Aujourd’hui, la question de la limitation de la population humaine est taboue, y compris pour beaucoup d’organisations, partis ou associations écologistes. Parmi les militants, Il y a des exceptions, Yves Cochet par exemple, mais leurs prises de position, même si elles donnent lieu à un article ou un livre, restent individuelles. Sans doute à cause de leurs convictions religieuses, certains « décroissants » veulent voir décroître bien des choses, mais pas la population humaine et l’on trouve des « décroissants » mêlant leurs voix aux lanceurs d’anathèmes contre les dénatalistes et les néomalthusiens, les accusant de toutes les tares morales et politiques, d’égoïsme, de mépris des hommes, d’antihumanisme pouvant aller jusqu’au fascisme, à une nouvelle forme de ce dernier : «l’écofascisme». Les mesures propres à stopper l’expansion de la population humaine à défaut de l’inverser sont aujourd’hui absentes de tous les scénarios que concoctent les experts ès écologie, ès énergies renouvelables ou bien encore ès développement durable. Pourtant si la décroissance de la population humaine ne peut à elle seule résoudre les crises écologiques actuelles, elle est en quelque sorte un prérequis, une condition nécessaire, mais bien sûr non suffisante, de la réussite de toute transition écologique.


Pas de transition écologique sans transition démographique !
À la naissance de l’écologie politique en France : le dénatalisme de René Dumont et du mouvement écologiste lors de la campagne présidentielle de 1974.

Tous ces écologistes sont bien loin des positions sur la démographie défendues par ceux qu’ils reconnaissent néanmoins être des fondateurs de la pensée écologiste et notamment de l’écologie politique en France. Il est loin le temps où René Dumont, lors des élections présidentielles de 1974 dénonçait « la surpopulation et les problèmes démographiques ». En 1974, René Dumont et la quasi-totalité du mouvement écologiste français estimaient qu’il y avait « déjà trop d’hommes » alors que « nourrir plus d’hommes implique la destruction du milieu naturel ». Pour Dumont et le mouvement écologiste qui soutenait sa candidature, le problème était aussi urgent en France qu’en Afrique ou au Bengladesh parce que « chaque français consomme 50 à 200 fois plus qu’un habitant du Tiers monde » et « que notre nourriture et nos ressources viennent du pillage du Tiers monde » (1) . Au niveau local, « il n’y a pas de défense possible des sites et des «espaces verts» dans un pays surpeuplé », tandis qu’au niveau planétaire la surpopulation, « c’est la FIN du monde, ou la FAIM du monde ou d’autres mesures » (2) . Face au Grand Jury RTL, à une époque où des natalistes comme Michel Debré voulaient une « France de 100 millions de Français », Dumont insiste : c’est dans les pays riches qu’il faut d’abord arrêter la croissance démographique « même s’ils sont dépeuplés, parce que c’est dans les pays riches que le pillage du Tiers Monde, par le gaspillage de matières sous-payées, aboutit aux plus grandes destructions de richesses ».

Pour les fondateurs ou les précurseurs de l’écologie politique, la croissance exponentielle de la population humaine est un danger pour la survie de l’humanité même. Même s’il était outrancier avec des scénarios pas très bien fondés, La bombe P de Paul R. Ehrlich et Anne H. Ehrlich paru en 1968 est sans aucun doute une des origines de cette sensibilisation au problème démographique des écologistes des années 70. C’est d’ailleurs en 1970 que s’est constitué le groupe «Survivre et vivre» qui affirmait dans son premier bulletin que l’humanité ne pourra pas survivre « si elle n’arrive à contrôler sa population ». Juguler l’expansion démographique humaine était ressentie unanimement comme d’autant plus urgente que cette démographie possède « une grande inertie : elle répond lentement aux stimuli »(3) .Aussi lors de sa campagne, René Dumont n’hésite pas à proposer des mesures drastiques : le contrôle des naissances avec le droit inconditionnel des femmes à l’avortement, l’égalité homme/femme « leur permettant de n’être plus cantonnées dans leur rôle de mère », la suppression des allocations familiales et du quotient familial comme de tout encouragement à la natalité « mais seulement après que l’éventail des revenus soit resserré (il prévoyait un ensemble de mesures à cet effet), l’accès à la contraception soit général (ce qui n’était pas le cas à l’époque), la population prévenue »(4) .

Cette prise de position dénataliste est dictée d’abord par la nécessité de survie de l’espèce humaine même. Une expansion démographique continue, c’est la famine assurée, le chaos avec comme issue possible, la fin même de l’humanité. Une telle thèse peut paraître inutilement catastrophique et pour le moins douteuse alors que régulièrement, il y a des crises de surproduction agricole en France avec effondrement des cours et destruction de récoltes devant les préfectures par des agriculteurs en colère. Ces crises de surproduction surviennent aujourd’hui, à une époque où le pétrole est encore abondant. Mais demain ?
Il faut rappeler « la force du lien population-ressources : manger, c'est absorber de l'énergie exogène, et l'effectif humain qui, rappelons-le, a été multiplié par 7 en deux siècles, comme l'usage des énergies fossiles, ne pourra pas rester stable quand ses ressources énergétiques seront divisées par 7! » (5). Dans un avenir pas très lointain, même si l’extraction des « gaz de schiste » et de «pétrole non-conventionnel» retarde l’échéance, le pétrole deviendra rare et l’agriculture mécanisée d’aujourd’hui ne pourra plus fonctionner. « Même avec une empreinte carbone réduite à celle de Cro-Magnon, les besoins alimentaires vitaux par humain ne décroîtront pas. Or aujourd'hui ils pourraient probablement être satisfaits (je parle en ordre de grandeur) si les repus du Nord mangeaient moins de viande pour libérer les surfaces productives capables de nourrir les affamés du Sud. Demain, la conjonction de l'effondrement agricole post-pétrolier (qui est inéluctable) et d'une augmentation de 50% de notre nombre (qui n'est pas inéluctable) provoquerait des famines planétaires susceptibles de causer (directement ou par violence induite) des morts par milliards. »(6).
Donc, oui, l’expansion démographique jointe à la raréfaction des ressources, à l’épuisement des sols, combinée à la raréfaction des énergies fossiles et notamment du pétrole peut entraîner la fin de l’espèce humaine. Il n’y aura jamais 9 milliards d’hommes sur Terre.
Dans son Antimanuel d’écologie Yves Cochet déclare : « J'écris une dernière phrase d'une main tremblante : le déclin démographique proche sera catastrophique au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Dire que la population du monde va perdre 3 milliards d'habitants en 30 ans n'est pas un froid constat de prévisionniste statisticien. La perspective est humainement insupportable. Hélas, elle est devant nous »(7) . Ainsi et cela n’a rien de paradoxal, les natalistes creusent la tombe de l’humanité.

Cette justification présente des thèses écologistes soutenues dans les années 70 montre qu’elles sont encore d’actualité en 2014. Dumont avait raison. Le problème était urgent, il l’est toujours et pourtant, hier comme aujourd’hui, rien n’est véritablement entrepris pour stopper cette expansion démographique. La situation a même empiré. En 1974, la population mondiale était de 4 milliards d’individus, en janvier 2014, au moment où j’écris cette ligne, elle est de 7 189 350 347. Elle augmente d’environ 232 000 habitants de plus chaque jour sur la planète tandis que la question de la démographie est devenue tabou y compris dans la plupart des mouvements ou partis se réclamant de l’écologie. Seule une poignée de militants et d’associations essaie de briser cette omerta, avec bien peu de succès, hélas !

Pour Dumont l’expansion démographique et la surpopulation, c’est non seulement une planète affamée mais c’est aussi une planète saccagée ou il ne fait pas bon vivre. Trop d’hommes sur terre, c’est la destruction des milieux naturels, l’aggravation de tous les problèmes environnementaux quand ce n’en est pas la cause. Et cela constitue aussi, de façon indirecte, une menace pour la survie de l’humanité. Enfin l’exigence du « bien vivre » ne peut être satisfaite dans un monde surpeuplé : la surpopulation, c’est l’entassement en milieu urbain, c’est l’impossibilité pour chacun de satisfaire son besoin d’espace et de nature « si trop de gens s’installent dans un endroit agréable, l’agrément de cet endroit est détruit », c’est l’impossibilité de défendre sites et espaces verts, etc. Pour que l’humanité puisse survivre, il faut moins d’hommes et si les hommes sont moins nombreux, ils pourront accéder à une qualité de vie bien meilleure. Survivre et bien vivre présuppose de juguler l’expansion démographique de l’humanité.

Le dénatalisme d’Arne Næss et de la « deep ecology »

Ces deux derniers arguments en faveur de mesures dénatalistes rejoignent ceux avancés dans un cadre conceptuel et un contexte différent par la « deep ecology » d’Arne Næss. Dans la plateforme pour l’écologie profonde qu’il formule, la limitation de la population humaine est un des impératifs. C’est le point 5 de cette plateforme : « 5. L’épanouissement de la vie humaine et des cultures est compatible avec une baisse substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non humaine exige une telle baisse » (8). La première partie de cette formule est explicitée et justifiée en des termes semblables à ceux du programme de Dumont. Mais l’écologie profonde ne se soucie pas seulement de la «vie humaine». Elle se soucie de toutes les formes de vie et ce terme doit être pris dans un sens large. Pour Næss, les paysages, les rivières sont aussi des formes de vie. « Le terme de vie est utilisé ici dans un sens large non technique pour désigner aussi ce que les biologistes classent comme « non-vivant » : les rivières (lignes de partage des eaux), les paysages, les cultures, les écosystèmes, «la Terre vivante». Des slogans tels que « la rivière doit vivre ! » illustrent cet usage très courant et largement répandu dans de nombreuses cultures »(9) .

Arne Næss, philosophe, écologiste et alpiniste
Arne Næss, philosophe, écologiste et alpiniste
Pour l’écologie profonde, l’épanouissement de la vie non humaine est aussi important que celui de la vie humaine, c’est le principe de «l’égalitarisme biosphérique», le refus d’admettre que certaines formes de vie aient plus ou moins de valeur que d’autres. «Les espèces dites « simples », « inférieures » ou « primitives» de plantes ou d’animaux contribuent de manière essentielle à la richesse et à la diversité de la vie. Elles ont une valeur en soi et ne sont pas que des échelons vers des formes de vie prétendument supérieures ou rationnelles »(10). Næss précise que cet égalitarisme biosphérique vaut aussi pour les habitats et les écosystèmes « qui témoignent d’une telle similarité avec [les espèces] qu’il est logique de les prendre en compte ». Cet égalitarisme biosphérique est fondé sur une évidence intuitive : il est intuitivement clair pour les « écologistes de terrain », c’est-à-dire chez ceux qui ont l’expérience de la nature sauvage et qui se mobilisent pour la défendre dans la sphère publique. « La pratique de l’écologiste de terrain le conduit à éprouver un respect profond, voire une vénération, pour les différentes formes et modes de vie. Il acquière une connaissance de l’intérieur, une sorte de connaissance que les autres hommes réservent d’ordinaire à leurs semblables ; et qui est au reste fort limitée puisqu’elle n’embrasse généralement qu’un nombre restreint de formes et de modes de vie. L’écologiste de terrain tient que le droit égal pour tous de vivre et de s’épanouir est un axiome de valeur évident et intuitivement clair » (11)Envisagée du point de vue de l’égalitarisme biosphérique, du droit que chaque forme de vie a de s’épanouir, il est clair qu’il y a « déjà trop d’humains » sur terre pour reprendre une expression de Dumont.

Des considérations d’ordre évolutives militent aussi pour que de plus grands espaces soient réservés à la vie sauvage ou quasi sauvage afin que puisse se poursuivre « la spéciation évolutive des animaux et des plantes », ce qui n’est pas possible sans une réduction de la population humaine puisque la croissance démographique pousse les humains à occuper ou exploiter tous les milieux. Les naturalistes, sans doute des « écologistes de terrain » au sens de Næss, enfoncent le clou. Ainsi par exemple, l’écologue Alain Persuy : « Parler de sauvegarder la biodiversité, c’est bien, d’accord, bravo ! Mais où, concrètement ? Sur quelles terres, quels espaces protégés, parcs, réserves, refuges (?) qui ne soient considérés comme superflus, perdus, pour «nous» ?? Quelle place pour l’espace libre, pour l’animal sauvage, la fleur ou le papillon ?? »(12).

Une Terre surpeuplée d’humains, sans espaces où il soit encore possible de communier avec les autres formes de vie, sans une Nature libre de notre emprise serait dommageable aux humains eux-mêmes car comme le souligne Næss, la qualité de vie des hommes dépend en partie de « la satisfaction et du plaisir profond que nous éprouvons à vivre en association étroite avec les autres formes de vie »(13).

Les écologistes profonds s’accordent avec Dumont et le mouvement écologiste qui le soutenait pour rejeter l’entassement urbain. Næss dénonce ce que nous appelons la «surdensification» qui va à l’encontre du besoin d’espace de chaque individu: « les théoriciens de l’urbanisme ont largement sous-estimé les exigences humaines en termes d’espace de vie » ce qui est à l’origine « de névroses, d’agressivité et de perte des modes traditionnels d’existence »(14) . Pour l’écologie profonde comme pour Dumont, la densification urbaine atteint vite des limites au-delà desquelles elle devient pathogène. Il ne faut donc pas compter sur cette densification urbaine pour éviter de s’attaquer au problème de la décroissance de la population humaine.

Si elle doit rester tolérable, cette densification urbaine prônée par ceux de ces écologistes pour qui le dénatalisme est tabou ne peut jouer qu’à la marge dans la préservation des espaces naturels ou semi naturels. A cause de ce besoin d’espace que nous éprouvons par nature (en tant que mammifères selon Næss) et peut-être aussi à cause d’un besoin inconscient de retrouver d’autres formes de vie, cette densification peut même avoir des effets contraires à ceux recherchés. On appelle ceci l’«effet barbecue» ou «mobilité de compensation». À la recherche d’espace, les habitants des quartiers denses fuient la ville, les week-ends, pour randonner, se livrer à une activité de plein air ou pour rejoindre leur résidence secondaire. Leur empreinte écologique est donc beaucoup plus élevée que l’on pourrait croire, si l’on ajoute l’utilisation d’un moyen de déplacement motorisé individuel et pour ceux qui possèdent une résidence secondaire, l’usage d’un espace individuel(15) . Pour se convaincre de cet exode chaque fin de semaine, il suffit de constater l’ampleur des « bouchons » au sorties des grandes agglomérations le vendredi et à leurs entrées le dimanche soir !

Déjà grave lorsqu’il s’agit de ne prendre en compte que la survie et le bien-être des humains, l’expansion démographique de l’espèce humaine devient dramatique lorsque l’on prend en compte l’exigence de l’épanouissement de toutes les formes de vie. Il faudra du temps pour que la population humaine se stabilise et soit réduite. On peut même se demander s’il n’est pas trop tard si l’on suit les constats fait par les naturalistes. À ceux qui prétendent qu’il ne faut rien faire et attendre benoîtement les effets de la transition démographique et une baisse spontanée qui selon certains analystes est en train de s’amorcer, on rétorquera avec Claude Lévi-Strauss que « les désastres causés dans l’intervalle de seront jamais réparés ».

Pas de transition écologique sans transition démographique !

Pour rester en France – pays qui possède, hélas un des taux de fécondité les plus élevés d’Europe, pays où l’on se vante stupidement et où l’on se réjouit sottement du dynamisme de la natalité – même en admettant que les cités denses dans lesquelles veulent nous faire vivre les idéologues d’EE/LV ne soient pas un enfer, il ne faut pas croire que leurs habitants resteront enfermés à l’intérieur. Les agglomérés s’évadent déjà de leurs agglomérations… En zone périurbaine et bien au-delà les forêts et les espaces naturels sont déjà annexés par les citadins comme d’immenses terrains de jeu. C’est le cas de la forêt de Fontainebleau par exemple avec ses sous-bois piétinés, ses sentiers érodés pour cause de surfréquentation. C’est aussi le cas des volcans d’Auvergne et en particulier ceux du Puy de Dôme aux pentes dégradées, à la faune sans cesse dérangée tant et si bien qu’il a fallu en restreindre l’accès : interdiction pure et simple de pénétrer dans certaines zones comme le sentier d’accès au sommet du Puy de Côme et pour d’autres comme le Puy Pariou par exemple, interdiction d’y conduire les troupeaux de marcheurs des randonnées accompagnées. Sans parler de ces cauchemars écologiques que sont les stations de ski alpin, ces villes à la montagne aux réseaux d’assainissement parfois bien sommaires. Même dans les massifs difficiles d’accès, même au sein des Parcs nationaux, la montagne est utilisée comme un terrain de sport toute l’année. Les dérangements répétés en toute saison qui s’ajoutent aux pressions de la chasse dans certains cas mettent en danger les grands ongulés qui doivent déjà faire face à de rudes conditions en hiver. C’est la même chose pour des espèces patrimoniales d’oiseaux fragilisées et à terme menacées d’extinction comme le Lagopède, le Tétras Lyre ou la Perdrix Bartavelle.
Sur les falaises, l’escalade ajoute à la pression sur les rapaces et cause souvent des échecs reproductifs par abandon des nids. Une flore spécifique est mise en danger par les «purges», qu’elles soient effectuées pour protéger les voiries ou les habitations construites en dessous, ou bien qu’elles soient réalisées pour l’aménagement de « via ferrata » ou autres.
Les 2 000 000 de personnes qui fréquentent les plages et les cordons dunaires ne laissent guère de place aux oiseaux qui nichent dans ces habitats comme certaines espèces de Sternes qui ont du mal à trouver des lieux pour se reproduire et sont donc en danger. Et ces 2 millions ne sont qu’une petite fraction de la population française qui compte près de 66 millions d’habitants !
66 millions d’habitants qu’il faut loger, nourrir, éclairer, chauffer… L’urbanisation même dense induit des infrastructures de communication, des zones d’activité. Les zones naturelles diminuent, les zones humides sont asséchées pour leur mise en culture ou leur bétonisation (et pas toujours pour des projets inutiles comme l’aéroport en projet de Notre Dame des Landes). Plus grave peut-être encore que leur réduction en superficie, les habitats se fragmentent.

L’afflux de population dans le Sud-est, dans la région PACA dont la population a augmenté de 2 000 000 d’habitants en cinquante ans permet de constater sur le vif ce qu’implique pour les espaces naturels un accroissement de population. Outre une artificialisation des sols plus ou moins anarchique, on trouve toutes les atteintes citées avec en plus une exacerbation des pollutions de tout ordre. Pollution de l’eau par les effluents agricoles, industriels et domestiques, de l’air par le chauffage et la circulation automobile. Dans le Haut Pays, à la limite altitudinale de la forêt, les pins cembros, une espèce de conifères à la croissance extrêmement lente mais qui supporte les rudes conditions de l’étage préalpin, résistent depuis toujours aux conditions les plus extrêmes et vivent très longtemps, là où d’autres espèces ne peuvent survivre. Cet arbre est menacé par l’ozone dû à l’intense circulation routière du littoral qui remonte en altitude où le rayonnement solaire est le plus fort et s’accumule sur le massif du Mercantour, sommet d'une barrière montagneuse séparant les agglomérations de Nice et de Cuneo-Turin. L’ozone entre dans les aiguilles de l’arbre par les stomates et détruit la chlorophylle, perturbant la photo synthèse et entrainant un dépérissement de l’arbre. Non seulement les pins cembros sont en danger mais avec eux les cassenoix mouchetés, oiseaux avec lesquels ils sont étroitement associés.

Pas de transition écologique sans transition démographique !
Cet afflux de population concentrée sur le littoral ou à proximité met aussi en danger cette formation très particulière que sont les lagunes, concentrés de biodiversité qui n’existent en France que dans trois régions (Languedoc – Roussillon, PACA et Corse) et sont directement menacées par les activités anthropiques.
Dans quel état seront demain la Forêt de Fontainebleau, les pentes des volcans d’Auvergne, les forêts du Mercantour et le Casse-Noix Moucheté, les lagunes du littoral méditerranéen, et bien d’autres formes de vie lorsque la population décroitra enfin, si elle décroit un jour, avant que tout soit saccagé ?

Chaque année la population française croît de plus de 300 000 habitants, c’est-à-dire un peu plus que la population de toute l’agglomération de Nice ou de Clermont-Communauté (279 370 hab), le double de celle de Sud de Seine regroupant les communes de Bagneux, Clamart, Fontenay-aux-Roses, Malakoff) dans la Petite couronne dense parisienne (144 959 hab. en 2010). Les économies en eau, espace, énergies qui peuvent être réalisées sont englouties et au-delà dans ce tonneau des danaïdes de la croissance démographique : presque un million de plus tous les quatre ans…
Il n’est pas étonnant que les idéologues d’EE/LV veulent, selon le mot d’un député, transformer la France en « un immense ventilateur » en la couvrant d’éoliennes qui ont le défaut d’exiger beaucoup de place, d’artificialiser le peu d’espaces naturels ou semi-naturels qui restent et d’exercer une pression supplémentaire sur des espèces en danger. Si comme l’affirme Yves Cochet à juste titre «un enfant européen a un coût écologique comparable à 620 trajets Paris-New York », la transition énergétique en France est une sinistre plaisanterie avec 792 000 naissances par an et le taux de fécondité le plus élevé de l’Europe(17).

Il n’y aura pas de transition écologique en France tant que la population française continuera de croître. En parallèle avec des mesures de sobriété énergétique, de promotion de l’économie circulaire, et autres mesures, il faut donc proposer des mesures dénatalistes sérieuses et efficaces touchant les allocations familiales, le quotient familial mais pas seulement. Il est tout aussi urgent de travailler à un changement de mentalité vis-à-vis des autres formes de vie, vis-à-vis de la maternité et de la paternité, de la quasi-obligation «morale» de procréer, de sensibiliser l’opinion aux catastrophes auxquelles conduit la poursuite de l’expansion démographique, en France comme dans le Monde, catastrophes au moins aussi redoutables que celles que nous annonce le GIEC à cause du dérèglement climatique.

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Notes
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(1) René Dumont et les membres de son comité de soutien (1974), La campagne de René Dumont et du mouvement de l’écologie politique, Paris, Jean-Jacques Pauvert, édit., p. 51.
(2) Ibid., p. 110.
(3) René Dumont et ..., o.c., page 51.
(4) o. c., p. 52. L’esprit de ces mesures, notamment en ce qui concerne les femmes, doit être bien compris. L’essentiel n’était pas que les tâches ménagères soient réparties à égalité dans le couple bien que cela puisse compter, évidemment. Il ne s’agissait pas non plus de faire que l’homme contribue autant que possible à élever les enfants et que la femme ne soit pas la seule à en supporter le poids. Il s’agissait de refuser que les femmes soient vouées au statut de mère et de leur laisser le choix d’avoir un rôle social identique à celui des hommes. Il s’agissait de les détourner d’être des femmes au foyer destinées à élever des enfants et surtout de leur conférer le droit de ne pas en avoir. Dans cette optique, il n’est pas certain qu’à cette époque le mouvement écologiste aurait été unanime pour approuver le « congé parental » et son extension au père. Il s’agissait de supprimer tout encouragement à la natalité. De ce point de vue beaucoup de dispositifs actuels créés dans le but d’affranchir les femmes des chaînes inhérentes à l’élevage et à l’éducation des enfants pour leur permettre d’avoir accès à l’égal de l’homme au monde du travail pourraient apparaître comme de tels encouragements à procréer ; l’état, les collectivité publiques prenant à leur compte une partie des tâches et des charges liées à l’élevage et à l’éducation des enfants.
(5) Hugues Stoeckel (2009), « Le siècle des famines », consultable ici
(6) Même référence. L’argumentaire de l’article est extrêmement fouillé et appuyé sur de nombreuses références chiffrées. On peut aussi consulter l’ouvrage de l’auteur La faim du monde. L'humanité au bord d'une famine globale, préface d’Yves Cochet, Max Milo éditeur Paris, 2012, 310 pages.
(7) Yves Cochet (2009), Antimanuel d’écologie, Bréal éditeur, Paris, p. 220.
(8) Arne Næss (1989), Ecology, community and lifestyle, Cambridge, Cambridge University Press, trad. française Charles Ruelle, Ed. MF, p. 61 traduction modifiée.
(9) Arne Næss, o.c. cité, trad. fr. p. 62 ; traduction modifiée.
(10) Ibid., p. 62.
(11) Arne Næss, « The Shallow and the Deep, Long-Range Ecology Movement. A Summary », Inquiry, 16 (1973), p. 95 – 100, trad. fr. H. S. Afeissa in Ethique de l’environnement, Nature, valeur, respect, Paris, Vrin, 2007, p. 52.
(12) Dans un texte mis en ligne sur le site « démographie responsable » ici
(13) « The Shallow… », o.c., p.52.
(14) Ibid., p. 53.
(15) Voir à ce sujet la contribution à l’enquête publique (28 mars – 28 mai) sur le SDRIF de Madame Marcelle Vernet accessible ici
(16) Entretien avec Roger-Paul Droit, Le Monde 8 octobre 1991.
(17) En 2012, les «fondamentaux démographiques» qui font de la France une exception en Europe restent présents. Alors que la plupart des pays européens ont entamé une baisse démographique, le taux de fécondité reste supérieur à 2 enfants par femme depuis 2008. La France arrive seconde parmi les pays de l'Union, derrière l'Irlande (2,05 enfants par femme).
En 2013, la croissance démographique française reste supérieure à la moyenne de l'Union européenne, mais c'est la plus basse depuis l'an 2000. En 2013, le taux de fécondité (hors Mayotte) a reculé à 1,99 enfant par femme contre 2,01 en 2012 et 2,03 en 2010, année où le nombre de naissances avait atteint un pic. Peut-être la France va-t-elle prendre elle aussi, mais avec un peu de retard le chemin de nouvelle transition démographique qui se dessine dans une majorité de pays dits «développés».
Photos : X, Cyril Bonnet/Le nouvel observateur
Pas de transition écologique sans transition démographique !

Vendredi 24 Janvier 2014 Commentaires (1)
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