Au quotidien
Du moins en a décidé ainsi le Conseil constitutionnel qui s’est rallié à l’argumentaire de Jean-Marc Ayrault. Ses services ont présenté, en son nom, au Conseil constitutionnel plusieurs demandes de rejet du recours des associations Comité radicalement anti corrida Europe (CRAC) et Droits des animaux avec un argumentaire que le Conseil constitutionnel semble avoir retenu en grande partie pour justifier sa décision de rejet, décision qui a suscité la consternation et la colère chez les défenseurs des animaux et chez tous ceux qui réprouvent des actes de barbarie et de cruauté gratuite envers des êtres vivants. « Le Conseil constitutionnel n'est pas constitué de Sages mais de lâches ! » s’est indignée Brigitte Bardot.
Il est tout de même étonnant que le gouvernement ait cherché à influencer à ce point la décision du Conseil constitutionnel. Le CRAC s’en était scandalisé. Il en avait appelé au Président de la République, François Hollande qui s’en est lavé les mains en parfait Ponce-Pilate. Il a refusé d’intervenir, prétendant qu’il ne voulait pas porter atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire ; une indépendance mise à mal par les interventions répétées de son premier ministre et de son ministre de l’intérieur. Jean-Marc Ayrault n’a pas fait dans la dentelle. Il s’est substitué aux deux ministres concernées, deux femmes, Aurélie Filippeti pour la culture et Christiane Taubira pour la justice, l’une et l’autre anti-corrida. Elles n’ont pas eu le droit à la parole tandis que le ministre de l’intérieur, Manuel Valls enfonçait le clou en se prévalant de son origine catalane, en déclarant son amour pour la corrida, en parlant de « racines » qu’il ne fallait pas arracher alors que, Ô ironie, les corridas sont interdites à Barcelone depuis 2010 sans que les Catalans se sentent acculturés dans une mondialisation nivelant les différences.
L’article 521-1 du code pénal en débat
Les associations anti-corrida contestaient la constitutionalité de l’alinéa 7 de l’article 521-1 du Code pénal. Cet article stipule que « le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. » tandis que son alinéa 7 introduit une exception pour les corridas : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée » Cet alinéa instaure une inégalité devant la loi, contraire à la constitution puisqu’à Paris, Nantes, Bordeaux ou Clermont-Ferrand, le matador serait conduit en prison, tandis qu’à Nîmes, Arles, Alès, il est porté en triomphe par des barbares déchaînés et que , même à Nîmes, Arles, Alès, si les tortures infligées au taureau ne le sont pas par un matador dans une arène, c’est une grosse amande et/ou la prison. Or, la constitution stipule que nous sommes tous égaux devant la loi. Donc l’alinéa 7 est anticonstitutionnel, contraire à l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » Il doit donc être aboli. Cela paraît limpide. Mais en droit, les choses ne sont jamais aussi simples et par des arguties spécieuses, l’on peut essayer de démontrer que cet article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est pas enfreint par cette restriction de l’application de la loi réprimant les sévices envers les animaux. En tout cas, cela a été l’avis du Conseil qui a suivi et repris une bonne partie des arguties offertes par les services du Premier ministre.
La corrida : un acte de cruauté envers un animal que la loi reconnait et accepte….
Il est remarquable que dans toute cette bataille juridique, il est admis qu’il s’agit d’une restriction du champ d’application de la loi et donc que les corridas sont des actes de barbarie envers les animaux. Du point de vue du droit, elles sont des actes barbares conformes à une loi, elle-même conforme à la constitution !!! La restriction formulée en 1951 dans l’alinéa 7 l’a été parce que la République n’arrivait pas à faire appliquer aux courses de taureaux la loi du 2 juillet 1850 réprimant les mauvais traitements exercés publiquement envers les animaux domestiques. Comme le rappelle d’ailleurs l’argumentaire du Premier ministre, « la Cour de cassation avait constamment jugé, sous la IIIe République, que cette loi s’appliquait aux courses de taureaux, considérés comme des animaux domestiques (v. Crim. 16 février 1895, rapport d’Accarias, D.P. 1895.1. 269; Crim. 17 octobre 1895, D.P., 1895.1. 543, Crim. 4 novembre 1899, D.P. 1901.1. 88; Crim. 8 avril 1922, D.P. 1922. 1.293 ; Ch._Réun. l3juin 1923, D.P. 1923. 1. 119 ; Crim. 23 mars 1937, D.P. 1937. 1. 105). En dépit de cette jurisprudence constante (solennellement confirmée par l’arrêt des chambres réunies de 1923), et d’instructions du ministère de l’intérieur interprétant la loi dans le même sens (circulaires du ministre de l’Intérieur aux préfets du 27 juin 1884 et du 15 juillet 1891), les courses de taureaux avaient perduré dans les régions où elles étaient devenues traditionnelles, en bénéficiant de la tolérance de nombre de maires et du refus des juges du fond de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation.»
…mais qui est inacceptable aujourd’hui
Pour les services du Premier ministre et pour le Conseil constitutionnel qui leur a emboîté le pas, le maintien de ce régime d’exception pour les courses de taureaux répondrait au même souci qu'en 1951 : l'apaisement politique et social. C’est la recherche d’un tel apaisement qui constituerait le motif d’intérêt général fondant la restriction d’application de la loi sur la maltraitance des animaux domestiques. En reprenant les motifs qui ont inspiré le législateur, il y a plus de 60 ans, les services du Premier ministre ignorent, ou plutôt ne veulent pas reconnaître, l’évolution des mentalités. L’interdiction des corridas n’entrainerait aucun trouble de l’ordre public car même dans les régions dites de tauromachie, les populations ne sont plus attachées à cette barbarie. Elles la condamnent même, comme à Alès par exemple. Si les locaux étaient si attachés à cette prétendue tradition, les corridas ne seraient pas un spectacle qui est toujours plus ou moins lourdement déficitaire (comparer avec le foot ou même le rugby !). Enfin, tous les sondages montrent que les Français sont majoritairement contre les corridas. Si trouble social il doit y avoir, cela sera dû au maintien de ces spectacles ignobles et l’intérêt général invoqué par JM Ayrault n’est en fait que l’intérêt particulier, financier de ceux qui profitent de la manne touristique engendrée par ces spectacles sanguinaires. En s’appuyant sur l’historique des modifications de la loi réprimant la maltraitance des animaux, il était tout à fait possible de montrer que les raisons d’introduire une restriction d’application de cette loi en faveur de la tauromachie n’avaient plus cours, que cette restriction ne correspondait plus à l’intérêt général et devait donc être levée. Cela n’a pas été le cas.
Il faut changer la loi
La loi actuelle ne permet pas d’interdire les corridas. Cette loi est conforme à la Constitution puisqu’en a déclaré ainsi le Conseil constitutionnel. Il faut donc la changer ou plutôt rédiger une loi nouvelle qui interdise sans ambiguïté ou échappatoires cette barbarie sanguinaire. C’est ce que va faire une députée PS, Geneviève Gaillard. Avec sa collègue UMP Muriel Marland-Militello, elle avait déjà été à l’origine d’un projet de loi abolitionniste qui n’avait pas été débattu. Souhaitons que nombre des parlementaires nouvellement élus cosignent ce nouveau projet pour que cette fois, il soit enfin soumis au parlement. Ce n’est pas certain car tous les projets de loi abolissant la corrida posés chaque année n’ont jamais été débattus. Le lobby pro-corrida à l’assemblée est redoutable, diablement efficace.
Continuons le combat !
Les associations anti-corrida ne baissent pas les bras. Plusieurs actions en justice sont encore en cours et elles vont en appeler à la Cour européenne de justice. Il faut leur apporter tout notre soutien tant pour ces procédures judiciaires que lors des manifestations ou autres actions auxquelles il faut participer dans la mesure de nos possibilités.
En attendant, les taureaux continueront de mourir le dimanche.
Compléments
1 – Une couverture médiatique partiale
La façon dont les grands médias ont rapporté la décision du Conseil constitutionnel est consternante : une chaîne de télé ne trouve rien de mieux que d’inviter un ancien matador, directeur d’arènes pour commenter l’événement . La veille, une autre chaîne avait présenté le sondage le moins favorable aux abolitionnistes qui restaient tout de même largement majoritaire et concluait que les Français étaient divisés sur la question. Etrange commentaire : le présentateur aurait pu tout aussi bien conclure qu’en cas de référendum, c’est l’abolition qui triompherait, ce qu’il s’est bien gardé de faire. Mise à part France-Info, la tonalité était plutôt pro-corrida, comme si les journalistes aimaient eux aussi que ça saigne…
Il faut que la corrida soit impopulaire pour que l’opinion abolitionnisme reste majoritaire malgré tout ce matraquage. Le pompon doit être décerné à Nice-Matin. Dans l’article qui rend compte de l’affaire les avis des pour et des contre sont assez bien équilibrés et correctement rendus mais cet équilibre n’est qu’un moyen de donner du poids au commentaire du journaliste ignare, pro-corrida, qui affirme sans vergogne que, dans la confrontation entre partisans et adversaires de la tauromachie, ce sont les abolitionnistes qui sont les violents. Ignorerait-il qu’à Rodilhan près de Nîmes, le 8 octobre 2011, 95 militants abolitionnistes qui manifestaient pacifiquement contre la tenue d’une corrida ont été gravement molestés par des afficionados déchaînés ? Ne se souviendrait-t-il pas non plus de ces nombreux cas de militants abolitionnistes frappés par des partisans des corridas ? Pourrait-il citer un seul cas inverse ? D’autres journaux locaux où à vocation locale ont été plus objectifs. Mais comme chez les politiques et contrairement aux citoyens, les journalistes ou leur rédaction ont dans leurs rangs une majorité de pro-corrida qui ne manque pas une occasion pour tenter de convertir les gens à leur cause.
2 – Les atermoiements d’Eva Joly versus l’engagement de Nicolas Hulot
Elle est toujours aussi peu claire sur le sujet. On se souvient de ses prises de positions contradictoires lors de la campagne présidentielle. Eh bien, cela n’a pas changé. Le 21 septembre, elle s'est prononcée pour l'interdiction de la corrida en France, mais « à terme » : « je souhaite interdire la corrida à terme, mais je pense qu'il est important aussi qu'il y ait encore des débats autour de la question » Elle a ajouté : « Il s'agit d'une tradition mais une tradition qui heurte la sensibilité à la condition animale. Nous voulons aujourd'hui qu'en France, nous respections les droits des animaux » Comprenne qui pourra ! Une telle ambigüité signifierait-elle que certains membres d’Europe Ecologie – Les Verts, amis d’Eva Joly – Noël Mamère par exemple – seraient du côté des partisans de la tauromachie ? Face à ces déclarations confuses voulant concilier l’inconciliable, il est bon de rappeler la position de Théodore Monod qui affirmait «La corrida est le symbole cruel de l’asservissement de la nature par l’homme » C’est pourquoi, n’en déplaise à Madame Joly et à certains membres d’Europe Ecologie /Les Verts, on ne peut à la fois être écologiste et accepter cette barbarie. Dans ses déclarations télévisées, Nicolas Hulot, lui, a clairement condamné ce spectacle de mort. « Le fait d'ôter la vie ne peut pas être source de plaisir ou de spectacle, ce n'est pas digne d'une civilisation... » a-t-il déclaré.
Les associations anti-corrida contestaient la constitutionalité de l’alinéa 7 de l’article 521-1 du Code pénal. Cet article stipule que « le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. » tandis que son alinéa 7 introduit une exception pour les corridas : « Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée » Cet alinéa instaure une inégalité devant la loi, contraire à la constitution puisqu’à Paris, Nantes, Bordeaux ou Clermont-Ferrand, le matador serait conduit en prison, tandis qu’à Nîmes, Arles, Alès, il est porté en triomphe par des barbares déchaînés et que , même à Nîmes, Arles, Alès, si les tortures infligées au taureau ne le sont pas par un matador dans une arène, c’est une grosse amande et/ou la prison. Or, la constitution stipule que nous sommes tous égaux devant la loi. Donc l’alinéa 7 est anticonstitutionnel, contraire à l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 : « La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » Il doit donc être aboli. Cela paraît limpide. Mais en droit, les choses ne sont jamais aussi simples et par des arguties spécieuses, l’on peut essayer de démontrer que cet article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est pas enfreint par cette restriction de l’application de la loi réprimant les sévices envers les animaux. En tout cas, cela a été l’avis du Conseil qui a suivi et repris une bonne partie des arguties offertes par les services du Premier ministre.
La corrida : un acte de cruauté envers un animal que la loi reconnait et accepte….
Il est remarquable que dans toute cette bataille juridique, il est admis qu’il s’agit d’une restriction du champ d’application de la loi et donc que les corridas sont des actes de barbarie envers les animaux. Du point de vue du droit, elles sont des actes barbares conformes à une loi, elle-même conforme à la constitution !!! La restriction formulée en 1951 dans l’alinéa 7 l’a été parce que la République n’arrivait pas à faire appliquer aux courses de taureaux la loi du 2 juillet 1850 réprimant les mauvais traitements exercés publiquement envers les animaux domestiques. Comme le rappelle d’ailleurs l’argumentaire du Premier ministre, « la Cour de cassation avait constamment jugé, sous la IIIe République, que cette loi s’appliquait aux courses de taureaux, considérés comme des animaux domestiques (v. Crim. 16 février 1895, rapport d’Accarias, D.P. 1895.1. 269; Crim. 17 octobre 1895, D.P., 1895.1. 543, Crim. 4 novembre 1899, D.P. 1901.1. 88; Crim. 8 avril 1922, D.P. 1922. 1.293 ; Ch._Réun. l3juin 1923, D.P. 1923. 1. 119 ; Crim. 23 mars 1937, D.P. 1937. 1. 105). En dépit de cette jurisprudence constante (solennellement confirmée par l’arrêt des chambres réunies de 1923), et d’instructions du ministère de l’intérieur interprétant la loi dans le même sens (circulaires du ministre de l’Intérieur aux préfets du 27 juin 1884 et du 15 juillet 1891), les courses de taureaux avaient perduré dans les régions où elles étaient devenues traditionnelles, en bénéficiant de la tolérance de nombre de maires et du refus des juges du fond de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation.»
…mais qui est inacceptable aujourd’hui
Pour les services du Premier ministre et pour le Conseil constitutionnel qui leur a emboîté le pas, le maintien de ce régime d’exception pour les courses de taureaux répondrait au même souci qu'en 1951 : l'apaisement politique et social. C’est la recherche d’un tel apaisement qui constituerait le motif d’intérêt général fondant la restriction d’application de la loi sur la maltraitance des animaux domestiques. En reprenant les motifs qui ont inspiré le législateur, il y a plus de 60 ans, les services du Premier ministre ignorent, ou plutôt ne veulent pas reconnaître, l’évolution des mentalités. L’interdiction des corridas n’entrainerait aucun trouble de l’ordre public car même dans les régions dites de tauromachie, les populations ne sont plus attachées à cette barbarie. Elles la condamnent même, comme à Alès par exemple. Si les locaux étaient si attachés à cette prétendue tradition, les corridas ne seraient pas un spectacle qui est toujours plus ou moins lourdement déficitaire (comparer avec le foot ou même le rugby !). Enfin, tous les sondages montrent que les Français sont majoritairement contre les corridas. Si trouble social il doit y avoir, cela sera dû au maintien de ces spectacles ignobles et l’intérêt général invoqué par JM Ayrault n’est en fait que l’intérêt particulier, financier de ceux qui profitent de la manne touristique engendrée par ces spectacles sanguinaires. En s’appuyant sur l’historique des modifications de la loi réprimant la maltraitance des animaux, il était tout à fait possible de montrer que les raisons d’introduire une restriction d’application de cette loi en faveur de la tauromachie n’avaient plus cours, que cette restriction ne correspondait plus à l’intérêt général et devait donc être levée. Cela n’a pas été le cas.
Il faut changer la loi
La loi actuelle ne permet pas d’interdire les corridas. Cette loi est conforme à la Constitution puisqu’en a déclaré ainsi le Conseil constitutionnel. Il faut donc la changer ou plutôt rédiger une loi nouvelle qui interdise sans ambiguïté ou échappatoires cette barbarie sanguinaire. C’est ce que va faire une députée PS, Geneviève Gaillard. Avec sa collègue UMP Muriel Marland-Militello, elle avait déjà été à l’origine d’un projet de loi abolitionniste qui n’avait pas été débattu. Souhaitons que nombre des parlementaires nouvellement élus cosignent ce nouveau projet pour que cette fois, il soit enfin soumis au parlement. Ce n’est pas certain car tous les projets de loi abolissant la corrida posés chaque année n’ont jamais été débattus. Le lobby pro-corrida à l’assemblée est redoutable, diablement efficace.
Continuons le combat !
Les associations anti-corrida ne baissent pas les bras. Plusieurs actions en justice sont encore en cours et elles vont en appeler à la Cour européenne de justice. Il faut leur apporter tout notre soutien tant pour ces procédures judiciaires que lors des manifestations ou autres actions auxquelles il faut participer dans la mesure de nos possibilités.
En attendant, les taureaux continueront de mourir le dimanche.
Compléments
1 – Une couverture médiatique partiale
La façon dont les grands médias ont rapporté la décision du Conseil constitutionnel est consternante : une chaîne de télé ne trouve rien de mieux que d’inviter un ancien matador, directeur d’arènes pour commenter l’événement . La veille, une autre chaîne avait présenté le sondage le moins favorable aux abolitionnistes qui restaient tout de même largement majoritaire et concluait que les Français étaient divisés sur la question. Etrange commentaire : le présentateur aurait pu tout aussi bien conclure qu’en cas de référendum, c’est l’abolition qui triompherait, ce qu’il s’est bien gardé de faire. Mise à part France-Info, la tonalité était plutôt pro-corrida, comme si les journalistes aimaient eux aussi que ça saigne…
Il faut que la corrida soit impopulaire pour que l’opinion abolitionnisme reste majoritaire malgré tout ce matraquage. Le pompon doit être décerné à Nice-Matin. Dans l’article qui rend compte de l’affaire les avis des pour et des contre sont assez bien équilibrés et correctement rendus mais cet équilibre n’est qu’un moyen de donner du poids au commentaire du journaliste ignare, pro-corrida, qui affirme sans vergogne que, dans la confrontation entre partisans et adversaires de la tauromachie, ce sont les abolitionnistes qui sont les violents. Ignorerait-il qu’à Rodilhan près de Nîmes, le 8 octobre 2011, 95 militants abolitionnistes qui manifestaient pacifiquement contre la tenue d’une corrida ont été gravement molestés par des afficionados déchaînés ? Ne se souviendrait-t-il pas non plus de ces nombreux cas de militants abolitionnistes frappés par des partisans des corridas ? Pourrait-il citer un seul cas inverse ? D’autres journaux locaux où à vocation locale ont été plus objectifs. Mais comme chez les politiques et contrairement aux citoyens, les journalistes ou leur rédaction ont dans leurs rangs une majorité de pro-corrida qui ne manque pas une occasion pour tenter de convertir les gens à leur cause.
2 – Les atermoiements d’Eva Joly versus l’engagement de Nicolas Hulot
Elle est toujours aussi peu claire sur le sujet. On se souvient de ses prises de positions contradictoires lors de la campagne présidentielle. Eh bien, cela n’a pas changé. Le 21 septembre, elle s'est prononcée pour l'interdiction de la corrida en France, mais « à terme » : « je souhaite interdire la corrida à terme, mais je pense qu'il est important aussi qu'il y ait encore des débats autour de la question » Elle a ajouté : « Il s'agit d'une tradition mais une tradition qui heurte la sensibilité à la condition animale. Nous voulons aujourd'hui qu'en France, nous respections les droits des animaux » Comprenne qui pourra ! Une telle ambigüité signifierait-elle que certains membres d’Europe Ecologie – Les Verts, amis d’Eva Joly – Noël Mamère par exemple – seraient du côté des partisans de la tauromachie ? Face à ces déclarations confuses voulant concilier l’inconciliable, il est bon de rappeler la position de Théodore Monod qui affirmait «La corrida est le symbole cruel de l’asservissement de la nature par l’homme » C’est pourquoi, n’en déplaise à Madame Joly et à certains membres d’Europe Ecologie /Les Verts, on ne peut à la fois être écologiste et accepter cette barbarie. Dans ses déclarations télévisées, Nicolas Hulot, lui, a clairement condamné ce spectacle de mort. « Le fait d'ôter la vie ne peut pas être source de plaisir ou de spectacle, ce n'est pas digne d'une civilisation... » a-t-il déclaré.
3 – Attendre l’accident pour interdire ?
Dans les premiers moments j'ai cru
Qu'il fallait seulement se défendre
Mais cette place est sans issue
Je commence à comprendre
Ils ont refermé derrière moi
Ils ont eu peur que je recule
Je vais bien finir par l'avoir
Cette danseuse ridicule...
Francis Cabrel, La Corrida
Il arrive, très rarement, que le matador se fasse embrocher. C’est en général sans trop de gravité mais cela peut être mortel. Si de tels accidents se produisaient aujourd’hui, quelle serait l’attitude des pouvoirs publics ?
Dans les premiers moments j'ai cru
Qu'il fallait seulement se défendre
Mais cette place est sans issue
Je commence à comprendre
Ils ont refermé derrière moi
Ils ont eu peur que je recule
Je vais bien finir par l'avoir
Cette danseuse ridicule...
Francis Cabrel, La Corrida
Il arrive, très rarement, que le matador se fasse embrocher. C’est en général sans trop de gravité mais cela peut être mortel. Si de tels accidents se produisaient aujourd’hui, quelle serait l’attitude des pouvoirs publics ?
Annexe
Voici les textes des interventions des porte-paroles des services du Premier ministre, devant le Conseil constitutionnel et le texte de la décision de ce dernier avec ses attendus. Le lecteur pourra voir à quel point et avec quelle insistance, le Premier ministre a pesé pour faire rejeter la requête des associations anti-corrida. Il pourra en évaluer par lui-même les arguties et mesurer combien certains arguments avancés par JM Ayrault sont obsolètes ou de mauvaise foi. Par comparaison des textes, il pourra constater que ce sont ces arguments que le Conseil constitutionnel a repris pour justifier sa décision. Comment ne pas penser que les dés étaient pipés et que tout était joué d’avance ?
● Textes présentés par le Premier ministre pour rejeter la requête des associations CRAC et Droit des animaux
▪ Premier argumentaire Contre la QPC des associations anticorrida.
Par une décision du 20 juin 2012, le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article 521-1 du code pénal qui réprime le fait d’exercer, publiquement ou non, des sévices graves ou sexuels sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, ou un acte de cruauté.
La question - soulevée à l'occasion d'une demande en annulation de la décision par
laquelle le ministre chargé de la culture a inscrit, en application de l’article 12 de la convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, la corrida au patrimoine immatériel de la France - conteste spécialement, au regard du principe de l'égalité devant la loi, la première phrase de l’antépénultième alinéa de l'article 521-l qui prévoit une exception à l'incrimination au profit des « courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée »
Le Conseil d’État a estimé que le moyen tiré de ce que, en prévoyant que les "faits qu'il réprime ne sont pas pénalement sanctionnés lorsqu'ils sont commis selon des pratiques traditionnelles" locales, l’article 521-1 du code pénal serait contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant la loi, soulevait une question sérieuse.
Cette question appelle de ma part les observations suivantes.
1. L'antépénultième alinéa de l'article 521-1 du code pénal a pour objet d’instituer, dans un but d'apaisement politique et social, une exception applicable aux courses de taureaux pratiquées selon une tradition locale ininterrompue.
l.l. L'application aux courses de taureaux de la loi du 2 juillet I850 réprimant les
mauvais traitements exercés publiquement envers les animaux domestiques s’est heurtée à de constantes difficultés en raison de l’attachement des populations de certaines régions à ces pratiques.
En vertu de la loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques, appelée loi Grammont, étaient passibles d’une peine d'amende et d’un à cinq jours d’emprisonnement « ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques » (D.P. 1850.4- 145).
La Cour de cassation avait constamment jugé, sous la IIIè République, que cette loi
s’appliquait aux courses de taureaux, considérés comme des animaux domestiques (v. Crim. 16 février 1895, rapport d’Accarias, D.P. 1895.1. 269; Crim. 17 octobre 1895, D.P., 1895.1. 543, Crim. 4 novembre 1899, D.P. 1901.1. 88; Crim. 8 avril 1922, D.P. 1922. 1.293 ; Ch._Réun. l3juin 1923, D.P. 1923. 1. 119 ; Crim. 23 mars 1937, D.P. 1937. 1. 105).
En dépit de cette jurisprudence constante (solennellement confirmée par l’arrêt des
chambres réunies de 1923), et d’instructions du ministère de l’intérieur interprétant la loi dans le même sens (circulaires, du ministre de Pintérieur aux préfets du 27 juin 1884 et du 15 juillet 1891), les courses de taureaux avaient perduré dans les régions où elles étaient devenues traditionnelles, en bénéficiant de la tolérance de nombre de maires et du refus des juges du fond de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation.
La plupart des juridictions locales retenaient en effet une interprétation contraire à celle de la Cour de cassation en excluant l'application de la loi Grammont aux courses de taureaux au motif, notamment, que ces derniers ne pouvaient être qualifiés d’animaux domestiques, alors seuls visés par le législateur.
Il en a été ainsi jusqu’à la veille de l'adoption de la loi du 24 avril 1951 (V. le jugement du tribunal de simple police de Bayonne du 9 août 1950 affirmant que le taureau de combat n’est pas un animal domestique, D.P. 1950.2. 671), laquelle a été adoptée dans le but de permettre, sous certaines conditions, les courses de taureaux.
1.2. Considérant la pratique ancienne et constante de courses de taureaux dans certaines régions et la difficulté de les y interdire de manière effective, le législateur a estimé qu’il était d’intérêt général de consacrer dans la loi la tolérance dont elles bénéficiaient en pratique, en instaurant une exception à l’incrimination subordonnée à Pexistence d’une tradition ininterrompue.
A cette fin, le législateur a modifié la loi Grammont, par la loi du 24 avril 1951, en
disposant qu’elle ne serait pas applicable aux courses de taureaux « lorsqu’une tradition ininterrompue peut être invoquée ».
Ainsi qu’ il ressort des travaux préparatoires, cette disposition a été adoptée par un souci d’apaisement politique et social, tenant compte de l’attachement constant de certaines populations aux courses de taureaux.
L’« intérêt même de l’ordre public » a été expressément considéré (Conseil de la
République, séance du 10 avril 1951, rapport de Jean Biatarana, annexe n° 241).
Il a été ainsi relevé que «tous les efforts des pouvoirs publics, en vue d’essayer
d’empêcher les courses de taureaux, [étaient] restés vains, au point de se heurter parfois à de véritables révoltes » (Assemblée nationale, séance du 26 juillet 1950, rapport de Joseph Defos du Rau, annexe n° 10764).
Après un nouvel examen, le législateur a confirmé cette exception lorsqu'il a institué, dans la loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux, le délit d’acte de cruauté commis envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité (article 453 du code pénal devenu l'article 521-1), les mauvais traitements étant désormais constitutifs d'une contravention réprimée par les dispositions de l’article R. 38 du code pénal issues du décret n° 59-1051 du 7 septembre 1959 qui abroge la loi Grammont (article R. 38 devenu l’article R. 654-1).
Ce «régime de la tolérance maintenue », selon les termes du rapporteur à l’Assemblée
nationale, Max Moras (séance du 12 juillet 1961), a été considéré comme une «thèse
conciliatrice » (Jean-Marie Commenay; même séance), se situant entre l'interdiction totale et l'extension généralisée à l’ensemble du territoire de l'exception d’incrimination.
Le maintien de ce régime répond au même souci d'apaisement politique qu'en 1951.
Il a été ainsi fait référence au « conflit permanent entre le pouvoir central et les maires » au sujet des courses de taureaux avant que celles-ci ne soient permises par la loi du 24 avril 1951 (Max Moras, séance du 12 juillet 1961).
2. L'article 521-1 du code pénal ne méconnaît pas le principe de l’égalité devant la loi.
Les dispositions contestées instituent deux différences de traitement cumulatives : d’une part, selon que les animaux participent à des courses de taureaux ou non ; d’autre part, selon que les courses de taureaux résultent de traditions locales ininterrompues ou non.
Il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que «le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit» (v., dernièrement, 1a décision n° 2012-259 QPC du 29 juin 2012).
2.1. En premier lieu, l'exception prévue par les dispositions contestées pour les courses de taureaux répond à un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi qui l'institue.
Ainsi que cela a été énoncé précédemment, l'exception prévue par les dispositions
contestées pour les courses de taureaux répond à un souci d'apaisement politique et social, qui constitue un motif d’intérêt général. Il a été d’ailleurs souligné au cours des travaux préparatoires de la loi du 24 avril 1951 que cette exception présentait à cet égard « un intérêt public évident » (Assemblée nationale, séance du 26 juillet 1950, rapport de Jules Ramarony et de Jean Sourbet, annexe n° 10764).
L'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement (v. décision n° 2011-173 QPC du 30 septembre 2011, à propos de la prise en compte, en matière d’exhumation à fin d'identification par empreinte génétique, du respect dû au corps humain; décision n° 2012-248 QPC du 16 mai 2012, s’agissant de l'équilibre défini par le législateur entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l'enfant en cas d’accouchement dans le secret ; décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001, à propos de dispositions portant de dix
à douze semaines de grossesse le délai pendant lequel peut être pratiquée une interruption volontaire de grossesse lorsque la femme enceinte se trouve, du fait de son état, dans une situation de détresse).
En l'occurrence, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur les motifs d’intérêt général qu’il a ainsi retenus pour justifier une exception à des dispositions réprimant les sévices et les actes de cruautés relatifs à certains animaux, dès lors qu’une telle exception ne prive par elle-même de garantie légale aucune exigence constitutionnelle.
2.2. En second lieu, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées selon que les courses de taureaux sont pratiquées, ou non, d’après une tradition locale ininterrompue correspond à une différence de situation et est en rapport direct avec l’objet de la loi.
Ainsi que cela a été souligné, l’objet de l'exception contestée est de « maintenir la tolérance » dont bénéficiaient les courses traditionnelles dans un souci d’apaisement.
Il n’a nullement été dans l’intention du législateur de permettre l’ « extension » des courses de taureaux dans l’ensemble du territoire.
Si le bénéfice de l’exception a été subordonnée à la condition de l’existence d’une
«tradition ininterrompue » par la loi du 24 avril 1951, puis à celle d’une «tradition locale ininterrompue » par la loi du 19 novembre 1963 (qui reprend sur ce point les termes du décret du 7 septembre 1959, qui précisent la portée des termes d’origine en ajoutant l’épithète « local»), c’était afin de la voir appliquée dans les seuls cas où les motifs d’intérêt général retenus par le législateur le justifiaient.
Il convient à cet égard de préciser qu’un même lieu peut, si cette tradition venait à s’interrompre, perdre le bénéfice de cette exception, ce qui correspond à la volonté du législateur d’instituer un « régime de tolérance maintenue » qui ne vaut que pour autant que les circonstances de fait le justifient toujours, et non un droit à pratiquer des courses de taureaux.
Au regard de l’objet de la loi, les courses de taureaux qui ne s’inscrivent pas dans une tradition locale ininterrompue se trouvent ainsi dans une situation différente.
Le grief tiré de la méconnaissance du principe de l’égalité devant la loi est par conséquent infondé.
Pour l'ensemble-de ces raisons, j’ai l’honneur d’inviter le Conseil constitutionnel à déclarer conforme à la Constitution l’article 521-1 du code pénal. Pour le Premier ministre et par délégation,
La chef du service de la législation et de la qualité du droit
Florence Dubois-Stévant
▪ OBJET : Secondes observations relatives à la question prioritaire de constitutionnalité n° 2012-271 QPC
Le mémoire que vous avez bien voulu me communiquer par un courrier du 13 juillet 2012 n’est pas de nature à remettre en cause les observations qui ont présentées pour le Premier ministre sur cette question prioritaire de constitutionnalité.
J ’ajouterai cependant les observations complémentaires suivantes, en vue de répondre à un nouveau grief, tiré de la méconnaissance des «principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique».
D’une part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « la
méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution» (décision 2012-230 QPC du 6 avril 2012, cons. 6 ; décision 2011-175 QPC du 7 octobre 2011, cons. 9).
D’autre part, même présenté au soutien du grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, ce nouveau grief ne peut être regardé comme fondé.
Le Conseil constitutionnel a en effet examiné à au moins deux reprises des dispositions législatives se référant à l'existence de traditions locales pour définir l'étendue d’obligations dont la méconnaissance est sanctionnée pénalement.
Il a ainsi examiné, dans sa décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 (cons. 41 et 42), l’article 28 de la loi relative à la chasse insérant dans le code rural un nouvel article L. 224-4-1 autorisant la chasse au gibier d'eau, la nuit, à partir de postes fixes dans les départements et les cantons des départements où cette pratique est traditionnelle, en écartant le grief tiré d'une atteinte au principe d’égalité, alors que l’article L. 228-5, dans sa rédaction issue de la même loi, punissait de l’amende prévue pour les contraventions de la 5° classe et d’un emprisonnement de dix jours à un mois ceux qui auront chassé la nuit dans des conditions autres que celles visées à l’article L. 224-4-1.
Il convient de préciser que si ces dispositions examinées énuméraient tous les départements où la chasse de nuit du gibier d’eau est traditionnelle, elles confiaient également le soin au pouvoir réglementaire de fixer la liste des cantons des départements où cette pratique est traditionnelle, sans, par conséquent, la préciser elles-mêmes. Le Conseil constitutionnel a énoncé à cet égard qu' « il appartiendra au pouvoir réglementaire d’arrêter cette liste, sous le contrôle du juge administratif, dans le respect du critère énoncé par la loi ».
Le Conseil constitutionnel a également examiné, dans sa décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 (cons. 23 à 41), des dispositions de l’article 10 de la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme conférant à l'article L. l7 du code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme une rédaction nouvelle qui autorise certaines formes de publicité ou de propagande en faveur des boissons alcooliques, toute autre forme faisant l’objet d’une interdiction pénalement sanctionnée par les dispositions de l’article L. 21.
Ces dispositions, figurant désormais à l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, prévoient une autorisation en faveur « des fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales et à l’intérieur de celles-ci, dans des conditions définies par décret ».
Le Conseil constitutionnel a examiné ces dispositions qu”il a déclarées conformes à la Constitution. Il a d’ailleurs expressément écarté le grief tiré de l’atteinte au principe d’égalité, en énonçant que « l’article L. 17 nouveau n’a pas méconnu le principe d’égalité devant la loi, en n’admettant le recours à l'affichage publicitaire en faveur des boissons alcooliques que dans les zones de production ou pour promouvoir des fêtes et foires traditionnelles... » (cons. 35).
Pour ces raisons, et celles qui ont été énoncées dans les premières observations, j’ai l’honneur d’inviter le Conseil constitutionnel à déclarer conforme à la Constitution l’article 521-1 du code pénal.
Pour le Premier ministre et par délégation,
Le directeur, adjoint au secrétaire général du Gouvernement.
Thierry-Xavier Girardot
Ces deux textes sont en ligne sur le site du CRAC
● La décision du Conseil constitutionnel
Décision n° 2012−271 QPC du 21 septembre 2012
Association Comité radicalement anti−corrida Europe et autre [Immunité pénale en matière
de courses de taureaux]
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 juin 2012 par le Conseil d'État (décision n° 357798 du 20 juin 2012), dans les conditions prévues à l'article 61−1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association « Comité radicalement anti−corrida Europe » et l'association « Droits des animaux », relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 521−1 du code pénal.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58−1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les associations requérantes par Me Éric Verrièle, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 11 et 27 juillet 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 13 et 30 juillet 2012 ;
Vu les observations en intervention produites pour les associations « Observatoire national des cultures taurines » et
« Union des villes taurines de France », par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 12 et 27 juillet 2012 ;
Vu la demande de récusation présentée par les requérants, enregistrée le 11 juillet 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Verrièle, pour les associations requérantes, Me Emmanuel Piwnica pour les associations intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 11 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 521−1 du code pénal : « Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
« En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l'animal, qu'il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l'animal et prévoir qu'il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer. « Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d'interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d'exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
« Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121−2 du code pénal, encourent les peines suivantes :
« − l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131−38 du code pénal ;
« − les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l'article 131−39 du code pénal.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
« Est punie des peines prévues au présent article toute création d'un nouveau gallodrome.
« Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l'exception des animaux destinés au repeuplement » ;
2. Considérant que, selon les associations requérantes, en prévoyant pour les courses de taureaux une exception à la répression pénale instituée par le premier alinéa de l'article 521−1 du code pénal, les dispositions du septième alinéa de ce même article portent atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la première phrase du septième alinéa de l'article 521−1 du code pénal ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi...doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789 l'obligation de fixer lui−même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ;
5. Considérant que le premier alinéa de l'article 521−1 du code pénal réprime notamment les sévices graves et les actes de cruauté envers un animal domestique ou tenu en captivité ; que la première phrase du septième alinéa de cet article exclut l'application de ces dispositions aux courses de taureaux ; que cette exonération est toutefois limitée aux cas où une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ; qu'en procédant à une exonération restreinte de la responsabilité pénale, le législateur a entendu que les dispositions du premier alinéa de l'article 521 1 du code pénal ne puissent pas conduire à remettre en cause certaines pratiques traditionnelles qui ne portent atteinte à aucun droit constitutionnellement garanti ; que l'exclusion de responsabilité pénale instituée par les dispositions contestées n'est applicable que dans les parties du territoire national où l'existence d'une telle tradition ininterrompue est établie et pour les seuls actes qui relèvent de cette tradition ; que, par suite, la différence de traitement instaurée par le législateur entre agissements de même nature accomplis dans des zones géographiques différentes est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en outre, s'il appartient aux juridictions compétentes d'apprécier les situations de fait répondant à la tradition locale ininterrompue, cette notion, qui ne revêt pas un caractère équivoque, est suffisamment précise pour garantir contre le risque d'arbitraire ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être rejeté ; que la première phrase du septième alinéa de l'article 521−1 du code pénal, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.− La première phrase du septième alinéa de l'article 521−1 du code pénal est conforme à la Constitution.
Article 2.− La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23−11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 septembre 2012, où siégeaient : M. Jean−Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 21 septembre 2012.
20.09.2012
Voici les textes des interventions des porte-paroles des services du Premier ministre, devant le Conseil constitutionnel et le texte de la décision de ce dernier avec ses attendus. Le lecteur pourra voir à quel point et avec quelle insistance, le Premier ministre a pesé pour faire rejeter la requête des associations anti-corrida. Il pourra en évaluer par lui-même les arguties et mesurer combien certains arguments avancés par JM Ayrault sont obsolètes ou de mauvaise foi. Par comparaison des textes, il pourra constater que ce sont ces arguments que le Conseil constitutionnel a repris pour justifier sa décision. Comment ne pas penser que les dés étaient pipés et que tout était joué d’avance ?
● Textes présentés par le Premier ministre pour rejeter la requête des associations CRAC et Droit des animaux
▪ Premier argumentaire Contre la QPC des associations anticorrida.
Par une décision du 20 juin 2012, le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article 521-1 du code pénal qui réprime le fait d’exercer, publiquement ou non, des sévices graves ou sexuels sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, ou un acte de cruauté.
La question - soulevée à l'occasion d'une demande en annulation de la décision par
laquelle le ministre chargé de la culture a inscrit, en application de l’article 12 de la convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, la corrida au patrimoine immatériel de la France - conteste spécialement, au regard du principe de l'égalité devant la loi, la première phrase de l’antépénultième alinéa de l'article 521-l qui prévoit une exception à l'incrimination au profit des « courses de taureaux lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée »
Le Conseil d’État a estimé que le moyen tiré de ce que, en prévoyant que les "faits qu'il réprime ne sont pas pénalement sanctionnés lorsqu'ils sont commis selon des pratiques traditionnelles" locales, l’article 521-1 du code pénal serait contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant la loi, soulevait une question sérieuse.
Cette question appelle de ma part les observations suivantes.
1. L'antépénultième alinéa de l'article 521-1 du code pénal a pour objet d’instituer, dans un but d'apaisement politique et social, une exception applicable aux courses de taureaux pratiquées selon une tradition locale ininterrompue.
l.l. L'application aux courses de taureaux de la loi du 2 juillet I850 réprimant les
mauvais traitements exercés publiquement envers les animaux domestiques s’est heurtée à de constantes difficultés en raison de l’attachement des populations de certaines régions à ces pratiques.
En vertu de la loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques, appelée loi Grammont, étaient passibles d’une peine d'amende et d’un à cinq jours d’emprisonnement « ceux qui auront exercé publiquement et abusivement de mauvais traitements envers les animaux domestiques » (D.P. 1850.4- 145).
La Cour de cassation avait constamment jugé, sous la IIIè République, que cette loi
s’appliquait aux courses de taureaux, considérés comme des animaux domestiques (v. Crim. 16 février 1895, rapport d’Accarias, D.P. 1895.1. 269; Crim. 17 octobre 1895, D.P., 1895.1. 543, Crim. 4 novembre 1899, D.P. 1901.1. 88; Crim. 8 avril 1922, D.P. 1922. 1.293 ; Ch._Réun. l3juin 1923, D.P. 1923. 1. 119 ; Crim. 23 mars 1937, D.P. 1937. 1. 105).
En dépit de cette jurisprudence constante (solennellement confirmée par l’arrêt des
chambres réunies de 1923), et d’instructions du ministère de l’intérieur interprétant la loi dans le même sens (circulaires, du ministre de Pintérieur aux préfets du 27 juin 1884 et du 15 juillet 1891), les courses de taureaux avaient perduré dans les régions où elles étaient devenues traditionnelles, en bénéficiant de la tolérance de nombre de maires et du refus des juges du fond de suivre la jurisprudence de la Cour de cassation.
La plupart des juridictions locales retenaient en effet une interprétation contraire à celle de la Cour de cassation en excluant l'application de la loi Grammont aux courses de taureaux au motif, notamment, que ces derniers ne pouvaient être qualifiés d’animaux domestiques, alors seuls visés par le législateur.
Il en a été ainsi jusqu’à la veille de l'adoption de la loi du 24 avril 1951 (V. le jugement du tribunal de simple police de Bayonne du 9 août 1950 affirmant que le taureau de combat n’est pas un animal domestique, D.P. 1950.2. 671), laquelle a été adoptée dans le but de permettre, sous certaines conditions, les courses de taureaux.
1.2. Considérant la pratique ancienne et constante de courses de taureaux dans certaines régions et la difficulté de les y interdire de manière effective, le législateur a estimé qu’il était d’intérêt général de consacrer dans la loi la tolérance dont elles bénéficiaient en pratique, en instaurant une exception à l’incrimination subordonnée à Pexistence d’une tradition ininterrompue.
A cette fin, le législateur a modifié la loi Grammont, par la loi du 24 avril 1951, en
disposant qu’elle ne serait pas applicable aux courses de taureaux « lorsqu’une tradition ininterrompue peut être invoquée ».
Ainsi qu’ il ressort des travaux préparatoires, cette disposition a été adoptée par un souci d’apaisement politique et social, tenant compte de l’attachement constant de certaines populations aux courses de taureaux.
L’« intérêt même de l’ordre public » a été expressément considéré (Conseil de la
République, séance du 10 avril 1951, rapport de Jean Biatarana, annexe n° 241).
Il a été ainsi relevé que «tous les efforts des pouvoirs publics, en vue d’essayer
d’empêcher les courses de taureaux, [étaient] restés vains, au point de se heurter parfois à de véritables révoltes » (Assemblée nationale, séance du 26 juillet 1950, rapport de Joseph Defos du Rau, annexe n° 10764).
Après un nouvel examen, le législateur a confirmé cette exception lorsqu'il a institué, dans la loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 relative à la protection des animaux, le délit d’acte de cruauté commis envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité (article 453 du code pénal devenu l'article 521-1), les mauvais traitements étant désormais constitutifs d'une contravention réprimée par les dispositions de l’article R. 38 du code pénal issues du décret n° 59-1051 du 7 septembre 1959 qui abroge la loi Grammont (article R. 38 devenu l’article R. 654-1).
Ce «régime de la tolérance maintenue », selon les termes du rapporteur à l’Assemblée
nationale, Max Moras (séance du 12 juillet 1961), a été considéré comme une «thèse
conciliatrice » (Jean-Marie Commenay; même séance), se situant entre l'interdiction totale et l'extension généralisée à l’ensemble du territoire de l'exception d’incrimination.
Le maintien de ce régime répond au même souci d'apaisement politique qu'en 1951.
Il a été ainsi fait référence au « conflit permanent entre le pouvoir central et les maires » au sujet des courses de taureaux avant que celles-ci ne soient permises par la loi du 24 avril 1951 (Max Moras, séance du 12 juillet 1961).
2. L'article 521-1 du code pénal ne méconnaît pas le principe de l’égalité devant la loi.
Les dispositions contestées instituent deux différences de traitement cumulatives : d’une part, selon que les animaux participent à des courses de taureaux ou non ; d’autre part, selon que les courses de taureaux résultent de traditions locales ininterrompues ou non.
Il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que «le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit» (v., dernièrement, 1a décision n° 2012-259 QPC du 29 juin 2012).
2.1. En premier lieu, l'exception prévue par les dispositions contestées pour les courses de taureaux répond à un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi qui l'institue.
Ainsi que cela a été énoncé précédemment, l'exception prévue par les dispositions
contestées pour les courses de taureaux répond à un souci d'apaisement politique et social, qui constitue un motif d’intérêt général. Il a été d’ailleurs souligné au cours des travaux préparatoires de la loi du 24 avril 1951 que cette exception présentait à cet égard « un intérêt public évident » (Assemblée nationale, séance du 26 juillet 1950, rapport de Jules Ramarony et de Jean Sourbet, annexe n° 10764).
L'article 61-1 de la Constitution, à l'instar de l'article 61, ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement (v. décision n° 2011-173 QPC du 30 septembre 2011, à propos de la prise en compte, en matière d’exhumation à fin d'identification par empreinte génétique, du respect dû au corps humain; décision n° 2012-248 QPC du 16 mai 2012, s’agissant de l'équilibre défini par le législateur entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l'enfant en cas d’accouchement dans le secret ; décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001, à propos de dispositions portant de dix
à douze semaines de grossesse le délai pendant lequel peut être pratiquée une interruption volontaire de grossesse lorsque la femme enceinte se trouve, du fait de son état, dans une situation de détresse).
En l'occurrence, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur les motifs d’intérêt général qu’il a ainsi retenus pour justifier une exception à des dispositions réprimant les sévices et les actes de cruautés relatifs à certains animaux, dès lors qu’une telle exception ne prive par elle-même de garantie légale aucune exigence constitutionnelle.
2.2. En second lieu, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées selon que les courses de taureaux sont pratiquées, ou non, d’après une tradition locale ininterrompue correspond à une différence de situation et est en rapport direct avec l’objet de la loi.
Ainsi que cela a été souligné, l’objet de l'exception contestée est de « maintenir la tolérance » dont bénéficiaient les courses traditionnelles dans un souci d’apaisement.
Il n’a nullement été dans l’intention du législateur de permettre l’ « extension » des courses de taureaux dans l’ensemble du territoire.
Si le bénéfice de l’exception a été subordonnée à la condition de l’existence d’une
«tradition ininterrompue » par la loi du 24 avril 1951, puis à celle d’une «tradition locale ininterrompue » par la loi du 19 novembre 1963 (qui reprend sur ce point les termes du décret du 7 septembre 1959, qui précisent la portée des termes d’origine en ajoutant l’épithète « local»), c’était afin de la voir appliquée dans les seuls cas où les motifs d’intérêt général retenus par le législateur le justifiaient.
Il convient à cet égard de préciser qu’un même lieu peut, si cette tradition venait à s’interrompre, perdre le bénéfice de cette exception, ce qui correspond à la volonté du législateur d’instituer un « régime de tolérance maintenue » qui ne vaut que pour autant que les circonstances de fait le justifient toujours, et non un droit à pratiquer des courses de taureaux.
Au regard de l’objet de la loi, les courses de taureaux qui ne s’inscrivent pas dans une tradition locale ininterrompue se trouvent ainsi dans une situation différente.
Le grief tiré de la méconnaissance du principe de l’égalité devant la loi est par conséquent infondé.
Pour l'ensemble-de ces raisons, j’ai l’honneur d’inviter le Conseil constitutionnel à déclarer conforme à la Constitution l’article 521-1 du code pénal. Pour le Premier ministre et par délégation,
La chef du service de la législation et de la qualité du droit
Florence Dubois-Stévant
▪ OBJET : Secondes observations relatives à la question prioritaire de constitutionnalité n° 2012-271 QPC
Le mémoire que vous avez bien voulu me communiquer par un courrier du 13 juillet 2012 n’est pas de nature à remettre en cause les observations qui ont présentées pour le Premier ministre sur cette question prioritaire de constitutionnalité.
J ’ajouterai cependant les observations complémentaires suivantes, en vue de répondre à un nouveau grief, tiré de la méconnaissance des «principes de clarté et de précision de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique».
D’une part, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « la
méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution» (décision 2012-230 QPC du 6 avril 2012, cons. 6 ; décision 2011-175 QPC du 7 octobre 2011, cons. 9).
D’autre part, même présenté au soutien du grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité, ce nouveau grief ne peut être regardé comme fondé.
Le Conseil constitutionnel a en effet examiné à au moins deux reprises des dispositions législatives se référant à l'existence de traditions locales pour définir l'étendue d’obligations dont la méconnaissance est sanctionnée pénalement.
Il a ainsi examiné, dans sa décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000 (cons. 41 et 42), l’article 28 de la loi relative à la chasse insérant dans le code rural un nouvel article L. 224-4-1 autorisant la chasse au gibier d'eau, la nuit, à partir de postes fixes dans les départements et les cantons des départements où cette pratique est traditionnelle, en écartant le grief tiré d'une atteinte au principe d’égalité, alors que l’article L. 228-5, dans sa rédaction issue de la même loi, punissait de l’amende prévue pour les contraventions de la 5° classe et d’un emprisonnement de dix jours à un mois ceux qui auront chassé la nuit dans des conditions autres que celles visées à l’article L. 224-4-1.
Il convient de préciser que si ces dispositions examinées énuméraient tous les départements où la chasse de nuit du gibier d’eau est traditionnelle, elles confiaient également le soin au pouvoir réglementaire de fixer la liste des cantons des départements où cette pratique est traditionnelle, sans, par conséquent, la préciser elles-mêmes. Le Conseil constitutionnel a énoncé à cet égard qu' « il appartiendra au pouvoir réglementaire d’arrêter cette liste, sous le contrôle du juge administratif, dans le respect du critère énoncé par la loi ».
Le Conseil constitutionnel a également examiné, dans sa décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 (cons. 23 à 41), des dispositions de l’article 10 de la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme conférant à l'article L. l7 du code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme une rédaction nouvelle qui autorise certaines formes de publicité ou de propagande en faveur des boissons alcooliques, toute autre forme faisant l’objet d’une interdiction pénalement sanctionnée par les dispositions de l’article L. 21.
Ces dispositions, figurant désormais à l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, prévoient une autorisation en faveur « des fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales et à l’intérieur de celles-ci, dans des conditions définies par décret ».
Le Conseil constitutionnel a examiné ces dispositions qu”il a déclarées conformes à la Constitution. Il a d’ailleurs expressément écarté le grief tiré de l’atteinte au principe d’égalité, en énonçant que « l’article L. 17 nouveau n’a pas méconnu le principe d’égalité devant la loi, en n’admettant le recours à l'affichage publicitaire en faveur des boissons alcooliques que dans les zones de production ou pour promouvoir des fêtes et foires traditionnelles... » (cons. 35).
Pour ces raisons, et celles qui ont été énoncées dans les premières observations, j’ai l’honneur d’inviter le Conseil constitutionnel à déclarer conforme à la Constitution l’article 521-1 du code pénal.
Pour le Premier ministre et par délégation,
Le directeur, adjoint au secrétaire général du Gouvernement.
Thierry-Xavier Girardot
Ces deux textes sont en ligne sur le site du CRAC
● La décision du Conseil constitutionnel
Décision n° 2012−271 QPC du 21 septembre 2012
Association Comité radicalement anti−corrida Europe et autre [Immunité pénale en matière
de courses de taureaux]
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 21 juin 2012 par le Conseil d'État (décision n° 357798 du 20 juin 2012), dans les conditions prévues à l'article 61−1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association « Comité radicalement anti−corrida Europe » et l'association « Droits des animaux », relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 521−1 du code pénal.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58−1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites pour les associations requérantes par Me Éric Verrièle, avocat au barreau de Paris, enregistrées les 11 et 27 juillet 2012 ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées les 13 et 30 juillet 2012 ;
Vu les observations en intervention produites pour les associations « Observatoire national des cultures taurines » et
« Union des villes taurines de France », par la SCP Piwnica et Molinié, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, enregistrées les 12 et 27 juillet 2012 ;
Vu la demande de récusation présentée par les requérants, enregistrée le 11 juillet 2012 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
Me Verrièle, pour les associations requérantes, Me Emmanuel Piwnica pour les associations intervenantes et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l'audience publique du 11 septembre 2012 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 521−1 du code pénal : « Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
« En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l'animal, qu'il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l'animal et prévoir qu'il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer. « Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d'interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d'exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
« Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121−2 du code pénal, encourent les peines suivantes :
« − l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131−38 du code pénal ;
« − les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l'article 131−39 du code pénal.
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
« Est punie des peines prévues au présent article toute création d'un nouveau gallodrome.
« Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l'exception des animaux destinés au repeuplement » ;
2. Considérant que, selon les associations requérantes, en prévoyant pour les courses de taureaux une exception à la répression pénale instituée par le premier alinéa de l'article 521−1 du code pénal, les dispositions du septième alinéa de ce même article portent atteinte au principe d'égalité devant la loi ;
3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la première phrase du septième alinéa de l'article 521−1 du code pénal ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi...doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration de 1789 l'obligation de fixer lui−même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire ;
5. Considérant que le premier alinéa de l'article 521−1 du code pénal réprime notamment les sévices graves et les actes de cruauté envers un animal domestique ou tenu en captivité ; que la première phrase du septième alinéa de cet article exclut l'application de ces dispositions aux courses de taureaux ; que cette exonération est toutefois limitée aux cas où une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ; qu'en procédant à une exonération restreinte de la responsabilité pénale, le législateur a entendu que les dispositions du premier alinéa de l'article 521 1 du code pénal ne puissent pas conduire à remettre en cause certaines pratiques traditionnelles qui ne portent atteinte à aucun droit constitutionnellement garanti ; que l'exclusion de responsabilité pénale instituée par les dispositions contestées n'est applicable que dans les parties du territoire national où l'existence d'une telle tradition ininterrompue est établie et pour les seuls actes qui relèvent de cette tradition ; que, par suite, la différence de traitement instaurée par le législateur entre agissements de même nature accomplis dans des zones géographiques différentes est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'en outre, s'il appartient aux juridictions compétentes d'apprécier les situations de fait répondant à la tradition locale ininterrompue, cette notion, qui ne revêt pas un caractère équivoque, est suffisamment précise pour garantir contre le risque d'arbitraire ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être rejeté ; que la première phrase du septième alinéa de l'article 521−1 du code pénal, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclarée conforme à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.− La première phrase du septième alinéa de l'article 521−1 du code pénal est conforme à la Constitution.
Article 2.− La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23−11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 20 septembre 2012, où siégeaient : M. Jean−Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 21 septembre 2012.
20.09.2012
Lundi 24 Septembre 2012
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