À la fois roman d’aventure qui n’est pas dépourvu d’humour, cet ouvrage de William Tenn est aussi une fable qui ne devrait pas déplaire aux adversaires de la vivisection, aux végans, aux antispécistes et plus largement à tous ceux (dont je suis) qu’agace prodigieusement la satisfaction béate que la majorité des philosophes français manifeste à l’égard de leur propre espèce. Sa lecture, à supposer qu’ils daignent le lire, ferait en effet grincer quelques dents à tous ces philosophes ou politiciens humanistes anthropocentristes. C’est un peu pour cela, pour son aspect provocateur et aussi parce que je trouve que c’est un bon livre que je tente d’en rappeler l’existence par cet article. Il appartient au genre protéiforme Science-Fiction.
Cet ouvrage a été publié en juin 1968 sous le titre « Of men and monsters » chez Ballantine Books, traduit en Français par Elisabeth Gille et Simone Hilling en 1970 aux éditions OPTA, n°74 de la fameuse collection Galaxie bis, réédité en anglais chez Hachette UK en 2011, disponible d’occasion en français.
Au premier degré il s’agit d’un livre de SF de facture assez classique, un roman d’aventure initiatique fort bien conduit, sans temps mort et plein de rebondissements. L’action se déroule dans un futur, proche ou lointain, où venus de l’espace des extra-terrestres ont envahi la planète et en sont devenu l’espèce dominante. Aux yeux des hommes déchus, ce sont des monstres, des géants immensément grands et outrageusement laids. Aux yeux de ces monstres les hommes ne sont que de la vermine, une vermine infecte qu’ils ne se hasarderaient pas à toucher avec leurs tentacules préhensiles et qu’ils attrapent avec des sortes de lanières sur lesquelles ils se retrouvent collés dès qu’elles les touchent. Il y a même une catégorie de ces monstres qui en ont une peur bleue et se mettent à hurler en les voyant. Les hommes les reconnaissent à la forme et à la couleur de leurs tentacules.
Il faut dire que comme les souris ou les cafards, les hommes vivent dans des galeries creusées dans l’épaisseur des murs des demeures des monstres et à leurs crochets en pillant leurs réserves en nourritures et produits variés. Comme pour les souris et les cafards dans nos maisons, il leur est très dangereux de se risquer à découvert mais cela leur pourtant nécessaire pour s’approvisionner.
Le futur de l’humanité serait d’être réduit au statut de vermine prolifique et odorante parasitant une espèce qui la surpasse tant physiquement que par sa science et sa technologie.
Au premier degré il s’agit d’un livre de SF de facture assez classique, un roman d’aventure initiatique fort bien conduit, sans temps mort et plein de rebondissements. L’action se déroule dans un futur, proche ou lointain, où venus de l’espace des extra-terrestres ont envahi la planète et en sont devenu l’espèce dominante. Aux yeux des hommes déchus, ce sont des monstres, des géants immensément grands et outrageusement laids. Aux yeux de ces monstres les hommes ne sont que de la vermine, une vermine infecte qu’ils ne se hasarderaient pas à toucher avec leurs tentacules préhensiles et qu’ils attrapent avec des sortes de lanières sur lesquelles ils se retrouvent collés dès qu’elles les touchent. Il y a même une catégorie de ces monstres qui en ont une peur bleue et se mettent à hurler en les voyant. Les hommes les reconnaissent à la forme et à la couleur de leurs tentacules.
Il faut dire que comme les souris ou les cafards, les hommes vivent dans des galeries creusées dans l’épaisseur des murs des demeures des monstres et à leurs crochets en pillant leurs réserves en nourritures et produits variés. Comme pour les souris et les cafards dans nos maisons, il leur est très dangereux de se risquer à découvert mais cela leur pourtant nécessaire pour s’approvisionner.
Le futur de l’humanité serait d’être réduit au statut de vermine prolifique et odorante parasitant une espèce qui la surpasse tant physiquement que par sa science et sa technologie.
Ce roman d’aventure initiatique s’avère être une des fables la plus anti-anthropocentriste, voire antihumaniste de la Science-Fiction. L’homme n’y apparaît que comme une espèce parmi d’autres, certes dotée d’un sens moral mais qui ne l’a pourtant pas empêchée de mal se conduire vis-à-vis des autres espèces sœurs, proches, ou éloignées qu’il a traitées de façon analogue à celle dont le traitent les Monstres, de façon monstrueuse donc. Simplement l’homme est susceptible de se sentir plus ou moins consciemment coupable des exactions qu’il a commises envers ces autres espèces. D’ailleurs les rapports entre espèces sont envisagés essentiellement en termes de lutte, domination et prédation. Entre l’espèce humaine et l’espèce extraterrestre dominante, il y a incommunicabilité totale et absence totale d’empathie, comme entre les hommes d’hier (nous donc) et les rats, les souris, les cafards et plus généralement toutes les autres espèces domestiquées, exploitées ou tuées.
Pour les monstres les hommes ne sont que des bestioles à détruire. Il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils puissent avoir leur propre langage, une culture, qu’ils puissent exprimer des sentiments, ressentir des émotions, éprouver notamment peur et douleur. En fait, cela les indiffère. Ils se servent donc de ceux qu’ils ont capturés comme des animaux de laboratoire pour tester les pièges destinés à les détruire. Pour vérifier s’ils sont tous de la même espèce, ils dissèquent un individu par groupe capturé sans l’anesthésier (ce qui me fait penser aux lépidoptéristes qui, dans certains cas, examinent les « genitalia » des papillons capturés pour déterminer leur espèce ; il est vrai cependant qu’ils les ont tués au préalable en les gazant dans un bocal avec du cyanure). Les monstres traitent leurs captures, les générations humaines futures, comme les « scientifiques » d’aujourd’hui torturent, empoisonnent, tuent leurs animaux de laboratoires, notamment les rats et les souris qu’ils élèvent et manipulent génétiquement pour cela.
Le titre du roman « Des hommes et des monstres » renvoie à celui de John Steinbeck « Des souris et des hommes » instaurant une équivalence (souris ≡ hommes) et (hommes ≡ monstres). Les hommes sont aux souris dans notre réalité ce que les monstres sont aux hommes dans l’histoire qui nous est narrée.
Quoi de mieux pour faire prendre conscience de l’inhumanité de nos agissements envers les souris que de mettre des hommes à leur place et de nous décrire leur terreur, leur attente angoissée du supplice, leurs douleurs lorsqu’ils le subissent, leur résignation ou leurs efforts pour s’échapper.
Mais ce n’est pas tout. Et c’est là que la provoc est à son comble : les souris sont les hommes, elles révèlent leur essence : « une variété supérieure de vermine » capable de se répandre partout dans l’univers.
Et finalement, malgré les apparences, c’est la vermine qui gagne.
Bien entendu, il ne faut pas prendre tout cela au sérieux, un humour « pince-sans-rire » nous invite à ne pas le faire. Du moins, pas trop mais tout de même un peu…
Deux extraits
« D’accord, dit-il enfin en s’arrêtant. L’homme a assassiné ses frères tout au long de son histoire, et les races sœurs tout au long de sa préhistoire. (…) Et alors ?
– « Alors, examine un peu plus à fond le dossier du criminel. Et les autres espèces – celles qu’on pourrait appeler ses cousines ? Je t’ai parlé d’animaux qu’il avait domestiqués : le bœuf, l’âne, le cheval, le chien, le chat, le cochon. Tu sais ce que recouvre ce mot de domestication ? La castration d’un côté, l’hybridation de l’autre. Il enlevait aux petits le lait de leur mère. Il leur enlevait la peau du corps, il détachait la viande des os, pour ses besoins économiques, et dressait un animal à en conduire d’autres de sa propre espèce au massacre. Il déformait une créature à tel point qu’elle devenait la caricature d’elle-même – il en fut ainsi avec les chiens. Il enlevait son but au processus de la génération, de sorte que l’animal devenait une usine vivante d’œufs infertiles – il en fut ainsi avec les poules. Il enlevait à l’animal toute dignité, pour s’en servir dans ses sports – il en fut ainsi avec les chevaux et les taureaux. » (p. 194 de la traduction française)
« L’homme partage certaines caractéristiques significatives avec le rat et le cafard : il peut manger n’importe quoi ; il est foncièrement adaptable à une grande variété de conditions de vie ; il préfère vivre sur ce qu’autres créatures emmagasinent ou fabriquent biologiquement. La conclusion inévitable est que la nature l’a créé pour être une variété supérieure de vermine, et que seule l’absence dans son milieu originel, d’un hôte suffisamment riche l’a empêché de remplir son rôle d’éternel parasite, et l’a obligé à vivre de son industrie toujours affamé et toujours agressif. » (p. 241 de la traduction française)
Ces deux extraits constituent des « respirations » dans l’action. Il ne faut surtout pas croire que des tirades de ce genre sont dominantes dans l’ouvrage. Elles en explicitent néanmoins la philosophie d’arrière-plan.
Pour les monstres les hommes ne sont que des bestioles à détruire. Il ne leur vient pas à l’esprit qu’ils puissent avoir leur propre langage, une culture, qu’ils puissent exprimer des sentiments, ressentir des émotions, éprouver notamment peur et douleur. En fait, cela les indiffère. Ils se servent donc de ceux qu’ils ont capturés comme des animaux de laboratoire pour tester les pièges destinés à les détruire. Pour vérifier s’ils sont tous de la même espèce, ils dissèquent un individu par groupe capturé sans l’anesthésier (ce qui me fait penser aux lépidoptéristes qui, dans certains cas, examinent les « genitalia » des papillons capturés pour déterminer leur espèce ; il est vrai cependant qu’ils les ont tués au préalable en les gazant dans un bocal avec du cyanure). Les monstres traitent leurs captures, les générations humaines futures, comme les « scientifiques » d’aujourd’hui torturent, empoisonnent, tuent leurs animaux de laboratoires, notamment les rats et les souris qu’ils élèvent et manipulent génétiquement pour cela.
Le titre du roman « Des hommes et des monstres » renvoie à celui de John Steinbeck « Des souris et des hommes » instaurant une équivalence (souris ≡ hommes) et (hommes ≡ monstres). Les hommes sont aux souris dans notre réalité ce que les monstres sont aux hommes dans l’histoire qui nous est narrée.
Quoi de mieux pour faire prendre conscience de l’inhumanité de nos agissements envers les souris que de mettre des hommes à leur place et de nous décrire leur terreur, leur attente angoissée du supplice, leurs douleurs lorsqu’ils le subissent, leur résignation ou leurs efforts pour s’échapper.
Mais ce n’est pas tout. Et c’est là que la provoc est à son comble : les souris sont les hommes, elles révèlent leur essence : « une variété supérieure de vermine » capable de se répandre partout dans l’univers.
Et finalement, malgré les apparences, c’est la vermine qui gagne.
Bien entendu, il ne faut pas prendre tout cela au sérieux, un humour « pince-sans-rire » nous invite à ne pas le faire. Du moins, pas trop mais tout de même un peu…
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Deux extraits
« D’accord, dit-il enfin en s’arrêtant. L’homme a assassiné ses frères tout au long de son histoire, et les races sœurs tout au long de sa préhistoire. (…) Et alors ?
– « Alors, examine un peu plus à fond le dossier du criminel. Et les autres espèces – celles qu’on pourrait appeler ses cousines ? Je t’ai parlé d’animaux qu’il avait domestiqués : le bœuf, l’âne, le cheval, le chien, le chat, le cochon. Tu sais ce que recouvre ce mot de domestication ? La castration d’un côté, l’hybridation de l’autre. Il enlevait aux petits le lait de leur mère. Il leur enlevait la peau du corps, il détachait la viande des os, pour ses besoins économiques, et dressait un animal à en conduire d’autres de sa propre espèce au massacre. Il déformait une créature à tel point qu’elle devenait la caricature d’elle-même – il en fut ainsi avec les chiens. Il enlevait son but au processus de la génération, de sorte que l’animal devenait une usine vivante d’œufs infertiles – il en fut ainsi avec les poules. Il enlevait à l’animal toute dignité, pour s’en servir dans ses sports – il en fut ainsi avec les chevaux et les taureaux. » (p. 194 de la traduction française)
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« L’homme partage certaines caractéristiques significatives avec le rat et le cafard : il peut manger n’importe quoi ; il est foncièrement adaptable à une grande variété de conditions de vie ; il préfère vivre sur ce qu’autres créatures emmagasinent ou fabriquent biologiquement. La conclusion inévitable est que la nature l’a créé pour être une variété supérieure de vermine, et que seule l’absence dans son milieu originel, d’un hôte suffisamment riche l’a empêché de remplir son rôle d’éternel parasite, et l’a obligé à vivre de son industrie toujours affamé et toujours agressif. » (p. 241 de la traduction française)
Ces deux extraits constituent des « respirations » dans l’action. Il ne faut surtout pas croire que des tirades de ce genre sont dominantes dans l’ouvrage. Elles en explicitent néanmoins la philosophie d’arrière-plan.
Vendredi 27 Mai 2016
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