Résumé : Après avoir établi que sous le terme « climato-sceptique » étaient regroupées des positions diverses vis-à-vis du changement climatique, de son évolution et de ses conséquences, on montre que le terme utilisé pour désigner ces diverses attitudes est impropre dans la mesure où les dits « climato-sceptiques » ne sont pas sceptiques en fait. Quelques-unes des diverses formes de scepticisme en matière de changement climatique sont alors esquissées.
Dans la dernière partie de l’article, étant admis que le véritable scepticisme en matière du changement climatique en cours est d’un point de vue théorique l’attitude (ou la « famille » d’attitudes) la plus rationnelle, on montre que celle-ci n’est pas, contrairement aux apparences, un obstacle à toute forme d’agir et l’on tente de justifier l’une d’entre elles.
Un « climato-scepticisme » aux multiples visages
On appelle communément « climato-sceptiques » ceux qui rejettent la doxa dominante issue des travaux du GIEC sur le « changement climatique », en fait un réchauffement climatique dû pour l’essentiel aux activités humaines et dont les conséquences seraient catastrophiques. Sont ainsi regroupés sous la même dénomination
(a1) ceux qui nient qu’un réchauffement global de la planète d’une ampleur inédite a eu lieu au vingtième siècle jusqu’à nos jours,
(a1 bis) ceux qui estiment que la notion de réchauffement global de la planète n’a pas de sens physique,
(a2) ceux qui nie que ce réchauffement global, en admettant qu’il ait eu lieu au vingtième siècle, va se poursuivre et prendre de l’ampleur,
(b) ceux qui nient que le réchauffement en cours est, et sera s’il perdure, d’origine anthropique,
(c) ceux qui nient que ce réchauffement en cours, à supposer qu’il se poursuive, aura les conséquences catastrophiques prédites ; ou qui nient telle ou telle conséquence catastrophique particulière annoncée ; ou bien encore qui nient qu’il sera d’une ampleur suffisante pour être la cause principale de telle ou telle catastrophe annoncée qui lui est imputée, ou de toutes.
Souscrire à (a1 bis), c’est rendre (b) et (c) sans objet. Accepter (a1), c’est rejeter (b) et (c) comme sans objet ou faux. On peut souscrire à (a2) sans souscrire à (b). Accepter (a1) ou (a2) implique d’adopter la dernière partie de la disjonction (c).
Accepter (b), c’est nier (a1) mais pas nécessairement (a2) et admettre ou non (c). Et inversement accepter (c), c’est laisser ouverte la question de savoir si (b) est vrai ou non – on peut l’admettre ou non – mais c’est aussi nier que (a1) soit vrai alors qu’il est possible d’admettre ou non (a2). Des choix différents entraînent évidemment des formes différentes de «climato-scepticisme».
Les climato-sceptiques ne sont pas sceptiques !
Il peut donc y avoir plusieurs formes très différentes les unes des autres de climato-scepticisme. Tel que formulé (c) à lui seul en recouvre un grand nombre. On voit déjà avec cette tentative d’élucidation que le terme de «climato-sceptique » est pour le moins ambigu.
On appelle communément « climato-sceptiques » ceux qui rejettent la doxa dominante issue des travaux du GIEC sur le « changement climatique », en fait un réchauffement climatique dû pour l’essentiel aux activités humaines et dont les conséquences seraient catastrophiques. Sont ainsi regroupés sous la même dénomination
(a1) ceux qui nient qu’un réchauffement global de la planète d’une ampleur inédite a eu lieu au vingtième siècle jusqu’à nos jours,
(a1 bis) ceux qui estiment que la notion de réchauffement global de la planète n’a pas de sens physique,
(a2) ceux qui nie que ce réchauffement global, en admettant qu’il ait eu lieu au vingtième siècle, va se poursuivre et prendre de l’ampleur,
(b) ceux qui nient que le réchauffement en cours est, et sera s’il perdure, d’origine anthropique,
(c) ceux qui nient que ce réchauffement en cours, à supposer qu’il se poursuive, aura les conséquences catastrophiques prédites ; ou qui nient telle ou telle conséquence catastrophique particulière annoncée ; ou bien encore qui nient qu’il sera d’une ampleur suffisante pour être la cause principale de telle ou telle catastrophe annoncée qui lui est imputée, ou de toutes.
Souscrire à (a1 bis), c’est rendre (b) et (c) sans objet. Accepter (a1), c’est rejeter (b) et (c) comme sans objet ou faux. On peut souscrire à (a2) sans souscrire à (b). Accepter (a1) ou (a2) implique d’adopter la dernière partie de la disjonction (c).
Accepter (b), c’est nier (a1) mais pas nécessairement (a2) et admettre ou non (c). Et inversement accepter (c), c’est laisser ouverte la question de savoir si (b) est vrai ou non – on peut l’admettre ou non – mais c’est aussi nier que (a1) soit vrai alors qu’il est possible d’admettre ou non (a2). Des choix différents entraînent évidemment des formes différentes de «climato-scepticisme».
Les climato-sceptiques ne sont pas sceptiques !
Il peut donc y avoir plusieurs formes très différentes les unes des autres de climato-scepticisme. Tel que formulé (c) à lui seul en recouvre un grand nombre. On voit déjà avec cette tentative d’élucidation que le terme de «climato-sceptique » est pour le moins ambigu.
De plus, il est impropre : aucun de ceux que l’on peut regrouper sous (a), (b) ou (c) ne sont des sceptiques au sens propre du terme. Est «sceptique» celui ou celle qui doute et estime qu’il est impossible de choisir rationnellement entre une thèse et sa négation. En conséquence il suspend son jugement. Or, si ceux que l’on peut regrouper sous (a), (b), ou (c) ont bien un point commun, c’est qu’ils ne doutent pas. Ils ne suspendent nullement leur jugement en la circonstance. Ils nient une ou plusieurs des assertions avancées par les réchauffistes catastrophistes du GIEC ou d’ailleurs.
Si on les a baptisés ainsi, c’est sans doute en référence à leur position vis-à-vis des assertions du GIEC. Ils les rejettent, toutes ou seulement quelque unes : ils n’y croient pas. Or ne pas croire une assertion, c’est faire preuve de scepticisme à son égard. Cependant le climato-sceptique ne se borne pas à ne pas croire aux assertions du GIEC, il pense qu’elles sont fausses et qu’il est en mesure de le prouver. Les climato-sceptiques ne se meuvent pas dans le simple domaine de la croyance, de l’opinion mais dans celui de la connaissance, c’est-à-dire celui des croyances prouvées. En fin de compte, ils ne sont pas sceptiques du tout.
Pour bien comprendre la différence, on peut remarquer qu’il y a là une confusion analogue à celle que l’on rencontre parfois à propos de la question de « l’existence de Dieu ». Face à cette question, il n’y a pas deux grandes familles de positions possibles mais trois. Il y a celui qui affirme cette existence (le croyant), celui qui la nie (l’athée) mais il y a aussi celui qui avoue ne pas savoir (l’agnostique). Il est remarquable que le terme « agnostique » ne soit pas un terme du langage courant. L’athée et l’agnostique sont souvent confondus comme des « incroyants ». Certes, ils le sont l’un et l’autre mais seul l’agnostique est sceptique. En matière de réchauffement climatique, on met souvent « dans un même sac » l’athée, c’est-à-dire celui qui croit que les prophéties du GIEC sont fausses et l’agnostique, c’est-à-dire le sceptique, celui qui considère que ni le GIEC, ni ses contradicteurs n’ont de preuves concluantes, qu’il faut donc se garder d’affirmer l’une ou l’autre thèse, que la raison commande de suspendre son jugement.
Si pour simplifier l’on fait abstraction de la question du passé climatique de la Terre et de ses variations, les véritables sceptiques sur la question de l’évolution climatique en cours sont ceux qui
(a’) doutent si un réchauffement global de la planète est ou n’est pas en cours, ou doutent s’il va ou ne va pas se poursuivre, ou doutent s’il va prendre ou non de l’ampleur,
(b’) doutent qu’il soit d’origine anthropique mais doutent tout autant qu’il n’ait pas une telle origine,
(c’) ne peuvent se prononcer sur la question de savoir si ce réchauffement, à supposer qu’il se poursuive, aura ou non telle ou telle conséquence, catastrophique ou non.
Comme c’est le cas pour les réchauffistes et leurs contradicteurs, on peut être un sceptique vrai de différentes manières. Par exemple, on peut être sceptique sur l’ampleur du réchauffement climatique et son devenir mais pas sur son origine. On peut à l’inverse ne pas douter de son ampleur, ni de son devenir mais être sceptique quant à son origine, etc...
Un vrai sceptique en matière de réchauffement climatique renvoie dos-à-dos le réchauffiste catastrophiste et son contradicteur. Eux savent, affirment. Lui suspend son jugement, ni n’affirme, ni ne nie.
Quelques climatologues, une fois à la retraite, ont le courage d’afficher cette position sceptique au vrai sens du terme.! Ainsi Garth Paltridge, climatologue australien renommé, aujourd’hui retraité (Professeur émérite à l’Université de Tasmanie) qui déclare : « La probabilité que l'on prouve que le changement climatique durant le siècle prochain sera suffisamment important pour conduire au désastre est virtuellement nulle. Pour la même raison, la probabilité qu'un climato-sceptique ou qui que ce soit d'autre dans cette affaire, prouve que la théorie du désastre est totalement exagérée est aussi virtuellement nulle. De ce fait, le terrain d'affrontement pour les deux partenaires du débat est sur un plan d'égalité. »
Selon ce climatologue, parmi les membres de sa profession, la position sceptique serait beaucoup plus commune que l’on pourrait le supposer mais « le problème est que la recherche climatique exige d'énormes ressources et qu'il s'agit d'un jeu entre les institutions et les organisations. Le scepticisme est une affaire d'individus. Les choses étant ce qu'elles sont dans le domaine du changement climatique, le scepticisme exercé par un individu peut s'avérer être un facteur sévèrement limitant pour la poursuite d'une carrière. » Il est donc préférable de taire ses doutes dans l’intérêt de celle-ci. Constat alarmant sur l’état de la recherche en climatologie, constat qui explique que ceux qui « dressent leur tête au-dessus du parapet » sont pour beaucoup des « professeurs émérites » c’est-à-dire des scientifiques à la retraite.
Il est curieux de voir comment les partisans des thèses du GIEC qu’ils soient journalistes, chercheurs, historiens ou philosophes des sciences, condamnent le doute et mettent en avant le « consensus d’une communauté scientifique ». Passe encore pour les journalistes dont les idées simplistes sur les sciences et l’activité scientifique rejoignent celles de « l’homme de la rue » pour qui « scientifique » signifie « prouvé », mais pour les épistémologues, les historiens des sciences, une telle régression dans un dogmatisme scientiste d’un autre âge laisse pantois. Peut-on être une ou un historien des sciences et ignorer que les consensus d’aujourd’hui sont presque toujours les erreurs de demain, que les « minoritaires » du jour seront souvent les fondateurs ou les précurseurs de demain ? Affligeant ! D’autant plus que la controverse entre les réchauffistes et leurs contradicteurs dégénère souvent avec l’utilisation de part et d’autre d’arguments ad hominem du plus bas niveau.
La position sceptique sur le réchauffement climatique, un obstacle à l’agir ?
Au vu des controverses, des données, de leur fiabilité, des écarts entre les prévisions des modèles et les événements, la position sceptique est sans doute la plus rationnelle sur le plan théorique. Mais ne laisse-t-elle pas à désirer au niveau de l’agir ?
Le scepticisme est une philosophie de la perplexité et de l’embarras et il pourrait sembler que pour ceux qui veulent agir, pour les «décideurs», les vraies positions sceptiques sur la question du changement climatique soient effectivement embarrassantes. S’ils les adoptent, seront-ils comme l’âne de Buridan plongés dans l’indécision et incapables d’agir ? La vraie position sceptique dans le cas du changement climatique serait-elle incompatible avec toute action ?
Il est évident que l’on peut s’appuyer sur les positions sceptiques pour ne rien faire, plaider pour un statut quo : attendre et voir venir ! Ce n’est cependant pas la seule possibilité. Il faut d’abord remarquer que les situations relatives à l’agir dans laquelle nous mettent les positions sceptiques dans le cas du réchauffement climatique n’ont rien d’extraordinaire. En règle générale, l’avenir est imprévisible et ce n’est que tout à fait exceptionnellement que l’on peut le prédire à coup sûr. Pour reprendre les termes employés par Jean-Pierre Dupuy dans son ouvrage Pour un catastrophisme éclairé, un voile d’ignorance le recouvre.
Néanmoins on peut estimer que le futur est gros de catastrophes à venir mais dont on ne sait si elles se réaliseront ou non. Bref, il s’agit de menaces. Lorsque l’on est en montagne et que l’orage menace, rester sur la ligne de crêtes serait stupide mais si par la suite le ciel vient à s’éclaircir, on regrettera d’avoir battu en retraite ! L’idéal, c’est de trouver une position de repli qui permette à la fois de satisfaire l’optimiste insouciant et le pessimiste inquiet.
Adopter « la posture catastrophique » (Jean-Pierre Dupuy), c’est estimer que si l’on ne fait rien pour l’empêcher, la catastrophe annoncée se produira et donc qu’il faut prendre, avant qu’il ne soit trop tard, des mesures radicales pour éviter ce désastre annoncé, ici un emballement du réchauffement et l’enfer associé. Mais une autre possibilité existe face à un désastre redouté dont on ne sait s’il se produira ou non en fin de compte. Jean-Pierre Dupuy la nomme « la stratégie du sans regret ». Selon cette stratégie, il est impératif de ne rien faire que l'on regretterait d'avoir fait s'il advenait « une fois levé ce voile d'ignorance que constitue l'imprévisibilité de l'avenir, que les prophètes de malheur avaient eu tort » (p. 128, note 100). Les deux attitudes face à une menace potentielle peuvent être antagonistes si dans un cas donné «ne rien faire que l'on regretterait d'avoir fait » revient à ne rien faire du tout. C’est bien souvent ce que recommandent les « climato-sceptiques » face à ce que les prophètes de malheur, le GIEC, la fondation Hulot, le Réseau Action Climat proposent comme mesures d’évitement. Pourtant dans bien des cas, et notamment dans celui du « changement climatique » il est possible de proposer des mesures capables de satisfaire à la fois les prophètes de malheurs et les partisans de la stratégie du sans regret (voir mon article « Pour éviter le pire… » ici-même).
Cette recherche de mesures d’évitement qui satisfassent aux deux postures est, elle aussi, en harmonie avec la position sceptique sur ces questions du changement climatique puisqu’elle ne préjuge de la vérité ou de la fausseté ni des thèses des réchauffistes catastrophistes, ni de celles des dits « climato-sceptiques ». Invitation à faire preuve de modestie, elle évite la politique de l’autruche et l’immobilisme en prenant en compte la prophétie de malheur tout en en modérant les ardeurs.
Donc, si l’on adopte la vraie position sceptique sur le réchauffement climatique, deux attitudes sont possibles en ce qui concerne l’agir : ne rien faire ou adopter des mesures d’évitement satisfaisant à la fois la posture catastrophique et la stratégie du « sans regret ». Laquelle choisir ?
« Ne rien faire et voir venir » est certes rationnel en la circonstance mais n’est guère raisonnable. Dans la mesure où la nécessité de satisfaire à la stratégie du « sans regret » oblige à faire preuve d’une grande prudence dans le choix des mesures d’évitement et d’un examen minutieux et soupçonneux de leurs possibles inconvénients, la seconde attitude est tout autant rationnelle et nettement plus raisonnable que la première. C’est sur elle que doit porter un choix raisonné d’autant que les mesures proposées dans ce contexte auront toutes les chances d’être « socialement admissibles ». Cette attitude est, en outre, conforme au principe de précaution tel qu’inscrit dans l’article 5 de la Charte de l’environnement intégrée à la Constitution française qui stipule : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre des procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Si on les a baptisés ainsi, c’est sans doute en référence à leur position vis-à-vis des assertions du GIEC. Ils les rejettent, toutes ou seulement quelque unes : ils n’y croient pas. Or ne pas croire une assertion, c’est faire preuve de scepticisme à son égard. Cependant le climato-sceptique ne se borne pas à ne pas croire aux assertions du GIEC, il pense qu’elles sont fausses et qu’il est en mesure de le prouver. Les climato-sceptiques ne se meuvent pas dans le simple domaine de la croyance, de l’opinion mais dans celui de la connaissance, c’est-à-dire celui des croyances prouvées. En fin de compte, ils ne sont pas sceptiques du tout.
Pour bien comprendre la différence, on peut remarquer qu’il y a là une confusion analogue à celle que l’on rencontre parfois à propos de la question de « l’existence de Dieu ». Face à cette question, il n’y a pas deux grandes familles de positions possibles mais trois. Il y a celui qui affirme cette existence (le croyant), celui qui la nie (l’athée) mais il y a aussi celui qui avoue ne pas savoir (l’agnostique). Il est remarquable que le terme « agnostique » ne soit pas un terme du langage courant. L’athée et l’agnostique sont souvent confondus comme des « incroyants ». Certes, ils le sont l’un et l’autre mais seul l’agnostique est sceptique. En matière de réchauffement climatique, on met souvent « dans un même sac » l’athée, c’est-à-dire celui qui croit que les prophéties du GIEC sont fausses et l’agnostique, c’est-à-dire le sceptique, celui qui considère que ni le GIEC, ni ses contradicteurs n’ont de preuves concluantes, qu’il faut donc se garder d’affirmer l’une ou l’autre thèse, que la raison commande de suspendre son jugement.
Si pour simplifier l’on fait abstraction de la question du passé climatique de la Terre et de ses variations, les véritables sceptiques sur la question de l’évolution climatique en cours sont ceux qui
(a’) doutent si un réchauffement global de la planète est ou n’est pas en cours, ou doutent s’il va ou ne va pas se poursuivre, ou doutent s’il va prendre ou non de l’ampleur,
(b’) doutent qu’il soit d’origine anthropique mais doutent tout autant qu’il n’ait pas une telle origine,
(c’) ne peuvent se prononcer sur la question de savoir si ce réchauffement, à supposer qu’il se poursuive, aura ou non telle ou telle conséquence, catastrophique ou non.
Comme c’est le cas pour les réchauffistes et leurs contradicteurs, on peut être un sceptique vrai de différentes manières. Par exemple, on peut être sceptique sur l’ampleur du réchauffement climatique et son devenir mais pas sur son origine. On peut à l’inverse ne pas douter de son ampleur, ni de son devenir mais être sceptique quant à son origine, etc...
Un vrai sceptique en matière de réchauffement climatique renvoie dos-à-dos le réchauffiste catastrophiste et son contradicteur. Eux savent, affirment. Lui suspend son jugement, ni n’affirme, ni ne nie.
Quelques climatologues, une fois à la retraite, ont le courage d’afficher cette position sceptique au vrai sens du terme.! Ainsi Garth Paltridge, climatologue australien renommé, aujourd’hui retraité (Professeur émérite à l’Université de Tasmanie) qui déclare : « La probabilité que l'on prouve que le changement climatique durant le siècle prochain sera suffisamment important pour conduire au désastre est virtuellement nulle. Pour la même raison, la probabilité qu'un climato-sceptique ou qui que ce soit d'autre dans cette affaire, prouve que la théorie du désastre est totalement exagérée est aussi virtuellement nulle. De ce fait, le terrain d'affrontement pour les deux partenaires du débat est sur un plan d'égalité. »
Selon ce climatologue, parmi les membres de sa profession, la position sceptique serait beaucoup plus commune que l’on pourrait le supposer mais « le problème est que la recherche climatique exige d'énormes ressources et qu'il s'agit d'un jeu entre les institutions et les organisations. Le scepticisme est une affaire d'individus. Les choses étant ce qu'elles sont dans le domaine du changement climatique, le scepticisme exercé par un individu peut s'avérer être un facteur sévèrement limitant pour la poursuite d'une carrière. » Il est donc préférable de taire ses doutes dans l’intérêt de celle-ci. Constat alarmant sur l’état de la recherche en climatologie, constat qui explique que ceux qui « dressent leur tête au-dessus du parapet » sont pour beaucoup des « professeurs émérites » c’est-à-dire des scientifiques à la retraite.
Il est curieux de voir comment les partisans des thèses du GIEC qu’ils soient journalistes, chercheurs, historiens ou philosophes des sciences, condamnent le doute et mettent en avant le « consensus d’une communauté scientifique ». Passe encore pour les journalistes dont les idées simplistes sur les sciences et l’activité scientifique rejoignent celles de « l’homme de la rue » pour qui « scientifique » signifie « prouvé », mais pour les épistémologues, les historiens des sciences, une telle régression dans un dogmatisme scientiste d’un autre âge laisse pantois. Peut-on être une ou un historien des sciences et ignorer que les consensus d’aujourd’hui sont presque toujours les erreurs de demain, que les « minoritaires » du jour seront souvent les fondateurs ou les précurseurs de demain ? Affligeant ! D’autant plus que la controverse entre les réchauffistes et leurs contradicteurs dégénère souvent avec l’utilisation de part et d’autre d’arguments ad hominem du plus bas niveau.
La position sceptique sur le réchauffement climatique, un obstacle à l’agir ?
Au vu des controverses, des données, de leur fiabilité, des écarts entre les prévisions des modèles et les événements, la position sceptique est sans doute la plus rationnelle sur le plan théorique. Mais ne laisse-t-elle pas à désirer au niveau de l’agir ?
Le scepticisme est une philosophie de la perplexité et de l’embarras et il pourrait sembler que pour ceux qui veulent agir, pour les «décideurs», les vraies positions sceptiques sur la question du changement climatique soient effectivement embarrassantes. S’ils les adoptent, seront-ils comme l’âne de Buridan plongés dans l’indécision et incapables d’agir ? La vraie position sceptique dans le cas du changement climatique serait-elle incompatible avec toute action ?
Il est évident que l’on peut s’appuyer sur les positions sceptiques pour ne rien faire, plaider pour un statut quo : attendre et voir venir ! Ce n’est cependant pas la seule possibilité. Il faut d’abord remarquer que les situations relatives à l’agir dans laquelle nous mettent les positions sceptiques dans le cas du réchauffement climatique n’ont rien d’extraordinaire. En règle générale, l’avenir est imprévisible et ce n’est que tout à fait exceptionnellement que l’on peut le prédire à coup sûr. Pour reprendre les termes employés par Jean-Pierre Dupuy dans son ouvrage Pour un catastrophisme éclairé, un voile d’ignorance le recouvre.
Néanmoins on peut estimer que le futur est gros de catastrophes à venir mais dont on ne sait si elles se réaliseront ou non. Bref, il s’agit de menaces. Lorsque l’on est en montagne et que l’orage menace, rester sur la ligne de crêtes serait stupide mais si par la suite le ciel vient à s’éclaircir, on regrettera d’avoir battu en retraite ! L’idéal, c’est de trouver une position de repli qui permette à la fois de satisfaire l’optimiste insouciant et le pessimiste inquiet.
Adopter « la posture catastrophique » (Jean-Pierre Dupuy), c’est estimer que si l’on ne fait rien pour l’empêcher, la catastrophe annoncée se produira et donc qu’il faut prendre, avant qu’il ne soit trop tard, des mesures radicales pour éviter ce désastre annoncé, ici un emballement du réchauffement et l’enfer associé. Mais une autre possibilité existe face à un désastre redouté dont on ne sait s’il se produira ou non en fin de compte. Jean-Pierre Dupuy la nomme « la stratégie du sans regret ». Selon cette stratégie, il est impératif de ne rien faire que l'on regretterait d'avoir fait s'il advenait « une fois levé ce voile d'ignorance que constitue l'imprévisibilité de l'avenir, que les prophètes de malheur avaient eu tort » (p. 128, note 100). Les deux attitudes face à une menace potentielle peuvent être antagonistes si dans un cas donné «ne rien faire que l'on regretterait d'avoir fait » revient à ne rien faire du tout. C’est bien souvent ce que recommandent les « climato-sceptiques » face à ce que les prophètes de malheur, le GIEC, la fondation Hulot, le Réseau Action Climat proposent comme mesures d’évitement. Pourtant dans bien des cas, et notamment dans celui du « changement climatique » il est possible de proposer des mesures capables de satisfaire à la fois les prophètes de malheurs et les partisans de la stratégie du sans regret (voir mon article « Pour éviter le pire… » ici-même).
Cette recherche de mesures d’évitement qui satisfassent aux deux postures est, elle aussi, en harmonie avec la position sceptique sur ces questions du changement climatique puisqu’elle ne préjuge de la vérité ou de la fausseté ni des thèses des réchauffistes catastrophistes, ni de celles des dits « climato-sceptiques ». Invitation à faire preuve de modestie, elle évite la politique de l’autruche et l’immobilisme en prenant en compte la prophétie de malheur tout en en modérant les ardeurs.
Donc, si l’on adopte la vraie position sceptique sur le réchauffement climatique, deux attitudes sont possibles en ce qui concerne l’agir : ne rien faire ou adopter des mesures d’évitement satisfaisant à la fois la posture catastrophique et la stratégie du « sans regret ». Laquelle choisir ?
« Ne rien faire et voir venir » est certes rationnel en la circonstance mais n’est guère raisonnable. Dans la mesure où la nécessité de satisfaire à la stratégie du « sans regret » oblige à faire preuve d’une grande prudence dans le choix des mesures d’évitement et d’un examen minutieux et soupçonneux de leurs possibles inconvénients, la seconde attitude est tout autant rationnelle et nettement plus raisonnable que la première. C’est sur elle que doit porter un choix raisonné d’autant que les mesures proposées dans ce contexte auront toutes les chances d’être « socialement admissibles ». Cette attitude est, en outre, conforme au principe de précaution tel qu’inscrit dans l’article 5 de la Charte de l’environnement intégrée à la Constitution française qui stipule : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attribution, à la mise en œuvre des procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »
Lundi 18 Août 2014
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