Nature - environnement

Le printemps silencieux qui nous menace ne sera pas seulement dû aux pesticides généreusement déversés dans la nature par des exploitants agricoles qui n’ont plus rien des paysans. Il sera dû aussi aux éoliennes, ces hachoirs à oiseaux de plus en plus démesurés dont les artisans d’une transition énergétique qui n’a rien d’écologique et les hystériques climato-catastrophistes veulent hérisser le territoire. En Juin est paru un rapport de la LPO intitulé Le parc éolien français et ses impacts sur l’avifaune. Il est accablant. C’est à l’analyse de ce rapport qu’est consacré cet article.


Roitelet triple bandeau. Les oiseaux de cette espèce sont parmi les plus petits d'Europe. Ils sont massacrés en grand nombre par les pales des éoliennes lors de leur migration automnale.
Roitelet triple bandeau. Les oiseaux de cette espèce sont parmi les plus petits d'Europe. Ils sont massacrés en grand nombre par les pales des éoliennes lors de leur migration automnale.
Des données fragmentaires mais consternantes

● En prenant comme estimation 7,2 oiseaux tués par an par éolienne, le parc en 2016 constitué d’environ 6000 éoliennes en tuerait donc 42 000 par an.

● Le Décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixe comme objectif pour 2023 un parc de 10 000 à 12 000 éoliennes, c’est-à-dire en l’état actuel des choses, la mort de 72 000 à 86 000 oiseaux par an.

● Quant au « scénario Négawatt »/ADEME avec ses 18 000 éoliennes, il tuerait 121 000 oiseaux/an.
Bien qu’ayant de fervents partisans parmi certains « écologistes » climato-catastrophistes dont le Ministre de l’écologie actuel, il semble peu probable selon ce rapport que ce scénario se réalise. Heureusement….

En accord avec la politique de la LPO, voulant ménager la chèvre et le chou, l’éolien industriel (dont elle est un prestataire ) et la protection des oiseaux, les auteurs du rapport ne font pas ces multiplications simples. Les chiffres qui en résultent sont un argument à charge d’un trop grand poids contre le développement de l’éolien terrestre ou maritime. Ils se déduisent pourtant mécaniquement de leurs estimations
 
Il est possible que le changement climatique impacte les oiseaux de diverses espèces de différentes façons avec des gagnants et des perdants. Il est certain que « la lutte contre le changement climatique » au nom de laquelle on hérisse les territoires de ces hachoirs leur coûte déjà très cher. Cela est vrai en tout premier lieu pour les espèces fragiles. Malgré des suivis de mortalité scandaleusement insuffisants, effectués sans rigueur, voire carrément absents pour de nombreuses installations, les auteurs du rapport notent que : «Vingt espèces d’oiseaux inscrites à l’Annexe I de la Directive Oiseaux ont, à ce jour, été retrouvées sous les éoliennes françaises. Il s’agit d’espèces menacées de disparition, d’espèces vulnérables à certaines modifications de leur habitat, d’espèces considérées comme rares (population faible ou répartition locale restreinte), et d’espèces nécessitant une attention particulière à cause de la spécificité de leur habitat, ainsi que d’espèces migratrices dont la venue est régulière. » (p. 70)
 

Par exemple, « 23 Faucons crécerellettes ont été retrouvés entre 2011 et 2015 sous un seul et même parc de l’Hérault situés en ZSC, à environ 1 km de la ZPS « Plaine de Villeveyrac-Montagnac ». Au regard du nombre extrêmement réduit de couples nicheurs en France (436 suivant les données LPO 2014) cela en fait une des espèces les plus impactées par les éoliennes en France. D’autant, rappelons-le, qu’il est ici question des cas constatés et non de la mortalité réelle (estimée entre 32 et 82 individus pour la période 2011 - 2014). » (p.49)

« On notera également une très forte sensibilité des Laridés (mouettes et goélands) aux éoliennes. Ils constituent, en effet, une part non négligeable des cadavres alors même qu’ils ne sont concernés que par un nombre très réduit de parcs littoraux. » À ce constat le rapport ajoute ce vœu pieux « Ceci devra être pris en compte dans le cadre du développement des parcs éoliens en mer. » (p.75).
 
Il faut noter aussi que ces estimations, si elles souffrent d’une grande incertitude, ce n’est hélas pas à la baisse qu’elles seront affinées. Ainsi, dans les protocoles de suivis, le rayon de prospection est fixé à 50 mètres autour de la machine mais «si le rayon de prospection, fixé à 50 m, semble adapté pour les chauves-souris, il est possible qu’il soit insuffisant pour découvrir l’ensemble des cadavres d’oiseaux que l’on retrouve globalement plus loin du mât de l’éolienne. » (p.31) En outre le rapport note qu’il s’agit d’un rayon théorique. En fait, les réalités du terrain ne permettent pas toujours de le respecter.
 
L’ampleur exacte des dégâts sur l’avifaune reste méconnue

Les estimations doivent être prises avec précaution. En fait, il est difficile de connaître précisément l’ampleur des dégâts sur l’avifaune. Cela tient à deux raisons.

Tout d’abord l’insuffisance des données et leur manque de « robustesse » rendent incertaines les estimations. « Souvent difficiles à obtenir, insuffisants dans leur méthodologie (surface prospectée réduite, nombre de visites limité, absence de test d’efficacité de détection ou de persistance des cadavres, etc.) et peu précis dans leur retranscription (date des visites, largeur des transects, surface réellement prospectée, données brutes, etc.), les suivis de mortalité que nous avons pu réunir sont également peu nombreux au regard du nombre total de parcs exploités en France. » (p. 74)

(Source : LPO Juin 2017 Le parc éolien français et ses impacts sur l’avifaune)
(Source : LPO Juin 2017 Le parc éolien français et ses impacts sur l’avifaune)
Seules les données concernant 645 éoliennes ont des suivis de mortalité qui ont pu être utilisés par la LPO dans ce rapport. Ces 645 éoliennes représentent seulement 12,5 % des éoliennes en exploitation en France. (p. 30). Il y a une absence de données pour près de 80% du parc et sur les 21% restants, 13% seulement ont des « rapports de suivi de mortalité protocolés ». C’est dire le peu de cas que font de l’avifaune tant les pouvoirs publics que les promoteurs de l’éolien.

Bien peu d’écologistes s’insurgent devant cet état de chose, obnubilés qu’ils sont par l’effet de serre ou la transition énergétique avec la promotion d’un fameux « mix décarbonné ». Tant pis pour les petits passereaux, roitelets à triple bandeaux, grives musiciennes, rougegorges familiers et tant pis aussi pour les martinets noirs, espèces dont les éoliennes font des hécatombes.

À ce manque de données sûres en quantité suffisantes s’ajoute le peu de fiabilité des formules permettant d’extrapoler le nombre d’oiseaux tués par une éolienne à partir du nombre de cadavres trouvés à ses pieds dans un rayon – sans doute trop faible – de 50m. Beaucoup de variables sont à prendre en compte outre les persistances des cadavres avant prédation. De plus, ces formules ont été conçues, à l’origine, pour quantifier la mortalité des chauves-souris et ont été adaptées aux oiseaux, en particulier par le choix de leurres et de cadavres témoins adaptés pour la réalisation des tests d’efficacité de l’observateur et de persistance des cadavres. (p. 56)

En résumé, on en sait suffisamment pour dire que les dégâts sont considérables, même si on n’en sait pas assez pour les estimer avec précision. 

Telle est du moins la conclusion que devrait tirer de ce rapport toute personne qui n’a pas son jugement obnubilé par le mirage des ENR qui si elles exploitent des énergies qui sont de flux et donc en droit inépuisables, le font à l’aide de transformateur d’énergie – les éoliennes – qui utilisent pour leur fabrication des ressources qui ne le sont pas (métaux, terres rares, etc.). Cette conclusion la LPO ne la tire pas explicitement.

Exclure une partie du territoire de toute implantation d’éolienne mais de quelle étendue ?

Le rapport préconise que toutes les zones classées ZPS (Zone de Protection Spéciale) soient exemptes de toute éolienne. Ce qui implique implicitement, car non écrit dans le rapport, que les 5 % des éoliennes se trouvent en ZPS pour une puissance installée de 435 MW ne soient pas remplacées au bout des 15 ans de leur durée de vie. Cette préservation totale des ZPS représente 43 800 km², soit 8 % du territoire métropolitain. Elle serait selon le rapport compatible avec le développement de l’éolien prévu par la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie)(p. 76).

Cette préconisation oublie opportunément une importante conclusion du rapport. À savoir : il est nécessaire de prévoir autour de ces zones classées ZPS, des « zones tampon » qui, elles aussi, doivent être préservées de l’implantation d’éoliennes ; ces zone devant correspondre « à l’espace vital des espèces ayant justifié ce classement (au moins 1 km et parfois bien plus) ; c’est particulièrement vrai pour les rapaces (Faucon crécerellette, Milan noir, Milan royal, Busard cendré, Bondrée apivore, Balbuzard pêcheur, etc.). 

En effet, toujours selon ce rapport « « Les données dont nous disposons ne permettent donc pas de conclure que les plaines agricoles présenteraient un risque moins important que les autres habitats en termes de nombre de collisions aviaires avec les éoliennes. » (p. 66). Donc « « Au final, même si 2 espèces de rapaces emblématiques (Faucon crécerellette et Busard cendré) ont été essentiellement retrouvées hors plaine agricole, il est bien difficile de départager ces deux groupes de parcs en fonction du risque de mortalité par collision qu’ils font courir aux espèces patrimoniales (inscrites en liste rouge ou à l’Annexe I). Le facteur habitat, au sens « CORINE Land Cover » du terme, ne permet donc pas, à lui seul, de conclure à un moindre impact des parcs situés en plaine agricole par rapports aux autres parcs. » (p. 68, souligné par moi). Il en résulterait que la superficie des zones à éviter serait bien plus grande et qu’il ne suffit pas d’implanter les parcs éoliens en zone d’agriculture intensive.

D’ailleurs le rapport préconise aussi d’autres restrictions d’implantation : « A ce jour, aucun suivi n’a permis de démontrer l’efficacité de dispositifs techniques visant à réduire leur mortalité [des rapaces] par collision avec les éoliennes. La seule solution efficace, à ce jour, pour éviter la mortalité directe des rapaces par collision avec les éoliennes consiste à éviter de les implanter dans le rayon d’action des sites de reproduction et à préserver leurs espaces vitaux.
C’est particulièrement vrai pour des espèces comme le Faucon crécerellette ou le Busard cendré. » (p. 76) Des restrictions identiques doivent frapper les voies de migration diurne ou nocturnes ; ces dernières n’étant pas assez bien identifiées et prises en compte.

Au final il y aurait donc une bien plus grande superficie de territoire à préserver que les 8% occupés par les ZPS. Cela ne serait d’ailleurs pas suffisant pour préserver l’avifaune de l’impact délétère qu’exerce sur elle le développement de l’éolien. Comme le remarque à juste titre ce rapport «« Les espèces plus sensibles au dérangement et qui évitent les parcs éoliens [sont] également moins sujets aux collisions que celles qui les traversent chaque jour. Cet évitement peut toutefois se faire au prix d’une perte d’habitat et peut donc se traduire par un impact beaucoup plus important sur les populations que celui résultant de la perte de quelques individus par collision. » (p. 52, souligné par moi, JFD). 

Nous laisserons de côté les autres préconisations du rapport, pour intéressantes qu’elles soient comme par exemple, le non remplacement des éoliennes « les plus impactantes ». Elles manquent, en général de radicalité. La moindre des choses serait que ces éoliennes-là soient démontées sans délais. De même, il ne suffit pas de déterminer ce que doit être un « suivi de mortalité » correct et la nécessité de diffusion de tels suivis. Il faut encore préciser qui les payera et qui désignera le bureau d’étude devant les réaliser.

Conclusion                                                                  
La leçon qu’il faut tirer de ce rapport doit être plus radicale : entre le déploiement de l’éolien terrestre ou maritime et la préservation de l’avifaune (espèces et effectifs des populations), donc, in fine, de la biodiversité terrestre, il faut choisir car il y a entre ces deux options une incompatibilité manifeste.

Les défenseurs inconditionnels de l’éolien argueront que les oiseaux ont à affronter d’autres périls plus graves que celui que fait peser sur eux le déploiement de l’éolien sans que cela condamne toujours l’activité qui est source de ce péril, comme les déplacements motorisés, voitures, trains, avions, les poteaux mal bouchés, l’urbanisation, les modifications des pratiques d’élevage, l’épandage de pesticides, cette dernière cause d’atteinte à l’avifaune étant sans doute plus grave que le développement de l’éolien. Ces arguments et autres de la même eau sont purs sophismes (ou en termes plus familiers mais aussi plus parlants : ils sont foireux !) : comme si les maux déjà existants pouvaient en justifier un nouveau ! Plus grave, cette nouvelle pression sur des espèces aux effectifs réduits peut les achever.

Quant à la « lutte » contre le changement climatique, il est certain que 42 000 oiseaux la payent d’ores et déjà de leur vie en attendant, peut-être, de souffrir demain de ce changement lui-même. La double peine, en somme.

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Référence :

LPO, Juin 2017 – Le parc éolien français et ses impacts sur l’avifaune - Etude des suivis de mortalité réalisés en France de 1997 à 2015. Rédaction : Geoffroy MARX, Service SEPN.

Photo : Opaluna
 

Dimanche 30 Juillet 2017 Commentaires (3)
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