Y travailler, l’est sûrement, tout comme le fait de résider à moins de 250 mètres d’un vignoble. Sauf, évidement si celui-ci fournit du vin bio ou est en conversion bio.


Se promener dans les vignes peut être dangereux.
Générations Futures et Marie-Lys Bibeyran, une salariée agricole, ont mené une enquête dont l’objectif était de répondre à la question « Est-ce que les salariés viticoles, qui ne pulvérisent pas les pesticides, mais travaillent dans les vignes et les riverains des vignes sont contaminés par les pesticides viticoles ? ». Ainsi, entre mi-octobre et mi-novembre 2012, ils ont prélevé et fait analyser par le laboratoire Kudzu Science les mèches de cheveux de 25 personnes (15 salariés viticoles du bordelais, 10 non-salariés viticoles dont 5 riverains des vignes du bordelais et 5 « témoins » vivants loin des vignes) afin de mettre en lumière la présence ou non de résidus de pesticides viticoles.
Les résultats sont guère surprenants lorsque l’on sait que la vigne consomme à elle seule environ 20% des pesticides utilisés en France dont une majorité de fongicides (80%) alors qu’elle n’occupe que 3,7% de la SAU (surface agricole utile)(*). Mais il y a réellement de quoi s’inquiéter et de réclamer l’interdiction de tous ces poisons. Jugez-en plutôt : Il y a 11 fois plus de résidus de pesticides en moyenne chez les salariés viticoles que chez les non professionnels habitant loin de vignes (6,6 pesticides en moyenne contre 0.6) ! Les mèches de cheveux de 4 des 15 salariés viticoles recelaient 10 pesticides différents !

Chez les non-professionnels de la vigne habitants près des vignes, le laboratoire a trouvé 5 fois plus de résidus de pesticides en moyenne que chez ceux habitant loin des vignes (3 résidus de pesticides en moyenne trouvés chez les premiers contre 0,6 pour les seconds). 74 % des pesticides actuellement autorisés sur vigne de la liste, établie pour l’enquête, et recherchés ont été retrouvés au moins une fois chez les personnes testées ! Il y a même un produit interdit, le diuron qui a été retrouvé chez un professionnel. Il y a vraiment de quoi s’inquiéter lorsque l’on sait que plus de 45% de ces molécules sont classées cancérigènes possibles en Europe ou aux USA et que plus de 36% d’entre elles sont peut-être des perturbateurs endocriniens.
Pour ML Bibeyran « Il est indispensable de reconnaître le scandale sanitaire des pesticides en France, on ne peut plus être à la fois malade et être ignoré en tant que victime, c’est une double peine inacceptable ! Il faut interdire les pesticides sur lesquels planent les soupçons de cancérogénicité et sans délai d’écoulement des stocks !».
Si les gens qui travaillent dans les vignes où qui vivent à proximité immédiate d’un vignoble sont contaminés par autant de poisons, qu’en est-il du vin que nous buvons ? de ces bons Bourgognes, Bordeaux ou Beaujolais sans parler des Côtes du Rhône et d’autres comme le Saint-Pourçain, le Chanturgue et autres ?

Boire un verre de rouge peut l'être aussi

Selon le laboratoire Excell « différentes études confirment qu’il est fréquent de retrouver un ou plusieurs pesticides dans les vins finis (PAN Europe 2008, Enquête raisin/vin DGAL/SDQPV 1990-2003). Sur la base de plus de trois cents analyses réalisées au laboratoire EXCELL en 2009, les molécules les plus fréquemment rencontrées (dans plus de 40% des cas) sont des anti-botrytis (cyprodinil, pyrimethanil, iprodione, fenhexamide et procymidone) et un anti mildiou (isomère d’iprovalicarb). C’est éventuellement l’application tardive de certains traitements par rapport à la date de la vendange, les conditions climatiques, mais aussi et surtout le fort taux de transfert de ces molécules particulières du raisin au vin (Enquête raisin/vin DGAL/SDQPV 1990-2003) expliquent que ces pesticides se retrouvent plus systématiquement dans les vins. En moyenne, nous retrouvons 5 résidus de pesticides différents dans un même vin (avec un maximum de 9 simultanément) ! Seulement moins de 10% des vins contrôlés ne contiennent aucun résidus de pesticides (<0.5 µg/l) »

L’étude « Pan Europe 2008 » mentionnée dans la citation précédente fait date. Elle a fait l’objet d’un communiqué de presse particulièrement éclairant de la part du Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures (MDRGF) qui explique que le niveau de contamination des vins conventionnels est 5800 fois plus élevé que celui de l’eau potable : « Les niveaux de contamination dans cette étude sont variables et ne dépassent pas les limites maximales autorisées (LMR). Cependant, il est à noter qu’il n’existe pas de LMR vin a proprement parler mais qu’on se réfère à celles utilisées pour le raisin qui sont très élevées. Il faut en outre préciser que les niveaux de contamination observés dans le vin sont considérablement plus élevés que les niveaux tolérés pour les pesticides dans l’eau puisque qu’on a trouvé dans certains vins testés des quantités jusqu’à plus de 5800 fois supérieures aux Concentrations Maximales Admissibles (CMA) autorisées par pesticide dans l’eau du robinet ! » Beaucoup de ces résidus contiennent des molécules qui sont des cancérigènes possibles ou probables, des toxiques du développement ou de la reproduction, des perturbateurs endocriniens.

Se promener dans les vignes peut être dangereux.
Le magazine La vigne rapporte que « lors de son passage sur le pavillon des vins au Salon de l'agriculture à Paris ce samedi 23 février, François Hollande a dit aux responsables professionnels viticoles qu'avec lui, il n'y avait pas à s'inquiéter : le vin ne serait pas diabolisé » Accordons à F. Hollande que boire un petit verre d’un bon vin, c’est agréable et que cela ne tue pas plus que l’eau ferrugineuse, à condition, bien sûr de ne pas abuser ; ce que le président de la République a rappelé : «plus on éduque au vin, moins on consomme de manière frénétique » a-t-il déclaré. Malheureusement, il a oublié de préciser qu’il ne faudrait pas que la vigne rende malade ceux qui la soignent et que le vin intoxique ceux qui le produisent comme ceux qui le boivent avec toute la modération et l’éducation souhaitable.
Pour ne pas être réduit à ne boire que de l’eau et pour que l’âme du vin continue à chanter dans les bouteilles, il va falloir une fois de plus rappeler à l’ordre nos élus, le premier d’entre eux y compris, mais aussi les agriculteurs en général et les viticulteurs en particulier.
« Nos concitoyens auront l’occasion de demander, à nos côtés, la mise en place rapide de toutes ces mesures lors de la prochaine édition de la Semaine pour les alternatives aux pesticides qui aura lieu du 20 au 30 mars prochains dans toute la France, en Afrique ou encore dans d’autres pays européens de plus en plus nombreux. » rappelle N. Lauverjat, chargée de mission à Générations Futures.
Espérons que cette fois, les consommateurs seront entendus.

(*) La SAU est, selon la définition de l’INSEE, « une notion normalisée dans la statistique agricole européenne. Elle comprend les terres arables (y compris pâturages temporaires, jachères, cultures sous abri, jardins familiaux...), les surfaces toujours en herbe et les cultures permanentes (vignes, vergers...). » Elle ne comprend ni les bois, ni les forêts.

Enquête APAChe sur le site de Génération Future

Site du laboratoire Excell où l'on trouvera une analyse intéressante sur les pesticides dans le vin et les moyens de les éviter

Communiqué de presse du MDRGF du 26 mars 2008 qui contient en annexe les résultats détaillés des analyses de 40 bouteilles de vin rouge en provenance de France, d’Autriche, d’Allemagne, d’Italie, du Portugal, d’Afrique du sud, d’Australie et du Chili. 34 « étant issues de l’agriculture intensive conventionnelle et 6 de l’Agriculture Biologique. Ces dernières ne contenaient pas de pesticides à l’exception d’une seule qui contenait un pesticide en très faible quantité.
S’ils confirment pour les vins issus de l’agriculture conventionnelle les résultats de l’étude Pan Europe 2008, Il semblerait que les résultats obtenus par 60 millions de Consommateurs sont nettement moins favorables pour les vins bios : « Des onze vins bios étudiés, seuls deux ne contenaient aucun des polluants recherchés. Dans l’un d’entre eux ont même été trouvées treize molécules différentes ! Les professionnels expliquent que ces traces de polluants sont liées à des contaminations accidentelles, les parcelles biologiques étant proches des vignes conventionnelles qui utilisent des produits phytosanitaires. »

Photos : Vignes sur le coteau de Châteaugay à la fin de l'hiver -Jean-François Dumas, Hollande-SIA-Dorothee-Franjus-CNIV, La vigne

Lundi 25 Février 2013 Commentaires (0)
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