Les zones de protections renforcées : nouvelles menaces sur le loup en France
Mercredi 30 janvier, le Sénat a adopté une proposition de loi qui institue des « zones de protection renforcées » contre le loup contre l’avis du gouvernement représenté par la ministre de l’environnement Delphine Batho. S’il était voté aussi par l’assemblée nationale ce projet de loi permettrait l’abattage de loups, sans sommations, ni recherche de solutions alternatives et indépendamment du quota défini au niveau national. Un plafond de destruction spécifique serait ddéterminé annuellement par arrêté préfectoral pour chaque zone. Le texte stipule que ce sont les préfets qui auront à délimiter ces zones dans chaque département concerné des régions Rhône-Alpes, Auvergne, Provence-Côte d’Azur et Franche-Comté.

Le texte a été présenté par Alain Bertrand, sénateur de la Lozère, PS mais inscrit au groupe RDSE, membre du groupe « chasse » au Sénat. Signalons au passage que cet élu cumule avec son mandat de sénateur ceux de maire de Mende, de vice-président du conseil régional du Languedoc-Roussillon et de président de la Communauté de Communes Cœur de Lozère. Directement inspirée par les lobbies des éleveurs et de la chasse, cette proposition de loi a été adoptée par 208 voix (131 contre). Le RDSE, l’UMP et les centristes (UDI-UC) ont voté pour. Le CRC (communiste) et EELV ont voté contre ainsi que la majorité du PS.
Suite à ce vote, voici la réaction d’un ensemble d’associations de défense de la nature et de l’environnement qui dénonce ce texte, inéglitaire, illégal au regard des conventions internationales signées par la France et qui est en outre un non-sens éthologique, ce qui rendra la mesure inefficace contre la prédation.

Le 28 janvier 2013

Objet : proposition de loi visant à créer des zones de protection renforcée contre le loup

Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,

Un débat parlementaire est prévu le 30 janvier prochain sur la proposition de loi déposée au Sénat
par Alain Bertrand (RDSE) visant à « créer des zones d'exclusion pour le loup ». La commission du
développement durable du Sénat lors de sa séance du 23 janvier 2013 y a apporté des
amendements transformant la dénomination des zones d’exclusion en « zone de protection
renforcée contre le loup ». Cette proposition de loi vise donc à créer « des zones de protection
renforcée contre le loup regroupant les communes dans lesquelles des dommages importants sont
constatés, causant une perturbation de grande ampleur aux activités pastorales en dépit des
mesures de protection susceptibles d’assurer un équilibre entre les intérêts économiques et
sociaux et la protection de l’environnement ».
Les associations signataires souhaitent attirer votre attention sur le fait que ce texte
n'est ni applicable sur le terrain, ni juridiquement valide. Cette proposition destinée en
priorité à donner l'illusion à la filière de l'élevage ovin que des parlementaires prennent en compte
les contraintes occasionnées par le retour du loup aboutit à un nouveau texte inadapté, alors même
que d'autres dispositions, plus courageuses et accessibles, seraient de nature à favoriser une
cohabitation apaisée avec cette espèce protégée au niveau européen.
Pourquoi cette proposition de loi n'est-elle pas la solution ?
Pour des raisons politiques et d'équité d'abord, que des éleveurs du sud-est n'ont pas manqué de
rappeler lors de la réunion du Groupe national Loup du 19 décembre dernier. Comment imaginer
qu'il soit possible pour l'administration de désigner des zones d'exclusion pertinentes où le loup
serait à priori systématiquement détruit pendant que les éleveurs d'autres territoires où le loup est
présent devraient se protéger avant de bénéficier en cas de dommages récurrents de la possibilité
dérogatoire ? L'imprécision dans le projet de texte quant aux "mesures de protection susceptibles
d'assurer un équilibre entre les intérêts économiques et sociaux et la protection de
l'environnement" avant définition de ces "zones de protection renforcée" ouvre la voie à toutes les
surenchères ; ceci alors que le cadre dérogatoire prévu par la Directive et la gestion adaptative
permettent de répondre aux situations différenciées.
Pour des raisons biologiques ensuite. Le loup est une espèce très mobile, et la création de
"zones de protection renforcée contre le loup" ne ferait que renforcer la pression de
l'espèce sur les territoires voisins non "zonés"... à moins que l'objectif - et la logique sousjacente
à cette proposition - soit qu'un maximum de ces territoires soient définis comme "zones de
protection renforcée", auquel cas pour le moins le « maintien, dans un état de conservation
favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle »
(termes de la Directive) ne serait plus du tout garanti, et par conséquence ce type de disposition
serait contradictoire avec le cadre réglementaire.
Enfin pour des raisons juridiques, car cette proposition de loi est incompatible avec la directive
"Habitats". En premier lieu parce que la directive Habitats oblige les Etats à maintenir dans un état
de conservation favorable l'espèce dans son aire de répartition naturelle. En second lieu car dans ce
projet la disposition selon laquelle "l'abattage de loups est autorisé dans les zones d'exclusion
indépendamment du prélèvement défini au niveau national" ne permettrait plus un cadrage global
des "prélèvements" et invaliderait la méthode de suivi de l'évolution de la population de loup.
Au-delà de cette critique sur le fond de cette proposition de loi, le calendrier de celle-ci est une
négation de la concertation du nouveau "plan loup" 2013/2017. La gestion de la présence du loup
ne peut passer que par la mise en oeuvre du "Plan d’Action National sur le Loup 2013-2017, dans le
contexte français d’une activité importante et traditionnelle d’élevage" dont l'élaboration arrive à
son terme. Ce plan va être rendu public prochainement et il serait incompréhensible que les élus
fassent fi de ce travail en votant des lois qui remettent en cause l'équilibre de ce nouveau plan.
Selon nos associations, un effort doit être particulièrement fait dans les années à venir dans la
poursuite du soutien à la mise en oeuvre et au développement des mesures de protection, mais
également dans la mise en place de nouvelles expérimentations en la matière selon les contextes
d'élevage et de territoires. C’est tout un plan de relance ovin qu’il faudrait mettre en oeuvre.
Pour votre information, nous vous transmettons un document qui fait le point sur différents
aspects relatifs à la présence du loup (pastoralisme, faune sauvage, chasse,...).
Nous vous demandons en conséquence de ne pas soutenir cette proposition de loi, qui ne
constitue pas une solution d'appui aux éleveurs et ouvrirait la voie à de nombreux contentieux.
Nous sommes à votre disposition pour tout échange.
Nous vous prions d'agréer, Madame la Sénatrice, monsieur le Sénateur, l'expression de nos
salutations respectueuses.


Po/ANIMAL CROSS - la présidente - Valérie Thomé
Po/l'ASPAS - le président - Pierre Athanaze
Po/FERUS - le président - Jean François Darmstaedter
Po/France Nature Environnement - le président - Bruno Genty
Po/la FRAPNA - le président - Eric Feraille
Po/le GEML - Yann Lebecel
Po/la LPO - le président - Allain Bougrain Dubourg
Po/MILLE TRACES - la présidente - Sylvie Thirion
Po la SFEPM - le président - Stéphane Aulagnier
Po/la SPA - le directeur - Luc Cazenave
Po/le WWF - la présidente - Isabelle Autissier
Contacts
FNE – Réseau biodiversité
8, rue Adèle Riton
67000 Strasbourg
Tél : 03 88 32 91 14
Courriel : nature@fne.asso.fr
Ferus
BP 80114
13718 ALLAUCH Cedex
Tél : 04 91 05 05 46
Courriel : ferus1@wanadoo.fr

Photo : Canis lupus Bernard Landgraf Wikimedia Commons

Mardi 5 Février 2013 Commentaires (0)
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