de plus, elle tire profit en tant que prestataire de services naturalistes.

Cadavre de chauve-souris tuée par une éolienne (Ministère de l'environnement)
Cadavre de chauve-souris tuée par une éolienne (Ministère de l'environnement)
Le cas des chauves-souris

On remarquera que dans sa réponse la LPO reconnait la découverte des cadavres de 13 faucons crécerellettes mais ne mentionne ni ceux des busards cendrés, ni ceux des 28 chauves-souris. Pourtant les chauves-souris sont les plus nombreuses parmi les victimes recensées des éoliennes, sur ce causse comme ailleurs. Il semblerait que ces pauvres bêtes éprouvent une attirance fatale pour les aérogénérateurs sans que l’on sache pourquoi. C’est ainsi que l’on peut lire dans un document mis en ligne sur le site du programme national « Eolien-Biodiversité » : « Le pouvoir attractif des éoliennes sur les chauves-souris est pressenti. » (sic. Souligné par moi) En effet de nombreuses études confortent si fortement ce pressentiment que celui-ci est bien prêt de se transformer en un fait bien établi. Par contre, la lecture de compilations de la littérature pertinente oblige à conclure que l’on ne connait pas le pourquoi de cette attraction. Comme le résume le site cité « Les hypothèses sont variées à ce propos. On peut évoquer la curiosité supposée des pipistrelles, la confusion possible des éoliennes avec les arbres, l’utilisation des éoliennes lors de comportements de reproduction, l’attraction indirecte par les insectes eux même attirés par la chaleur dégagée par la nacelle ou l'éclairage du site…. » Il apparaît dès lors bien difficile de trouver des mesures pour réduire les impacts d’un parc d’éoliennes sur les populations de chauve-souris vivant sur le site ou à proximité. Il semblerait que pour certaines espèces comme les noctules et les pipistrelles, la mortalité augmente avec la hauteur des mâts mais personne ne propose de réduire leur hauteur. Bien au contraire, on édifie des éoliennes de plus en plus hautes qui atteignent aujourd’hui les 150 mètres. Inversement les machines à hélices avec des mats courts sont un danger pour des espèces volant à basse altitude comme les Rhinolophes et les petits Myotis. Or, ces petites machines commencent à être diffusées aux particuliers ou aux collectivités !

Enfin, le lieu d’implantation des éoliennes influe beaucoup sur leur dangerosité pour les chauves-souris. Les éoliennes les plus tueuses sont situées sur une crête pas très éloignée de la lisière d’un bois ou d’une forêt. Proximité d’un bois ou non, les crêtes sont choisies préférentiellement pour l’implantation de ces machines…

Consolons-nous cependant, dans le Protocole d’étude chiroptérologique sur les projets de parcs éoliens coédité par le Syndicat des énergies renouvelables (SER), France Energie Eolienne (FEE), la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) et la LPO, il est proposé comme mesure d’accompagnement, lorsque sera réalisé un projet de parc éolien présumé dangereux pour les chauves-souris, que « en cas de risque fort pressenti et afin d’enrichir la connaissance scientifique sur la thématique «éolien et chauves-souris », un suivi de la fréquentation de l’aire d’étude rapprochée par les chiroptères ou un suivi de mortalité sous les éoliennes » Aller rechercher avec ou sans chien les cadavres de malheureuses chauves-souris au pied de ces mats qui n’ont rien de cocagne, voilà une mesure propre à faire baisser la pression qu’exerce les aérogénérateurs sur ces espèces fragiles ! Est-ce la LPO qui se chargera de ce travail deux jours par semaine, à 500 euros la journée, selon les tarifs révélés par le Canard enchaîné ?

Oreillard roux
Oreillard roux
Il est tout de même curieux qu’en cas de « risque fort pressenti » il ne soit pas proposé de renoncer purement et simplement au projet, ou bien dans le cas d’un parc existant au démontage des éoliennes tueuses. La justice a bien prescrit une telle mesure contre dix éoliennes géantes dans le Nord-Pas-de-Calais au motif de « dégradation de l’environnement résultant d’une dénaturation d’un paysage bucolique et champêtre » (Cf. l’édito de Thierry Jaccaud dans L’écologiste, n°41 – Vol. 14 n°3, Automne 2013) A fortiori, cela devrait être le cas lorsque les faits sont bien établis. Rappelons que toutes les espèces de chauves-souris présentes en France sont intégralement protégées par l'arrêté ministériel du 17 avril 1981 relatif aux mammifères protégés sur l'ensemble du territoire. De cet arrêté et de l'arrêté ministériel du 23 avril 2007, il résulte qu’il est interdit « de détruire, mutiler, capturer, enlever, perturber intentionnellement ou de naturaliser toutes les espèces de Chauves-souris ainsi que de détruire, altérer ou dégrader leur milieu ». Détruire, mutiler, perturber intentionnellement des chauves-souris ; détruire, altérer ou dégrader leur milieu, c’est précisément ce que font les opérateurs qui construisent leurs parc d’éoliennes sur les territoires de vie de ces chiroptères. Bien entendu, comme toujours, des dérogations sont prévues notamment pour « des raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique » Mais il resterait à prouver non pas que l’éolien en général mais que tel ou tel parc d’éoliennes tueuses de chauves-souris a un intérêt public « majeur », ce qui est pour la plupart d’entre eux loin d’être évident. On s’étonnera donc du peu d’actions en justice intentées par la LPO ou auxquelles elle s’est associée demandant le démontage pur et simple des éoliennes tueuses.

Une défense efficace des populations de chauves-souris demande une remise en cause, au moins au cas par cas d’un prétendu « intérêt public majeur » de tel ou tel parc d’éoliennes qui les décime. Mais que propose donc comme mesures la LPO ? Il semble que sa mesure « phare » serait l’installation de dispositifs d’effarouchement… On mesurera le caractère dérisoire de cette mesure au regard des destructions, altérations des milieux de vie de ces espèces et des perturbations que les dispositifs proposés peuvent causer à leurs comportements, accroissant les pressions qu’elles subissent et mettant leur perpétuation en danger! Par contre, elle a un énorme avantage pour l’opérateur propriétaire du site : il y aura moins, voire plus du tout de cadavres de chauves-souris au pied des mats de ses aérogénérateurs !
Ainsi que le constate sur son site le Muséum d’Histoire naturelle de Bourge « l’éolien industriel terrestre est sans conteste un sujet sensible où se heurtent des enjeux environnementaux comme la réduction du CO2 et la protection de la biodiversité, le tout dans un contexte économique tendu. » Dans un tel contexte, une défense efficace des chauves-souris n’est guère compatible avec une position de principe en faveur du développement de l’éolien industriel terrestre.

Le cas des aigles royaux du sud du Massif central

Dans leur ouvrage sur l’aigle royal, Bernard Ricau et Vincent Decorde le disent sans ambages : « l’apparition depuis quelques années, dans les zones d’arrière-pays, sur les crêtes des collines, d’alignements d’éoliennes de grande dimension, avec les indispensables voies d’accès et réseaux de transport de l’énergie électrique produite, pose un nouveau problème aux aigles présent dans ces contrées » Ils détaillent les risques que font courir ces installations à cette espèce dont une population se reconstituait dans le Massif central, sur la frange méridionale de ce massif constituée par les grands causses et les Cévennes au sens large. Il y a d’abord les risques de mortalité directe. Et en premier lieu ceux d’un heurt par l’extrémité des pales tournant à grande vitesse qui sectionnent tout volatile venu au contact. Les accidents de ce type sont bien documentés dans le sud de l’Espagne. C’est là que « se concentrent avant la traversée de la méditerranée par le détroit de Gibraltar, les flux d’oiseaux en migration provenant de toute l’Europe de l’Ouest. Les nombreuses installations éoliennes de cette région sont la cause d’une mortalité directe et croissante au fur et à mesure que ces infrastructures se développent » (p. 277) Les auteurs citent également une étude américaine menée dans une zone de très forte densité d’aigles royaux nicheurs mais aussi où la densité de turbines aériennes est également élevée. Les résultats montrent la nocivité de ce type d’installation pour ces rapaces : « Sur 179 aigles « marqués » en Janvier 1994 dans cette région par les biologistes (…) on estimes que 4 ans après, entre 33 et 45 individus (sur les 99 retrouvés morts) ont été tués par collision ou électrocution avec les fermes éoliennes. » Ceci montre que les risques de « mortalité directe » sont suffisamment élevés pour mettre en danger les espèces sensibles et à faible effectif comme l’aigle royal. Il semblerait cependant que les aigles prennent conscience de la dangerosité de ces machines et cherchent à les éviter, bien que « des comportements contraires ont toutefois été occasionnellement rapportés » (p. 278) A ces risques de collisions s’ajoutent des risques d’électrocution par contact avec les câbles des réseaux si ces câbles ne sont pas enterrés.

Mais les auteurs montrent que le danger le plus grave pour les aigles royaux consiste en « la diffusion spatiale des parcs éoliens » de leurs dessertes et des installations annexes qui « stérilisent massivement et définitivement les espaces de crête que fréquentent intensément ces oiseaux, et réduit dramatiquement leurs territoires » avec les conséquences qui en découlent. Les auteurs citent le cas d’un couple fixé sur son site de nidification depuis plus de quatre ans qui a cessé de fréquenter le plateau où les éoliennes étaient en construction, perdant ainsi une grande partie de son terrain de chasse bien située près de ses aires. « Dès l’installation des premières éoliennes, la nidification de ce couple, régulière avec succès depuis trois ans au moins, s’est poursuivie, mais le succès de reproduction est devenu nul ; les oiseaux paradant de plus en plus tard avant la ponte et les œufs n’éclosant pas. » Il faut dire qu’une fois les éoliennes en service, ils devaient les survoler par le haut ou les contourner, difficilement les jours de grand vent, pour rejoindre leur nid depuis les territoires plus éloignés où ils s’étaient rabattus pour chasser. Leur vie était devenue tellement infernale dans ces lieux rendus inhospitaliers qu’ils les ont quittés et sont allés s’installer sur un autre territoire « occupé jusqu’à peu auparavant par des Aigles de Bonelli ». La conclusion des auteurs est pessimiste. « Voilà pourquoi le développement de cette production d’énergie renouvelable crée une redoutable difficulté pour l’avenir des grands rapaces si leurs besoins vitaux ne sont pas pris en compte dans les décisions de ces implantations ». Dans les régions où les grands rapaces sont présents, il faudrait singulièrement limiter l’essor de ces fermes d’éoliennes industrielles puisque pour ne pas leur nuire, il faudrait se restreindre à n’implanter que quelques parcs éoliens « sur les limites de territoire bien marquées entre couples » Et même cette hypothèse devrait être vérifiée « par des expérimentations préalables à toute décision ». On n’en est loin ! Il faut donc conclure que « la multiplication actuelle des projets d’installations éoliennes de grandes dimensions, dans des régions de collines et de plateaux où les Aigles royaux reconstituent lentement leurs effectifs, suscite donc une inquiétude sur la pérennité de populations viables de ce grand oiseau » (p.279) Entre les parcs éoliens et l’Aigle royal, il faut choisir !
Jeune aigle coupé en deux par une pale
Jeune aigle coupé en deux par une pale

Conclusion

Comme ces deux dernières études de cas sur des espèces emblématiques le montrent à l’évidence, un protecteur des oiseaux, des chauves-souris et plus généralement de la biodiversité ne peut se contenter « d’accompagner le développement des éoliennes en France afin que celles-ci ne soient pas un facteur supplémentaire de perte de biodiversité », ce qui constitue « l’engagement » de la LPO. Il faut limiter le développement de cet éolien de façon drastique car les sites les plus convoités sont aussi les plus sensibles. On ne peut pas œuvrer efficacement à cette limitation si on est par principe favorable au développement de cette forme d’énergie comme l’est la LPO. Il ne suffit pas de ne pas soutenir « les projets qui impactent l'avifaune remarquable et les chiroptères », il faut les combattre résolument.

Tout à la fois protéger les oiseaux et la nature et soutenir le développement de la filière énergétique éolienne est difficilement compatible. Le développement de cette dernière entre trop souvent en conflit avec les exigences de la protection de la nature et ces conflits ne peuvent que s’exacerber au fur et à mesure de la montée en puissance de la filière, synonyme de multiplication de fermes d’éoliennes avec des mâts de plus en plus hauts et donc de bouleversements d’écosystèmes naturels ou semi naturels sensibles, d’intrusions dans les territoires des espèces sauvages qui s’efforcent d’y survivre. Dès qu’il est question d’éolien, ne comptons pas sur la LPO. Son engagement en faveur de cet éolien, ses relations avec les industriels du secteur ne lui permettent pas d’engager une défense résolue et efficace pour défendre les oiseaux, les chauves-souris et la nature.

====================================================

Références

Professeur Canardeau (4/12/2013) « Les oiseaux sont au courant – Quand les défenseurs de la nature se vendent à EDF… », Le Canard Enchaîné, mercredi 4 décembre 2013, p.5

LPO (06/12/13), Site éolien d'Aumelas (Hérault)–La LPO répond à l'article du Canard Enchainé du 4 décembre 2013 ici

====================================================

Afsset (mars 2008), Impacts sanitaires du bruit généré par les éoliennes, Etat des lieux de la filière éoliennes –
Propositions pour la mise en œuvre de la procédure d’implantation
. ici

Avis de la Dreal Languedoc-Roussillon sur l’extension du parc éolien du causse de l’Aumelas ici

Bougrain Dubourg Allain (29 octobre 2013), Discours d’ouverture du deuxième séminaire national sur l’énergie éolienne et la protection de la biodiversitéici

Groupe rapace de la LPO ici

Lachat Nicole (Juin 2011), Eoliennes et santé humaine – Revue de la littérature et recommandations.ici (Nicole Lachat est une biologiste suisse députée suppléante des Verts au Parlement jurassien)

May, R. & Bevanger, K.(eds.)(2011), Proceedings Conference on Wind energy and Wildlife impacts, 2-5 May 2011, Trondheim, Norway – NINA Report 693. 140 pp ici

Muséum d’histoire naturelle de Bourges, « Menaces : Les éoliennes », Planète Chauvesouris,ici

PLAN NATIONAL D’ACTIONS DU FAUCON CRECERELLETTE EN France - Falco naumanni (Fleischer, 1818) 2010-2014 [ici]url: http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/PNA_Faucon_crecerellette_2010-2014.pdf

Protocole d’étude chiroptérologique sur les projets de parcs éoliens. Première étape : document de cadrage (Aout 2010) ici

Ricau Bernard, Decorde Vincent (Groupe Rapaces)(2009), L’aigle royal, biologie, histoire et conservation, situation dans le Massif central, Biotope, Mèze.

Rydell Jens, Engström Henri, Hedenström Anders, Larsen Jesper Kyed, Pettersson Jan and Green Martin (2012), The effect of wind power on birds and bats – A synthesis, SWEDISH ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY, ici

SÉMINAIRE SUR L’ÉNERGIE ÉOLIENNE ET LAPROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ ; Synthèse des échanges 15, 16 et 17 septembre 2010 ici

Villey-Migraine Marjolaine (2004) Effets de l’éolien industriel sur la santé des hommes, Université Paris II-Panthéon-Assas ici

====================================================

Photos : (de haut en bas) Midi Libre, édition de Sète, 15/11/2008 ; Dreal Dreal Languedoc-Roussillon ; Gilles San Martin ; Donald Macauley ; Adrian198cm ; Jean Tosti ; inconnu (MEDD) ; Inconnu ; Knud Pedersen.

Mercredi 18 Décembre 2013 Commentaires (2)

En suspendant sine die l’écotaxe, le gouvernement a reculé devant les lobbies routiers et la FNSEA mais n’a par contre aucun état d’âme à continuer à faire payer aux contribuables l’entretien des routes abimées par les poids lourds quitte à augmenter encore leurs impôts ou à les taxer d’avantage. « Le Collectif Pays Basque pour une pollutaxe » s’est constitué pour dénoncer cette reculade et militer pour une pollutaxe au nom du principe « pollueur = payeur » et de la justice fiscale. Le collectif a organisé sa première manifestation le vendredi 13 décembre à Biarritz. Espérons que d’autres collectifs se créeront dans les autres régions de France.


L’Écotaxe suspendue… Vive la pollutaxe !
Ce Collectif "Pays Basque pour la Pollutaxe" a été créé le lundi 2 décembre à la Bourse du Travail de Bayonne. Trente représentants de diverses associations, organisations et syndicats locaux ont décidé d’organiser dans le plus bref délai des actions et mobilisations pour demander l’application de la Pollutaxe, corrigée des principaux défauts qui la caractérisent actuellement notamment l’exonération du transport sur autoroutes payantes, l’abattement de 30 % pour l’Aquitaine ou le partenariat public privé avec Ecomouv et le contrat léonin qui lie l’État à cette société. A cette occasion un appel a été lancé aux autres territoires et régions pour en faire de même.
Le 13 décembre, des militants du collectif ont suspendu une grande banderole « + de trains ! – de camions ! Pollutaxe maintenant ! » sur un pont surplombant l’autoroute A63, juste après le péage de Biarritz tandis que d’autres distribuaient un tract aux automobilistes passant au péage. Les manifestants étaient équipés de drapeaux basques et de masques blancs anti-pollution, symbole de leur mouvement.
Le collectif dénonçait dans ce tract le renoncement du gouvernement aux « recettes de l’écotaxe payées par les entreprises routières au moment même où il va augmenter la TVA des transports publics à 10 % (contre 5,5 % en 2011). » Pour Txetx Etcheverry, porte-parole des manifestants, il s’agit là « d’une double peine pour les secteurs les plus pauvres de la population, qui se déplacent en transports collectifs, et qui devront en outre continuer à payer avec leurs impôts l’entretien des routes abimées par les poids lourds ».

Jérôme Teillary, autre représentant des masques blancs et cheminot à Hendaye, rappelait quant à lui que le fret SNCF de la côte basque a perdu 2/3 de ses emplois ces dix dernières années. « La pollutaxe doit faire payer aux camions l’usage de la route comme le train paie aujourd’hui un péage pour le rail, sinon la concurrence est faussée entre ces deux modes de transports de marchandises. Elle servira en outre à financer les alternatives de type rail, fret maritime ou fluvial, créant ainsi des emplois de proximité, non délocalisables. Il faut reconvertir les chauffeurs routiers en cheminots, et non l’inverse comme aujourd’hui ! » Certes, mais il faudra bien d’autres manifestations pour réussir un tel changement de cap.

Le « Collectif Pays Basque pour la Pollutaxe » vient de donner l’exemple. Il faut que d’autres régions suivent et pourquoi pas la Bretagne car tous les Bretons n’étaient pas à Quimper le 2 novembre à la manifestation des « Bonnets rouges ». Ce témoignage publié par Reporterre, dont voici un extrait le prouve : « Je suis Breton et fier de l’être, et me voilà invité par ceux qui ont apporté à la Bretagne la pollution de l’eau, les troubles musculo-squelettiques et maintenant la fermeture d’usines agroalimentaires, malgré des aides publiques massives. Me voilà invité à Quimper par tous ceux qui ont perdu la Bretagne depuis quarante ans et qui n’ont comme avenir à lui proposer que de continuer à la gérer comme avant pour la perdre demain encore et toujours ! Me voilà invité à Quimper par des décideurs publics et privés incompétents et cyniques qui cachent mal sous leur bonnet rouge les oreilles de leur bonnet d’âne ! Quant aux salariés de l’agroalimentaire, on est triste pour eux, tant leur désarroi les égare. Les voilà mariés, bras dessous bras dessous, avec ceux qui ont cassé leur corps pour trois francs six sous et qui leur promettent pour avenir de continuer à le faire pour encore moins cher ! Inutile de se voiler la face. Samedi à Quimper, ce n’était pas un bal de mariage, seulement et tristement le bal des cocus... »

Partout en France, sortons nos masques blancs non seulement pour se protéger de la pollution automobile dont nous venons de subir un épisode sévère mais aussi pour manifester pour une pollutaxe à application immédiate, une pollutaxe qui ne soit pas renvoyée aux calendes grecques de la réforme de la fiscalité.


Samedi 14 Décembre 2013 Commentaires (0)

Le «cluster» Paris-Saclay est un argument de poids pour des opérations immobilières juteuses au détriment d’une agriculture pourtant dynamique. C’est le paradis de la spéculation immobilière avec la bénédiction de Dieu Pépère, de son premier ministre, de sa ministre pseudo-écolo Duflot et du Conseil Général à majorité PS de l’Essonne.


Dans les pages « immobilier » des journaux, on présente sans pudeur le Grand Paris comme des « opportunités » pour réaliser de bonnes opérations immobilières. L’Express du 31/10/2013 titre ainsi : « Grand Paris : ces zones à fort potentiel pour les investisseurs en immobilier », c’est-à-dire pour les spéculateurs. Parmi ces zones, il y a le Plateau Saclay où ils pourront se faire du fric.

Pour l’instant, ce n’est que la campagne, pas tellement bien desservie en transports en commun, mais il ne faut pas s’y fier. Il y a du «potentiel» : « Une vraie ville se profile sur le plateau de Saclay. » Et l’article de détailler : « En attendant la mise en service prévue pour 2023 des 3 stations du Grand Paris Express (Palaiseau, Orsay-Gif et CEA Saint-Aubin), une desserte par bus à haut niveau de service (BHNS), avec forte fréquence, y compris en soirée et le week-end, une voie réservée... accompagnera les premières années de développement du plateau. Dès 2014, va être créé le campus Paris Saclay, qui regroupera d'ici 10 ans 60 000 étudiants et 10 500 enseignants et chercheurs. Centrale, l'ENS Cachan, l'Institut Mines-Télécom… vont rejoindre ce futur centre scientifique de rayonnement mondial, là où Supélec, Polytechnique et l'Université Paris Sud sont restés isolés durant des décennies. »

Le journaliste qui a écrit cet article n’est sans doute jamais venu tâter le vent sur le Plateau, sinon, il n’aurait pas écrit : « Danone, Thalès, Kraft Foods, Horiba ont également implanté leur pôle R&D dans cet écrin boisé. » Et non, ils ne se sont pas installés dans les bois mais au milieu des champs, sur des champs qui étaient cultivés, de la bonne terre francilienne enfouie sous le béton et le goudron… D’ailleurs, si ces bâtiments s’étaient implantés dans un « écrin boisé », l’écrin aurait été massacré ! Le Plateau, ce sont des rigoles, des haies, des bosquets, du maraîchage, des champs, un élevage de poules bio et même des vaches … La campagne, en somme, aux portes de l’agglomération parisienne… Pour son malheur ! La campagne certes, mais pas la forêt contrairement à ce qu’écrit le journaliste de service.
De toute façon, ce journaliste, de la campagne, il doit se foutre éperdument ! Sa référence absolue, l’assurance de placements immobiliers juteux sur le Plateau de Saclay, c’est la Silicon Valley ; ce délire mégalo porté par Sarko et sa clique, repris par Hollande et la sienne : Ayrault et hélas aussi Duflot, la ministre « écolo » à la muselière qui est ici la ministre de l’inégalité des territoires …

« Pas étonnant, s’ébaudit le journaliste, que le magazine américain MIT Technology Review a classé le 1er août dernier Paris-Saclay dans le top 8 mondial des World Innovation Cluster aux côtés de la Silicon Valley. » Face à cela, l’agriculture ne fait pas le poids. C’est bien trop terre-à-terre. Comprendre l’intérêt et le caractère précieux de l’agriculture de proximité, surtout à la marge d’une grosse agglomération comme la « Petite Couronne » parisienne est le cadet des soucis des promoteurs et spéculateurs immobiliers. Cela semble au-delà de l’entendement des « décideurs » politiques, y compris de la ministre à la muselière qui se dit écologiste, Cécile Duflot. Une muselière qui n’a d’ailleurs que sa pleine efficacité que lorsqu’il s’agit d’environnement, d’énergie, de nature…Bref, lorsqu’il s’agit des fondamentaux de l’écologie.
Si le journaliste de la rubrique « immobilier » de l’Express est si dithyrambique pour cette ville en gestation, ce n’est pas totalement gratuit. C’est qu’il veut, tel un agent immobilier, convaincre son lecteur spéculateur qu’il y a quelque chose à vendre, quelque chose dont il pourra tirer profit. « Deux ZAC vont être aménagées autour des quartiers structurants de l'Ecole Polytechnique et du Moulon : 5200 logements étudiants et 4500 logements familiaux vont être bâtis d'ici 2018. Avec également 86 000 m² de commerces et équipements publics. » Messieurs, vous allez pouvoir vous en faire du fric ! Mais soyez vigilant et ne tardez pas « A Palaiseau, Nexity commercialise le programme labellisé BBC Villapollonia qui sortira de terre mi 2015 dans le nouvel éco quartier Camille Claudel. Comptez 3843 € le m² pour un 3-pièces de 64 m² et 4252 € le m² pour un 3-pièces de 71 m². 11 lots sont encore disponibles »
Aujourd’hui tout bétonneur qui se respecte ne construit plus que des éco quartiers des immeubles BBC ! Les éco quartiers, les immeubles BBC, c’est bien pratique. Ça permet à certains écolos dont la ministre à la muselière de s’aligner sans trop perdre la face sur les positions des partis comme le PS (ou l’UMP) : favoriser la construction de logements ou de bureaux en reléguant la lutte contre l’artificialisation des terres au rang d’objectif secondaire. On remarquera aussi l’énormité de la spéculation foncière : le département de l’Essonne 91) à majorité socialiste (avec un élu EE/LV dans l’exécutif) exproprie les agriculteurs au prix de 0,71€ le m2 alors que les logements Nexity se vendent entre 3843 et 4252€ le m2 et les terrains à bâtir pour bureaux à 100€ le m2.

Comme le montrent ces lectures, la Silicon Valley du Plateau de Saclay n’est pas un projet inutile pour tout le monde…. "Y a du fric à se faire"… Et pour les infrastructures, les contribuables paieront la note…

Souhaitons qu’il y ait beaucoup de monde à la manifestation happening du 7 décembre contre cette stérilisation des terres pour la spéculation foncière et pour défendre l’agriculture du plateau.
Des légumes, du blé ! Pas de béton, ni de bitume !
________________________________________________________________________________

Sur Paris-Saclay et sur le Plateau voir aussi sur ce blog :

Contre le « Grand Paris » et l’urbanisation du Plateau de Saclay:
Tous sur le plateau le 7 décembre !

Après Notre Dame des Landes, voici Paris-Saclay
Ligne rouge du Grand Paris Express : la Société du Grand Paris prié de revoir sa copie
Stop au Grand Paris
Cécile Duflot et le Grand Paris : un spectaculaire retournement de veste

Jeudi 5 Décembre 2013 Commentaires (0)
1 ... « 18 19 20 21 22 23 24 » ... 39
Profil
Jean-François Dumas
Jean-François Dumas
Dernières notes
Un peu d'humilité 28/09/2023
Recherche
Galerie
Tilleul Boulevard de la République
Square Pompidou
Cerisier Rue des Ormeaux
Boîte aux lettres, chemin de Pont haut, Colmars-les-Alpes (04)
Sans titre, chemin de Pont haut, Colmars -les-Alpes
Meurtrière, Colmars-les-Alpes